CHRONIQUES TUTTI FRUTTI


Chroniques et rendez-vous culturels, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Parfois même humeuristiques sic ! Au gré des envies et des propositions des contributeurs. Publiés généralement le week-end. Animés par Jean-Claude Ribaut et Dominique Painvin, et, depuis 2020, également par Carole Aurouet, Vianney Huguenot et Timothy Adès.


Jean-Claude Ribaut, architecte écrivain, promeneur-chroniqueur gastronomique, au Monde pendant plus de vingt ans, est, comme le note Bernard Pivot, « grand lecteur, sa culture artistique et littéraire est impressionnante. Il ne l’étale pas. Il ne la convoque que lorsque les adresses sont des lieux de mémoire. Il embarque avec lui Baudelaire, Ernest Hemingway, Céline, Apollinaire, Tocqueville ou Pérec seulement quand il en a besoin. Comme une herbe du jardin ajoutée à la fois pour le goût et la beauté. » (...) « Autre mérite de Jean-Claude Ribaut : son écriture soignée, goûteuse, fluide, liée comme une sauce réussie ».

Initié pendant ses études d'archi au goût et à la cuisine par le chef Jacques Manière, sa première chronique gastronomique paraît en 1980 dans Le Moniteur des Travaux Publics (sous le pseudonyme Acratos - celui qui ne met pas d’eau dans son vin).

Il collabore au journal Le Monde, au temps du magistère de La Reynière, puis aux côtés de Jean Pierre Quélin, de 1989 à 2012.

Architecte D.P.L.G. et élève titulaire de l’Ecole pratique des hautes études (E.P.H.E.), il fait ses premières armes journalistiques à Combat, participe à la création du magazine d'Architectures et dirige la première Maison de l'Architecture jusqu’en 1996. Il collabore à diverses publications, participe à la réédition du Guide Gallimard des restaurants de Paris en 1995. Il publie avec Bernard Nantet aux éditions Du May Le Jardin des Epices (1992), puis chez Hachette en 1998 Saveurs de Havanes, un hommage au cigare cubain avec Michel Creignou. En 2003 dans la collection Découvertes Gallimard Le Vin, une histoire de goût avec l’historien Anthony Rowley. Egalement 100% Pain chez Solar, autour des techniques du boulanger Eric Kayser (2003). Puis Lasserre (Editions Favre. 2007), avec les recettes du chef Jean-Louis Nomicos.

Il est aujourd'hui chroniqueur gastronomique à La Revue : pour l'intelligence du monde (mensuel édité par le groupe Jeune Afrique), SINE Mensuel, Dandy magazine, Tentation (trimestriel), Plaisirs (magazine suisse bimestriel), Le Monde de l'épicerie fine, Le Monde des grands Cafés, et au Petit journal des Toques blanches lyonnaises.

Dernier ouvrage paru : Voyage d'un gourmet à Paris (Calmann-Lévy, 2014). Prix Jean Carmet 2015.

Dominique Painvin est spécialiste de la communication multimédia.

Ancien chargé de mission audio-visuelle à la Mairie de Paris.

Surnommé "Le Couteau suisse", cet ancien journaliste musical en radio & presse écrite spécialisée, reporter sur les grands festivals rock, pop, jazz français et européens, et chef d'édition dans les années 80 et 90, s’est aussi frotté au management culturel en oeuvrant pour la promotion du théâtre universitaire (programme "Fous de théâtre" avec la création d'un Salon de lecture et la production de spectacles universitaire dans le "In" du Festival d'Avignon) et celle du monde musical vers le monde universitaire, en collaboration avec les grands festivals (Francofolies de la Rochelle, Eurockéennes de Belfort, Transmusicales de Rennes, Paléo festival de Nyon, Printemps de Bourges, etc…), et les maisons de disques (labels indépendants, majors compagnies).

Carole Aurouet est docteur en littérature et civilisation françaises et latines, maître de conférences HDR à l’Université Gustave Eiffel en Etudes cinématographiques. Elle est membre de l’Institut de recherche en cinéma et audiovisuel. Elle fait partie du consortium du projet ANR Ciné08-19 (histoire du cinéma en France de 1908 à 1919) porté par Laurent Véray. Spécialiste de l’œuvre protéiforme de Jacques Prévert (théâtre, poésie, cinéma, collages), ses recherches sont aussi centrées sur les relations qu’entretiennent la littérature et le cinéma, et plus spécifiquement la poésie et le cinéma. D’autres poètes sont ainsi au centre de ses travaux : Guillaume Apollinaire, Pierre Albert-Birot, Antonin Artaud, Robert Desnos, Benjamin Péret, etc. Dans ce cadre, elle convoque la génétique scénaristique, pour mettre en exergue les sentiers de la création cinématographique, tant au niveau de l’attribution du travail des uns et des autres dans une entreprise collective qu’au niveau de la spatialisation de la pensée créatrice ou encore de la socialisation de l’écriture scénaristique. Au sein de l'école doctorale Arts & Médias de la Sorbonne nouvelle - Paris 3, elle dispense depuis 2019 un séminaire sur la critique génétique scénaristique. Carole a créé et dirige la merveilleuse collection « Le cinéma des poètes » (Nouvelles éditions Place).

Vianney Huguenot est journaliste, chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, auteur au Petit Fûté et anime une émission sur Mirabelle TV (ViaMirabelle), « Sur ma route » au cours de laquelle il nous fait partager son « sentiment géographique », également sur ViaVosges. C’est un déambulateur réjouissant : chroniqueur sur France Bleu Lorraine, France Bleu Alsace, Vosges Matin, L’Estrade et Mirabelle TV, Vianney nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est, nous fait passer la porte de bistrots attachants et des cafés-restaurants de village méconnus, nous fait surtout partager son amour des rencontres avec beaucoup de talent.  "Hexagone trotter ", il sillonne plus largement la France depuis plus de vingt ans et sait formidablement donner envie de mettre nos pas dans ses pas.

 

Il a écrit plusieurs ouvrages, notamment : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est, 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est, 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube, 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres, 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony), « La géographie, quelle histoire ! » (Editions Gérard-Louis, 2009, en collaboration avec Georges Roques, professeur d'université. Préfaces de Christian Pierret et Jean-Robert Pitte. Postface d'Yves Coppens), « Référendums locaux, consultations des électeurs, une avancée pour la démocratie ? » (Territorial éditions, 2005).

Vianney Huguenot - Le verbe est dans le fruit (Conseil en ...

leverbeestdanslefruit.com/vianney-huguenot

 

Timothy Adès est poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec

Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française. Il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Dernier ouvrage parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my version.

 

Timothy Adès | rhyming translator-poet

www.timothyades.com

Tant que mes yeux pourront larmes épandre, par Louise Labé / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   

 

   On vient de publier une adorable petite brochure, bilingue, numérotée, chez Bar Peixoto qui se trouve dans l’adorable petite librairie Bookartbookshop à Londres, au 17 Pitfield Street, près de Old Street. 

Dedans : les trois Élégies de Louise Labé (1524-1566), ‘la belle cordière de Lyon’, femme qui entre en bataille et en lice, qui chante librement ses amours…

On vous a déjà offert l’une des Élégies* (le 29 avril 2020)  : voici un sonnet

(Sonnet XIV) aussi charmant, et plus court.

 

 

 

 

 

Lithographie d'André Masson (1896-1987), Sonnets Louise Labé, 1972

 

 

 

 

Dans la vitrine de la librairie, la production de la famille Adès mise en exergue : à gauche, mes ouvrages, au centre, une édition limitée d'un livret bilingue de Louise Labé établie par mes soins; à droite, une sélection de ceux de Dawn et de notre fils Harry, ainsi que des œuvres musicales de notre Thomas...

 

*https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2020/04/26/elegies-et-sonnets-par-louise-lab%C3%A9-timothy-ad%C3%A8s/

 

PS à l'intention des londoniens, des français  de Londres et de tous les autres en escapade dans la capitale britannique : le dimanche 24 mars, de 11 à 17h, Timothy Adès sera avec sa librairie de POÉSIE TRADUCTION, dans le quartier de  Hammersmith Riverside Studios, un carrefour des arts doté d'un restaurant européen, le jour du marché de producteurs local, éthique et durable "Duck Pond Market", magnifique spot sur le "Riverside Walk" , près du pont sans circulation, au bout de la rue Queen Caroline.


 

SONNET XIV

 

Tant que mes yeus pourront larmes espandre

À l’heur passé avec toy regretter;

Et qu’aus sanglots et soupirs resister

Pourra ma voix, et un peu faire entendre;

Tant que ma main pourra les cordes tendre

Du mignart lut, pour tes graces changer;

Tant que l’esprit se voudra contenter

De ne vouloir rien fors que toy comprendre;

Je ne souhaite encore point mourir:

Mais quand mes yeus je sentiray tarir,

Ma voix cassée, et ma main impuissante,

Et mon esprit en ce mortel sejour

Ne pouvant plus montrer signe d’amante;

Priray la Mort noircir mon plus cler jour.

 

Franklin Hamon

https://www.youtube.com/watch?v=TSqOwVOWWBI  

Ezéchiel Pailhès - Tant que mes yeux (official audio) https://youtu.be/7Erfbz74Lag

 

Et voici une série d'œuvres d'André Masson https://www.belgian-art-gallery.be/en/andr-masson/

 

SONNET XIV

 

As long as I can sit with streaming eyes

And want to spend another hour with you;

As long as I can stifle sobs and sighs

And use my voice to get a message through;

As long as I’ve a hand can tune the strings

Of my guitar, to sing a song of you;

As long as I’ve no heart for other things

But only want to get the hang of you:

There’s no way I’ll be lying down to die.

No, but the day I feel my eyes run dry,

My voice crack up, my hand with zero power,

My heart, too close to earth, no longer giving

Signals that lovers give, then I’ll quit living:

Death, turn my daylight black, that very hour !

 

1- Édition de 1556 des œuvres de Louise Labé (première édition en 1555), Bibliothèque municipale Orléans

2- Louise Labé, portrait gravé par Pierre Woeiriot (1555), BnF

3- Gouache représentant la poétesse Louise Labé ("Loise Labe"), "la belle cordelière", habillée en Jeanne d’Arc, attribué au poète et portraitiste français Nicolas Denisot (1515 - 1559). Dimensions de l’image 22,5 x 15,5, du cadre 45 x 37. Louise Labé, l’une des plus grandes femmes de lettres du XVIe siècle, était considérée comme une femme très émancipée à son époque - elle fit  de l’émancipation des femmes et de l'amour, ses thèmes favoris, instruite sur de nombreux sujets, ayant également suivi des cours d’équitation et d’escrime. Acclamée avec ses "Oeveres de Louise Labé, Lyonaise", publiés en 1555, elle est considérée aujourd’hui comme le représentant le plus important de l’École de Lyon.

4- Médaillon buste de Louise Labé, Vienne milieu du XVIe siècle

5- Louise Labé, vitrail de Lucien Bégule (1848-1935), Lyon 1896, Musée Gadagne. 

6- André Masson, par Dawn Adès (Academy editions et Albin Michel 1994). L'historienne britannique de l'art et spécialiste du surréalisme Dawn  Adès nous présente André Masson, figure du mouvement artistique surréaliste, dès ses débuts dans les années 1920, les œuvres de l'artiste, complexes, poétiques et chargées de sens psychologiquement, ses années à Paris, sa lutte contre le fascisme espagnol dans les années 1930 et son exil américain en France occupée par les nazis dans les années 1940.

7-  Timbre poste en hommage à Louise Labé, émis en mai 2016; inspiré d’un portrait gravé d’époque et d’éléments graphiques provenant du recueil de poèmes publié en 1566. Un luth et une plume représentent sa pratique des arts et de l’écriture. Derrière elle est dessinée la cathédrale Saint-Jean de Lyon.

8- Louise Labé, œuvres complètes, édition de Mireille Huchon ( NRF, coll. Bibliothèque de la Pléiade, oct. 2021), 736 pages Les amateurs de poésie et admirateurs de Louise Labé, pour la lire, devaient remonter au XVIe siècle en se confrontant aux difficultés du « moyen français » et ne connaissaient bien souvent d’elle que trois élégies et vingt-quatre sonnets (dont le premier est en italien). Soient 662 vers en tout et pour tout. Louise Labé fait partie de ces autrices dont le nom, au moins, est connu du grand public – ce qui n’est pas si courant pour les périodes anciennes. Bien qu’elle ait été rééditée au XVIIIe siècle, c’est le critique Sainte-Beuve, au XIXe siècle, qui a véritablement sorti l’œuvre de Labé du brouillard de l’histoire littéraire, à une époque où l’on redécouvre les poètes du Moyen Âge et de la Renaissance. Aussi pouvons-nous saluer cette édition de la Pléiade qui restitue à « Louïze Labé, Lionnoize » son oeuvre dans sa totalité et la fait connaître d'un plus grand nombre. 


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus :  "Morgenstern's Magic", édition bilingue allemand/anglais des poèmes de Christian Morgenstern (1871-1914), 2024; "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019), édition bilingue espagnol/anglais; "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017), édition bilingue français/anglais, 527 pages, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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RIEN QU'UN PETIT BONHEUR, par Géo Norge / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Voici Rien qu'un petit bonheur du poète belge Georges Mogin dit Géo Norge (Bruxelles 1898-Mougins 1990). 

Après sa première production publique théâtrale Tam-Tam (1923), il publie son premier recueil avec 27 Poèmes incertains (1923), suivi entre autres de La belle Endormie (1935), Joies aux âmes (1941), L'Imagier (1942) et de Râpes (1949).

 

 

Carte premier jour - Timbre poste belge en hommage à Norge, 1998

 

En 1931, il crée le Journal des poètes, un hebdomadaire avec Pierre-Louis Flouquet et Edmond Vandercammen. Egalement Les Cahiers blancs qu’il cofonde en 1936. Et, à partir des années 1950, il écrit plusieurs nouveaux recueils, publie notamment la série des Oignons (1953-1980); le Gros Gibier (1953); la Langue verte (1954); les Quatre Vérités (1962); le Vin profond (1968) ; les Cerveaux brûlés (1969) ; Eux, les Anges (1978) ; le Stupéfait (1988). Norge (il finira par signer simplement “Norge”) s’essaie à faire coïncider le désir et le réel et à fixer la "brillance du monde". Cet humaniste pratique une palette poétique originale extrêmement variée, précise dans sa syntaxe, ciselant ses mots, jouant avec eux. En marge des modes, des conventions et des institutions, il convoque la richesse de la culture populaire, son langage, ses folklores, ses adages, les contes, les légendes jusqu’aux almanachs.

Il se fait le chantre de ce que le fameux médecin, poète, romancier, explorateur et archéologue Victor Segalen (1878-1919) a appelé "la puissance du Divers".

Au total, Norge (Grand Prix SGDL de poésie 1984), loué par Aragon, nous livre une œuvre  abondante et prolifique. Le poète et éditeur Pierre Seghers, ancien résistant, disait de lui qu'il était « Gouleyant, interférentiel, fricassant, ayant du "punch" et le faisant brûler, inquiétant bien sûr, comme tous les tendres qui sont d’affreux cruels (et vice versa), maître-ès-langage de la composition au contrepoint, de la matière au boyau de chat sous l’archet, il invente, non pas en virtuose (ce qu’il est) mais en magicien. Ah! on ne s’ennuie jamais avec Norge, qui pose cependant les questions les plus graves… »

 

Rien qu'un petit bonheur

 

Rien qu'un petit bonheur, Suzette,

Un petit bonheur qui se tait.

Le bleu du ciel est de la fête,

Rien qu'un petit bonheur secret.

 

Il monte! C’est une alouette,

Et puis voilà qu'il disparaît.

Le bleu du ciel est de la fête

Il chante, il monte, il disparaît.

 

Mais si tu l'écoutes, Suzette,

Si, dans tes paumes, tu le prends,

Comme un oiseau tombé des crêtes,

Petit bonheur deviendra grand. 

 

 

Only a little blessing

 

Only a little blessing, dear,

Little and inarticulate.

There’s joy in heaven’s vaults azure:

A blessing small and intimate.

 

A singing skylark, see it soar,

Hey presto, soon to disappear.

There’s joy in heaven’s vaults azure:

It sings, it soars, to disappear.

 

But if you let its voice be heard,

And if you grasp it in your hand,

Then, like a downward-speeding bird,

Your blessing turns out great and grand.

 

Copyright © Timothy Adès


Trois styles de chanson…

Agathe MD https://youtu.be/guLtV1k3rTY

Michèle Micalou https://www.youtube.com/watch?v=N1rswE4Ul3g

Kaloubadia https://www.youtube.com/watch?v=c8wbQ7OsTUk

 

Et la glorieuse Jeanne Moreau, que j’ai vue dans ‘Jules et Jim’, et qui illumine ‘Viva Maria’ avec Bardot, chante plusieurs de ses poèmes, mais non pas celui-ci. La voici par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=AE3B6XbaPoc&list=PLn0e0RKXbhO0kYeJ5t_2-CAwhsaorj9p9

1- Portrait de Géo Norge jeune

2- Le Journal des poètes - hebdomadaire international d'action et de documentation poétiques (2e année) N° 2 - 22 nov. 1931

3- Les Cahiers Blancs : poésie, philosophie, critique / n° du 1er nov. 1936; rédaction : Franz Briel (Éditeur  :  R. Henriquez (Bruxelles), BnF,  département Littérature et art, 8-Z-30151

4- NORGE, Robert Rovini (Pierre Seghers éditeur, 1956); couv.: portait de Norge par Denise Perrier

5- Jeanne Moreau chante Norge : en 1978, le célèbre directeur artistique et producteur musical français Jacques Canetti apporte à Jeanne Moreau les Œuvres poétiques 1923-1973 de Norge, tout juste rééditées par Pierre Seghers, qui s’enthousiasme aussitôt avec une préférence pour les recueils de 1949 à 1973.  « Ses poèmes m’ont paru simples, évidents, avec des mots qui allaient droit au cœur…  J’ai eu envie de les dire puis d’en faire des chansons pour un disque. Certaines sont drôles ou cruelles, d’autres tendres, agressives, humoristiques », dira-t-elle plus tard aux journalistes, ajoutant que cette poésie véhicule « le besoin d’amour, la rage créatrice, la cruauté de la vie, le goût du néant, l’espérance d’un idéal, le dérisoire état de l’homme. » (Daniel Laroche, in Le Carnet et les Instants, Blog des lettres belges et francophones). 22 poèmes de Norge sont choisis et, au bout d'un travail en collaboration avec Philippe-Gérard, auteur de multiples chansons pour Maurice Chevalier, Nat King Cole, Marlene Dietrich, Édith Piaf, Franck Sinatra, et autres figures célèbres du music-hall, compositeur associé à plusieurs poètes,  les vingt-deux poèmes mis en chansons et en musiques sont enregistrés et un double « 33 tours » est commercialisé en septembre 1981. L'accueil fut positif et les critiques élogieuses au point qu'il est réédité en 1989 sur CD par Jacques Canetti, puis en 2017 avec Françoise Canetti, la fille de Jacques, sous la forme d’un double album vinyle accompagné d’une version CD. A noter la sortie en 1984 d'un album "NORGE Poèmes" dits par Lucienne Letondal avec la participation de Henri Rollan, NORGE et Georges Brassens (Philips).

6- NORGE Poésies (1923-1988), édition et préface de Lorand Gaspar (Collection Poésie/Gallimard, 1990). 

«En ces temps où la littérature mue par le désir de tout dire sur nos angoisses et nos haines finit quelquefois par s'enfermer dans le ressentiment, dans le culte du négatif, du désespoir et de l'autodestruction, la parole de Norge est d'un bout à l'autre non seulement une affirmation de la vie mais aussi de sa confiance en cette vigueur dont la poésie se nourrit, que toute vie incarne.»

Lorand Gaspar.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus :  "Morgenstern's Magic", édition bilingue allemand/anglais des poèmes de Christian Morgenstern (1871-1914), 2024; "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019), édition bilingue espagnol/anglais; "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017), édition bilingue français/anglais, 527 pages, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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SUR LA PLANETE DES MOUCHES, par Christian Morgenstern / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Soyons encore une fois trilingues ! Cette fois-ci avec le poète et écrivain allemand Christian Morgenstern (1871-1914), également traducteur, notamment d'Ibsen, Strindberg et de Knut Hamsun. Notez bien ses dates : il évite les guerres.

Mon premier livre de poésie allemande avec mes traductions anglaises s’appelle Morgenstern’s Magic : il est imminent !

Ce petit texte français est le mien, alors rarissime. J’avais trouvé ‘Sur la planète volante’ : c’est faux.

 

 

Portrait de Christian Morgenstern,

Par Andreas Noßmann

 

 

Auf dem Fliegenplaneten

 

Auf dem Fliegenplaneten,

da geht es dem Menschen nicht gut:

Denn was er hier der Fliege,

die Fliege dort ihm tut.

 

An Bändern voll Honig kleben

Die Menschen dort allesamt,

und andre sind zu Verleben

in süßliches Bier verdammt.

 

In einem nur scheinen die Fliegen

Dem Menschen vorauszustehn:

Man bäckt uns nicht in Semmeln,

noch trinkt man uns aus Versehn.

 

Sur la planète des mouches

 

Ah ! Sur la planète des mouches,

les gens ne vont pas du tout bien :

car ce qu’on fait ici aux mouches,

elles le font là-bas aux gens.

 

Les gens s’y trouvent tous collés

à des rubans de miel visqueux,

pour d’autres, la bière sucrée,

voilà la triste mort pour eux.

 

Voici un seul truc chez les mouches

qui semble être supérieur :

on ne nous cuit pas en brioches,

on ne nous boit pas dans l’ erreur.

 



The Planet of Flies

 

The planet of flies

isn’t good for us guys:

what we do to them here

they do to us there.

 

Folk stick to strips of honey,

just as flies do here.

Others by grim destiny

perish in sugary beer.

 

There’s one point of preference:

flies don’t ever bake

people into currant buns,

or drink them, by mistake.

 

Copyright © Timothy Adès

1- Christian Morgenstern enfant / 2- Christian Morgenstern, 18 ans / 3- Christian Morgenstern, 39 ans / 4- Margareta (Gosebruch von Liechtenstern), épouse de Christian, anthroposophiste, ami avec son mari de Rudolph Steiner. A la mort de ce dernier, elle s'évertue à rassembler ses papiers, ses écrits, ses poèmes; c'est elle qui lui assurera la postérité. / 5- Christian Morgenstern, Galgenlieder,Fisches Nachtgesang ("Chanson nocturne de poisson" in Chants du gibet), 1905 / 6- Christian Morgenstern, Oeuvres collectées, 2014; il s'd'une édition allemande établie à l'occasion du 100e anniversaire de sa mort, il a imaginé le Nasobem, le Mouton de la Lune et le 'Palissade avec espace', autant de classiques de la poésie humoristique de Christian Morgenstern. Mais son œuvre comprend bien plus que quelques vers célèbres - le vaste univers de son œuvre poétique est à découvrir dans cette édition : les 'Galons' et les 'Poèmes de Palmström', 'Palma Kunkel' et 'La Gingganz', les chansons et poèmes pour enfants, les satires, les  absurdes, les parodies, ainsi que les recensions, également des réflexions et de nombreuses lettres. / 7- Couverture de Morgenstern's Magic, 154 pages, livre de Timothy Adès à paraître. Portrait de Morgenstern par Anna Gestrich (Christian Morgenstern Literaturmuseum). Il s’agit d’une édition bilingue établie par Timothy Adès des poèmes allemands de Christian Morgenstern surtout connu comme un poète absurde, pour ses "chansons de potence" autour de ses deux personnages que sont Korf et Palmström. Ces œuvres ont toujours été très populaires, apparaissant dans de nombreuses éditions, très citées et mises en musique. Morgenstern était également essayiste, et un traducteur célébré, surtout du norvégien et du français. Son registre mystique est en revanche moins connu, en tous les cas des lecteurs anglais et sans doute également français.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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ETRE POETE, par Florbela Espanca / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   

   Soyons de nouveau trilingues !

Je vous présente l'auteur-poète, récitante, linguiste, traductrice, musicienne, pédagogue, concertiste luth et guitare, Carolyne Cannella.

Suivez-la chez YouTube sous le titre Gata Xanga.

 Voici sa traduction de la première poète féministe portugaise, Florbela EspancaFlorbela da Alma da Conceição - (1894-1930), avec son poème "Etre poète" extrait de son dernier recueil, Charneca em flor, 1930

 

Carolyne Cannella

 

Ser Poeta, par Florbela Espanca

 

Ser poeta é ser mais alto, é ser maior

Do que os homens! Morder como quem beija!

É ser mendigo e dar como quem seja

Rei do Reino de Aquém e de Além Dor!

 

É ter de mil desejos o esplendor

E não saber sequer que se deseja!

É ter cá dentro um astro que flameja,

É ter garras e asas de condor!

 

É ter fome, é ter sede de Infinito!

Por elmo, as manhãs de oiro e de cetim…

É condensar o mundo num só grito!

 

E é amar-te, assim, perdidamente…

É seres alma, e sangue, e vida em mim

E dizê-lo cantando a toda a gente!

 

 

 

 

Être Poète 

 

Être poète, c'est être plus haut, être plus grand

Que les hommes ! Mordre comme l'on embrasse !

C'est être un mendiant et donner comme si tu étais

Roi du Royaume de l'en deçà et de l'au-delà de la douleur !

 

C’est avoir mille voeux de splendeur

Sans même savoir ce que l’on désire !

C’est avoir en soi une étoile flamboyante,

Avoir des griffes et des ailes de condor !

 

C’est avoir faim, avoir soif d’Infini !

Pour diadème, les matins d’or et de satin…

C’est condenser le monde en un seul cri !

 

Et c’est t’aimer, ainsi, éperdument…

C’est l’âme, le sang et la vie en moi

Et le dire en chantant à tout le monde !

 

Traduction par Carolyne Cannella

 


Being a poet

 

Being a poet: being taller, larger

Than men; to bite, the way that others kiss;

A beggar, lavish as a maharajah,

King of the kingdom of all wretchedness;

 

To have a thousand wishes in their splendour,

Not knowing what it is that we desire!

To have within oneself a flaming star,

To have the wings and talons of the condor!

 

To hunger and to thirst for the immense!

With gold and satin mornings for a wreath…

With just a cry, to make the world condense!

 

To love you to distraction and to death…

That is the soul and blood and life in me,

To sing it loud for all humanity!

 

Copyright © Timothy Adès

Charneca em Flor, sonetos par Florbela Espanca (Coïmbra, librairie Gonçalvez) / Buste de Florbela Espanca, Jardin public à Vila Viçosa, ville de rois et de princesses où naquit Florbela / Florbela Espanca par Norberto NunesLe Livre des chagrinsSœur Saudade, Bruyère en fleur et Reliquiae, de Florbela Espanca (Escampette, 2022) : cet ouvrage réunit quatre recueils de Florbela Espanca (1894-1930), aujourd’hui considérée comme une des poétesses majeures de la littérature portugaise 


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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EIN LIEBESLIED, par Else Lasker-Schüler / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Le 11 février est l’anniversaire de deux grands poètes allemands, Bertolt Brecht et Else Lasker-Schüler.

Il revient de l’exil, elle n’en revient pas.

Elle fut traduite par Raphaëlle Gitlis (chez les éditions Héros-Limite) et plus récemment par Camille Logoz qui a découvert Else Lasker-Schüler par son journal de Zurich (Quelques feuillets du journal de Zurich (pot-pourri), dans la "vive traduction" de Raphaëlle Gitlis :

 

 

 

 

Ein Liebeslied      Else Lasker-Schüler       (1943)

 

Komm zu mir in der Nacht - wir schlafen engverschlungen.

Müde bin ich sehr, vom Wachen einsam.

Ein fremder Vogel hat in dunkler Frühe schon gesungen,

Als noch mein Traum mit sich und mir gerungen.

 

Es öffnen Blumen sich vor allen Quellen

Und färben sich mit deiner Augen Immortellen .....

Komm zu mir in der Nacht auf Siebensternenschuhen

Und Liebe eingehüllt spät in mein Zelt.

Es steigen Monde aus verstaubten Himmelstruhen.

Wir wollen wie zwei seltene Tiere liebesruhen

Im hohen Rohre hinter dieser Welt.

 

 

Love-Song      

 

Come to me in the night – we’ll sleep, twined close, held hard.

I’m lonely, been awake, so very tired.

Long before dawn, the song of some strange bird: 

With me, and with itself, my dream still sparred.         

 

Flowers are blossoming where waters spring,

Your eyes lend immortelles their colouring…

Come to me in the night, be shod with seven stars,

Be swathed in love, come late into my tent.

Moons climb aloft from heaven’s dusty coffers.

Like two rare beasts we’ll sleep the sleep of lovers

In the high pass behind the firmament.     

 

Publié online chez poetrywivenhoe, décembre 2022.

 Copyright © Timothy Adès

 

 


Chanson d’amour 

 

Viens à moi dans la nuit

 – nous dormons entrelacés.

Je suis très fatiguée, seule de tant veiller.

Un oiseau étranger a chanté dans le matin obscur, 

Tandis que mon rêve luttait encore contre moi et contre lui-même.

 

À toutes les sources des fleurs éclosent 

Et se teintent de tes yeux immortelles…

 

Viens à moi dans la nuit, chaussé de sept étoiles

Et dans ma tente l’amour enveloppé tard.

Des coffres de ciel empoussiérés s’élèvent des lunes.

 

Reposons en amour comme un animal rare

Dans les hauts roseaux derrière ce monde.

 

Traduction Camille Logoz

 

1- Portrait Else Lasker-Schüler, gemalt von Hansegger, 1935

2- Else Lasker-Schüler (1869-1945) fut l’une des figures littéraires les plus influentes de Berlin au début du XXe siècle, l'une des représentantes de l'avant-garde du modernisme et de l'expressionnisme. Else Lasker-Schüler a produit une importante œuvre poétique, trois pièces de théâtres, des lettres, de nombreux dessins. Elle était connue pour son Stammtisch littéraire et ses rencontres, au Café des WestensEn 1932, elle reçoit le Prix Kleist pour l'ensemble de son oeuvre. L’année suivante, les SA frappent en pleine rue, cette" juive pornographique". Le 19 avril 1933à l'âge de 64 ans, elle émigre en Suisse , puis à Jérusalem où elle décèdera. Elle est enterrée au pied du mont des Oliviers. Sur sa tombe, qui n’existe apparemment plus, mais où subsiste une plaque commémorative, on lira son dernier poème : « Je sais que je dois mourir ».

3- Die Flötenspielende Frontispiz des Brieffromans Mein Herz / Le frontispice de La Lettre de mon Coeur, 1912, dessin d'Else Lasker-Schüller (Collection privée, Marbach)

4- Ange pour Jérusalem, mémorial Else-Lasker-Schüler d'Horst Meister, Jérusalem

5- Quelques feuillets du journal de Zürich, Else Lasker-Schüler; traduction Raphaëlle Gitlis (Genève, Ed. Heros-Limit, 2012). Fuyant l'Allemagne nazie, la poétesse dépeint sa vie de réfugiée à Zürich, entre 1933 et 1938, y confie ses pensées dans une prose très poétique où s'inscrivent par moments des poèmes. C’est le récit d'une poétesse pour qui « L'âme du poète est sa patrie, c'est pourquoi le poète est celui qui supporte avec le plus de fermeté son émigration. »

6- Mes Merveilles, Else Lasker-Scüller (Ed Héros-Limit, janvier 2024) : réédition d'un recueil paru en 1911, traduit ici par Guillaume Deswarte)qui reprend trente-trois poèmes d'un livre antérieur, Le septième jour, auxquels viennent s’ajouter vingt-cinq autres

 

Else Lasker-Schüller – Une Vie, une Œuvre : 1869-1945 (France Culture, 1994) Émission « Une Vie, une Œuvre », par Blandine Masson, diffusée le 24 mars 1994. Invités : Helma Sanders-Brahms, Jean-Yves Masson, Zilke Haas, Helen Adkins, Lionel Richard, Michel Rachline, Jorg Afnauger, Judith Koukert et Hanna Schygulla : https://www.youtube.com/v/i2NUmeJ8l3A&showsearch=0

 

Else Lasker Schüler, la tragique: Une étoile à Weimar, par Jean-Michel Palmier (Le Monde Diplomatique, juin 1995) : http://stabi02.unblog.fr/2008/10/22/else-lasker-schuler-la-tragique-une-etoile-a-weimar/


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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Le HIBOU & LE DIVERTISSEMENT GRAMMATICAL, par Maurice Carême, Pierre Menanteau / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   

   Vous vous souvenez peut-être du poème de Robert Desnos avec les sept pluriels en- oux : 

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/.../les.../ 

Il est dans mon livre Chantefables/Storysongs avec le beau dessin de Cat Zaza, collègue douée, dessin qui a embelli aussi The London Magazine ;

 

les élèves du Collège français bilingue de Londres me le récitent avec leurs gestes charmants.

Alors en voici deux pareils, par le belge Maurice Carême et le vendéen Pierre Menanteau

 

Pierre Menanteau (1895-1992), formé à l'école normale de La Roche-sur-Yon, consacre sa vie à l'enseignement; après la guerre, il  ira d'écoles en écolesde Guéret à Poitiers, en passant par Saint-Cloud, directeur d’école normale d’instituteurs d’Evreux, puis inspecteur d’académie à Paris. Egalement comme poète, romancier, essayiste, auteur de contes, d'anthologies et de florilèges, critique littéraire, peintre. En 1980, il obtient le prix Gérard de Nerval, avec "Le joli temps aux demoiselles" et "Quand la feuille est verte". Il décède le 7 avril 1992 à Versailles. Il est inhumé à Péault, en Vendée, où il avait l'habitude de passer une partie de ses vacances en famille.

 

Maurice Carême    Le Hibou

 

Caillou, genou, chou, pou, joujou, bijou

Répétait sans fin le petit hibou.

Joujou, bijou, pou, chou, caillou, genou

Non, se disait-il, non, ce n'est pas tout.

Il y en a sept pourtant, sept en tout :

Bijou, caillou, pou, genou, chou, joujou.

Ce n'est ni bambou, ni clou, ni filou...

Quel est donc le septième  ? Et le hibou,

La patte appuyée au creux de sa joue

Se cachait de honte à l'ombre du houx.

Et il se désolait, si fatigué

Par tous ses devoirs de jeune écolier

Qu'il oubliait, en regardant le ciel

Entre les branches épaisses du houx,

Que son nom, oui, son propre nom, hibou

Prenait, lui aussi, un X au pluriel.

 

Le Hibou, mis en musique et chanté par l'auteur-compositeur-interprète Grégoire (album "Poésies de notre enfance"; il a sorti un tout nouveau titre en juin 2023 : "Vivre") :

https://www.youtube.com/watch?v=00Q5rUY_STw

 

 

The Owl

 

Jewel, bauble, pebble, cabbage, knee, flea

The little owl repeated, endlessly.

Jewel, bauble, pebble, cabbage, louse, knee,

But no, that isn’t quite all, said he.

It isn’t bamboo or scrumper or screw,

So what’s the seventh? To-wit to-woo!

His paw on his hollow cheek he laid

And he hid ashamed in a holly-tree’s shade,

And he was so sad and so weary too

With all the schoolwork he had to do

That he overlooked, as he looked at the sky

Through the holly-tree’s close-packed greenery,

That his very own name, which was *le hibou*,

His name took an X in the plural too.

 

 

 

Copyright © Timothy Adès


Maurice Carême portrait / Maurice Carême, La Poésie est un jeu d'enfant, recueil de 30 textes illustrés par Bruno Gilbert (Seuil Jeunesse, 2015) / Maurice Carême

 

Pierre Menanteau  Divertissement Grammatical

 

 

À Tombouctou

Il n'y a pas de Kangourous.

En Afrique, il y a des gnous.

Et chez nous ?

 

Chez nous on entend les hiboux

Leurs petits sont de vrais bijoux.

On mange la soupe aux choux

Et qui tombe sur des cailloux

Risque de s'écorcher les genoux.

La lettre X est la vieille agrafe

Qui fixe encore l'orthographe

Du pluriel des sept noms en OU

Qu'on énumérait d'un seul coup :

Bijou, caillou, chou, genou, hibou...

 

Et puis... il y a les joujoux

Que l'on donne aux petits hiboux

Il y aurait même les poux,

Mais ils n'y tiennent pas du tout.

 

 

 

Grammatical Entertainment

 

 

In Timbuctoo, no kangaroo;

In Africa, they have the gnu.

What about me and you?

 

 

We’ve owls whose young are jewels,

We browse on cabbages,

And if we trip on pebbles,

We sometimes graze our knees.

 

The X is immemorial,

A hook, still fixing how they spell

Their seven nouns *au pluriel*:

Our list was magisterial…

 

 

Add to it, baubles

For baby owls;

And lastly, lice:

Not fleas, not nice.

 

Copyright © Timothy Adès

 


Autoportrait de Pierre Menanteau / Poésie et récitation, Pierre Menanteau (Armand Colin; éditeur :  Bourrelier (Paris), collection : Carnets de pédagogie pratique, 1963), BnF, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme / Pierre Menanteau


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LES CORBEAUX, par Arthur Rimbaud / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Arthur RIMBAUD (1854-91) : Les Corbeaux.

La date : 1871, donc il avait 16 ou 17 ans. Il a été publié le 14 septembre 1872 dans Renaissance littéraire et artistique, revue d'information et de critique littéraire et artistique (qui eût notamment comme collaborateurs, Mallarmé, Verlaine, Hugo, des Essarts, Gautier, Rollinat, de Lisle...), dont Rimbaud avait rencontré le directeur, Emile Blémond, par l'entremise de Verlaine.

 

 

Voici un commentaire épatant, je ne saurais plus dire : https://hyperion21.blog/2012/04/30/au-pays-de-papouasie-6-rimbaud-les-corbeaux/

Egalement : http://abardel.free.fr/petite_anthologie/les_corbeaux_texte_et_commentaire.htm

Et je découvre, avec étonnement, les fresques de Charleville-Mézières : https://www.charleville-sedan-tourisme.fr/decouvrir-charleville-sedan-en-ardenne/decouvrir-charleville-mezieres/arthur-rimbaud/le-parcours-arthur-rimbaud/

 

LES CORBEAUX

 

Seigneur, quand froide est la prairie,

Quand dans les hameaux abattus

Les longs angelus se sont tus…

Sur la nature défleurie

Faites s’abattre des grands cieux

Les chers corbeaux délicieux !

 

Armée étrange aux cris sévères,

Les vents froids attaquent vos nids !

Vous, le long des fleuves jaunis,

Sur les routes des vieux calvaires,

Sur les fossés et sur les trous

Dispersez-vous, ralliez-vous !

 

Par milliers, sur les champs de France,

Où dorment les morts d’avant-hier,

Tournoyez, n’est-ce pas, l’hiver,

Pour que chaque passant repense ?

Sois donc le crieur du devoir,

Ô notre funèbre oiseau noir!

 

Mais, saints du ciel, en haut du chêne,

Mât perdu dans le soir charmé,

Laissez les fauvettes de mai

Pour ceux qu’au fond du bois enchaîne,

Dans l’herbe d’où l’on ne peut fuir,

La défaite sans avenir.

 

 

CROWS 

 

Lord, when the countryside is cold,

And nature naked and unflowered,

When in the hamlets overpowered

The last long angelus has tolled,

Bring down from your wide heavens those

Adorable, delicious crows!

 

Strange armies of the cheerless cries,

The icy winds assault your homes!

Along the banks of yellowed streams,

On roads of ancient calvaries,

Over the ditches and the delves

Scatter yourselves, unite yourselves!

 

In thousands, on the fields of France,

Where sleep the dead of yesteryear,

Will you not whirl with winter here,

Bring second thoughts to transients?

Give voice, our black sepulchral bird,

Cry duty as your battle-word!

 

Come, saints above, on oaken steep,

Where twilight charms great masts away:

Turn from the warbling birds of May

To those enchained in forest deep,

In thickets where no wings are fleet,

By ineluctable defeat.

 

Copyright © Timothy Adès

 


1- Arthur Rimbaud enfant, photo de classe à l'Institut Rossat (Charleville), le jeune Arthur au 1er rang, 3° à gauche

2- Rimbaud ébouriffé, un projet IA autour de Rimbaud mené par Claire Doz, professeure de français au lycée Paul Valéry à Paris, avec ses classes de 1ères,  dans le cadre d'une « émancipation créatrice », intitulé du parcours associé à l’étude de l’œuvre de Rimbaud au programme 

3 et 4- Début 1888, Paul Verlaine rédige la biographie de Rimbaud pour la revue Les Hommes d’aujourd’hui

5- Numéro 21 du 14 septembre 1872 de la revue La renaissance littéraire et artistique dans lequel est publié  le poème Les Corbeaux de Rimbaud (Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-2277-2278)

6- Rimbaud, et en arrière plan Verlaine, " Croquis d'après documents" de Frédéric-Auguste Cazals, 1882, (Bibliothèque municipale de Charleville-Mézières)

7- Arthur Rimbaud, Poésies complètes, préface de Paul Verlaine (Léon Vannier, libraire éditeur, 1895)

8- Rimbaud par Picasso (1960)

9- L'homme aux semelles devant, hommage à Rimbaud par le sculpteur Jean-Robert Ipoustéguy. La statue en bronze, fondue dans les ateliers de la Fonderie d’art Landowski à Bagnolet, est réalisée en 1985 et est inaugurée place du Père-Teilhard-de-Chardin (en face de la Bibliothèque de l’Arsenal) en 1988, puis déplacée et désormais exposée au musée de la Sculpture en plein air, dans le jardin Tino Rossi, sur le port Saint Bernard (Paris 5°)

10- Le Bateau ivre est une statue réalisée par le sculpteur aixois Jean Amado en hommage à Rimbaud qui est décédé à Marseille en 1891 (à l’Hôpital de la Conception dans le quartier Baille). Elle se situe dans le Parc Balnéaire du Prado

11- RIMBAUD, l'oeuvre intégrale manuscrite, nouvelle édition augmentée, commentée par Claude Jeancolas (1949-2016) (Ed. Textuel, sept. 2004)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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TANT D'AMOUR, par Jean Cassou / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Je reviens au ‘grand méconnu’ Jean CASSOU (1897-1986) dont les 33 Sonnets composés au secret (1944) m’ont mené à ma carrière de poète-traducteur. Ce petit poème est dans mon livre The Madness of Amadis ; il viendrait du recueil évanoui Vacances Nocturnes ; je l’ai trouvé dans la superbe édition bilingue ‘Das lyrische Werk‘ de chez Erker, à St-Gall en Suisse.

Donc, nous en avons trois versions rimées !

Le beau texte allemand (So viel Liebe) est d’une traductrice remarquable, Hannelise Hinderberger (1904-1992) : je le mets à la page‚ Deutsche Literatur - German Literature.‘

 

 

 

 

 

Portrait de Jean Cassou, 1929, fusain d'André Aaron Bilis (1893-1971)

 

TANT D’AMOUR

 

Tant d’amour n’aurait-il mérité d’autre prix

que lui-même ? N’existe-t-il de récompense

en dehors de la propre vertu et du strict

accomplissement ? Cette passion, cette immense

offertoire de soi n’eût été que fumée

et jouet de fumée et fêtu dans le vent ?

Comme l’amour est seul! Et comme tristement

il poursuit son chemin sous d’aveugles regards,

discourant à part soi tel un enfant têtu

et traînant son ballot de choses en retard,

de voyages manqués et de bonheurs perdus!

Amour, chétif amour, triste, triste tristesse,

plaintive plaie au cœur, ne te ferme jamais,           

laisse, amour, couler éperdument tes pleurs, laisse

te submerger sans fin, comme un bateau blessé,

l’universel oubli, l’ombre, l’éternité.

SURELY SO MUCH LOVE ...

 

Surely so much love would deserve a prize

beyond itself? Is there no recompense

apart from one's own virtue and the strict

accomplishment? That passion, that immense

self-offering, was it no more than smoke,

plaything of smoke, and chaff before the wind?

Love is so solitary. See him find

his dreary way amid unseeing glances,

muttering loudly like a stubborn child,

dragging his bag of halts and hesitancies,

lost happinesses, voyages that failed!

Love, wilful love, sorrowful sad sad sorrow,

the heart's complaining wound, oh never close!

Love, weep your oceans: let them drown and swallow

you down for ever like a stricken vessel:

eternal shade, oblivion universal.

 

Copyright © Timothy Adès

 



1- Jean CASSOU Oeuvre lyrique / Das Lyrische werk (Erker, 1971), recueil des oeuvres lyriques de Jean CASSOU, en deux volumes, en français et en allemand 

2- Portait au burin de jean Cassou, 1954, Vie du Morosin, par Abram Krol (1919-2001)

3- Jean CASSOUThe Madness of Amadis and other poems, translated by Timothy Adès (Agenda Editions, 2008)

4- Jean CASSOU, 1963

5- Jean CASSOU, Vingt-deux poèmes, 22 estampes de différents artistes sur les poèmes de Jean Cassou, 1964/ 1978 (Donation Fondation Franz Larese et Jürg Janett, Saint-Gall (2002); Erker Presse, 1994; Collection graphique ETH Zurich, crédit photo) : https://www.e-gs.ethz.ch/eMP/eMuseumPlus?service=ExternalInterface&module=collection&objectId=18787&viewType=detailView

6- Catalogue de l'exposition « Jean CASSOU (1897-1986), un musée imaginé », sous la direction de Florence de Lussy, organisée par la Bibliothèque nationale de France et présentée sur le site Richelieu, galerie du passage Colbert, du 17 mars au 18 juin 1995


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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CHANSON POUR UNE NUIT DE NOEL, par Marie Gevers / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   

   Marie Gevers naît à Edegem, près d'Anvers, le 30 décembre 1883. (C’est mon anniversaire d’ailleurs !) ‘Elle ne quittera guère le domaine de Missembourg avec lequel sa vie semble se confondre : trois voyages en Afrique ponctuent seuls une existence sédentaire.

‘Marie Gevers passe son enfance loin des écoles; sa mère lui enseigne la grammaire et l'orthographie… D'immenses lectures complètent cette formation. Mais la fillette apprend l'essentiel à guetter les moindres signes du jardin et de l'étang qui entourent l'habitation. Tels sont les inspirateurs des premiers poèmes; Verhaeren encouragea leur publication.’

‘La jeune femme partage ses journées entre sa famille, l'observation de la nature et la poésie … consacrée aux arbres et au vent, à l'amour maternel.

 

 

La Petite étoile, 1941

 

Elle « avait pour amis les huit vents du ciel et elle s'intéressait aux étoiles. Non aux étoiles des astronomes, non aux soleils vertigineux et espaces terrifiants, mais aux étoiles qui, la nuit, veillaient sur la maison et le jardin, aux constellations rassurantes, dont la préférée était Orion, qui commande l'hiver », raconte son fils Paul Willems.

Elle fait ses débuts avec plusieurs poèmes dans la revue bruxelloise Durendal, et est l'auteure d’une trentaine d’ouvrages, poésies, romans (également pour la jeunesse; pendant la guerre, elle écrivit essentiellement des livres pour enfants), récits, livres naturalistes, les titres de ses œuvres décrivent parfaitement son univers: notamment Les Arbres et le vent (1923), Antoinette (1925), Brabançonne à travers les arbres (1931), La Comtesse des digues (1932), Madame Orpha ... ou la Sérénade de mai (1933) où elle raconte les sensations d'une petite fille qui découvre la nature, Plaisir des météores (1938), Paix sur les champs (1941), La Grande Marée (1943), Des mille collines aux neuf volcans (1952) . Elle a également consacré une « biographie » - qui est aussi la sienne -  à l'étang qui entoure sa vieille maison, Vie et mort d'un étang (1961) considéré comme son chef d'oeuvre  pour lequel elle reçoit le Grand prix quinquennal de littérature française en 1960. Marie Gevers entre à l'Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises de Belgique le 9 avril 1938, elle y est la première femme.

« C'est une littérature d'accord » écrira Georges Sion, son ami et confrère de l'Académie. « Exprimée dans une langue qui ne paraît jamais recherchée par ce qu'elle trouve, et qui va au meilleur d'elle-même comme par une respiration » Une littérature d'accord, et une vie d'accord, ajoute son fils Paul (1912-1997), devenu auteur dramatique...

 

 

Chanson pour une nuit de Noël

 

Marie Gevers 1883-1975   

 

Viens à la porte. Écoutons.

Bientôt chanteront les cloches,

Les sirens siffleront,

Et tonneront les bourdons,

Écoutons, minuit est proche.

 

Écoutons jusqu’à minuit.

La voie lactée se dénoue,

Et l’enfant Jésus secoue

Le blanc duvet de son lit.

 

Il en neige un lait d’étoiles

Des diamants de poussière,

Des envolements de voiles,

Des présages de lumière,

Un apaisement immense...

 

Il en tombe un grand silence

Le vent porte ses féeries

En offrandes à Noël.

Bientôt minuit sonnera

N’entendez-vous point des pas ?

 

Entrez, Joseph et Marie!

C’est pour vous que luit le ciel,

Voici du pain et du beurre,

Des pommes et du café;

Asseyez-vous au foyer,

Pour attendre ensemble l’heure

Où dans un miracle blanc                        

Naîtra le petit Enfant.

 

Brabançonnes à travers les Arbres.

Antwerp, Lumière, 1931.

 

 

Song for a Christmas Night

 

Translation: Timothy Adès

 

Come to the door. We’ll listen

for singing bells, for sirens

whistling, thunder of organs,

which very soon we’ll hear :

listen, the midnight’s near.

 

Hark, till the hour draws on :

the Milky Way’s undone

and Jesus newly-born

shakes his bed’s eiderdown.

 

It snows a milk of stars,

a diamantine dust:

up and away fly veils!

A hint of light at last,

and peace, unending, vast.

 

Huge silence falls. The winds

bring their enchantments, all     

as Christmas offerings.

Not long till midnight rings.

Don’t you hear footfall ?  

 

Joseph and Mary, welcome !

The sky shines bright for you,

here are bread and butter,

apples and coffee too.

Sit snugly at the hearth

and we’ll await together

the white and hallowed wonder

of the pure infant’s birth.

 

 Copyright © Timothy Adès


Son manoir de Missembourg (documentaire "Missembourg, creuset de la création littéraire de Marie Gevers et Paul Willems")

 : https://www.youtube.com/watch?v=mYFjFzev-JE

 

Sa vie littéraire (ACTU-tv Marie Gevers, un reportage de Marc Quaghebeur et Monique Dorsel) : https://www.youtube.com/watch?v=3QI26cueCBM 

 

Gevers par Magali Domain (in Dans Nord ' 2018/1 (N° 71) : https://www.cairn.info/revue-nord-2018-1-page-55.htm

 

Interview de Marie Gevers sur RTBF, un programme de Jacques Goossens (28-11-1969), " La Dame de Missembourg": elle raconte son enfance, ses souvenirs, sa rencontre avec Emile Verhaeren, Max Elskamp et Georges Duhamel, elle évoque les poètes qui lui tiennent à cœur : Apollinaire, Elskamp, Rimbaud et Valéry: https://www.sonuma.be/archive/tele-memoire-litteraire-du-28111969

 

 

1- Brabançonnes à travers les arbres, Marie Gevers (Editions Lumière, Anvers, 1931)

2- Marie Gevers, jeune

3- Photographie du manoir de Missembourg

4- Plaisir des météores (Stock, Delamain et Boutelleau, 1938), réédition chez Espace Nord, nov. 2023

5- Vie et mort d'un étang, Marie Gevers (Paris, France Illustration, 1950), réédité avec sous-titre "récit autobiographique" chez Brepols, Bruxelles, 1961 et 1979, et chez Jacques Antoine, 1974). Puis en chez Eperonniers, coll Passé Présent, 1997

6- Marie Gevers Correspondance, extraits des correspondances entretenues avec des auteurs belges dont : de Ghelderode, Haulot, Lilar, Muno (Labor, 1986) 

7- L'herbier légendaire, Marie Gevers (Stock, Collection Nature Jacques Lacarrière, 1991)

8- Timbre poste en hommage à Marie Gevers (Maria Theresia Carolina Fanny GEVERS) née le 30 décembre 1883 à Edegem, près d’Anvers, au bord de l'Escaut, au manoir de “ Missembourg” où elle est décédée le 9 mars 1975. Par Anne Wisniewska-Velghe, 1996.

9- Photographie de Marie Givers âgée

10- Femmes écrivains -France du Nord, Belgique  (Editeur Société de Littérature du Nord, Collection Nord', Juin 2018)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LA TOUR EIFFEL, MUSE DU CINEMA FRANCAIS, par Carole Aurouet, enseignante-chercheuse en Etudes cinématographiques et audiovisuelles


Notre amie Carole AUROUET  a organisé mardi 12 décembre une "soirée Ciné d'époque" à l'Université de Marne-la-Vallée Gustave Eiffel (Seine et Marne), en offrant un magnifique spectacle cinématographique et musical vivant * à l'occasion du centenaire de la disparition de Gustave Eiffel. Après nous avoir enchantés ici pendant la Covid et les périodes de confinement avec ses deux séries "CHAQUE JOUR UN SOURIRE CONTAGIEUX pour embellir la journée" et "LE CINEMA DE CAROLE", Carole Aurouet revient aujourd'hui sur la place dans le cinéma muet français de celle qui devait devenir plus que la "muse" de tous les cinémas, une "star" à elle-toute seule, figure iconique de Paris inaugurée en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle et du centenaire de la Révolution française : la "Dame de fer".

 

 

* Grâce à une trentaine de musiciens de la compagnie Les Planches à Musique qui ont accompagné certaines projections en direct

 

L'article qui suit a été initialement publié par le media The Conversation (30-11-2023)


La tour Eiffel vue par Luis Jiménez Aranda (1845-1928)

   Le 27 décembre 2023 marque le centenaire de la disparition de Gustave Eiffel. De nombreuses études abordent la façon dont la tour qui porte son nom a inspiré les peintres (Bonnard, Chagall, Delaunay, De Staël, etc.) et les poètes (Apollinaire, Cendrars, Cocteau, Queneau, etc.) depuis sa construction en 1889 à l’occasion de l’Exposition universelle du centenaire de la Révolution française. Mais sa présence dans le cinéma muet, contemporain de la construction du monument, est restée dans l’ombre.

 

Pourtant, quand le cinématographe voit le jour en 1895, six ans donc après la dame de fer, ce nouveau moyen d’expression est d’emblée happé par la tour qui devient sa muse. Dans le catalogue numérisé GP Archives, 121 entrées sur 2 091 sont par exemple proposées pour « tour Eiffel » entre 1895 et le début du parlant en France. Et il s’agit pourtant d’une période pour laquelle beaucoup de bobines ne sont pas parvenues jusqu’à nous, notamment parce que la pellicule 35mm était en nitrate de cellulose, donc inflammable et fragile.

 

DANS LE CINEMA DOCUMENTAIRE DES 1897 

 

En 1897, un appareil de prises de vue Lumière est embarqué pour la première fois dans l’ascenseur de la tour et nous propose un panorama ascensionnel vertigineux de 42 secondes du palais du Trocadéro, avec en premier plan l’ossature métallique de la tour. Cette première n’est peut-être pas très surprenante de la part des Lumière, friands de capturer des images de lieux emblématiques, mais l’originalité réside dans la forme de la séquence, qui superpose audacieusement premier et deuxième plan pour mieux « embarquer » les spectateurs.

 

La présence de la tour est plus surprenante dans les créations de Georges Méliès, mieux connu pour ses fééries et ses films à trucs. En effet, Méliès a réalisé une trentaine de films d’environ une minute consacrés à Paris, entre 1896 et 1900, dont certains donnent à voir le Champ-de-Mars et la tour Eiffel durant l’Exposition universelle de 1900.

 

La même année, les Lumière testent un format expérimental, le 75mm, et mettent à nouveau la tour Eiffel à l’honneur.

 

Leur idée un peu folle consiste à projeter cette bande sur un gigantesque écran de 720 m2 durant l’Exposition universelle – pour repère, le plus grand écran d’Europe est aujourd’hui le « grand large » du Grand Rex, 282 m2. Malheureusement, la construction du projecteur adéquat n’est pas terminée à temps et la projection n’eut pas lieu.

Conservés aux archives du film du CNC à Bois-d’Arcy, ces négatifs extraordinaires ont été restaurés et numérisés en 8K sur un appareil conçu exprès. Projetés uniquement deux fois depuis 123 ans, ils le seront à l’université Gustave Eiffel le mardi 12 décembre 2023 à 19h, lors de la Soirée Ciné d’époque du Centenaire Eiffel.

 

Photogramme de La Course à la perruque de Georges Hatot, 1906

 

DANS LA FICTION DES 1900 

 

En 1906, Georges Hatot met en scène pour Pathé frères La Course à la perruque, une bande comique de 6 minutes truffée de rebondissements, avec une séquence qui transporte le spectateur devant, puis dans la tour Eiffel.

Tous les genres cinématographiques semblent alors contaminés. Ainsi le pionnier du cinéma d’animation, Émile Cohl, créé en 1910 un film d’animation plein d’imagination et de poésie, Les Beaux-Arts mystérieux, une pépite d’inventivité tournée image par image, dans laquelle la tour Eiffel prend forme via un objet du quotidien… des allumettes !

 

Quelques années plus tard, l’engouement ne s’est pas éteint. Durant l’été 1923, René Clair, jeune cinéaste proche de l’avant-garde, tourne Paris qui dort, moyen métrage produit par les films Diamant qui se déroule majoritairement dans la tour Eiffel. Son gardien se réveille et découvre que les rues de la capitale sont vides… Et Clair récidivera cinq ans plus tard avec La Tour, 14 minutes d’une sorte de poème cinématographique qui offre des vues aux angles variés sur la dame de fer.

C’est dans les dernières années du muet que sort Le Mystère de la tour Eiffel de Jean Duvivier, film dans lequel le chef d’une mystérieuse organisation internationale de criminels cagoulés, nommée Ku-Klux Eiffel, envoie des signaux, via la tour Eiffel, à ses membres dispersés en Europe.

 

Le Mystère de la Tour Eiffel  - Les Frères Mironton, 1928, Julien Duvivier © Eye Filmmuseum

 

LA PUISSANCE INSPIRATRICE DE LA TOUR EIFFEL

 

Ces exemples variés montrent bien à quel point la tour Eiffel inspire les pionniers du cinématographe et les metteurs en scène du muet.

S’ils l’insèrent dans des vues documentaires, c’est pour rendre compte de cette prouesse architecturale, construite en 26 mois, et pour signifier combien elle marque les esprits comme le paysage parisien. Rappelons que la tour ne fit pas l’unanimité et qu’elle n’était pas destinée à rester en place. En effet, sa construction a déclenché une levée de boucliers de la part de certains artistes qui sont allés jusqu’à clamer leur protestation le 14 février 1887 dans le grand quotidien Le Temps, publiant une lettre adressée à M. Adolphe Alphand, directeur des travaux de l’exposition universelle. Parmi ces signataires figurent François Coppée, Charles Garnier ou encore Guy de Maupassant.

 

Malgré cette opposition, la tour Eiffel a été érigée et a survécu à sa destruction programmée grâce à la dimension scientifique et stratégique insufflée par Gustave Eiffel : installation d’une station météorologique en 1889 et positionnement d’antennes pour la télégraphie sans fil à partir de 1903.

 

Quant à la présence de la tour dans les films de fiction, elle témoigne de l’impact de son audace architecturale, de son aura esthétique mystérieuse et de sa modernité ; la tour inspire des histoires atypiques, filmées grâce à des plans novateurs, montés de manière ingénieuse.

 

UN ECLAIRAGE SUR L'HISTOIRE DU CINEMA MUET 

 

Si l’on fait si peu état, dans les recherches historiques, de la présence de la dame de fer dans le cinéma muet, c’est sans doute par manque de considération et de légitimation du médium cinématographique lui-même.

Les premiers films, appelés des vues, sont très courts, quelques secondes puis quelques minutes. Ces vues sont projetées dans les foires, sur les places des villes et des villages, dans les cafés et dans certaines salles de théâtre… Le cinématographe est alors un divertissement très populaire, souvent méprisé par l’élite. Les bandes de pellicule sont achetées par des forains qui les usent jusqu’à la corde. Quand elles cassent, ils les coupent, les recollent, si bien que ce ne sont jamais tout à fait les mêmes bandes qui sont projetées.

À partir de 1907 se produit une révolution économique. La puissante société Pathé frères remplace la vente des copies par un système de location. Ce changement modifie l’organisation de la diffusion, et par ricochets la façon de faire et de voir des films. L’exploitation des films donne lieu à une industrie autonome ; des salles dédiées aux projections sont construites et la durée des films s’allonge.

On parle alors de métrage ; de 20 mètres, soit environ 60 secondes, on passe à 740 mètres soit 30 minutes en 1909 ; à 1 500 mètres soit une heure en 1912 ; on atteint même 3 000 mètres soit deux heures en 1913. Les spectacles cinématographiques hybrides mêlent bandes courtes (actualité, comique, animation…) avant ou autour d’un film plus long, noyau dur de la séance. L’ensemble contient des attractions, du jongleur au poète en passant par l’acrobate, et est accompagné de musique, d’un seul instrument à un orchestre, en fonction de l’importance de la salle. Si le cinéma était certes muet (le sonore et parlant n’arrivant qu’à partir de 1927), le cinéma était donc tout sauf silencieux !

 

 N.B : Cet article a été initialement publié le 30-11-2023 par 

The Conversation

L’expertise universitaire, l’exigence journalistique

 

Panorama pendant l'ascension de la Tour Eiffel, 27 novembre 1898, auteur inconnu : https://youtu.be/D6gAGCNNjow

La Course à la perruque, 1906, de Georges Hatot (1876-1959)  : https://youtu.be/RqtSXOl0Umk

 Les Beaux Arts mystérieux, 1910, d'Emile Cohl (1857-1938) : https://www.qwant.com/?t=videos&q=Les+Beaux-Arts+myst%C3%A9rieux%2C+Emile+Cohl&o=0%3AFV4HQ6UQOJA

 

1- Portrait de Gustave Eiffel

2- L'affiche de l'exposition universelle de Paris 1889

3- Vue générale de l'exposition universelle de Paris

4- La Tour Eiffel et la Seine, 1906, par Pierre Bonnard (1867-1947)

5- Les mariés de la tour Eiffel, 1938-1939, huile sur toile, 150 x 136,5 cm, par Marc Chagall (1887-1985),
 Centre national d’art et de culture - Georges Pompidou

6- Tour Eiffel, 1926, 
huile sur toile, 169 x 86 cm, par Robert Delaunay (1885-1941), Musée d’Art moderne de Paris

7- La Tour Eiffel, 1954, par Nicolas de Staël (1913-1955), Museum d'art moderne Troyes

8- Le 4 juillet 1925 la Tour Eiffel s’embrase, révélant le nom de Citroen dans un feu d’artifice. Il s’agit d’une énorme opération publicitaire orchestrée par le constructeur, prévue dans le cadre de l’Exposition des Arts décoratifs organisée cette année là. 6000 mètres de cables et 250.000 lampes seront utilisée à cette occasion. Le concept sera prolongé tous les ans jusqu’en 1934, année de reprise de l’entreprise par Michelin

9- Calligramme sur la Tour Eiffel de Guillaume Apollinaire. « Salut monde dont je suis la langue éloquente que sa bouche ô Paris tire et tirera toujours aux allemands » : nous sommes en 1918, Apollinaire présente la Tour Eiffel comme un symbole de la force de la France devant les allemands. Extrait du recueil Calligrammes, Poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, publié le 15 avril 1918 aux éditions Mercure de France

10- Manuscrit du calligramme d'Apollinaire provenant du don de M. Bernard Poissonnier (Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. NAF 25611)

11- Paris qui dort, film de René Clair

12- Extrait de la protestation d'artistes contre la Tour Eiffel sous forme d'une lettre ouverte publiée dans le journal Le Temps le 14 février 1887 (BnF / Gallica) (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k231310n/f2.item.r=eiffel)

13- Revoir le cinéma muet en France (1908-1919), ouvrage dirigé par Carole Aurouet, Béatrice de Pastre et Laurent Véray (Les éditions du Sonneur, 2023) : Télécharger l'extrait pdf


Carole Aurouet, docteure en littérature et civilisation françaises et latines, maîtresse de conférences HDR à l’Université Gustave Eiffel en Etudes cinématographiques, est membre de l’Institut de recherche en cinéma et audiovisuel. Spécialiste de l’œuvre de Jacques Prévert, ses recherches sont centrées sur les relations qu’entretiennent la littérature et le cinéma, et plus spécifiquement la poésie et le cinéma. Elle a coorganisé le premier colloque international consacré à Prévert et dirigé pour CinémAction : "Jacques Prévert qui êtes aux cieux" (2001).

D’autres poètes sont au centre de ses travaux : Guillaume Apollinaire, Pierre Albert-Birot, Antonin Artaud, Robert Desnos, Benjamin Péret, etc.

Auteure d'une vingtaine d'ouvrages dont Les Enfants du paradis de Marcel Carné (Gremese, 2022), Le Cinéma de Guillaume Apollinaire. Des manuscrits inédits pour un nouvel éclairage (Grenelle, 2018), L'Etoile de mer, poème de Robert Desnos tel que l'a vu Man Ray (Gremese, 2018), Carole Aurouet a aussi écrit une soixantaine d’articles, donné ou participé à une centaine de conférences en France et à l’étranger et a assuré la direction ou co-direction d'une dizaine de publications, dont Revoir le cinéma muet en France (1908-1919) avec Béatrice de Pastre et Laurent Véray (éditions du Sonneur, 2023); un admirable Musidora, qui  êtes-vous ? avec Marie-Claude Cherqui et Laurent Véray (Grenelle, 2022).

Déployant une activité intense, Carole Aurouet a également créé et dirige la merveilleuse collection « Le cinéma des poètes » chez Quidam éditeur (qui a succédé à Nouvelles éditions Place). Elle est aussi directrice de deux autres collections : « Les meilleurs films de notre vie » et « Les films sélectionnés »  chez les éditions Gremese, ainsi que « Le cinéma invisible » chez les éditions Invenit.

 

Derniers ouvrages parus :

- Musidora qui êtes-vous ? (Carole Aurouet, Marie-Claude Cherqui et Laurent Véray, Grenelle, 2022)

- Les Enfants du paradis de Marcel Carné, Carole Aurouet (Gremese, 2022)

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L'ECUREUIL ET LA FEUILLE, par Maurice Carême / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Encore un beau petit rien de Maurice Carême (1899-1978), élu « Prince des poètes » au Café Procope à Paris en 1972.

Le mot écureuil remonte au grec ancien ‘skiouros’ : skia = ombre, ouros = queue. Pour les anglais, l’adorable Squirrel Nutkin est la création de l’écrivain Beatrix Potter (1866-1943).

L’écureuil et la feuille

 

Un écureuil, sur la bruyère,

Se lave avec de la lumière.

Une feuille morte descend,

Doucement portée par le vent.

Et le vent balance la feuille

Juste au-dessus de l’écureuil ;

Le vent attend, pour la poser

Légèrement sur la bruyère,

Que l’écureuil soit remonté

Sur le chêne de la clairière

Où il aime à se balancer

Comme une feuille de lumière.

 

Récit d’un enfant brave et doué :

https://www.youtube.com/watch?v=8pvo24pxQHo

 

The Squirrel and the Leaf

 

A squirrel on the heather

washes, with light for lather.

A faded leaf descends,

borne softly on the winds,

who make the dead leaf hover

where Nutkin sits, right over

his furry head, intending

a heather-gentle landing,

when Nutkin goes careering

up the oak-tree in the clearing,

for that is where he loves to hover,

quite like the leaves of light, all roving over.

 

 Copyright © Timothy Adès

 



Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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La ROSE IMPOSSIBLE FETE SES 10 ANS !

APPEL À CONTRIBUTION !
Pour les 10 ans de l'association "La Rose Impossible" présidée par notre ami Laurent DOUCET, à l'origine de la sauvegarde de l'ancienne Maison d'André Breton à Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot et des projets surréalistes qui ont suivi, Marie Virolle, directrice de la revue A LITTÉRATURE-ACTION, sollicite toutes celles et ceux qui souhaiteraient manifester leur soutien amical à cette aventure hors-norme sous la forme d'un texte de témoignage, d'une création poétique, graphique, d'un document etc.
Votre contribution est à transmettre pour cette fin d'année voire tout début janvier à l'adresse suivante:
marie.virolle@free.fr
Avec laurent.doucet0898@orange.fr en copie svp.
Nous vous y encourageons vivement, l'association fait un travail vraiment remarquable.
Laurent DOUCET nous promet que l'on fêtera cela ensemble !
DL


Poète, professeur de Lettres, histoire et géographie, Laurent Doucet préside l'association La rose impossible (créée en 2014) qui gère la Maison André BRETON (MAB) à Saint-Cirq-Lapopie, le village où le fondateur du Surréalisme passa ses étés de 1951 à 1966. Un village en Quercy, dans le Lot, que le poète écrivain avait décrit, dans le livre d'or de la commune, comme une « rose impossible dans la nuit ».

Fondateur du festival Poésie Jour & Nuit  en Limousin; co-directeur, avec Marie Virolle, de la revue A Littérature-Action, Laurent Doucet est l’auteur, avec le photographe Philippe Fontalba, de A Coney Island in my eyes, en édition bilingue - traduction anglaise : Kevin Harrigan, sous la supervision de Dan Wood - (éditions Black-out, Février 2020), un ouvrage sur l’envers de la célèbre plage de New York, un des lieux mythiques de la pop-culture américaine, « entre freak show et surréalisme ».

Dédié à Lawrence Ferlinghetti (qui a eu 100 ans en 2019), poète américain, et à son œuvre la plus connue, A Coney Island of the Mind (publiée en 1958), cet ouvrage se présente comme un carnet de voyage et nous embarque dans une enquête à la fois sociale, politique et poétique, en nous montrant les dessous de cette partie méconnue de Brooklyn, à quelques stations de métro de la capitale mondiale de la finance, de Manhattan et de Wall Street, également l’énergie remarquable des déshérités et des laissés-pour compte de l’Amérique de Trump pour résister à la dureté du quotidien.

 

Dernières publications :

- Saint-Cirq La Poésie - Ar(t)chéologies d’un « coup de foudre », Laurent Doucet et David Hébert (Dessins) (éditions des Vanneaux, Collection : Carnets nomades, 01-03-2022)

Biens essentiels (éditeur La Rumeur libre, collection Pépites, 03-01-2022)

- A coney island in my eyes, bilingue français-anglais avec des photos de Philippe Fontalba (Éditions Black Out, 2020)

- L’Afrique en héritage, co-auteur, récits réunis par Martine Mathieu-Job et Leïla Sebbar (Ed Bleu autour, 2020)

- Neige et Magma – Carnet d'un voyage en Sicile - poésie bilingue français - italien et photographies d'Olivier Orus - (Ed Marsa, 2018)

- Conjonction d'Insubordination - entretiens avec les poètes Christian Viguié et Laurent Albarracin (Ed La Passe du Vent, collection Entretiens, 2017)

 J’ai cessé de me désirer ailleurs , ouvrage collectif sur Breton, sous la direction de Laurent Doucet (Ed.La passe du vent, 2016)

- Au Sud de l'Occident - South of the West - poésie bilingue français – anglais - (Ed La Passe du Vent, 2015, troisième réédition 2018). Plusieurs de ses textes sont sortis en revue et ont été traduits en turc, grec, roumain, espagnol, arabe et japonais. Sa poésie se nourrit de son envie du monde et de l'incessant tour qu’il y fait, de l'Afrique à Moscou, et de la Chine à New-York, traversant l'Europe et la Méditerranée…

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LA SAUTERELLE, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

   Robert DESNOS Chantefleurs/Storysongs, édition bilingue de chez Agenda Editions : pour avoir ce beau livre, contactez-moi Timothy Adès *. Ma petite-fille, 10 ans, a donné le poème en français à l’école, mon petit-fils, 6 ans, en anglais.

Jour d’émotion !

Tennyson a noté le désastre du prince troyen Tithon, bien-aimé de la déesse Aurore (et ma femme s’appelle Dawn) qui obtient l’immortalité sans la jeunesse : on a pitié, on le convertit en cigale. La radieuse, le vieillard, on les a peints souvent.

Anacréon dit : Nous te bénissons, cigale/sauterelle (τéττιξ téttix, voir ci-dessous)

En traduisant ceci de Desnos, j’ajoute un tout petit vers…

 

 * contact@timothyades.comy compris via cette page

 

 

 

 

Dessin de Cat Zaza dans  Robert DESNOS Chantefleurs/Storysongs

 

LA SAUTERELLE

 

Saute, saute, sauterelle

Car c’est aujourd’hui jeudi.

Je sauterai, nous dit-elle,

Du lundi au samedi.

 

Saute, saute, sauterelle,

À travers tout le quartier.

Sautez donc, mademoiselle,

Puisque c’est votre métier.

 

 

THE GRASSHOPPER

 

Hop, grasshopper, hop away,

Thursday, Friday, Saturday.

I shall hop, we heard her say,

From Monday to the latter day.

 

Hop, grasshopper, hop away,

All around the quarter,

Hop, that’s your job all day,

Being your mother’s daughter.

(That’s what they taught her.)

 

 Copyright © Timothy Adès


 

Benoît Dayrat chante : https://www.youtube.com/watch?v=4KI7kIy3kB8

L’artiste Cat Zaza explique son travail : https://www.youtube.com/watch?v=XIKshiF_Ke0&t=92s

Le poème Tithonus par Alfred, Lord de Tennyson (1809-1892): https://www.poetryfoundation.org/poems/45389/tithonus

Anacréon en français : https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Petits_po%C3%A8mes_grecs/Anacr%C3%A9on/Ode_XLIII

De la cigale : https://sarafidis.wordpress.com/tag/anacreon/ 

"l'étrange son de stridulation de la sauterelle géante de Malaisie ! " : https://www.facebook.com/watch/?v=729743904690164

1- Robert DESNOS Chantefleurs/Storysongs (Agenda Poetry, 2014), un livre charmant, en édition bilingue, pour les enfants et les adultes à chanter sur n’importe quel air. Le brillant poète et surréaliste français Robert Desnos (1900-1945), a écrit ces trente Storysongs ou 'Chantefables' en 1943, peu avant d’être déporté en tant que résistant. Ils ont été rapidement publiés, mais il ne les a jamais vus imprimés. Ces poèmes ont ravi des générations d’enfants. Ils ont été subtilement "traduits" en anglais par notre ami traducteur-poète, Timothy Adès. Ce livre précieux est illustré magnifiquement par l’artiste graphique primée Cat Zaza (Caterina Zandonella)

2- Cat Zaza lors d'une atelier dessin avec des enfants au Musée Guimet, à Paris

3- Tithonus poursuivi par la déesse Eos ("Aurore", "Dawn"), céramique, vers 470-460  avant avant JC, du peintre d'Achille (pseudonyme d’un peintre de vase grec attique d’une qualité exceptionnelle dont la figure raffinée d’Achille sur une amphore; considéré comme le plus "classique" de tous les peintres de vase de la période classique au milieu du Ve siècle) trouvé à Vulci, photographie de Jastrow (2006), Musée du Louvre, Département des antiquités grecques, étrusques et romaines); Tithonus ne fut pas le premier des mortels dont Aurore, connue pour être une grande amoureuse, devait s'amouracher, la mythologie en compte de nombreux. Elle eut deux fils avec Tithonus : Émathion et Memnon.

4- Aurore prenant congé de Tithonus, peinture sur toile,1704, de Francesco Solimena (1657-1743), Los Angeles, The J. Paul Getty Museum

5- Aurore et Tithonus, peinture, 1705, de Sebastiano Ricci (1659-1734), The Royal Collection; la déesse Aurore -  Éos dans la mythologie grecque - qui serait la fille du Titan Hypérion et de la Titanide Théia, tombée amoureuse du prince Tihonus (en grec ancien : Τιθωνός / Tithōnós), fils de Laomédon et frère aîné de Priam), voit leur amour voué à l'échec, car Aurore reste toujours jeune, tandis que le prince devait inoxerablement vieillir, se rabougrir, perclus par la vieillesse. Pour sauver son bien-aimé, Aurore demande à Jupiter d'accorder l'immortalité à Tithonus, mais elle commet une erreur : elle oublie de demander explicitement la jeunesse éternelle...

6- Portrait de Lord Alfred Tennyson (1809-1892), poète anglais, par Helen Allingham (1848-1926)

7-"Cat Zaza", Caterina Zandonella (2017), illustratrice et auteure; dernier ouvrage paru : La maison des enfants (Steinkis, 2022)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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CHANSON DE GRAND-PERE, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   

 

 

 

 

   Victor HUGO dans son dernier recueil L’art d’être grand-père (que j’ai traduit tout entier) nous donne ‘Deux Chansons’. Celle-ci, Chanson de grand-père, toute douce, est pour les filles, l’autre, (Chanson d'ancêtre) belliqueuse, pour les garçons. Victor voulait que la France reprenne pas seulement l’Alsace-Lorraine mais toute la rive gauche du Rhin, y compris Trêves et la Moselle. Ce qui n’a rien à voir avec ces danses innocentes…   

 

 

 

 

 

 

Chanson de Grand-père

 

 

Dansez, les petites filles,

Toutes en rond.

En vous voyant si gentilles,

Les bois riront.

 

Dansez, les petites reines,

Toutes en rond.

Les amoureux sous les frênes

S'embrasseront.

 

Dansez, les petites belles,

Toutes en rond.

Les bouquins dans les écoles

Bougonneront.

 

Dansez, les petites belles,

Toutes en rond.

Les oiseaux avec leurs ailes

Applaudiront.

 

Dansez, les petites fées,

Toutes en rond.

Dansez, de bleuets coiffées,

L'aurore au front.

 

Dansez, les petites femmes,

Toutes en rond.

Les messieurs diront aux dames

Ce qu'ils voudront.

 

 

 

 

i  Grandfather’s Song

 

Dance, little daughters,

    In a ring.

Seeing your sweetness,

    Woods shall sing.

 

Dance, little queen-bees,

    In a ring.

Lovers in ash-groves

    Dallying.

 

Dance, little dreamers,

    In a ring.

Books in the schoolrooms

    Muttering.

 

Dance, little beauties,

    In a ring.

Birds with their wing-beats

    Welcoming.

 

Dance, little fairies,

    In a ring.

Cornflower headbands

    Shimmering.

 

Dance, little ladies,

    In a ring.

Gentlemen’s words come

    Flattering.

 

 Copyright © Timothy Adès

 

 


Quatre vidéos charmantes :

Trois messieurs qui chantent à la guitare :

Benoît Dayrat, compositeur-interprètein Les Poètes romantiques, 2018 : https://www.youtube.com/watch?v=3qidQ3P6MMc

Henri Franceschi, compositeur-interprète : https://www.youtube.com/watch?v=fb4JH-4ygG0

Marc Girot, inVieilles chansons du jeune temps (produit par les Zinformels / WWW.fabrique-des-cigales.frhttps://www.youtube.com/watch?v=-O9iOzJei58

Odile Bruckert, in Chansons des rues et des bois, sur une musique de d'Eric Breton : https://youtu.be/8MPRQYI97XI

La comédienne Isabelle Carré lit Chanson de grand-père in Anthologie poétique pour les enfants : https://youtu.be/pJ9zY-I9T1Q

Et une jeune fille devant sa coiffeuse :

Juliette : https://www.youtube.com/watch?v=PiB0imucuOw

 

- Victor Hugo entouré de Jeanne et de Georges, 1881, par Achille Melandri (1845 - 1905).

- L'art d'être grand-père, Victor Hugo (Calmann Lévy, 1877),  BnF, département Réserve des livres rares, RES P-YE-81/ Gallica. 72 poèmes que Victor Hugo dédie à ses deux petits-enfants Jeanne et Georges Hugo, à ses « marmots ». À 75 ans , l’auteur des Misérables y traduit son amour pour Jeanne et Georges, y célèbre la candeur de la jeunesse et la complicité qui peut se nouer entre les générations, tout en offrant une réflexion sur la vie, la mort, l'amour, l'art et la nature.

- Georges et Jeanne Hugo, 1879, peinture à l’huile de Charles Voillemot, Charles (1823 - 1893), Maison de Victor Hugo - Hauteville House.

- L'Art d’être grand-père, première édition illustrée (par Jean-Paul Laurens, Giaccomelli, Frémiet, A. Marie, Bayard, Bac, Habert-Dys, Gosselin, Mouchot, Benett, Claire Guyot, Dascher, Vuillier, Chapuis, A. Brun, Lancon, Méaulle, Dubois, Vogel, Chovin, Riquet, Bacon, Zier, Scott), gravée par Méaulle (Paris, Société anonyme de publications périodiques,1884).

- L'Art d’être grand-père, 1888.

- Hugo par Rodin (Gazette des Beaux Arts, janv. 1889).

- Mon Grand-Père, mémoires biographiques de Georges Victor-Hugo publiés en 1902 à Paris, chez Calmann-Lévy.

- The Children Dancing, Hans Thoma (1839-1924)

- Partition musicale Chanson de grand-père , 1878, par Camille Saint-Saëns (1835-1921)

- L’Art d’être grand-père, Victor Hugo, préface Michel Butor ( Gallimard, mai 2002).


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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PENSEE DE BYRON, par Gérard de Nerval / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Gérard de Nerval (1808-1855) s’adresse à Lord Byron (1788-1824) qui a entamé un long voyage au début de l’été 1809 dans le bassin méditerranéen qui le fera voguer à partir de l’Espagne vers l’Albanie puis en Grèce.

Grand poète charmant/rimant, sans doute l’écrivain le plus célèbre de son temps, connu pour son philhellénisme, Byron s’est mis en tête de traverser à la nage le Tage et les belles Dardanelles. A la fois pour se confronter à la mythologie antique (et singulièrement à Léandre, l’une de ses figures grecques qui l’impressionnait particulièrement) et pour unir l’Europe et l’Asie ; également pour s’inscrire dans l’Histoire, entendant être connu pas seulement pour son oeuvre littéraire, mais aussi pour ses actions ; grand défenseur de la liberté, engagé contre les guerres de conquête, dans les luttes contre l’oppression, il meurt à 36 ans pour la Grèce (alors sous domination ottomane) dont il a épousé - physiquement et financièrement - la cause pour l’indépendance.

 

 

 

Héro et Léandre, estampe, 1912 gypsographie Pierre Roche (1855-1922), BnF

 

Nerval évoque dans ce poème publié dans son recueil Odelettes une rupture amoureuse et ses doutes quant au fait que l'amour et le bonheur soient compatibles. Il croit plus que le bonheur se trouve d'abord en soi-même : Amour ! tu n’es point le bonheur !”

 

 

Pensée de Byron     Élégie

 

Par mon amour et ma constance,

J’avais cru fléchir ta rigueur,

Et le souffle de l’espérance

Avait pénétré dans mon cœur ;

Mais le temps, qu’en vain je prolonge,

M’a découvert la vérité,

L’espérance a fui comme un songe…

Et mon amour seul m’est resté !

 

Il est resté comme un abîme,

Entre ma vie et le bonheur,

Comme un mal dont je suis victime,

Comme un poids jeté sur mon cœur !

Pour fuir le piège où je succombe,

Mes efforts seraient superflus ;

Car l’homme a le pied dans la tombe,

Quand l’espoir ne le soutient plus.

 

J’aimais à réveiller la lyre,

Et souvent, plein de doux transports,

J’osais, ému par le délire,

En tirer de tendres accords.

Que de fois, en versant les larmes,

J’ai chanté tes divins attraits !

Mes accents étaient pleins de charmes,

Car c’est toi qui les inspirais.

 

Ce temps n’est plus, et le délire

Ne vient plus animer ma voix ;

Je ne trouve point à ma lyre

Les sons qu’elle avait autrefois.

Dans le chagrin qui le dévore,

Je vois mes beaux jours s’envoler ;

Si mon œil étincelle encore,

C’est qu’une larme va couler !

 

Brisons la coupe de la vie ;

Sa liqueur n’est que du poison ;

Elle plaisait à ma folie,

Mais elle enivrait ma raison.

Trop longtemps épris d’un vain songe,

Gloire ! amour ! vous eûtes mon cœur :

O Gloire ! tu n’es qu’un mensonge ;

Amour ! tu n’es point le bonheur !

 

Thoughts of Byron      Elegy

 

I thought my love and constancy

Might cause your rigour to relent.

The breeze of sweet expectancy

Had stirred my deepest sentiment.

I let the wasteful months run on

Till they revealed the truth to me:

My hope’s a dream that’s lost and gone,

Only my love remains to me.

 

My love remains, a cleft profound

Between my life and my content,  

An agony, a victim’s wound,

My spirit’s gross impediment.        

I’m in the snare and must succumb,

For all exertions are in vain:

A man has one foot in the tomb,

When hope is lacking to sustain.

 

I loved to re-awake the lyre,

And often full of reveries

I dared, excited by desire,

To bid it play soft harmonies;

And often bitterly I wept

Singing your qualities divine,

Enchantments of a love-adept,

For you inspired those tones of mine.

 

Those days have vanished now; desire

No longer stirs this voice to sing;

Nor can it conjure on my lyre

Notes of our past, re-echoing.

I see my days of bliss in flight

As gnawing sorrow takes its toll;

And if my eye is sparkling bright,

Know that a tear prepares to fall.

 

Dash down life’s cup: one bane the less !

Its liquor is the merest poison.

Though it has pleased my wilfulness,

It left inebriate my reason.

Too long in futile dreams’ duress

(Glory and Love!) my heart was pent;

But, Glory, you are fraudulent !

And, Love, you are not happiness !

 

Copyright © Timothy Adès

 


1- Portrait  photographique de Nerval, Atelier Nadar (date d'édition :  1890-1920), Gallica / BnF.

2- Byron, 1804, auteur inconnu.

3- Portrait de Byron vêtu d’un costume traditionnel albanais, à l'âge de 25 ans, 1813, version par Thomas Philipps (1770– 1845), © National Portrait Gallery, London.

4- Héro et Léandre, 1798, par Joseph Taillasson (1745-1809), musée des Beaux Arts de Bordeaux.

5- Byron est invoqué chaque 30 août par toux ceux qui veulent s’inscrire dans son sillage et, comme lui, dans la tradition conjuguée de l’histoire et de la mythologie,  pour rallier l'Europe à partir de la rive asiatique, la tête pleine des recommandations de leur hérault sur les deux courants contraires qui les guettent. Les candidats nageurs aujourd’hui reçoivent des médailles, des certificats et des T-shirts pour célébrer leur participation.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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NOUS SOMMES LES PENSEES ARBORESCENTES QUI FLEURISSENT, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Nous restons ce dimanche en compagnie de Robert DESNOS, avec P'Oasis, un poème en prose, écrit entre 1922 et 1923, tiré du recueil l’Aumonyme, publié en tant que section dans Corps et Biens (1930), qui traduit le dialogue intérieur de Desnos en même temps que sa réflexion incessante sur le langage poétique tout en jonglant ou en organisant des jeux poétiques. Egalement avec Dialogue.

André Breton dans ses Entretiens dira qu’ « il  s’y donnera  éperdument, y apportant un goût romantique du naufrage » que traduit le titre même de Corps et biens. Ajoutant que « Nul comme lui n’aura foncé tête baissée dans toutes les voies du merveilleux… »

 

Pour aller plus loin, je vous propose cette analyse qui nous vient du Japon :

https://ir.library.osaka-u.ac.jp/repo/ouka/all/11197/gallia_31_322.pdf, par Agnès Disson, professeur Émérite de littérature française à l’Université d’Osaka, spécialiste de la poésie du XXe et XXIème siècles.

 

 

Portrait de Desnos par André Breton

 

 

                            P’Oasis

                 À Louis Aragon

 

Nous sommes les pensées arborescentes qui

      fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

- Sœur Anne, ma Sainte Anne, ne vois-tu rien

venir ... vers Sainte-Anne?

- Je vois les pensées odorer les mots.

- Nous sommes les mots arborescents qui

     fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

   De nous naissent les pensées.

- Nous sommes les pensées arborescentes qui

        fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

   Les mots sont nos esclaves.

- Nous sommes

- Nous sommes

  - Nous sommes les lettres arborescentes qui

         fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

Nous n’avons pas d’esclaves.

- Sœur Anne, ma sœur Anne, que vois-tu venir vers

Sainte-Anne?

- Je vois les Pan C

- Je vois les crânes  KC

- Je vois les mains  DCD

- Je les M

- Je vois les pensées  BC et les femmes  ME

       et les poumons qui en ont  AC de l’R L O  

       poumons noyés des ponts  NMI.

Mais la minute précédente est déjà trop  AG.

- Nous sommes les arborescences qui fleurissent sur

 

         les déserts des jardins cérébraux. 

 

 

 

 

 

 

  Dialogue

 

- Rien ne m’intéresse.

- Rie, en aimant, Thérèse. 

Poesy’s P’Oasis       pensées = thoughts, also pansies

 

 

We are the poet-tree pansies, the pensées that flower on the paths

              in gardens of the brain.

Sister Anne, my St Anne, do you see nothing coming...

              towards St Anne’s?

-        I see pensées giving their scent to words.

We are the poet-tree words that flower on the paths of gardens

              of the brain,

we give birth to pensées.

We are the poet-tree pensées that flower on the paths of gardens

              of the brain.

Words are our slaves.

- We are

- We are

- We are the poet-tree letters that flower on the paths of gardens

              of the brain.

We have no slaves.

-              Sister Anne, sister Anne, what do U C coming...

              towards St Anne’s?

I  C  Pan CCCCC

I  C skulls after  N  N G O R E S assault

I  C hands that passed  A O A

I love  ’M

I  C  L O pensée and A  D R  D R  L A D

I  C  lungs that have had more than  N F  F  A R  N  C

lungs drowned on  N M E  bridges

But the P R E V S  minute is already  2  O E R E

- We are the poet-trees that flower in the deserts of gardens of the

               brain.

 

 Copyright © Timothy Adès

 

                          Dialogue

Dans mon livre…            In my book …

‘Lo, I’ve nothing to interest my little soul.’

‘Laugh, now think to win, Terry, smile at hell’s hole.’

 

Non ! Dèsormais…        No! From now on…

‘Lo, I’ve nothing to interest my little after-life.’

‘Laugh, now think to win, Terry, smile at a laughter-life.’

 

Copyright © Timothy Adès



1- Page de titre d'un manuscrit de "L'Aumonime" :  Desnos n'a pas encore opté pour le « y » final qui fera la filiation avec L'Ymagier de Gourmont et Jarry (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT 143)

2- Collage original de Desnos figurant dans une chemise contenant des poèmes manuscrits autographes, dessin et collage de Robert Desnos datant des années 1920-1925 (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT 143)

3- Corps et biens, Robert Desnos (NrF, 1930)

4- Portrait de Desnos par Man Ray dédicacé à André Breton, avec une annotation (de Desnos) manuscrite au recto : « Faux lit des grandes heures. À André Breton seize novembre mil neuf cent vingt trois Robert Desnos ». Et une autre (d'André Breton) au dos : « à André Breton, appartient à André Breton » (Exposition - Paris, Musée national d'art moderne / Centre Georges Pompidou, André Breton, la beauté convulsive, 1991 / © Man Ray Trust / ADAGP, Paris, 2005)

5- P'Oasis, par Danièle Boisselier, plasticienne (exposition MINI LIVRES au Musée de l’Imprimerie à Lyon en 2010)

6- Carte d'annonce vernissage du Café Curieux, Bar surréaliste et solidaire de Morsang sur Orge (91) mettant en exergue le premier vers de P'Oasis à l'occasion d'une exposition  d'artistes (juin-oct 2010)

6- Corps et biens, Robert Desnos (Belin-Gallimard, 2016)

7- Œuvres de Robert Desnos et autres contributions de Marie-Claire Dumas (Gallimard, Coll. Quarto, 1999)

8- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant, 527 pages, édition bilingue, par Timothy Adès qui a choisi et traduit quelques 300 poèmes de Desnos (Arc Publications, 2017).


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LE POISSON SANS SOUCI, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Robert DESNOS (1900-45) nous offre encore des trésors poétiques. Ce poisson se trouve dans son recueil La Ménagerie de Tristan (1931) pour le fils de ses amis Lise et Paul Deharme*; Desnos a fait lui-même les dessins. Lise fascine Breton et les autres : on l’appelle "la femme au gant bleu ciel", "le cygne noir" ou encore "la Dame de pique" ; celle qui a beaucoup fréquenté les cercles artistiques de Paris quand elle était jeune fille, ouvre son beau salon aux surréalistes. Breton, Paul Éluard, Dora Maar, Marie-Laure de Noailles, Picasso qui y ont leur rond de serviette en sont les principaux "sociétaires".

Desnos a fait six poèmes pour Tristan et six pour sa sœur Hyacinthe.

 

Le Poisson sans Souci par Desnos

 

*Lise Deharme (1898-1980), poétesse, écrivain prolifique, iconoclaste, volontiers venimeuse, auteure de contes-fables, anticonformiste, penseuse et amoureuse libre, et "salonnière" (terme qu'elle réfutait préférant dire j'ouvre la porte à mes copains), renommée à l'époque du mouvement surréaliste dont elle fut plus qu'une muse, une sorte de "vigie". Elle « aime la mort, l’amour, la boue, le diable, le sexe, le surprenant et l’inconvenant » (Nicolas Perge, in  Lise Deharme, cygne noir, de Nicolas Perge, JC Lattès, 2023)André Breton utilisera l'un des gants de daim bleu ciel de la lauréate du Prix Sainte-Beuve (La Porte à côté, 1949) pour en faire un moulage en bronze et l'ériger comme symbole de la révolution surréaliste.

Paul Deharme (1898-1934), concepteur de programmes radiophoniques, réalisateur, producteur, publicitaire.

 

Le Poisson Sans-Souci 

 

Le poisson sans-souci

Vous dit bonjour vous dit bonsoir

Ah! qu’il est doux qu’il est poli

Le poisson sans-souci.

 

 

Il ne craint pas le mois d’avril

Et c’est tant pis pour le pêcheur

Adieu l’appât adieu le fil

Et le poisson cuit dans le beurre.

 

Quand il prend son apéritif

à Conflans Suresnes ou Charenton

Les remorqueurs brûlant le charbon de Cardiff

Ne dérangeraient pas ce buveur de bon ton.

 

Car il a voyagé dans des tuyaux de plomb

Avant de s’endormir sur des pierres d’évier

Où l’eau des robinets chante pour le bercer

Car il a voyagé aussi dans des flacons

Que les courants portaient vers des rives désertes

Avec l’adieu d’un naufragé à ses amis.

 

Le poisson sans-souci

Qui dit bonjour qui dit bonsoir

Ah ! qu’il est doux et poli

Le poisson sans-souci

Le souci sans souci

Le Poissy sans Soissons

Le saucisson sans poids

Le poisson sans-souci.

 

Le Poisson sans Souci,  lu par Catherine Fava-Dauvergne, artiste graveur ; formée à la sculpture sur métal, au dessin et au modelage, à la danse contemporaine et au chant lyrique, elle pratique la performance (impro voix-geste) et anime des ateliers de lecture vocalisée : https://www.youtube.com/watch?v=op1W_kqIJrU

Sur une musique de Joseph Kosma, Ursula Wick, mezzo soprano, Gérad Wys, piano :  https://www.youtube.com/watch?v=0ktBO4Dkdwc

…Et avec Paul-Alexandre Dubois, baryton, Denis Chouillet, piano : https://www.youtube.com/watch?v=nbVBJqj05os

 

The Fish Sans Souci

 

The fish sans souci

Good morning says he

And even good evening

How suave he must be

The fish sans souci

 

He’s no Fool in April

Bad luck for the fisherman

Farewell rod and morsel

And fish cooked in butter, man

 

When he sips - and savours - his apéritif

At Conflans, Suresnes, or Charenton,

Any tugboats burning coal from Cardiff

Can’t disturb this connoisseur of bon ton.

 

He has travelled through lead piping

And in hard stone sinks lain sleeping

Water-taps to lull him dripping

He has travelled too in bottles

Shipwrecked swept away and drifting

‘Friends farewell’ the sailor’s message

 

The fish sans souci

Good morning says he

And even good evening

How suave he must be

The sans-souci sea-fish

From Swansea to Woolwich

The ounces-free sausage

The sans-souci sea-fish

 

Copyright © Timothy Adès

 

 

 

 


- Robert Desnos,1930, par Claude Cahun

- Tristan et son père Paul Deharme photographiés par Dora Maar devant la demeure de Lise Deharme, la Villa Montfleury, à Montfort-en-Chalosse (circa 1936-1937) qui deviendra l'annexe campagnarde du Salon parisien de Lise; au second plan, André Breton.

- Cahier de curieuse personne, Lise Deharme (Éditions des Cahiers libres, Paris, 1933), BnF. Avec, en exergue, cette mention: "Ecris tout ce qui te passe par la fenêtre" (Gallica, BnF)

- Lise Deharme dessinée par Valentine Hugo (née Valentine Marie Augustine Gross) pour Cahier de curieuse personne.

- Portrait de Lise Deharme dans son appartement, vers 1935, par Dora Maar (1907-1997)

- Portrait de Lise Deharme avec une poupée cassée vers 1930

- Le déjeuner, André Breton, Nusch Éluard, Lise Deharme et un enfant, par Dora Maar (circa 1936)

- Gant de Lise Deharme, offert à Breton (1896-1966) pour l’illustration de la couverture de NADJA, sculpture en bronze argenté (L. 20,5 x P. 9,5 cm)

- La Ménagerie de Tristan et autres poèmes, Robert Desnos, Illustrations de Martin Matje (Gallimard jeunesse, 2014)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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BORGIA : LA LEGENDE DES SIECLES, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   

   Je ne sais pas s’il s'agit du pape Alexandre VI ou de son fils César. Certes ils attiraient tous deux des reproches.

Mais à quelle échelle ? Le Borgia du poème de La Légende des Siècles, série III (1883) ne dit pas qu’il est pire que Satan. Il ne fait qu’un petit geste d’insolence.

Et pourquoi la critique si amère, la renommée si terrible ? Une obscure famille espagnole qui a voulu trop faire trop vite…

 

 

 

Je me penchai. J’étais dans le lieu ténébreux ;

Là gisent les fléaux avec la nuit sur eux ;

Et je criai : — Tibère ! — Eh bien ? me dit cet homme.

— Tiens-toi là. — Soit. — Néron ! — L’autre monstre de Rome

Dit : — Qui donc m’ose ainsi parler ? — Bien. Tiens-toi là.

Je dis : — Sennachérib ! Tamerlan ! Attila !

— Qu’est-ce donc que tu veux ? répondirent trois gueules.

— Restez là. Plus un mot. Silence. Soyez seules.

Je me tournai : — Nemrod ! — Quoi ? — Tais-toi. — Je repris :

— Cyrus ! Rhamsès ! Cambyse ! Amilcar ! Phalaris !

— Que veut-on ? — Restez là. — Puis, passant aux modernes,

Je comparai les bruits de toutes les cavernes,

Les antres aux palais et les trônes aux bois,

Le grondement du tigre au cri d’Innocent trois,

Nuit sinistre où pas un des coupables n’échappe,

Ni sous la pourpre Othon, ni Gerbert sous la chape.

Pensif, je m’assurai qu’ils étaient bien là tous,

Et je leur dis : — Quel est le pire d’entre vous ?

 

Alors, du fond du gouffre, ombre patibulaire

Où le nid menacé par l’immense colère

Autrefois se blottit et se réfugia,

Satan cria : — C’est moi ! — Crois-tu ? dit Borgia.

Bande-annonce de Lucrèce Borgia, Comédie Française :

https://www.youtube.com/watch?v=kb9V2F83f-g

I leaned and I looked in the shadowy zone

Where lurk in dark night all the Scourges of Man.

I called out ‘Tiberius!’ and ‘Well?’ he replied:

‘Just stay there.’ ‘Agreed.’ ‘Nero!’ Rome’s other villain:

‘Who dares to accost me?’ Said I: ‘Good. Stay put.’

‘Sennacherib! Tamburlaine! Attila!’ ‘What

Do you want?’ said three maws. ‘Stay there. Quiet! On your own:  

Not a word.’ I turned. ‘Nimrod!’ ‘What?’ ‘Silence!’ And then

‘Rhamses! Hamilcar! Phalaris! Cyrus! Cambyses!’

‘What is it? ‘Stay there.’ So I passed to the moderns,

Comparing the noises from so many caverns,

The throne to the forest, the cave to the palace,

Pope Innocent screaming, the tiger who bellows:

Evil night which the guilty can never escape,

Not Otto in purple, not Gerbert in cope.

All were present, correct: I checked carefully first:

And I asked them ‘Of all of you, which is the worst?’

 

From deep in the gulf, from the gloom of the gallows,

Where once long ago like a fledgling in danger

He cowered and fled from the infinite anger,

Satan roared ‘It is I!’... ‘Do you think so?’ said Borgia.

 

 Copyright © Timothy Adès


Lucrèce et César Borgia 

La Légende des siècles (Culturea, sept. 2023)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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Le roi de Thulé, par Gérard de Nerval / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   Voici que Nerval a traduit Goethe ; moi aussi.

Né en 1808 d’un père médecin militaire de l’armée impériale napoléonienne, Gérard Labrunie est très tôt confié à un grand-oncle installé dans le Valois, en Picardie, alors que son père doit accomplir son service en Allemagne et en Autriche. Sa femme Marie Marguerite Antoinette qui l’y accompagne meurt à Gross-Glogau en Silésie deux ans plus tard, alors que le petit Gérard n’a pas encore trois ans. Cette tragédie marque fortement son œuvre, qui n’a de cesse de revenir sur une origine mystérieuse bien souvent teintée de germanisme.

 

 

Sa première publication importante est une traduction du premier Faust de Goethe, en 1827. Jusqu’à la fin des années 1840, il se livrera à d'autres traductions, avec une prédilection pour la poésie qui fait de Nerval l’introducteur de l’œuvre poétique de Heinrich Heine, en 1848.

 

Où est Thulé ? Pour les Anciens, c’était l’endroit plus au nord, en latin ultima Thule. Maintenant c’est une base aérienne américaine en Groenland.

 

 

Le roi de Thulé

Traduction Gérard de NERVAL

(Recueil Odelettes)

 

 

 

 

Il était un roi de Thulé

A qui son amante fidèle

Légua, comme souvenir d’elle,

Une coupe d’or ciselé.

 

C’était un trésor plein de charmes

Où son amour se conservait :

A chaque fois qu’il y buvait

Ses yeux se remplissaient de larmes.

 

Voyant ses derniers jours venir,

Il divisa son héritage,

Mais il excepta du partage

La coupe, son cher souvenir.

 

Il fit à la table royale

Asseoir les barons dans sa tour ;

Debout et rangée alentour,

Brillait sa noblesse loyale.

 

Sous le balcon grondait la mer.

Le vieux roi se lève en silence,

Il boit, – frissonne, et sa main lance

La coupe d’or au flot amer !

 

Il la vit tourner dans l’eau noire,

La vague en s’ouvrant fit un pli,

Le roi pencha son front pâli…

Jamais on ne le vit plus boire.

 

 

Les paroles chantées ne seraient pas identiques, mais quand même…

 

Berlioz/Barron : https://www.youtube.com/watch?v=LUQv50XjE4Q

Gounod, Callas : https://www.youtube.com/watch?v=288u-gTn7kk

Gounod/Hartig : https://www.youtube.com/watch?v=Krv8ys5ri1A

Roland Pöntinen / Barbara Hendricks :

https://youtu.be/UI7w5kvwxEc?t=5

Belle lecture : https://www.youtube.com/watch?v=plE2ZU209q0

 

 

Der König in Thule 

Poème d'origine de Johan Wolfgang von GOETHE publié en 1782 (repris dans le Recueil Faust, partie I: fredonné par Marguerite le soir de sa première rencontre avec Faust)

  

 

Es war ein König in Thule,

Gar treu bis an das Grab,

Dem sterbend seine Buhle

einen goldnen Becher gab.

 

Es ging ihm nichts darüber,

Er leert' ihn jeden Schmaus;

Die Augen gingen ihm über,

So oft er trank daraus.

 

Und als er kam zu sterben,

Zählt' er seine Städt' im Reich,

Gönnt' alles seinen Erben,

Den Becher nicht zugleich.

 

Er saß beim Königsmahle,

Die Ritter um ihn her,

Auf hohem Vätersaale,

Dort auf dem Schloß am Meer.

 

Dort stand der alte Zecher,

Trank letzte Lebensglut,

Und warf den heiligen Becher

Hinunter in die Flut.

 

Er sah ihn stürzen, trinken

Und sinken tief ins Meer,

die Augen täten ihm sinken,

Trank nie einen Tropfen mehr.

 

Copyright © Timothy Adès

 

Musique de : Schubert, Schumann, Berlioz, Liszt, Gounod, Massenet et bien d’autres.

 

Schumann : https://www.youtube.com/watch?v=SUBTOXrXrdU

Schubert : Elly Ameling : https://www.youtube.com/watch?v=GifxekQOX-U

Schubert: Fischer-Dieskau : https://www.youtube.com/watch?v=AOBjx72XgaU

Maybebop : https://www.youtube.com/watch?v=gxmEv-6evOk

 

 


 

The King in Thule – mes paroles

 

There was a King in Thule

Was faithful to the grave,

To whom his dying consort

A golden beaker gave.

 

He valued nothing higher,

At each meal drained the cup;

His eyes were brimming over

Each time he picked it up.

 

When death was stealing on him,

His kingdom’s towns he told;

 Gave all to his successor,

Except the cup of gold.

 

He sat at royal banquet

With knightly company

In the high hall ancestral,

The castle by the sea.

 

Up stood the old imbiber

And drained life’s final glow,

And hurled the blessed beaker

Into the waves below.

 

He saw it falling, filling,

And sinking in the sea;

Down sank his eyes; and never

Another drop drank he.

 

Copyright © Timothy Adès

Belvedere „Schöne Höhe“ des Johann Gottlob von Quandt mit Fresken zu Goethe-Balladen – Der König in Thule, par Carl Gottlieb Peschel (1787-1859)

Le roi de Thulé, dessin de Ary Scheffer (1795-1858), 1808

Le Roi de Thulé par Pierre Jean Van der Ouderaa (1841-1915), 1896

La Coupe du Roi de Thulé, par Camille Metra-Hubbard (1864-1936) (Paris, Galerie de Landermelle), 1896

"Prince Vaillant", Le Roi de Thulé, BD de Hal Foster, (Hachette, 1974)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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IMPRESSION FAUSSE, par Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Voici un poème de Verlaine dont certaines strophes sont bien connues des enfants : non pas celles de la prison; ni, bien sûr, les très beaux dessins érotiques de Bonnard et d'autres  artistes dans quelques éditions de ce recueil Parallèlement qui remonte à 1889, édité  à Paris par Léon Vannier .

 

Selon le website ‘Liedernet’, les paroles  de ‘Dame Souris’ ont inspiré pas moins de vingt-neuf compositeurs : y compris, traduites, un allemand et un anglo-saxon.

 

“Les sept poèmes regroupés sous le titre « Révérence parler », écrits entre 1873 et 1875 durant le séjour à la prison de Mons, étaient prévus à l'origine pour le recueil Cellulairement, finalement abandonné. Ils ont déjà été publiés en 1885 dans la revue Lutèce.“

 

Paul Verlaine par Eugène Carrière, 1890

Huile sur toile (H. 61,2 ; L. 50,5 cm)

(© RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski)

 

Impression fausse

 

Dame souris trotte,

Noire dans le gris du soir,

Dame souris trotte

Grise dans le noir.

 

On sonne la cloche,

Dormez, les bons prisonniers !

On sonne la cloche :

Faut que vous dormiez.

 

Pas de mauvais rêve,

Ne pensez qu'à vos amours

Pas de mauvais rêve :

Les belles toujours !

 

Le grand clair de lune !

On ronfle ferme à côté.

Le grand clair de lune

En réalité !

 

Un nuage passe,

Il fait noir comme en un four.

Un nuage passe.

Tiens, le petit jour !

 

Dame souris trotte,

Rose dans les rayons bleus.

Dame souris trotte :

Debout , paresseux ! 

 

 

Et comme musique

Les enfants de Limogne : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=JeS_ezvn4IE

Numa : https://www.youtube.com/watch?v=T5DPtPJ4CXY

Françoise Hardy (lyrique extravagante) : https://www.youtube.com/watch?v=adMGdIDCIeQ

 

 

False Impression

 

Mrs Mouse trots,

Black in grey dusk.

Mrs Mouse trots,

Grey in black dark.

 

Tolling bell:

Turn in, prisoners!

Tolling bell:

Time for slumbers!

 

No bad dreams:

Dream of a lover.

No bad dreams:

Lovelies for ever!

 

Big bright moon.

Near, loud snores.

Big bright moon,

Real, of course!

 

Cloud overhead,

It’s furnace-black.

Cloud overhead:

The half-light, look!

 

Mrs Mouse trots,

In azure rays, rosy.

Mrs Mouse trots:

Rise, shine, you lazy…!

 

 Copyright © Timothy Adès

 


1 et 2- Portrait de Verlaine par le photographe, peintre et graveur néerlandais Willem Witsen (1860-1923), lors d'une une visite aux Pays-Bas en nov.1892

3,4, 5 et 6- Recueil Parallèlement, édition illustrée avec des lithographies de Pierre Bonnard (Ambroise Vollard éditeur, sur les Presses de l'Imprimerie Nationale, 29-09-1900), tiré à 200 exemplaires; poème Impression fausse.

7- Portrait de Verlaine et d'un ami, par Mariette Lydis (1887-1970), 1949

8- Dame souris trotte, choix de poésie, Fasquelle

9- Dame Souris Trotte, par Françoise Hardy, 1970 (Vinyle 45 T Sonopresse produit par Micky Jones and Tommy Brown).

10- Réédition en nov. 2020, chez Hazan, du recueil Parallèlement de Verlaine, édition illustrée par le peintre, illustrateur, graveur et sculpteur Pierre Bonnard (1867-1947)à titre posthume. 


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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UNE FEMME M'A DIT CECI : - J'AI PRIS LA FUITE, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


"L'Arrestation de Louise Michel" par Jules Girardet (1856-1946)

(Musée d'art et d'histoire Paul Eluard, Saint Denis)

  

  L’Année Terrible.: C'est le titre du livre de poésie de Victor HUGO inspiré par le Siège de Paris en 1871, paru en 1872.

Depuis septembre 1870, HUGO foule de nouveau le sol de France après 19 ans d’exil. Un exil qui fut pour lui « la goutte qui tombe, / Et perce lentement et lâchement punit / Un cœur que le devoir avait fait de granit; / C'est la peine infligée à l'innocent, au juste, / Et dont ce condamné, sous Tarquin, sous Auguste, / Sous Bonaparte, rois et césars teints de sang / Meurt, parce qu'il est juste et innocent ...»)

La période est marquée par la défaite militaire contre la Prusse, ainsi que par un grand ressentiment issu du traité de paix et par la terrible famine endurée par les parisiens en 1870. La Commune de Paris nait en réaction. L'exaspération tourne à l'insurrection quand Adolphe Thiers décide le 18 mars de désarmer la garde nationale de Paris.  La Commune de Paris est très durement réprimée et les Communards exécutés en masse.

 

C'est à Paris, "capitale des peuples", qu'il adresse la dédicace du volume. «  ... Le moment où nous sommes passera, nous avons la république, nous aurons la liberté » écrit-il dans son avertissement (Paris, avril 1872).

La poésie qui suit fait partie de la section Juin.

 

   2022 : pour commémorer la 150e année de la parution de son recueil, le musée Victor Hugo à Villequier ("la Maison Vacquerie"), en Seine Maritime, propose une expo (intitulée « Exposition : L’Année Terrible 1870/1871 – œuvres poétiques au retour d’exil») qui est prolongée jusqu’au 24 septembre 2023.

 

" I want you to act as if our house is on fire. Because it is ",

la jeune activiste Greta Thunberg à Davos en 2019

 

   2023 est pour nous tous, pour le genre humain et notre planète, encore une année terrible d’incendies et d’inondations et surtout de mauvaise gérance. Total et Paribas attaquent sous la glace arctique, tant qu’il y en reste, ainsi que le font bien d’autres, surtout les russes* : ils versent de l’huile sur les flammes : et comme conduite d’entreprises et de gouvernements, c’est trop typique, c’est trop normal. … Il faut que ça change, et vite !

 

* Un rapport 2021 de l'ONG Reclaim Finance montre à quel point les entreprises restent intégrées dans la region [arctique], les auteurs soulignant que les projets de Gazprom PJSC, ConocoPhillips et TotalEnergies SE signifient que la production de pétrole et de gaz dans la région devrait augmenter de 20% au cours des cinq prochaines années. Le rapport a également révélé que de 2016 à 2020, les banques commerciales, dont JPMorgan Chase (18,6 milliards de dollars), Barclays (13,2 milliards de dollars), Citigroup (12,2 milliards de dollars) et BNP Paribas (11,8 milliards de dollars), ont canalisé plus de 314 milliards de dollars vers les principales sociétés développant le pétrole et le gaz en amont dans l'Arctique.

https://reclaimfinance.org/site/2021/03/24/rapport-les-banques-francaises-plus-grands-financeurs-europeens-des-energies-fossiles-en-2020/

 

T.A

 

 

Voici selon Hugo la fin de la Commune en juin 1871…

 

 

 

Une femme m'a dit ceci : - J'ai pris la fuite.

Ma fille que j'avais au sein, toute petite,

Criait, et j'avais peur qu'on n'entendît sa voix.

Figurez-vous, c'était un enfant de deux mois ;

Elle n'avait pas plus de force qu'une mouche.

Mes baisers essayaient de lui fermer la bouche,

Elle criait toujours ; hélas ! elle râlait.

Elle voulait téter, je n'avais plus de lait.

Toute une nuit s'était de la sorte écoulée.

Je me cachais derrière une porte d'allée,

Je pleurais, je voyais les chassepots briller.

On cherchait mon mari qu'on voulait fusiller.

Tout à coup, le matin, sous cette horrible porte,

L'enfant ne cria plus. Monsieur, elle était morte.

Je la touchai ; monsieur, elle était froide. Alors,

Cela m'était égal qu'on me tuât ; dehors,

Au hasard, j'emportai ma fille, j'étais folle,

J'ai couru, des passants m'adressaient la parole,

Mais je me suis enfuie, et, je ne sais plus où,

J'ai creusé de mes mains dans la campagne un trou,

Au pied d'un arbre, au coin d'un enclos solitaire ;

Et j'ai couché mon ange endormi dans la terre ;

L'enfant qu'on allaita, c'est dur de l'enterrer.

 

Et le père était là qui se mit à pleurer.

 

     

 

June 1871

The End of the Paris Commune :

from ‘The Terrible Year’

 

A woman told me this: ‘I took to flight.

My baby at my breast, poor little mite,

Cried, and I was afraid she might be heard.

Imagine, Sir, the child was two months old,

No stronger than a fly. I tried and tried

To stop her mouth with kisses: but she cried,

Rattling. She would have fed, but I was dry:

I only wept. That’s how a night went by.

I hid behind a door. I saw the glint

Of arms, the guns of killers, on the hunt

For my husband. Morning broke. Behind that door,

A curse on it! my darling cried no more.

Sir, she was dead: I touched her, she was cold.

I ran, not caring if I too was killed,

Anywhere, with my daughter. People called

Out to me, but I fled, I don’t know where,

Into the fields, and dug a hole with bare

Hands, in some paddock, in a place of shade.

It’s hard to bury one your breast has fed!

I laid to rest in earth my angel, sleeping.’

 

The father stood beside her: he was weeping.

 

 

 Copyright © Timothy Adès


1- « Exposition : L’Année Terrible 1870/1871 – œuvres poétiques au retour d’exil», Musée Victor Hugo, jusqu'au 24 septembre 2023

2- Musée Victor Hugo à Villequier (76490)

3- "Le Mur des Fédérés". Les derniers Communards sont fusillés au Père-Lachaise

4- Barricade de la Commune de Paris, 18 mars 1871

5- L'Année terrible,  1872 (Paris, Michel Lévy frères, Librairie nouvelle), BnF, département Littérature et art, 8-YE-1010

6- L'Année terrible, 1874, illustration de Léopold Flameng, Léopold (1831-1911), co-illustrateur avec Daniel Vierge (1851-1904), BnF


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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EPITAPHE, par Paul Scarron / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Voici l’ÉPITAPHE que s’est écrit l'écrivain, poète et auteur de pièces de théâtre Paul SCARRON (1610-1660). Il a beaucoup souffert physiquement, c’est peut-être la polio. Le meilleur de ses écrits serait le Roman comique. L'auteur également des Nouvelles tragi-comiques qui inspireront Molière épouse Françoise d’Aubigné qui deviendra Madame de Maintenon, venant de NIORT (Deux-Sèvres) comme l’ami Dom Lévèque lui-même.

 

Wikipédia nous raconte :

« Françoise d’Aubigné est la fille de Constant d’Aubigné - lui-même fils du célèbre poète protestant et ami d'Henri IV, Agrippa d'Aubigné - et de sa seconde épouse Jeanne de Cardilhac. Constant d'Aubigné, après avoir abjuré sa foi protestante en 1618, assassine sa première épouse et son amant en 1619, puis dépense rapidement la dot de la deuxième, et est soupçonné d'intelligence avec les Anglais avec qui il est en relation d'affaires.

 

 

Portrait de Paul Scarron

BnF, département Estampes et photographie, RESERVE QB-201 (44)-FOL

 

 

 

 

 

Il est ainsi enfermé dans plusieurs prisons, dont celle de Bordeaux, le Château Trompette, et celle de Niort. Françoise naît le 27 novembre 1635 rue du Pont dans la prison royale de Niort (baptisée à Niort, paroisse Notre-Dame), dans la geôle où son père est incarcéré pour dettes (Jeanne de Cardilhac, trop jeune et désargentée, partageant la cellule avec son mari), ce lieu de naissance étant incertain.” …Une vie qui passe de la honte à la gloire !

 

 

 

 

 

 

Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon, représentée en sainte Françoise Romaine, vers 1694, par Pierre Mignard (Château de Versailles)

 

 

Épitaphe

 

Celui qui ci maintenant dort

Fit plus de pitié que d’envie,

Et souffrit mille fois la mort

Avant que de perdre la vie.

Passant, ne fais ici de bruit,

Prends garde qu’aucun ne l’éveille;

Car voici la première nuit

Que le pauvre Scarron sommeille.

 

 

 

 

Epitaph

 

A sleepyhead here is laid.

He's less to be envied than pitied,

who a thousand times over was dead

before of his life he was quitted.

So don't make a sound as you pass:

don't waken him, don't molest:

tonight's the first time, alas,

that Scarron has had a good rest.

 

Copyright © Timothy Adès


Le Roman comique / Portrait de Françoise d’Aubigné, la future Madame de Maintenon, attribué à Pierre Mignard, XVIIe siècle (Photo collections du musée Bernard-d’Agesci  à Niort) / Portrait de Paul Scarron, peinture de l'école française du XVIIIe siècle.(Musée Tessé, Le Mans) /

Le Roman comique, Paul Scarron (Librairie Artistique H.Launette et Cie, Paris, 1888)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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VILLES (Ce sont des villes !), par Arthur Rimbaud / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Le grand compositeur anglais Benjamin BRITTEN a créé de la musique pour des éléments choisis des ILLUMINATIONS de RIMBAUD.

Pour la soprano Julia KOGAN j’ai créé une traduction anglaise conforme à la musique. Julia enregistrera mes Illuminations anglaises en septembre prochain. Quelle gloire !

En voici les premières paroles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J'ai seul la clef de cette parade sauvage. …

 

Villes

 

Ce sont des villes ! C'est un peuple pour qui se sont montés ces Alleghanys et ces Libans de rêve !

 

Des chalets de cristal et de bois qui se meuvent sur des rails et des poulies invisibles.

 

Les vieux cratères ceints de colosses et de palmiers de cuivre rugissent mélodieusement dans les feux. … …

 

Des cortèges de Mabs en robes rousses, opalines, montent des ravines.

 

Là-haut, les pieds dans la cascade et les ronces, les cerfs tètent Diane.

 

Les Bacchantes des banlieues sanglotent et la lune brûle et hurle.

 

Vénus entre dans les cavernes des forgerons et des ermites.

 

 

Des groupes de beffrois chantent les idées des peuples. Des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue. ...

 

Le paradis des orages s'effondre. Les sauvages dansent sans cesse la Fête de la Nuit. …

 

 

Quels bons bras, quelle belle heure me rendront cette région d'où viennent mes sommeils et mes moindres mouvements ?

1. Fanfare

 

I hold the one key / to all this untamed / parade.

 

2. Cities

 

These are the towns! And a people for whom arose these Alleghenies, these Lebanons of dreaming.

 

These are the towns! Their cottages of crystal and wood are moved by means invisible, by rails and by pulleys.

 

The ancient craters, ringed with colossi and with palm-trees of copper, that rumble melodiously in the flames.

 

These are the towns! The processions of Mabs, in opaline and russet dresses, climb from narrow gorges.

 

Up high, their feet in the cascade and the briars, stags suck milk from Diana.

 

The Bacchantes of suburbs are in anguish, and the moon is burning, howling.

 

Venus appears inside the caverns of toiling smiths and of holy hermits.

 

These are… Belfries assemble to intone the ideas of peoples. From castles built of bone emerges music known to no-one.

 

These are the towns! The paradise of typhoons is collapsing… Savage tribes go endlessly dancing, dancing, endlessly dancing to celebrate the night…

 

These are the towns! What kind arms, what lovely hour will restore me this whole domain from which comes all my sleep and my movements great and small ?

 

Copyright © Timothy Adès

 


1- Manuscrit des Illuminations, Arthur Rimbaud (1854-1891), auteur du texte; Paul Verlaine (1844-1896). auteur de lettres (Date d'édition : 1873-1875), BnF, Département des Manuscrits. NAF 14123 /  2- J'ai seul la clef de cette parade sauvage, Arthur Rimbaud, Illuminations, 1949, lithographie de Fernand Léger / 3- Photographie de Julia Kogan


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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QUAND LES REFLETS VISITENT D'AUTRES TEMPS, avec Carole Epinette, (entre autres) artiste photographe


Si elle a pris du recul avec la frénésie de son travail d'artiste photographe professionnelle - qu'elle exerce depuis près de 25 ans, y compris dans des collaborations avec des titres comme  Rock & Folk, Rolling Stone, Libération  et Le Monde - en s'installant en Dordogne ces dernières années, en interrogeant l'urgence et les enjeux de la transition écologique, en se ménageant au passage son propre jardin, et en entamant une nouvelle carrière d'hypnothérapeute, l'amie Carole EPINETTE, auteure notamment de ROCK Fictions  garde intact sa passion pour le monde de la musique et celui de la photographie.

Preuve en est cette expo au coeur du Périgord Noir, dans un village d'art et d'artistes situé entre Montignac et Les Eyzies  dont la première partie est dédiée aux portraits de figures de légende telles David Bowie, AC/DC, Sex Pistols, Metallica, Amy Whinehouse, Dépeche Mode, Alain Bashnun, Jean-Louis Murat, Red Hot Chili Peppers...

Et une seconde partie dédiée elle à un univers plus large, celui du Vivant, de la "diversité de la vie" comme aime à dire Yves Paccalet *, fait du monde humain, bien sûr, mais aussi de celui du monde animal, végétal et minéral, de leurs connections. Elle y témoigne de son expérience sensible de l'Afrique (Tanzanie, Namibie, Botswana, Congo, Afrique du Sud, Kenya, Zambie...). On peut y découvrir, à la faveur d'une commande d'une ONG, des photos issues d'un documentaire réalisé par Carole sur les enfants pygmées du Congo chassés des forêts par les ravages de la déforestation qui sont sur le chemin de l'école...

DL

 

* Yves Paccalet, écrivain, journaliste et naturaliste français, fit partie de l'équipe du commandant Cousteau de 1972 à 1990, a été élu conseiller régional de Savoie en 2010 pour EELV (Europe Écologie - Les Verts), qu'il quitte en 2013.

 

Une partie du travail de Carole Epinette peut être vue sur le site suivant : www.karoll.f


 

 

  Lemmy assiste au concert de Jean-Louis Murat, J.Higelin à celui de PJ Harvey...🤣😅

Regardez bien....prenez ce temps...

 

Carole EPINETTE

 

Expo photo à Saint Léon sur Vézère (juste au-dessus du point info vers la Mairie) jusqu'au 20 juillet 2023.

 

Horaires : 11h - 18h30 chaque jour sauf mardi 18 juillet : 15h - 20h

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A PROPOS DE "ROCK FICTIONS", l'excellent livre de Carole Epinette, sorti en novembre 2018 (Cherche Midi) :

 

" Rock Fictions, le nouveau livre de Carole Epinette est une aventure à partager. Amateurs de Rock, admirateurs de nos artistes de légendes, vous n’êtes certainement pas passés ces dernières années à côté des nombreuses photos de Carole Epinette.

Depuis maintenant plus de vingt cinq ans, elle s’immisce dans les coulisses, “shootant” les plus grands artistes afin de nous offrir des instantanés mythiques. Iggy Pop, Marylin Manson, The Cure, Motörhead, les Stones, AC/DC… tous ont été figés par l’œil acéré de Carole. Un amour de la photographie au service de la musique rock… ou l’inverse.

 

Puissent ces fugaces observations du monde apporter une petite lueur dans votre âme”, écrit l’artiste en accueil de son site internet.

 

Rock Fictions: un concept original

 

Les photographes ont généralement l’habitude de partager leurs travaux bien souvent chichement commentés, ou plus généralement de servir d’illustration au texte d’écrivains ou de journalistes. Carole Epinette est une créative. Son idée de renverser le concept classique produit un ouvrage aussi riche qu’atypique. Le concept est génial. La photographie illustrée par la littérature, elle qui si souvent est à l’inverse!

 

Des auteurs s’inspirent des photos de Carole

 

Des écrivains, des poètes et des journalistes ont donc choisi une photographie inspirante à leur yeux, pour y laisser divaguer les affres de l’imagination. 21 auteurs au total, dont Amélie Nothomb, Erwan Larher, Gilles Marchand, Bernard Minier, ou encore Thomas VDB et Jérôme Attal, se sont prêtés au jeu. Le livre de Carole Epinette s’intitule Rock fictions. Vous y découvrirez les histoires imaginées à partir de moments authentiques figés sur la pellicule par Carole.

 

Nouvelles sombres, ou récits lumineux, divagations imaginaires, et parfois même déclaration d’amour à un groupe. C’est notamment le cas pour Jean Luc Bizien qui nous conte divinement Motörhead en Live :

 

«L’univers se divise en deux catégories, ceux qui ont vu Motörhead en Live… et ceux qui n’ont pas eu la chance. Pour ces derniers, un rappel succinct. Aller à un concert de Motörhead, ce n’était pas assister à un concert de Rock. C’était vivre une expérience METAPHYSIQUE.» "

(culturesco.com , Auguste Marshal, 24 janvier 2019)

 

N.B : Le livre ROCK Fictions est disponible chez l'éditeur mais aussi directement auprès de Carole EPINETTE, si l'on souhaite une relation plus directe avec son auteure :

carole.epinette@gmail.com

 

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LES POETES, UN JOUR, REVIENDRONT SUR LA TERRE, par Jean Cassou / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


  

 

   Le 9 juillet : anniversaire à la fois de Jean CASSOU qui naquit en 1897, et de mes noces en 1966. C’est avec les *33 sonnets composés au secret* du dit ‘grand méconnu’, que j’ai découvert mon goût pour la traduction de la poésie rimée, et que, débutant, j'ai été honoré par la remise d’un prix !

Dans la prison à Toulouse, le résistant compose ses strophes de tête, ‘la nuit pour son encre, la mémoire pour son papier’, c’est Aragon qui l’a dit.

Les Sonnets seront la première publication des Éditions de Minuit (fondées en 1941) sortie clandestinement le 15 mai 1944 : CASSOU sera Jean Noir, ARAGON, de qui est la préface, sera François LA COLÈRE.

Voici le sonnet numéro 5…

 

 


Hommage à Jean Cassou, lithographie d'André MASSON (1896 - 1987)

Album Jean Cassou, Vingt-Deux Poèmes (édition Erker-Presse à Saint-Gall en Suisse, 1978)

 

 

Les poètes, un jour, reviendront sur la terre.

Ils reverront le lac et la grotte enchantée,

les jeux d’enfants dans les bocages de Cythère,

le vallon des aveux, la maison des péchés,

 

et toutes les amies perdues dans la pensée,

les sœurs plaintives et les femmes étrangères,

le bonheur féerique et la douce fierté

qui posait des baisers à leur front solitaire.

 

Et ils reconnaîtront, sous des masques de folles,

à travers Carnaval, dansant la farandole,

leurs plus beaux vers enfin délivrés du sanglot

 

qui les fit naître. Alors, satisfaits, dans le soir,

ils s’en retourneront en bénissant la gloire,

l’amour perpétuel, le vent, le sang, les flots.

 

 

 

 

 

The poets shall return to earth one day:

the lake and magic cave again they'll see,

Cythera's tanglewoods where children play,

the house of sins, the vale of constancy,

 

and, lost in meditation, every she,

sisters of sighs, fair friends from far away,

unearthly joy and sweet nobility

that kissed their forehead's loneliness away.

 

They'll recognise in masks maniacal,

dancing the farandole in carnival,

their finest verse, freed from the agony

 

that gave it birth: and then, in happiness,

as evening falls they shall depart, and bless

long love and glory, wind, and blood, and sea.

 

Copyright © Timothy Adès


 

 

 » Dès la première nuit j’ai commencé mes sonnets. Couché sur ma paillasse, avec mon pardessus, mon cache-nez, mes gants, mes souliers, je me suis senti comme un bloc passif, la momie, l’Osiris qu’on envoie dans la nuit. (…) Je dormais très peu à cause du froid : je m’occupais donc à mes exercices poétiques, me récitant par cœur les sonnets déjà composés, les corrigeant, les complétant. J’ai ainsi écrit sur la page blanche intérieure à peu près un demi-sonnet par nuit. », Jean Cassou (Jean Noir) – 33 sonnets composés au secret

 

Et voici quelque chose…

https://www.books.com.tw/products/F017701883

 


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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COUVRE-FEU, par Paul Eluard / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

 

  Un poème de Paul Eluard (1895-1952) qui nous rappelle les souffrances de la guerre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Portrait de Paul Eluard, 1929,  par  Salvador Dalí

(Fondation Gala-Salvador Dalí, Figueres)

 

Couvre-feu

 

Que voulez-vous la porte était gardée

Que voulez-vous nous étions enfermés

Que voulez-vous la rue était barrée

Que voulez-vous la ville était matée

Que voulez-vous elle était affamée

Que voulez-vous nous étions désarmés

Que voulez-vous la nuit était tombée

Que voulez-vous nous nous sommes aimés

 

 

Curfew

 

What do you think the door was closed

What do you think they placed a guard

What do you think the street was barred

What do you think the town was lost

What do you think she was half-starved

What do you think we were disarmed

What do you think the darkness loomed

What do you think we lived we loved

 

Copyright © Timothy Adès


Manuscrit autographe signé Paul Eluard, le 22 février 1942 à l'Hôtel du Cheval Blanc à Vézelay-Yonne/ Portrait de Paul et Nusch Éluard, Mougins 1937, par Dora Maar / Eluard par Marie Laurencin, 1942 / Lihographie d'Eluard par Picasso / Liberté, par Fernand Léger, livre-objet de Léger & Eluard (Seghers, 1953) / Portait de Nusch et Paul Eluard


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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BYRON VOYAGEANT EN ESPAGNE, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Voici une vignette du grand poète romantique Lord Byron, selon Robert DESNOS (1900-45). On la trouve dans le quatrain ‘De Silex Et De Feu’, long poème à variations métriques qu’il écrit en 1929, et qui sera dans le recueil Corps et Biens, 1930.

La révolution surréaliste est en désordre, Desnos et Breton sont en grand désaccord, Desnos sachant Yvonne George perdue est épris de Youki Foujita (Lucie Badoud) qui deviendra sa femme.

Le magnifique Lord Byron, ‘swimmer, charmer, rhymer: died for Greece’ : ‘ausus qui tranare Tagum subit Hellespontum’ : il nage à travers le Tage et les Dardanelles, ce dernier étant très osé.

En 1809, il est en chemin de Lisbonne à Gibraltar, vêtu en soldat pour ne pas périr comme espion, en route pour la Grèce où il mourra bien plus tard. Certes il aimait bien les femmes espagnoles.

 

 

 

Portrait de Lord Byron, 1813, par Thomas Philipps

 

               

Byron voyageant en Espagne

Habita longtemps à Tolède

Il y rêvait dans la campagne

aux plus belles et aux plus laides

Il y fut aimé d’une folle

Il fut aimé d’une espagnole

 

Il fut aimé d’une espagnole

La plus belle de la cité

Mais près du lord la tendre folle

Sentait son cœur la tourmenter

Elle mourut d’amour la belle

Comme on fermait la citadelle

 

Comme on fermait la citadelle

On l’emporta dans son linceul

Et le lord en rêvant aux belles

Derrière elle marchait tout seul

Le long des rues le peuple en foule

Regardait passer la dépouille

 

Regardaient passer la dépouille

Les lanceurs de malédictions

Et les bigots au cœur de rouille

Et les traîtres à leurs passions

Mais le lord alors sans mot dire

Marcha vers l’insulte et les rires

 

Marcha vers l’insulte et les rires

Le lord aux yeux lourds d’océans

Devant lui reculaient les sbires

Les toréros les paysans

Il arriva devant les femmes

Les Pepitas aux lourdes mammes

 

Les Pepitas aux lourdes mammes

Les gitanes aux noirs cheveux

Les chanteuses les grandes dames

Devant lui baissèrent les yeux

Parvint devant les demoiselles

Bravo Toro ! dit la plus belle

 

Bravo Toro ! dit la plus belle

Voici mon cœur voici mon corps

Et voici mon amour fidèle

Mes baisers et mes boucles d’or

Byron fut aimé par deux folles

Fut aimé par deux espagnoles

 

 

 

                   

Byron passed the Pyrenees

Reached Toledo tarried there

Dreamed amid the olive-trees

Of the fair and not so fair

He was loved by one insane

Lady with no brain in Spain

 

Lady with no brain in Spain

Quite the fairest in the place

Near milord the lass insane

Felt her heart in turmoil race

Then the beauty died of love

Like a citadel sealed off

 

Like a citadel sealed off

She was carried in her shroud

There alone but dreaming of

Other beauties walked milord

All the crowds along the way

Watched the last remains go by

 

Watched the last remains go by

Men were hurling imprecations

Rusty souls spat bigotry

Some were traitors to their passions

Through the jeers without a word

Through the insults came milord

 

Through the insults came milord

Eyes of heavy ocean swell

Constables and matadors

Country bumpkins back they fell

Till he reached the señoritas

Massively endowed Pepitas

 

Massively endowed Pepitas

Duchesses and ditty-tweeters

Raven-headed Romany

Lasses all with modest eye

When he reached them up ahead

Bravo Toro ! the fairest said

 

Bravo Toro ! the fairest said

Here’s my body and my soul

Here’s my love unlimited

Hugs and kisses twists of gold

He was loved by two insane

Ladies with no brain in Spain

 

Copyright © Timothy Adès

 

 



Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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QU'EST-CE QUE CETTE TERRE ? UNE TEMPÊTE D'ÂMES..., par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

   L'art d'être grand-père : le dernier recueil de Victor HUGO (1877),  que j’ai traduit en entier. Voici le deuxième poème…

Les plus grands poètes abordent assez peu l’enfance, à part Hugo qui s’y intéresse profondément.

Ici il préconise, à travers le chaos de la vie humaine, leur innocence.

Victor Hugo : un grand esprit, un grand être humain !

 

 

 

 

 

 

 

L'Art d'être grand-père, lithographie d'Emmanuel Barcet (1870-1942)

(Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

 

QU'EST-CE QUE CETTE TERRE ? UNE TEMPÊTE D'ÂMES...

 

Qu'est-ce que cette terre ? Une tempête d'âmes.

Dans cette ombre, où, nochers errants, nous n'abordâmes

Jamais qu'à des écueils, les prenant pour des ports;

Dans l'orage des cris, des désirs, des transports,

Des amours, des douleurs, des veux, tas de nuées;

Dans les fuyants baisers de ces prostituées

Que nous nommons fortune, ambition, succès;

Devant Job qui, souffrant, dit: Qu'est-ce que je sais?

Et Pascal qui, tremblant, dit: Qu'est-ce que je pense ?

Dans cette monstrueuse et féroce dépense

De papes, de césars, de rois, que fait Satan;

En présence du sort tournant son cabestan

Par qui toujours--de là l'effroi des philosophes--

Sortent des mêmes flots les mêmes catastrophes;

Dans ce néant qui mord, dans ce chaos qui ment,

Ce que l'homme finit par voir distinctement,

C'est, par-dessus nos deuils, nos chutes, nos descentes,

La souveraineté des choses innocentes.

Étant donnés le coeur humain, l'esprit humain,

Notre hier ténébreux, notre obscur lendemain,

Toutes les guerres, tous les chocs, toutes les haines,

Notre progrès coupé d'un traînement de chaînes,

Partout quelque remords, même chez les meilleurs,

Et par les vents soufflant du fond des cieux en pleurs

La foule des vivants sans fin bouleversée,

Certe, il est salutaire et bon pour la pensée,

Sous l'entre-croisement de tant de noirs rameaux,

De contempler parfois, à travers tous nos maux

Qui sont entre le ciel et nous comme des voiles,

Une profonde paix toute faite d'étoiles;

C'est à cela que Dieu songeait quand il a mis

Les poètes auprès des berceaux endormis.

 

 

II WHAT IS THIS EARTH ?

 

What is this earth? A storm of souls.

Benighted on uncharted seas,

We miss the port and hit the shoals;

Gales of desires and agonies,

Dark loves and sorrows, vows and cries !

Ambition, fortune, and success

Plant a loose woman’s short-lived kiss.

What do I know? says Job, and sighs;

What do I think? Pascal replies.

Some evil well of monstrous things

Spews popes and emperors and kings;

Fate spins the capstan till it brings

The same floods and catastrophes

That startled the philosophers;

In gnashing void and perjured chaos

Man in the end can clearly see,

Above our funerals, falls and failures,

That Innocence has sovereignty.

Given the human heart and spirit,

Night of the past, night yet to inherit,

All hatreds, conflicts, wars and pains,

Our progress stopped by dragging chains;

Even the best not spared remorse;

The winds from deep in weeping skies

That blast us daily from our course: -

Beneath such black and tangled boughs

It does us good to recognize,

Beyond the teeming woes that rise,

Like veils, between us and the skies,

A peace, profound, all made of stars.

That’s why God lets the poets creep

About the cradles lapped in sleep.

 

Copyright © Timothy Adès

 


 

L'Art d'être grand-père, Victor Hugo (Société anonyme de publications périodiques, 1884) / L’art d’être grand-père, 1888 – cartonnage polychrome de Paul Souze décoré d’une composition florale, dessinée par Adolphe Giraldon / Georges et Jeanne Hugo par Charles / L'art D'être Grand-père (Gallimard, 2002) / Victor Hugo, How to be a Grandfather, par Timothy Adès (Hearing Eye, 2012)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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VOYELLES & VOCALISATIONS, par Arthur Rimbaud, Georges Perec / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Manuscrit autographe du poème Voyelles (1871-1872) de Rimbaud- Musée Rimbaud Charleville-Mézières - Photographié lors de l'exposition "Rimbaudmania", Paris

 

VOYELLES, de Rimbaud: composé 1871/2, alors qu'il a 17 ans, publié dans la revue politique et littéraire Lutèce, le 5 octobre 1883, et par Verlaine dans son anthologie Les Poètes maudits, 1884.

 

A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu: voyelles,

Je dirai quelque jour vos naissances latentes:

A, noir corset velu des mouches éclatantes

Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,

 

Golfes d’ombre; E, candeurs des vapeurs et des tentes,

Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles;

I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles

Dans la colère ou les ivresses pénitentes;

 

U, cycles, vibrements divins des mers virides,

Paix des pâtis semés d’animaux, paix des rides

Que l’alchimie imprime aux grands fronts studieux;

 

O, suprême clairon plein des strideurs étranges,

Silences traversés des Mondes et des Anges: –

O l’Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

 

 

 

J’ai découvert ce sonnet en lisant La Disparition, un long roman de Georges Perec (1936-1982), le lipogramme le plus célèbre de la littérature française publié en 1969 dont la lettre "e" est totalement absente. Un exploit !

Perec y réécrit le poème "Voyelles" de Rimbaud (intitulé "Vocalisations" ) en évitant d'employer la lettre "e"  avec cinq autres poèmes connus, dont le plus long est ‘Booz Endormi’ (PRé le 17 avril, 2022 : https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/04/17/booz-endormi-par-victor-hugo-timothy-ad%C3%A8s/).

Perec, grand amateur de figures de styles, s'amuse à créer de nouvelles formes, et multiplie les contraintes narratives et sémantiques pour générer ses fictions, comme également dans La Vie mode d’emploi (Prix Médicis 1978) construit comme une succession d’histoires combinées à la manière des pièces d’un puzzle.

 

 

 

Voici Perec sans le "E" :

 

VOCALISATIONS

 

A noir, (Un blanc), I roux, U safran, O azur:

Nous saurons au jour dit ta vocalisation:

A, noir carcan poilu d'un scintillant morpion

Qui bombinait autour d'un nidoral impur,

 

Caps obscurs; qui, cristal du brouillard ou du Khan,

Harpons du fjord hautain, Rois Blancs, frissons d'anis?

I, carmins, sang vomi, riant ainsi qu'un lis

Dans un courroux ou dans un alcool mortifiant;

 

U, scintillations, rond divins du flot marin,

Paix du pâtis tissu d'animaux, paix du fin

Sillon qu'un fol savoir aux grands fronts imprima;

 

O, finitif clairon aux accords d'aiguisoir,

Soupirs ahurissant Nadir ou Nirvâna:

O l'omicron, rayon violin dans son Voir !

 

 

 

 

Alors j’ai refait cela en anglais :

 

VOCALISATIONS without E

 

A black, X blank, I blood, U grass, O sky:

I’ll bring to light your backgrounds. Wait a bit.

A, smooth black armour of a flashing fly

Buzzing around a vicious stinking pit,

 

Dark gulfs; X, fair camp-canvas, vapour-drips,

Alp-cusps, snow-kings and shaking fumitory;

I, crimsons, spat blood, luscious laughing lips,

Furious, or only drunk with saying sorry:

 

U, holy rhythms of a Gaian main,

Calm grazing-grounds of cows, calm brows and brain

That witchcraft furrows, mind-span that absorbs;

 

O, mighty trump, full-blown with wondrous chords,

Still voids for flights of worlds and spirit-birds.

O, big round O, viola-ray, O Orbs!

 

 

 Copyright © Timothy Adès

Publié chez ‘Modern Poetry in Translation’

 


 

… et je suis allé plus loin – j’ai encore fait des traductions anglaises dans lesquelles il manque une, deux, quatre voyelles : https://www.rimbaudverlaine.org/en/news/translating-voyelles/

 

- ainsi qu’une dans laquelle il en manque trois :

 

Without E I U

(Do thank A.R., that vocal makar, a faraway castaway at Harar !)

 

A black, X snow, Y blood, Z grass, O sky:

My task’s to show how all that lot locks on.

A, smooth black thorax of a flash-brat fly

that swoops atop a nasty hollow john,

 

dark blots; X, canvas camps and drops of fogs,

snow-lords, cold polar swords, and blooms that worry;

Y, maroon, spat blood, hoots, and tasty snogs,

Angry or blotto, two ways to say sorry;

 

Z, calm of pastor’s grass that’s food for cows,

Salt snot-floods’ holy rhythms; calm of cwms

Laboratory-drawn on scholars’ brows;

 

O, top-rank blasts, blown hard for odd brass brays,

Good ghosts on non-clang pathways, worlds on zooms: -

O Grand, O Final Orbs! O gamma-rays!

 

Publié dans le bulletin mensuel électronique de Dempsey & Windle

 

 


Arthur Rimbaud jeune / Les Poètes maudits : Tristan Corbière, Arthur Rimbaud, Stéphane Mallarmé, par Paul Verlaine (Paris, Léon Vanier, 1884. BnF, Réserve des livres rares, RES-P-YE-1280) / Dessin humoristique de Luque caricaturant Rimbaud pour la revue Les Hommes d'aujourd'hui (Réunion des Musées Nationaux-Grand Palais) /  Georges Perec / La Disparition, Georges Perec (Denoel , 1969)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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UNE ALLEE DU LUXEMBOURG, par Gérard de Nerval / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

 

Un joli petit poème du jeune Nerval :

UNE ALLÉE DU LUXEMBOURG (1832) extrait du recueil Odelettes (1853).


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Paris, jardin du Luxembourg", par Daniel Hernandez Morillo (1856-1932)

 

 

 

 

 Au Square de la Tour Saint Jacques à Paris, se trouve une stèle commémorative érigée pour le 100e anniversaire de la mort de Nerval, avec un beau médaillon en bronze du poète, réalisé par Jehan du Seigneur (1808-1866) en 1851, sur lequel est indiqué son vrai nom Gérard Labrunie. …Finie, sa jeunesse !

 

 T.A

 

 

 

Une Allée du Luxembourg

 

Elle a passé, la jeune fille

Vive et preste comme un oiseau :

À la main une fleur qui brille,

À la bouche un refrain nouveau.

 

C’est peut-être la seule au monde

Dont le cœur au mien répondrait,

Qui venant dans ma nuit profonde

D’un seul regard l’éclaircirait !

 

Mais non, – ma jeunesse est finie...

Adieu, doux rayon qui m’as lui, –

Parfum, jeune fille, harmonie...

Le bonheur passait, – il a fui !

 

 

 

Une allée du Luxembourg mis en musique par Ivann

(Colombier des Arts de Planoiseau le 18/11/2017) :

https://www.youtube.com/watch?v=eZTV62LuYow

 

 

In the Luxembourg Gardens

 

She passed by, she was young,

Lithe as bird on the wing,

In her hand a bright flower,

On her lips a new song.

 

Could her heart, of all hearts,

Give my heart a response ?

Could she lighten my dark

With the fire of her glance ?

 

But no, my youth is finished...

Farewell, sweet ray that shone,

Girl, music, perfume, vanished :

Happiness, passing, gone !

 

 Copyright © Timothy Adès


Et voici une (autre) belle traduction, anonyme, en italien...

 

E’ passata la gaia ragazza,

svelta e vispa come un fringuello:

con in mano una rosa di guazza,

ed in bocca un suo fresco stornello.

 

Ella è forse la sola nel mondo

che darebbe il suo cuore al mio cuore:

e che il buio in cui vivo, profondo,

con un bacio farebbe splendore.

 

Ma la mia giovinezza è già via…

Ti saluto, miraggio fugace!

Oh! Profumo, fanciulla, armonia,

non son più che un ricordo mendace.

 

"Une allée du jardin du Luxembourg", par Vincent Van Gogh, 1886 (Francine Clark Art Institute, Williamstown, MA, USA)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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MON REVE FAMILIER, par Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Portrait de Paul Verlaine à 23 ans par Frédéric Bazille, 1867

 

   Paul VERLAINE publie son premier recueil, les Poèmes saturniens, en 1866. Il a 22 ans.

Ce sonnet bien connu est extrait de la première section « Melancholia » et ‘représente la femme sous une forme idéalisée’.

J’ai pu le réciter devant trois femmes idéales : brune, blonde, et rousse : y comprise Patricia McCarthy* qui publie chez AGENDA mes Chantefables de Desnos, mon Amadis de Cassou et le grand volume anglo-français (Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant).

 

T.A

 

 *Patricia McCarthy lauréate du concours national de poésie 2012 est née à Cornwall, et a grandi principalement en Irlande. Après des études au Trinity College de Dublin, elle a vécu à Washington D.C., Paris, Bangladesh, Népal et Mexique. Elle vit maintenant dans l’East Sussex, où elle a enseigné pendant quinze. Son œuvre a remporté plusieurs prix. Ses collections récentes comprennent Rodin’s Shadow (Clutag Press/Agenda Editions, 2012), Horses Between Our Legs (Agenda Editions, 2014 – livre choisi de l’année dans The Independent), Letters to Akhmatova (Agenda Editions, 2016). Rockabye (Worple Press, 2018), Trodden Before (High Window Press, 2018). Shot Silks (Waterloo Press) et Hand in Hand (London Magazine Editions), 2021...

 

Timothy Adès  a déclamé Mon rêve familier à Petersfield ville du Hampshire, en Angleterre, dans le cadre du South Downs Poetry Festival lorsque les poètes invités étaient Jessica Mookherjee, Patricia McCarthy, Jane Lovell.

 

 

Mon rêve familier

 

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime

Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.

 

Car elle me comprend, et mon coeur, transparent

Pour elle seule, hélas ! cesse d'être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

 

Est-elle brune, blonde ou rousse ? - Je l'ignore.

Son nom ? Je me souviens qu'il est doux et sonore

Comme ceux des aimés que la Vie exila.

 

Son regard est pareil au regard des statues,

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L'inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

 

 

Léo Ferré : https://www.youtube.com/watch?v=HotHx2A-mk0

Jean Topart : https://www.youtube.com/watch?v=97G7SeKeoVg

Robert Hirsch : https://youtu.be/BNd79dy5KuA

 

My familiar Dream

 

I often have this strange and striking dream:

Some woman, whom I love, and who loves me;

Loves me and understands; not utterly

Different each time, not utterly the same.

 

She understands me, she alone, and clears

My clouded heart, uncomplicated now

For her alone; my damp and pallid brow

She, she alone, can freshen, with her tears.

 

Her hair: brown, blonde or auburn? I don’t know.

Her name resembles music sweet and low,

Like names of loved ones Life has sent away;

 

Her gaze is like a statue’s, and her tone

Of voice is distant, calm, and grave: you’d say,

Like those dear voices that are hushed and gone.

 

Copyright © Timothy Adès

 

Publié dans Cantalao 1.1, 2013, revue dévouée à Neruda

(Neftalí Reyes) qui s’est donné le prénom Pablo.

 



1- Poèmes saturniens, par Paul Verlaine (Paris : A. Lemerre, 1866);  édition originale. - La couv. porte pour date : "1867".

Recueil de 38 poèmes : PROLOGUE. MÉLANCHOLIA (I. Résignation; II. Nevermore; III. Après trois ans; IV. Vœu; V. Lassitude; VI. Mon rêve familier; VII. A une femme; VIII. L’angoisse / EAUX-FORTES (I. Croquis parisien; II Cauchemar; III. Marine; IV. Effet de nuit; V. Grotesques / PAYSAGES TRISTES (I. Soleils couchants; II. Crépuscule du soir mystique; III. Promenade sentimentale; IV. Nuit du Walpurgis classique; V. Chanson d’automne; VI. L’Heure du berger; VII. Le Rossignol / CAPRICES (I. Femme et chatte; II. Jésuitisme; III. La Chanson des Ingénues; IV. Une grande dame; V. Monsieur Prudhomme).

INITIUM / ÇAVITRI / SUB URBE / SÉRÉNADE / UN DAHLIA / NEVERMORE / IL BACIO / DANS LES BOIS / NOCTURNE PARISIEN / MARCO / CÉSAR BORGIA / LA MORT DE PHILIPPE II. ÉPILOGUE

2- Prologue des Poèmes Saturniens par Verlaine

3- Revue "AGENDA", Numéro spécial anglo-français Vol 53, publié en janvier 2020. C'est une longue tradition d’Agenda que de publier et de promouvoir d’importants poètes du monde entier. Au sommaire de ce N° : William Bedford on Elizabeth Ridout : Summon / David Pollard : Broken Voices / Jordi Doce : We were not there / Rachel Mann: A Kingdom of Love / Martyn Crucefix on Rilke in Paris, translated by Will Stone / Duino Elegies, translated by / Elizabeth Ridout on Birnam Wood / El Bosque de Birnam by José Manuel Cardona, translated from the Spanish by Hélène Cardona / Anne-Marie Fyfe: No Far Shore : Charting Unknown Waters / Marilyn Hacker: Blazons : New and Selected Poems, 2000-2018 / Alfonso Reyes : Miracle of Mexico, translated by Timothy Adès / Patricia McCarthy on Jean Atkin : How Time Is In Fields / Janet Montefiore : Disposing of the Clothes and other poems / Robert Hamberger : Blue Wallpaper / W S Milne on Mimi Khalvati : Afterwardness / Naomi Foyle : Adamantine / M.C. Caseley on Gallop : Selected Poems (Carcanet, 2019) by Alison Brackenbury. Interview de Marie-Claire Bancquart par Christina Cook.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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EXERCICE, par Guillaume Apollinaire / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

   Voici aujourd'hui 'Exercice ', « Poèmes de la paix et de la guerre (1913-1916) » extrait du recueil Calligrammes, section « Obus couleur de Lune » de Guillaume Apollinaire (1880-1918). 

Apollinaire est blessé dans la Grande Guerre : mais ce qui le tue en 1918, c’est la grippe. 

La guerre, la famine, la pestilence, la mort : ça continue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Portrait de Guillaume Apollinaire, 1910, par Jean Metzinger (1883–1956)

 

 

Exercice

 

Vers un village de l’arrière

S’en allaient quatre bombardiers

Ils étaient couverts de poussière

Depuis la tête jusqu’aux pieds

 

Ils regardaient la vaste plaine

En parlant entre eux du passé

Et ne se retournaient qu’à peine

Quand un obus avait toussé

 

Tous quatre de la classe seize

Parlaient d’antan non d’avenir

Ainsi se prolongeait l’ascèse

Qui les exerçait à mourir

 

 

Drill

 

Four men were making their way to the rear

Each of the four was a bombardier

Back to a village, they’d been stood down

Covered in dust from toe to crown.

 

They looked at the plain and it was vast

And they were talking about the past.

They talked about the past so well

They hardly turned round at the crump of a shell.

 

Not for them was the future, this class of ’16.

Their talk of the past and how it had been

Was the working out of a discipline

That ground them down till it grubbed them in.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


 

1- Calligrammes, dessins de Pablo PIcasso, Edité par Mercure de France, 1918. 7 sections composent  ce recueil : Ondes, Etendards, Case d'Armons, Lueurs des tirs, Obus couleur de lune ( d'où est extrait le présent poème), La tête étoilée.

2- Calligrammes, Poèmes de la paix et de la guerre 1913-1916, belle édition illustrée (Gallimard, 1er janvier 1930), première parution en 1925 (illustrations de Giorgio De Chirico); nouvelle édition en 1930. 

3- Obus couleur de lune, Musée de la Tour Nivelle, à Courlay, dans les Deux-Sèvres.

4- Guillaume Apollinaire au centre, pendant la guerre 1914-1918. © Albert Harlingue/Roger-Viollet.

5- Photographie d'Apollinaire blessé : Incorporé en avril 1915, il avait reçu un éclat d’obus à la tête le 17 mars 1916. Il sera terrassé deux ans plus tard par la grippe dite " espagnole", chez lui, au 202 boulevard Saint-Germain, deux jours avant l’armistice (Rene Dazy/Bridgeman images).

6- "La muse inspirant le poète", Marie Laurencin, Guillaume Apollinaire, tableau du Douanier Rousseau, vers 1909

7- Apocalypse selon Saint Jean - Les quatre cavaliers, Gravure sur bois de fil sur papier vergé à la forme filigrané, par Albrecht DÜRER- Nuremberg, entre 1498 ; et 1511 (Musée de Reims).

8- Monument de Picasso à Apollinaire Square Laurent Prache, Paris 6e.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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AU MARCHE DE SAINT-PAUL J'IRAI, par Germain Nouveau / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

  

 

   Voici Germain NOUVEAU (1851-1920) : et son poème que j’ai connu à travers la belle musique d’Isabelle Aboulker, que Julia Kogan chante sur ces deux disques, aussi bien en français qu’en anglais. Symboliste, ami de Verlaine et de Rimbaud, l'auteur des Valentines et de La Doctrine de l'amour aurait reçu de Verlaine le texte des ‘Illuminations’ de Rimbaud, dont j’ai traduit les éléments qu’a choisis Benjamin Britten, et que chantera Julia.

« Germain Nouveau eut une grande influence sur les surréalistes, au point que Louis Aragon disait de lui: ‘Pas un petit poète, mais un grand poète. Pas un épigone de Rimbaud : mais son égal.’ »

 

 

Au marché de Saint-Paul j'irai

 

Au marché de Saint-Paul j'irai,

Ma petite et je te vendrai.

Je vendrai tes yeux effrontés

Cent beaux écus fort bien comptés.

 

Et je vendrai tes doigts rusés,

Ces oiseaux mal apprivoisés,

Et ta lèvre qui toujours ment

Quatre-vingts doublons seulement.

 

Je vendrai tes bras fins et longs

Et les roses de tes talons,

De tes genoux et de tes seins

Vingt mille francs napolitains.

 

 

Je vendrai le jour de Saint-Paul.

Et la raie autour de ton col

Et les jolis plis de ta chair

Un million, ce n'est pas cher.

 

Et ton chignon tordu, pareil

A l'or flambant dans le soleil,

Et tes baisers je les vendrai

Aux enchères que je tiendrai.

 

Aux enchérisseurs les plus forts

Je vendrai ton âme et ton corps,

Et ton cœur, s'il est recherché,

Sera par-dessus le marché.

 

 

 

Musique d’Isabelle ABOULKER : Julia KOGAN chante…

En français : https://www.youtube.com/watch?v=DtRCu-7DfUk

 

I am off to the market-day

 

I am off to the market-day

I’ll be bargaining you away

I’ll be selling your shameless eyes

One hundred pounds, good merchandise

 

Next I shall sell your fingers sly

Those untamed birds that love to fly

And your lip that brazenly lies

For eighty roubles, what a prize

 

And I shall sell your fine long arms

And your heels with their rosy charms

And your soft breasts, your lovely knees

For sovereigns from the Sicilies.

 

 

It’s market day and I shall float

The pretty furrow at your throat

And every lovely fleshy fold

One million: it’s fairly sold.

 

Your twist of hair that’s tightly rolled

And flashes in the sun like gold,

Your kisses too will all be sold

In the auction that I will hold

 

Highest bidders will take control

When I sell you, body and soul.

And your heart, if some folk enquire?

Held back: its worth is much, much higher.

 

Copyright © Timothy Adès

 

Music by Isabelle ABOULKER : Julia KOGAN sings…

In English : https://www.youtube.com/watch?v=vxnkXXypnik


Germain Nouveau vers 1890 / Petite ville natale de Pourrières (Var) / Maison natale de Germain Nouveau à Pourrières / Merveilleux Album d'Isabelle Aboulker et Julia Kagan, 2 CD, édité au Royaume-Uni (First Hand Records – FHR66, 2018) / Julia Kagan et Isabelle Aboulker en studio, 2019

 Pour en savoir un peu plus sur Germain Nouveau : https://youtu.be/sKX1tJ2DSss


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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BRITISH INDIA, par Henry Levet / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Le Palais de Kapurthala

 

   Anglais, je me souviens du couronnement de 1953, à la télé. Quand je naquis en 1941, le roi d’Angleterre était Empereur de l’Inde. Rudyard Kipling, à qui Henry Jean-Marie LEVET (1874-1906) dédicace le poème que je vous propose aujourd'hui, était le grand poète et romancier de cet Empire : son ‘Recessional’ l’a averti contre l’orgueil…

Kapurthala : un grand noble, très distingué, francophile.

 

N.B: 120° F = 49° C.

 

A propos d'Henry LEVET, voir svp mon article sur le blog du PRé du 24 avril de 2022 :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/04/24/outwards-par-henry-j-m-levet-timothy-ad%C3%A8s/

 

British India

 

À Rudyard Kipling

Les bureaux ferment à quatre heures à Calcutta;

Dans le park du palais s’émeut le tennis ground;

Dans Eden Garden grince la musique épicée des Cipayes;

Les équipages brillants se saluent sur le Red Road...

 

Sur son trône d’or, étincelant de rubis et d’émeraudes,

S.A. le Maharadjah de Kapurthala

Regrette Liane de Pougy et Cléo de Mérode

Dont les photographies dédicacées sont là...

 

— Bénarès, accroupie, rêve le long du fleuve;

Le Brahmane, candide, lassé des épreuves,

Repose vivant dans l’abstraction parfumée...

 

— A Lahore, par 120 degrés Fahrenheit,

Les docteurs Grant et Perry font un match de cricket, —

Les railways rampent dans la jungle ensoleillée.

 

 

British India

 

To Rudyard Kipling

 

At four, Calcutta’s offices are shut.

Excitement at the Palace tennis-court.

In Eden Gardens, spice of sepoy band.

On the Red Road, smart landaus meet and greet.

 

Enthroned in rubies, emeralds, and gold,

The Maharajah of Kapurthala

Thinks ruefully of Pougy and Mérode,

Whose inscribed portrait photographs he holds.

 

Benares dreams, crouched at the riverside;

The Brahmin, candid, weary of his tests,

Lives in his perfumed abstract thoughts, and rests.

 

Lahore is at one-twenty Fahrenheit.

Cricket, Perry’s XI versus Grant’s.

Through sun-drenched jungles, railway-lines advance.

 

Copyright © Timothy Adès

 



Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LES ENFANTS QUI S'AIMENT, par Jacques Prévert / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


By Carole Aurouet*

 

   Un poème du merveilleux Jacques PRÉVERT (1900-1977). Il détestait l’école ! Quand même, il y a une École Jacques Prévert à Londres que je connais, dans l’arrondissement Hammersmith… Voici deux livres de ses poèmes traduits en anglais, l’un par l’amie Sarah LAWSON, l’autre, bilingue, de Lawrence FERLINGHETTI, beatnik qui nous a quitté récemment à plus de cent ans.

 

*Carole Aurouet, docteure en littérature et civilisation françaises et latines, est maîtresse de conférences HDR à l'Université Gustave Eiffel, membre du Laboratoire LISAA (Littératures, SAvoirs et Arts) est spécialiste, entre autres, de Prévert. Elle fut une exceptionnelle contributrice du PRé pendant la Covid et les périodes de confinement avec les séries " Chaque jour un sourire contagieux" et "Le Cinéma de Carole".

 

Les enfants qui s'aiment

 

Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout

Contre les portes de la nuit

Et les passants qui passent les désignent du doigt

Mais les enfants qui s'aiment

Ne sont là pour personne

Et c'est seulement leur ombre

Qui tremble dans la nuit

Excitant la rage des passants

Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie

Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne

Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit

Bien plus haut que le jour

Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour.

 

(Spectacle)

 

Children in love

 

Children in love are embracing

Standing at the gates of night

Passers-by pass, point a finger,

But the children in love

Aren’t there for anyone

And it’s only their shadow

That shakes in the night

Exciting the fury of passers-by

Their fury, hate, laughter and envy

Children in love aren’t there for anyone

They’re somewhere else, much further than night

Much higher than day

In the dazzling brightness of their first love.

 

Copyright © Timothy Adès

 


Ce poème, comme bien d’autres de Prévert, a donné une chanson atemporelle, sur la musique de Joseph Kosma…

 

Juliette Gréco : https://www.youtube.com/watch?v=jaCE_A2DmVE

Raymond Voyat : https://www.youtube.com/watch?v=NJT7181m6Po

Yves Montand : https://www.youtube.com/watch?v=efcdCNPqd1g

Fabien Loris, extrait de "les enfants qui s'aiment" / film Les Portes de la Nuit de Marcel Carné / 1946 :

https://www.youtube.com/watch?v=MMWb-jLBvyE

Cora Vaucaire : https://youtu.be/eprbeZ6Gn5Y

Catherine Sauvage : https://youtu.be/7FyzaXHiHoY

Mouloudji / Yves Simon : https://youtu.be/tu2NG-JcKJc

 

Antonio Stangherlin (Instrumental) : https://www.youtube.com/watch?v=2rIazXgplTw

1-Partition Yves Montand "Les Enfants qui s'aiment" du film de Marcel CARNE Les Portes de la nuit . Paroles : Jacques PREVERT, musique: Joseph Kosma.

2-Fac-similé de la planche scénaristique réalisé par Jacques Prévert pour les Enfants du paradis [1943] (Edition des Saints Pères, Collection Cinémathèque française © Fatras/Succession Jacques Prévert)

3-Jacques Prévert - Selected poems, par Sarah Lawson (Ed. Hearing Eye, 2006). Cette nouvelle traduction en anglais  et l’introduction de l'auteure contextualise la vie de Prévert et les notes de Sarah Lawson expliquent aux lecteurs anglo-saxons certaines des références et les jeux de mots du poète. Sarah Lawson est une Londonienne née aux États-Unis. Elle écrit de la poésie, des essais et traduit des oeuvres françaises, espagnoles et néerlandaises. Sa traduction du Trésor de la Cité des Dames de Christine de Pise fut la première traduction de cet ouvrage en anglais depuis sa rédaction en 1405.

4-Paroles, Selected Poems, Jacques Prévert, traduits par Lawrence Ferlinghetti (Ed. City Lights Books, 2001. Lawrence Ferlinghetti, poète, libraire et éditeur, fut l’une des figures de ce mouvement littéraire et artistique né dans les années 1950 appelée la "Beat Generation". Editeur notamment de Charles Bukowski et Paul Bowles. L'auteur de “A Coney Island of the Mind” (1958), un recueil de poésies vendu à plus d’1 million d’exemplaires, est mort à San Francisco le lundi 22 février à l’âge de 101 ans.

5-La Miette à Saint Paul de Vence. C'est en 1941 que Jacques Prévert découvre Saint-Paul de Vence, attiré sur la Côte d'Azur par ses activités de scénariste pour le cinéma, à une époque où les studios de la Victorine à Nice ont une énorme activité. Il pose ses valises à « La Résidence » (actuel « Café de la Place ») qui à l'époque était une auberge de village, avant de traverser la place et de prendre ses quartiers à la Colombe d'Or. A la fin de la guerre, Jacques Prévert et sa femme Janine louent la « Miette », une petite maison située au coeur du village, avant de s'installer à la propriété « L'Ormeau » à la sortie du village jusqu'au milieu des années 1950.

6- Jacques Prévert à Saint Paul de Vence avec son ami cuisinier(photo- Jacques-Gomot)

6-Coffret Inventaire Jacques Prévert, 20 chansons et 38 poèmes, produit par Jacques Canetti en 2007, avec 2 vidéos exclusives de l’’auteur et un livret avec des photos et des documents inédits.


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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ROSEMONDE par Guillaume Apollinaire / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

  Voici un poème d'APOLLINAIRE (1880-1918) extrait du recueil Alcools publié la première fois en 1913 : ‘ Rosemonde’. Ce poème est dédicacé à André Derain, peintre ami du poète.

Je vous en propose deux commentaires… je reste muet.

 

Joyeuses Pâques à toutes et à tous !

 

 

 

 

"Apollinaire et ses amis", 1909, par Marie Laurençin (MNAM-Centre Pompidou, Paris)

 

https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1970_num_7_1_5504

https://www.etudier.com/dissertations/Rosemonde-Guillaume-Apollinaire/380243.html

 

Rosemonde

 

Longtemps au pied du perron de

La maison où entra la dame

Que j'avais suivie pendant deux

Bonnes heures à Amsterdam

Mes doigts jetèrent des baisers

 

Mais le canal était désert

Le quai aussi et nul ne vit

Comment mes baisers retrouvèrent

Celle à qui j'ai donné ma vie

Un jour pendant plus de deux heures

 

Je la surnommai Rosemonde

Voulant pouvoir me rappeler

Sa bouche fleurie en Hollande

Puis lentement je m'en allai

Pour quêter la Rose du Monde

 

 

 

Rosamund

 

For many minutes I assailed

The entrance of a lady’s home,

One that for two good hours I’d trailed

About the streets of Amsterdam,

Whom with blown kisses I regaled.

 

Deserted were canal and quay:

I’d given her two hours that day

And there was nobody to see

Whether my kisses made their way

To one who’d had two hours of me.

 

My name for her was Rosamund

I had the hope I might recall

Her lips that bloomed in Nederland.

Slowly I sought where, if at all,

The Rosa Mundi might be found.

 

Copyright © Timothy Adès

 
 

"Rosemonde" sur une partition de Francis Poulenc, avec Bruno LAPLANTE, baryton et Marc DURAND, piano, Enregistrement du 13

novembre 1979 : https://www.youtube.com/watch?v=TVRTkxAhzsA

 

Deux poèmes d’Alcools (« Rosemonde » et « Mai »), Mathieu Dijker : https://www.youtube.com/watch?v=oboDO8M4YMY

 

1- Edition originale du livre "Alcools" datée de 1913 de Guillaume Apollinaire lors d'une vente aux enchères à Brest en novembre 2001. Ouvrage illustré, en frontispice, d'un portrait d'Apollinaire par Pablo Picasso

2- Eau-forte pour Alcools, 1934, portrait d'Apollinaire par Louis Marcoussis (Gallica / BnF)

3- Portrait de Guillaume Apollinaire par Maurice de Vlaminck (1876-1958)

4- Portrait de Guillaume Apollinaire couché, vers 1910 (photo b/w) par le photographe français (XXe siècle); photographie en noir et blanc; collection privée; archives Charmet

5- Portrait de Guillaume Apollinaire , 1910, par Jean Metzinger (1883–1956)

6- Alcools, Coffret contenant le fac-similé d'Alcools aquarellé par Louis Marcoussis, 40 gravures et une étude par Jean-Marc Chatelain,

Illustrations de Louis Marcoussis (Coédition Gallimard / Bibliothèque nationale de France, octobre 2018)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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Rrose Sélavy, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Marcel Duchamp en Rrose Sélavy, 1921, photographies par Man Ray, pour étiquette "Belle haleine, eau de voilette"

 

 

   Je vous présente ‘Rrose Sélavy’ par Robert DESNOS. C’est le personnage que Marcel Duchamp s’invente pour lui-même : son altera ego. On y comprend : Éros, c’est la vie – ou bien : Arrosez la vie.

 

Duchamp compose pour elle six phrases farfelues ; Robert Desnos lui en donne deux cents, plutôt belles et complexes.

Vous en trouverez cent cinquante dans son recueil Corps et Biens (paru la première fois en 1920) ; elles y figurent toutes dans Robert DESNOS, Œuvres (Édition de Marie-Claire Dumas, 1999) ou dans mon grand livre bilingue Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant (2017) : en voici les dernières, 151-199, publiées dans la revue Littérature, 2e série, n° 7 (décembre 1922).

- Les mots, y dit Breton, ont fini de jouer. Les mots font l'amour. Et dans le Journal littéraire (5 juillet 1924) il dira : « Le surréalisme est à l’ordre du jour et Desnos est son prophète. » Suivra le désaccord.

L’image de Duchamp / Sélavy se retrouve dans les doctes écrits de ma femme Dawn, historienne de l’art *.

 

*Dawn Adès est professeur émérite d’histoire et de théorie de l’art à l’Université d’Essex, spécialiste notamment de Dada, du mouvement surréaliste et de l’art en Amérique du Sud. Elle a été responsable de certaines des expositions les plus importantes à Londres et à l’étranger au cours des trente dernières années, y compris « Dada et Surréalisme Reviewed », « Art in Latin America » et « Francis Bacon ». Elle a organisé la remarquable exposition  pour célébrer le centenaire de Salvador Dali présentée à Venise et Philadelphie en 2004. Elle a publié des œuvres standards sur le photomontage, Dada, le Surréalisme, également sur les artistes femmes, les muralistes mexicains...

Elle a été élue membre de la British Academy en 1996.

 

DÉFINITIONS DE LA POÉSIE POUR :


181 Paul Éluard: Affres de l’amour dans quelle nuit ai-je

savouré votre fruit âpre ?
182 André Breton: Le plus beau titre des hommes, c’est de
jeter à la hotte (hopp !) les pitres coiffés de mitres.
183 Robert Desnos : Corps d’amour, quel jour me pendrai-je
à la corde d’amour?
184 Jacques Baron : Les corps des femmes comme des
camées le corps des forts comme des camées de femmes.
185 Simone Breton : Daniel de Foe inventez un simoun fou
pour Simone.
186 123 appelle immédiatement le chiffre 1234 pour les
esprits épris de lucidité. Esaü est mort, manque d’eau.
187 C’est encore infiniment plus commode que de regarder
la poitrine, encornée de seins clairvoyants en cornée, des étoiles non encore nées.
188 Pleurs ébahis, pelures des abbayes, vous trompez les
abeilles.
189 Où est la Parysi’s est la paralysie.
190 Rails d’émail, vous passez comme des rois sur nos émois.
191 Que secrète la glande secrète du périnée de l’aigle des
Andes ou des Pyrénées?
192 Les miracles de Rrose Sélavy sont des aveux mauves
comme les éclairs.
193 Télémaque, tel est camée.
194 Qu’importe au repos de nos oiseaux sur les roseaux le
loir, aux yeux comme de l’or, qui dort ?
195 Quand Man Ray is coming away...: on pourra voir un
Far West war festin.
196 Dans les stalles de glace râle Tristan Tzara.
197 Amour aux mains hostiles, quel malin déroba les
hosties ?
198 Les malheurs des concitoyens n’influent pas sur la
chaleur des cons mitoyens ?
199 Amour ! homard dans les fjords froids.

DEFINITION OF POETRY FOR :


181 Paul Éluard : Love’s throes, in what late hours did I

browse your sloes ?
182 André Breton : And no better matter than to drop the
mitred nutters (whoops!) into a hopper.
183 Robert Desnos : Love’s limbs, how soon shall I limber
love’s noose ?
184 Jacques Baron : Female torsos just like cameos tough
male torsos like female cameos.
185 Simone Breton : Daniel Defoe, devise a daffy simoon
for Simone.
186 123 calls up at once the number 1234 for spirits smitten
with lucidity. Esau died for lack of water.
187 It’s far handier than to look at the chest, horned with
breasts clairvoyant in cornea, of stars not yet born
here.
188 Bemused apple-peels of abbeys, your boo-hoos
bamboozle bees.
189 Where La Parysi’s is, there is paralysis.
190 Enamelled rails, you sail like untrammelled royals
above our travails.
191 What is secreted by the Andean or Pyrenean eagle’s
secret perineal gland ?
192 Rrose Sélavy’s miracles are vows mauve as éclairs.
193 O Telemachus, tell me cameos.
194 To our birds at rest on reeds, what good is the dormant
dormouse whose eyes are as gold ?
195 When Man Ray is coming away, we’ll see a Far West
war-fest.
196 In a sub-zero cattle-stall, Tristan Tzara rattles his last.
197 Love in the fingers of foes, what rogue rifled the
wafers?
198 Does the public fate of a community affect the pubic
heat of common property?
199 Love ! Lobster in frozen fjords.

 

Copyright © Timothy Adès

 


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Rrose Sélavy publiée dans la Revue Littérature du 1er décembre 1922
Figurent également au sommaire : "La Mare aux mitrailleuses" de Benjamin Péret, "Le Grand Tore" de Louis Aragon, "Et suivant votre cas" de Paul Eluard et Max Ernst, "Dactylocoque" de Francis Picabia, "Les Mots sans ride" et "Rêve" d'André Breton
Breton-Andre_Litterature_1922_New-no.7-1
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1- Envoi autographe du recueil Corps et biens ( NRF, Librairie Gallimard, éditions de la Nouvelle Revue Française, 1930) signé de Robert Desnos à Janine et Raymond Queneau : ". devant qui j'ai repassé le conseil de révision", enrichi d'un dessin représentant un petit éléphant de la trompe duquel s'élève le nom de Robert Desnos

2- Robert DESNOS, Œuvres, Édition de Marie-Claire Dumas (Collection Quarto, Gallimard, 1999)

3- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant, 527 p,  translated and introduced by Timothy Adès (Arc Publications, 2017)

4- Writings on Art and Anti-Art, par Dawn Adès, Edited by Doro Globus, 604 p (Riding House, 2015). Ce livre rassemble ses plus importants essais, abordant des thèmes fondamentaux de l’histoire de l’art moderne et de l’avant-garde. Organisé thématiquement, il représente l’étendue des intérêts critiques et curatoriaux de Dawn Adès, allant de la conception d’affiches avant-gardistes à la représentation de la femme au Mexique, mais avec un fondement global dans l’abstraction, l’identité et l’influence des nouveaux médias


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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UNE NUIT QU'ON ENTENDAIT LA MER SANS LA VOIR, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


John Martin, Christ Stilleth The Tempest, 1852

  

Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir ’ : c’est Victor HUGO dans son recueil Les Voix Intérieures (1837) dédié à son père.

 

Selon MISTER CORAIL, Le magazine de l’homme et de la mer (1) : 

« Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir, rien n’est luxe, calme et volupté. Dans une atmosphère sombre, les éléments se déchaînent et le ciel noir ne contraste guère avec la mer en furie. En pleine tempête, seul le divin semble encore pouvoir venir en aide aux nochers imprudents, aux marins perdus. Cette nuit, le vent dans la voile déchire la toile… comme avec les dents !

 

« Vingt-quatrième poème du recueil Les voix intérieures publié en 1837, Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir a des allures de fin du monde. Dans un registre apocalyptique assumé, Victor Hugo nous livre, au moyen de vers brefs et pentasyllabiques, un univers aussi brutal qu’incommensurable. Une pièce démontée dans laquelle le poète déleste sans états-d’âme sa soif d’épique et de grand. »

 

Tina Kover et Charlotte Coombe, les rédactrices en chef de TRANSLATORS ALOUD - The Voice of Translated Literature  -  dont le projet consiste à offrir leur espace de partage de la littérature pour mettre en lumière les traducteurs lisant à partir de leur propre travail, ont choisi ma vidéo pour célébrer la Journée Mondiale de la poésie, The World Poetry Day (2). ‘Une voix d’or,’ dit-on.

Un grand honneur ! Je parle en anglais, puis en français.

https://www.youtube.com/watch?v=GX3Mtojirb4

 

(1) Créé en 2008 à Punaauia, sur la côte ouest de Tahiti, en Polynésie française, “Miss & Mister Corail” fut jusqu’en 2016 un jeu d’aventure se déroulant chaque année sur son site internet. Le site se reconvertit par la suite en magazine web consacré à l’homme et à la mer. Il est actuellement installé à Sète, dans l’Hérault.

(2) La Journée mondiale de la poésie a été adoptée pour la première fois par l'UNESCO en 1999, lors de sa 30e conférence générale à Paris.

La déclaration originale de l'UNESCO indique que la journée a été créée pour "donner une nouvelle reconnaissance et un nouvel élan aux mouvements poétiques nationaux, régionaux et internationaux". Elle a lieu chaque année le 21 mars.

 

 

Une nuit qu’on entendait la mer sans la voir

 

Quels sont ces bruits sourds?

Ecoutez vers l’onde

Cette voix profonde

Qui pleure toujours

Et qui toujours gronde,

Quoiqu’un son plus clair

Parfois l’interrompe…

— Le vent de la mer

Souffle dans sa trompe.

 

Comme il pleut ce soir !

N’est–ce pas, mon hôte ?

Là–bas, à la côte,

Le ciel est bien noir,

La mer est bien haute !

On dirait l’hiver;

Parfois on s’y trompe…

— Le vent de la mer

Souffle dans sa trompe.

 

Oh ! marins perdus !

Au loin, dans cette ombre

Sur la nef qui sombre,

Que de bras tendus

Vers la terre sombre !

Pas d’ancre de fer

Que le flot ne rompe.

— Le vent de la mer

Souffle dans sa trompe.

 

Nochers imprudents !

Le vent dans la voile

Déchire la toile

Comme avec les dents !

Là–haut pas d’étoile !

L’un lutte avec l’air,

L’autre est à la pompe.

— Le vent de la mer

Souffle dans sa trompe.

 

C’est toi, c’est ton feu

Que le nocher rêve,

Quand le flot s’élève,

Chandelier que Dieu

Pose sur la grève,

Phare au rouge éclair

Que la brume estompe !

— Le vent de la mer

Souffle dans sa trompe.

 

Juillet 1836

 

A night the sea was heard, and not seen

 

What’s this rough sound ?

Hark, hark at the waves,

his voice profound

that endlessly grieves

nor ceases to scold,

and yet shall be drowned

by one louder, at last:

The sea–tempests wield

their trumpet–blast.

 

How it rains tonight !

Does it not, my guest ?

All down the coast,

the sky without light

and the sea storm–tossed !

’Tis winter, we railed,

yet we falsely guessed…

The sea–tempests wield

their trumpet–blast.

 

O sailors lost !

From the raft of doom

in the distant gloom,

what cries are cast

to the shores that loom !

Anchor–chains yield

to the surging crest.

The sea–tempests wield

their trumpet–blast.

 

O helmsmen, fools !

The storm in your sails

with furious tooth

rips up your cloth!

The stars are concealed !

Jack pumps and bales,

Jem looks to the mast

… The sea–tempests wield

their trumpet–blast.

 

It is you, your blaze

that the helmsman craves

in the towering waves,

you lamp on the strand

that the Lord displays,

red rescuing brand

that is doused in mist!

The sea–tempests wield

their trumpet–blast.

 

Copyright © Timothy Adès




1- Portrait de Victor Hugo, 1829, par Charles Etienne Pierre Motte (1785-1836) (BnF) / 2- Manuscrit autographe ayant servi pour l'impression chez Pierre-Eugène Renduel, libraire-éditeur (BnF, Département des Manuscrits. NAF 13361) / 3- Les Voix intérieures, par le dessinateur Gustave Fraipont (Bruxelles, 09–05–1849 - Paris, 29–04–1923), Maison de Victor Hugo - Hauteville House / 4- Victor HUGO, Les Chants du crépuscule - Les Voix intérieures - Les Rayons et les Ombres (Gallimard Poésie, 2002)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais. Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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IL PLEURE DANS MON COEUR, Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Je vous ai choisi ‘ Il pleure dans mon cœur ’, poème on ne peut plus fameux de VERLAINE (1844-1896), poème mélancolique de circonstance si j’en crois la concordance météo de ce dimanche, en France, notamment à Paris, et pareillement à Londres !

 La Commune de Paris pour laquelle Verlaine avait pris fait et cause est écrasée au terme d'une semaine sanglante. Verlaine quitte Paris en juillet 1872 et part avec Rimbaud par crainte de la répression versaillaise, après avoir fui une

 

 

Verlaine et Rimbaud, extrait du Coin de table, huile peinte par Henri Fantin-Latour, 1872.

 

première fois dans le Nord de la France avec Mathilde (en 1871), puis être revenu dans la Capitale en septembre de la même année.

 

Ce poème est la parfaite illustration de l’idée de l’art poétique selon Verlaine, basée sur la sonorité et la musicalité dont ses premiers poèmes donnaient déjà un aperçu (cf. ‘ Mon Rêve familier ’, in recueil Poèmes saturniens, 1866). Un nouveau langage poétique marqué ici par un lyrisme impersonnel comme avec d’autres poèmes (cf. ‘ Le ciel est par-dessus le toit ’, in recueil Sagesse, 1881) qui marque un tournant capital dans la poésie française.

 

Il pleure dans mon cœur ’ est extrait du recueil Romances sans paroles (1874) qui regroupe des poèmes écrits lors du voyage qu'il effectue avec Rimbaud en 1872 et 1873. Ce poème est le troisième de la première partie « Ariettes oubliées » - une ariette désignant en musique une mélodie - (les trois autres parties du recueil étant « Paysages belges », « Birds in the nigh » et « Aquarelles »).

 

Ce poème de quatre quatrains est précédé d’une citation de RIMBAUD: « Il pleut doucement sur la ville ».

Empreint d’une tristesse absolue et d’une certaine agressivité, le poème est cependant contrebalancé par une douceur et une langueur. Mélancolique, il l’est assurément dans le premier quatrain, en correspondance avec le paysage, il se fait en même temps mélodique quand le chant de la pluie berce le poète tout comme sa propre mélancolie, jouant sur la musique des mots. Si la tristesse persiste dans le dernier quatrain, mêlée à la sensation d'impuissance, renforcée par le sentiment de ne point en connaître la cause, de n’avoir pour le moins aucune certitude à ce sujet, l’envoûtement poétique et musical demeure.

 

Arnaud Bernadet,  professeur associé au Département de langue et littérature françaises de l'université McGill (Montréal),  dit du recueil Romances sans paroles dans la présentation et l'étude qu'il en faite (in Verlaine, Romances sans paroles) que « Ce "petit bouquin", qu'il rédige pendant sa liaison tumultueuse avec Rimbaud et qu'il présente comme une "série d'impressions vagues", est hanté par la tentation du silence. Que peut la parole face à la réalité, dont le sens est fuyant ? Comment dire les sentiments d'un moi erratique et opaque à lui-même ? Et surtout, comment les dire autrement, après le romantisme, qui les a exaltés, et le Parnasse, qui s'en est méfié ? En s'emparant d'un genre désuet, la romance, Verlaine réinvente le beau à partir du banal, renoue avec l'oralité au coeur de l'écrit, et fait du chant l'utopie de la parole poétique.» ( Éd. Flammarion, 2018, coll. « GF », deuxième édition revue).

 

 

Il pleure dans mon cœur

 

Il pleure dans mon cœur

Comme il pleut sur la ville;

Quelle est cette langueur

Qui pénètre mon cœur ?

 

Ô bruit doux de la pluie

Par terre et sur les toits !

Pour un cœur qui s’ennuie

Ô le bruit de la pluie !

 

Il pleure sans raison

Dans ce cœur qui s’écœure.

Quoi ! nulle trahison ?…

Ce deuil est sans raison.

 

C’est bien la pire peine

De ne savoir pourquoi

Sans amour et sans haine,

Mon cœur a tant de peine.

 

 

Tears fall in my heart

 

Tears fall in my heart

Like rain on the town;

What lassitude hurts

And pierces my heart ?

 

Sweet sound of the rain

On the roofs and the ground !

For a heart in dull pain

The sound of the rain !

 

Tears fall without reason

Distressing my heart.

What ! Is there not treason ?...

This grief has no reason.

 

Of pain the worst part

Is not knowing why

Without love or hate

Such pain in my heart.

 

Copyright © Timothy Adès

 


Sur YouTube :

Sandrine Piau, Jos van Immersel : https://youtu.be/4V5XqoSED2w

Christa Pfeiffer, soparano, Brent Smith, piano, sur une composition de Claude Debussy : https://www.youtube.com/watch?v=vFO-yKSdFhQ

Sabine Devielle, Alexandre Tharaud Piano : https://youtu.be/ZfxYMS77nEI

Véronique Dietschy, Philippe Cassard, piano : https://youtu.be/yGpdfZ-ZuMI

Suzanne Danco : https://youtu.be/hbQ7nr1UTFE

Marc robine : https://youtu.be/ea9gw_E6gxY

Z. KODÁLY, op. 11 n. 3. A. Ballista, piano : https://youtu.be/ZuRrrLaW4hE

 

1- Autoportrait de Verlaine en uniforme de Garde national du 160e bataillon, nuit du 15 octobre 1870 / 2- La "Commune de Paris", affiche de l'imprimerie Emile Levy, 1883 / 3- Photographie de Verlaine, 1972, par Etienne Carjat, membre comme lui et Rimbaud du Club des Vilains bonshommes / 4- Photographie de Rimbaud, 1971, par Etienne Carjat / 5- Manuscrit de Il pleure dans mon coeur, 1873 / 6- Romances sans paroles, Verlaine, édition originale ( Sens, typographie de Maurice l'Hermitte, 1874), Gallica / BnF / 7- Portrait-frontispice de Verlaine dessiné par André Des Gachons parue dans la seconde édition de Romances sans paroles (1887), Léon Vanier libraire éditeur / 8- Dédicace du recueil Romances sans paroles (édition de 1887) à Anatole France par Verlaine(Gallica) / 9- Portrait de Verlaine, Hôp Broussais, août 1889 par Frédéric-Auguste Cazals (in « Paul Verlaine, ses portraits » / préf. de J.-K. Huysmans ; lettres de Félicien Rops, Ernest Delahaye, H.-A. Cornuty; éd. F. Clerget, Paris, 1896), BnF, département Réserve des livres rares, RES FOL-LN9-221 (2) / 10- Portrait de Verlaine par par Ernest Pignon-Ernest (Musée Verlaine à Juniville, Ardennes)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais. Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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Je payai le pêcheur qui passa son chemin, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


  

   Voici « Je Payai Le Pêcheur Qui Passa Son Chemin », un poème de Victor HUGO extrait du recueil Les Contemplations publié en 1856 après un silence de vingt-six ans.

Ma traduction vient d’être également publiée dans la revue politique anglaise The Spectator dont la création remonte à 1711, dans son numéro du 2 mars, quelle joie, quelle honneur !

 

La date : Jersey, grève d’Azette, juillet 1855.

 

 

 

 

Photo d'Hugo à Jersey par Charles Hugo,

Entre 1853 et 1855 (Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

 

Mon ami jersiais Philip Stevens est docte en tout ce qui concerne Hugo en l’Ile de Jersey.

Il cite Léon Cellier qui établit son édition Garnier des Contemplations.

Les Hugo seraient bien gentils avec les animaux. Sa fille Adèle, ayant sorti un homard vivant de la corbeille de sa mère, l’aurait remis dans la mer : et voilà la base de ce beau drame moral. Et voici le livre qui n’omet aucun détail du séjour hugolien, avant qu’il fût obligé de quitter Jersey pour Guernesey : https://shop.societe-jersiaise.org/index.php?route=product/product&path=4&product_id=655&limit=25

 

 

 

Je Payai Le Pêcheur Qui Passa Son Chemin…

 

Je payai le pêcheur qui passa son chemin,
Et je pris cette bête horrible dans ma main ;
C’était un être obscur comme l’onde en apporte,
Qui, plus grand, serait hydre, et, plus petit, cloporte ;
Sans forme comme l’ombre, et, comme Dieu, sans nom.
Il ouvrait une bouche affreuse ; un noir moignon
Sortait de son écaille ; il tâchait de me mordre ;
Dieu, dans l’immensité formidable de l’ordre,
Donne une place sombre à ces spectres hideux.
Il tâchait de me mordre, et nous luttions tous deux ;
Ses dents cherchaient mes doigts qu’effrayait leur approche ;
L’homme qui me l’avait vendu tourna la roche ;
Comme il disparaissait, le crabe me mordit ;
Je lui dis : Vis ! et sois béni, pauvre maudit !
Et je le rejetai dans la vague profonde,
Afin qu’il allât dire à l’océan qui gronde,
Et qui sert au soleil de vase baptismal,
Que l’homme rend le bien au monstre pour le mal.

I paid the Fisherman

 

I paid the fisherman as he passed by,
took in my hand this vile monstrosity,
a creature murky as its watery haunt,
an outsize weevil, or a hydra’s runt;
shapeless as shade, and nameless as the Lord.
A maw that gaped, and a black stump that bored
out through the scales… It snapped at me. God grants
a place in his colossal ordinance
to these revolting spooks, a world obscured.
It snapped at me… We came to blows, we sparred,
my fingers fearful of the teeth’s attack:
the vendor slipped away behind a rock,
vanishing, as it bit me. ‘Go!’ I cried:
‘Bless you, damned creature!’ – threw it on the tide,
into the depths, to tell the great curmudgeon,
the sun’s baptismal font, the boundless ocean:
Man does to Beast a good for an evil action.

 

Copyright © Timothy Adès

 


Victor Hugo in Jersey, par Philip Stevens (Phillimore & Co. January 1, 2002) / Adèle Hugo / Les Contemplations, Manuscrit autographe (BnF, département des Manuscrits, NAF 13363) © Bibliothèque nationale de France / Les Contemplations, Victor Hugo, Tome II "Aujourd'hui" 1843-1856, Livre cinquième : En marche). (Paris, Michel Levy Frères - J Hetzel-Pagnere, 1856) / Victor Hugo


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais. Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LE RELAIS, Gérard de Nerval / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Revenons à Gérard Labrunie, soit Gérard de Nerval (1808-1855).

On le traite de "dérangé", à cause de sa triste fin ; on le traite de "sinistre", d'occulte, à cause d’une œuvre en prose.

Mais dans sa poésie, ce n’est pas du tout le cas.

Voici qu’il est charmant et relaxe…

Avec le poème "Le Relais", tiré du recueil Odelettes (1853).

 

 

Le voyage en France ou Le départ de la diligence

Dessin de George Cruikshank (1818).

 

                      Le Relais

 

En voyage, on s’arrête, on descend de voiture;

Puis entre deux maisons on passe à l’aventure,

Des chevaux, de la route et des fouets étourdi,

L’œil fatigué de voir et le corps engourdi.

 

Et voici tout à coup, silencieuse et verte,

Une vallée humide et de lilas couverte,

Un ruisseau qui murmure entre les peupliers, -

Et la route et le bruit sont bien vite oubliés!

 

On se couche dans l’herbe et l’on s’écoute vivre,

De l’odeur du foin vert à loisir on s’enivre.

Et sans penser à rien on regarde les cieux.

Hélas! une voix crie: « En voiture, messieurs! »

 

https://www.youtube.com/watch?v=b1DAovuE3UI

https://desyeuxdansledos.fr/poeme-et-chant-le-relais-gerard-de-nerval/

 

Stagecoach Relay

 

Break in the journey. Step to ground.

Gap between houses: let’s look round!  

By horses, whip-cracks, roads oppressed:                  

Limbs deadened, eyes in need of rest.

 

Suddenly, peace; green calm, as well:

A lilac-glade, a dewy dell,

A brook with poplars overhead:

No road, no racket: this instead.

 

Sprawled in the grass! Our senses thrive,

As draughts of new-mown hay revive.

We gaze, unburdened, at the skies...

“Sirs, to the coach!” some fellow cries.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


1- Caricature de Nerval par Nadar, 1852, in Le Journal pour rire) / 2- Timbre poste 1955 à l'occasion du centenaire de la mort de l’écrivain Gérard Labrunie dit de Gérard de Nerval (1808-1855), né à Paris. Dessinateur et graveur : Pierre Munier (d'après une œuvre du sculpteur Jeman Duseigneur (visible au square de la tour Saint-Jacques Paris 4) / 3- Diligence XIX ° siècle / 4- Diligence Paris-Meaux (Musée Compiègne) / 5- Illustration d'Aurélia,  Nouvelle de Nerval (il y est question de la mort de la bien-aimée) dont l'écriture a été interrompu par son suicide en 1855. Club international de bibliophilie / Leonor Fini (1908-1996), illustrateur, Monaco, 1960 -BnF, Réserve des livres rares, RES G-Y2-389 © Bibliothèque nationale de France)


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais. Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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MICHELIN : LE SHERIFF DU VILLAGE GAULOIS, par Jean-Claude Ribaut, chroniqueur gastronomique


Notre ami Jean-Claude Ribaut remet le couvert à l'occasion de la sortie du Guide Michelin !

Dangereux récidiviste, il avait déjà commis en 2011 un livre détonnant intitulé ROUGE DE HONTE , biographie non autorisée de Bibendum (illustrations de Desclozeaux), un portrait tendre et (déjà) grinçant du fameux Guide.


   Dans les années Naegelen, au siècle passé, la publication du Guide Michelin obeissait à un rituel obscur mais bon-enfant. Les journalistes, accrédités ou non, se présentaient vers 7h 30 avenue de Breteuil (7ème) au siège parisien de l’entreprise clermontoise.
Une ou deux attachées de presse nous remettaient le dossier des nouveaux étoilés.
On pouvait obtenir sur le champ un bref entretien avec le patron, Bernard Naegelen, peu disert, mais plutôt bienveillant avec ses ouailles – les chefs – avec qui il entretenait une relation loyale. D’abord, seuls les promus figuraient sur la liste.
Il fallait comparer avec le guide de l’année précédente. Quelques intrépides essayaient d’avoir des tuyaux et parfois y parvenaient, grâce à des fuites obtenues, disaient-ils, chez l’imprimeur.
C’était un petit jeu, chacun était dans son rôle. Et Michelin fanfaronnait, annonçant la production de 883.000 exemplaires en l’an 2000 !
Aujourd’hui, tout a changé !
Le tirage du guide ne dépasse pas 30 000 exemplaires (Edistat). Et 8 jours avant la parution de l’édition 2023 à Strasbourg l’actuel patron du guide, Gwenael Pouellenec, communique non sur les promotions nouvelles, mais sur les déclassements : Savoy et Coutenceau. C’est dans l’air du temps : abattre les statues, jouer au shériff dans le village gaulois.
Je ne conteste pas la décision, elle appartient à l’éditeur, mais la manière inélégante, inquisitoriale, dénuée de toute justification.

Le Monde : La vraie vie des inspecteurs du guide Michelin

https://www.lemonde.fr/vous/article/2010/03/03/resto-boulot-dodo_1313757_3238.html

 


Jean-Claude Ribaut, architecte D.P.L.G, écrivain, a officié au journal Le MONDE  comme chroniqueur gastronomique pendant 25 ans (1989-2012), souvent en connivence graphique avec Desclozeaux, après avoir fait ses premières armes journalistiques à Combat puis participé à la création d’un magazine d’architecture qu’il a dirigé jusqu’en 1996. Sa première chronique gastronomique est parue en 1980, sous le pseudonyme d'Acratos (celui qui ne met pas d’eau dans son vin) dans le Moniteur des Travaux Publics. Il collabore à plusieurs revues et magazines : Atabula (plateforme d’information et d’opinion numérique sur la gastronomie en France et à l’étranger); Chroniques d'architecture; Dandy magazine;

l'Encyclopædia Universalis; Global Magazine; LaRevue : pour l'intelligence du monde; Le Monde de l'épicerie fine; Le Monde des grands Cafés; le Petit journal des Toques blanches lyonnaises; Plaisirs (magazine suisse bimestriel); SINE Mensuel; Tentation (trimestriel), etc.

 

JC Ribaut vu par (Jean-Pierre) Desclozeaux

Membre fondateur de la Mission Française du Patrimoine & des Cultures Alimentaires (M.F.P.C.A – "Le Repas gastronomique des Français") depuis 2007, Jean-Claude Ribaut est aussi membre fondateur de La Liste, classement qui répertorie les meilleurs restaurants à travers 180 pays (créée par Philippe Faure, ancien diplomate, qui fut président d'Atout France, l'agence de développement touristique de la France, et plusieurs journalistes et critiques gastronomiques ) depuis 2015.

Jean-Claude Ribaut est membre du conseil scientifique du PRé et co-anime la rubrique "Tutti Frutti".

 

Dernier ouvrage paru : "Voyage d'un gourmet à Paris" (Calmann-Lévy, 2014). Prix Jean Carmet 2015.

 

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LES FEMMES OUBLIEES DE L'HISTOIRE, avec Vianney Huguenot, chroniqueur radio et TV


[Les femmes oubliées de l'Histoire], deux émissions spéciales de "Sur ma route" , le magazine emblématique de l'ami Vianney Huguenot sur Moselle TV (avec France Bleue), autour de neuf invités, demain samedi 4 mars et le samedi 11 mars à 14h00.


   En compagnie de Vianney Huguenot à Rombas, Moyeuvre-Grande, Ancy-Dornot, Woippy et dans les studios de Moselle TV, avec ses neuf invités pour évoquer la figure de femmes lorraines pionnières au cours de deux émissions spéciales de Sur ma route : Frédérique Neau-Dufour, agrégée et docteure en histoire, auteure d'un livre sur Yvonne de Gaulle et d'un autre sur Geneviève de Gaulle Anthonioz ; Martine Gérardin, journaliste et petite fille du préfet de la Libération en Moselle, Marcel Rebourset ; Pierre Brasme, historien et président honoraire de l'Académie nationale de Metz, auteur de "Femmes d'exception en Lorraine" ; Lionel Fournier, maire de Rombas, ville natale de Marie Hackin, Compagnon de la Libération ;  Anne Devaux et Jean-Christophe Dietrich, professeurs d'Histoire-Géographie de la Cité scolaire Julie Victoire Daubié de Rombas, ; Yvette Carcereri, centenaire, qui fut "passeuse" pendant la Seconde Guerre mondiale ; Philippe Wilmouth, historien, évoquant le cas des "Malgré-elles" ; et Gaétan Avanzato, biographe, narrant  les parcours des soeurs résistantes Suzanne et Hélène Thiam.

 

N.B : ce matin Vianney Huguenot officiait sur France Bleue pour évoquer notamment le cinéaste Jean-Pierre Mocky et la Lorraine

En replay : https://www.francebleu.fr/emissions/les-rencontres-de-vianney-huguenot/sud-lorraine

 

1-L'historienne Frédérique Neau-Dufour, professeur agrégé d'histoire et écrivain, spécialiste de l'univers concentrationnaire souligne les causes multiples de l'oubli des femmes dans les récits historiques, ainsi que les violences particulières infligées aux femmes pendant les guerres.

Membre du conseil d’administration du Souvenir français, membre du conseil scientifique de la Fondation Charles de Gaulle, membre du conseil scientifique de la Fondation de la France libre, présidente du conseil scientifique sur le monument aux victimes alsaciennes et mosellanes de la Seconde Guerre mondiale ; ancienne directrice du Centre européen du résistant déporté - Ancien camp de Natzweiler-Struthof (Bas-Rhin)

2-Marie Hackin, "Ria", archéologue de profession, documentariste, participe à la création du Corps féminin de la France libre dans lequel elle sert comme sous-lieutenant. Compagnon de la Libération & Croix de guerre 1939/45

3-Michel Mangenot, proviseur à Rombas à la Cité scolaire Julie Victoire Daubié (réunissant un collège, une section d'enseignement général et technologique, une section d'enseignement professionnel et de la formation continue, du niveau 6ème au BTS) avec Anne Devaux et Jean-Christophe Dietrich

professeurs d'Histoire et leur collègue documentaliste.

4-Suzanne Thiam (1917-2000), Résistante, à l’origine avec sa soeur Hélène de filières de passeurs, d’évasion au bénéfice de prisonniers de guerre français et alliés (aviateurs britanniques et américains, également de nombreux prisonniers soviétiques) dont un certain François Mitterrand; membre du conseil municipal de Metz de 1945 à 1971. Officier de la Légion d’Honneur.

5-Yvette Carcereri, autre figure de la Résistance, « passeuse » pendant la Seconde Guerre mondiale, entourée de l’historien Philippe Wilmouth, François Vogel et Vianney Huguenot, à "Froidcul" (lieu-dit de la commune de Moyeuvre-Grande en Moselle). Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.

6-L'historienne Frédérique Neau-Dufour avec Vianney Huguenot dans les studios de Moselle TV

7-Yvette Carcereri (1ère à gauche sur la photo), "Malgré-elle" pendant la Seconde Guerre mondiale, enrôlée dans une usine d'armement allemande.

8-Gaétan Avanzato, professeur d’histoire-géographie, biographe de Raymond Mondon (juge d’instruction entré dans la Résistance, arrêté par la Gestapo en juin 1944 ; s’enfuit et rejoint à Paris le MNPGD, Mouvement National des Prisonniers de Guerre et des Déportés, où il rencontre François Mitterrand. À la Libération il est nommé directeur de cabinet du préfet de la Moselle, puis procureur à Bar le Duc. Maire de Metz à 33 ans, conseiller général, jusqu’à sa mort en décembre 1970 ; élu député en 1946), évoque les résistantes Suzanne et Hélène Thiam.

9-Lionel Fournier, maire de Rombas à propos de Marie Hackin, née dans cette ville en 1905

10-L'ancien avocat Marcel Rebourset nommé Préfet de Moselle par de Gaulle en 1944, bataille dans l'immédiat après-guerre contre les règlements de comptes (les femmes tondues, etc.). Sa petite-fille Martine Gérardin raconte à Vianney Huguenot…

11-Pierre Brasme, professeur, vice-président de l'Académie d'histoire, fondateur de la Société d'histoire de Woippy et auteur de nombreux livres, évoque l'histoire de la Résistante Marthe Cohn : « espionne » envoyée en Allemagne, il lui est décerné la Croix de guerre en 1945, plus tard la Médaille militaire, reçue Chevalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur et Médaille de reconnaissance de la Nation.

12-Femmes d'exception en Lorraine, par Pierre Brasme (Papillon Rouge, oct. 2018)

13-Yvonne de Gaulle, par Frédérique Neau-Dufour (Fayard, mai 2010)

14-Julie Victoire Daubié (1824-1874), née à Bains-les-Bains (Vosges), journaliste, militante des droits des femmes, première femme bachelière ès lettres en France (1861).


Vianney Huguenot est journaliste,  enseignant, formateur. Chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, il y anime une émission ("Les rencontres de Vianney Huguenot" ) dans laquelle il nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est. Il anime également " Sur ma route " une émission co-produite par la chaîne de télévision mosellane ViàMoselle TV (anciennement Mirabelle TV) et la TV locale ViaVosges au cours de laquelle, à travers les souvenirs d’enfance et le regard de personnalités, il donne à voir la région Grand Est et nous fait partager son sentiment géographique. Collaborateur de plusieurs journaux, magazines et revues, Vianney Huguenot est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, entre autres : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est, 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est, 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube, 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres, 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony).

Vianney Huguenot co-anime la rubrique Tutti Frutti du PRé.

 

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LE BONHEUR, par Maurice Carême / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   Je reviens avec plaisir au grand belge Maurice CARÊME (1899-1978) dont il faut rappeler avec l'écrivain, secrétaire perpétuel de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique Jacques de Decker, que l'instituteur et "Prince des poètes " (Grand prix international de poésie en 1968) "a écrit une œuvre importante par son volume, sa diversité méconnue, dans une conception de la poésie et de la place de l’écrivain dans la société qui lui était très personnel. Il était convaincu qu’il fallait entrer en poésie le plus tôt possible. Il a su conserver toute sa vie la vertu de l'émerveillement, une constante vigilance, et une curiosité "

Voici donc LE BONHEUR, petit poème de grand charme…

 

(Évitons en passant cet autre poème, ci-bas : il est souvent attribué à Carême, à Ste-Térèse, à St-Exupéry... mais non ! Il est de Daniel Quertain.)

 

Le bonheur, c’est tout petit,

Si petit que parfois on ne le voit pas,

Alors on cherche, on cherche partout…

 

 

 

Le Bonheur

 

C’était le bonheur

Qui courait dans l’herbe.

Nous l’avons tous pris

Pour une souris,

Une souris verte

Qui courait dans l’herbe.

 

 

Nous avons eu peur

Et, avec des cris,

Nous avons tous fui

En perdant nos fleurs;

Nous avons tous fui

Devant le bonheur.

 

 

Et chacun depuis

Cherche dans son coeur

Cette souris verte

Qui courait dans l’herbe,

Cette souris verte qui trottine ailleurs.

 

 

Happiness

 

Happiness !

It ran in the grass.

We thought: it’s a mouse,

We’ve seen a green

Mouse run in the grass.

 

 

 

We were so scared !

With cries of dread

Away we hared.

Our flowers were shed

In our distress:

We ran, we fled

From happiness.

 

Since then, we’ve been

So keen to possess

That mouse, bright green

That ran in the grass,

Now bowling, strolling, somewhere else.

 

 Copyright © Timothy Adès


Présentation de Pigeon vole, Maurice Carême (Editions Bourrelier, 1960)

Pigeon vole, Maurice Carême (Hachette Jeunesse, 1988)

Maurice Carême à la Pointe du Raz

Promenade Maurice Carême à Paris sur l’ île de la Cité


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais. Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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NOUS DORMIRONS ENSEMBLE, par Louis Aragon / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


https://i0.wp.com/larencontrepoetique.com/wp-content/uploads/2017/02/img_0047.jpg?fit=500%2C534&ssl=1https://www.facebook.com/christophe.leguevaques/posts/pfbid0246CxJnQ8bZYzMJ6SurDH3YSJxi6u52cpYC2vsw2ZFCSqtSuPBwWxN8jbgjowV1G8l

Egon Schiele, Spleeping Couple, 1909, crayon sur papier, 30 x 32 cm, Collection privée

  

   Le jour de la St-Valentin, j’ai trouvé ce beau poème de Louis ARAGON (1897-1982) extrait du recueil ‘Le Fou d'Elsa’ *(1963), long poème en vers et en prose, en forme de chant d'amour autant que de quête passionnée de l'avenir. Et ce qui m’étonne : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Fou_d%27Elsa– toute cette histoire de la grande civilisation des trois fois, et tout ce que ça signifie pour Aragon...

 T.A

 

*Elsa Triolet (1896-1970), "Ella Yourievna Kagan" (puis Triolet de son premier mari André), femme de lettres, traductrice, auteure d'une trentaine d'ouvrages, résistante française, est née à Moscou en 1896, dans une famille d'artistes francophile. Diplômée d’architecture, passionnée de langues vivantes et de piano, belle sœur du poète soviétique Vladimir Maïakovski,  la jeune moscovite quitte la Russie et s'installe à Paris en 1917; elle  voyage à Londres, Berlin, Moscou, avant de revenir à Paris en 1924. Plusieurs de ses ouvrages paraissent en Russie (À Tahiti, 1925, Fraise-des-Bois, 1926, Camouflage, 1928); à Paris, elle fréquente le cercle des écrivains surréalistes où elle rencontre Louis Aragon en 1928 qui a rédigé l'été d'avant le pamphlet du Traité du style, en réaction à l'exécution, aux États-Unis, de Sacco et de Vanzetti : il sera son compagnon jusqu'à la fin de ses jours.

Elsa devient la muse du poète, qui écrira pour elle Les yeux d'Elsa. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le couple rejoint la Résistance. C'est au cours de cette période qu'Elsa Triolet compose ses œuvres les plus célèbres; elle collabore au quotidien Le Soir avant de publier son premier roman en langue française : Bonsoir Thérèse (Éditions de minuit, 1938) et d'obtenir le prix Goncourt 1945 (au  titre de l'année 1944) avec Chroniques de la Résistance , composée d'une série de nouvelles groupées sous le titre Le premier accroc coûte 200 francs (Denoël, 1945), publiées clandestinement sous l'Occupation, faisant d'elle la première femme de l'histoire du Goncourt à être distinguée. L'auteure de La Dignité des femmes (in «Lettres françaises», mars 1948), meurt en 1970, peu après avoir publié Le rossignol se tait à l'aube.

 

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/3-juillet-1945-elsa-triolet-recoit-le-prix-goncourt

 

Nous dormirons ensemble.

 

Que ce soit dimanche ou lundi
Soir ou matin minuit midi
Dans l'enfer ou le paradis
Les amours aux amours ressemblent
C'était hier que je t'ai dit
Nous dormirons ensemble

C'était hier et c'est demain
Je n'ai plus que toi de chemin
J'ai mis mon cœur entre tes mains
Avec le tien comme il va l'amble
Tout ce qu'il a de temps humain
Nous dormirons ensemble

Mon amour ce qui fut sera
Le ciel est sur nous comme un drap
J'ai refermé sur toi mes bras
Et tant je t'aime que j'en tremble
Aussi longtemps que tu voudras
Nous dormirons ensemble. 

We shall Sleep Together

 

Sunday or Monday, old day or new day, midnight or noonday

In hell or paradise, loves find loves that they resemble

We shall sleep together, I told you yesterday

 

Yesterday and tomorrow, you are my only way

My heart’s put in your hands, with your heart, how they amble!

For the whole of human time we shall sleep together

 

What’s been shall be, my love: our sheet above us is the sky

I’ve closed my arms around you, so much love for you I tremble

As long as it shall be your wish, we shall sleep together.

 

 Copyright © Timothy Adès


1- Photographie de groupe dadaiste (1920, Paris) : de gauche à droite, dernier rang : Louis Aragon, Theodore Fraenkel, Paul Eluard, Clément Pansaers, Emmanuel Fay. Deuxième rang : Paul Dermée, Philippe Soupault, Georges Ribemont-Dessaignes. Premier rang : Tristan Tzara, Celine Arnauld, Francis Picabia, André Breton.Aragon , vers 1925 photographié par Man Ray
2- Elsa Triolet
3- Aragon, 1929
4- Elsa Triolet, par Gisèle Freund (© RMN /Fonds MCC/IMEC / Gisèle Freund - Complices Fil)
5- Le Premier accroc coûte deux cent francs, Elsa Triolet (Gallimard, 1945)

6- Les Fantômes armés, par Elsa Triolet (Les Lettres françaises, 21 mars 1947)

7- "La Drôme en armes" : journal d'information française, 15 août 1944, Journal illégal publié en 1944 et 1945 par Elsa Triolet entièrement rédigé de sa main (Gallica)

8- Aragon et Elsa Triolet, années 60, par William Klein

9- Fou d'Elsa, Aragon


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Administrateur du magazine "Agenda Poetry".

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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LA RONDE, par Paul Fort / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

  Or j’ai découvert Paul FORT (1872-1960) : mémorialiste et dramaturge, homme du théâtre (co-créateur en 1889, avec Lugné-Poë, de la publication "Théâtre d’Art" qu’il dirigera et qui révèlera des auteurs comme August Strinberg et Henrik Ibsen) ; co-fondateur avec Paul Valéry de la revue Vers et prose en 1905 qui éditera Apollinaire, Max Jacob, Pierre Louÿs...

Elu ‘Prince des Poètes’ en 1912, il serait le vrai héritier de Verlaine. Combien j’apprends, chers lecteurs, en faisant ces recherches ! Voici son poème le plus fameux, « La Ronde » … (extrait du recueil Ballades françaises dont le premier volume paru en 1897 et le dernier en 1958).

 

 

 

 

            Portrait Collage de Paul Fort, par Gino Severini, 1913 - 1914

 

 

 

Si toutes les filles du monde voulaient se donner la main,

Tout autour de la mer, elles pourraient faire une ronde.

 

Si tous les gars du monde voulaient bien être marins,

Ils feraient avec leurs barques, un joli pont sur l’onde.

 

Alors on pourrait faire une ronde tout autour du monde,

Si tous les gens du monde voulaient se donner la main.



 

If all the world’s lasses

Joined up hand in hand

They could dance round the sea

In a ring on dry land.

 

If all the world’s lads

Would sail out on the sea,

A bridge over water

Their vessels would be.

 

And so we could make

A ring round every land

If all of the people

Joined up hand in hand.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


Et voici Les Compagnons De La Chanson : les paroles sont de Marcel Achard et Georges-Eugene Van Parys…

Si Tous les Gars Du Monde :

Si tous les gars du monde décidaient d'être copains
Et partageaient un beau matin leurs espoirs et leurs chagrins
Si tous les gars du monde devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain

 

Ne parlez pas de différence
Ne dîtes pas qu'il est trop blond
Ou qu'il est noir comme du charbon
Ni même qu'il n'est pas né en France
Aimez-les n'importe comment
Même si leur gueule doit vos surprendre
L'amour c'est comme au régiment
Il n'faut pas chercher à comprendre

Si tous les gars du monde décidaient d'être copains
Et partageaient un beau matin leurs espoirs et leurs chagrins
Si tous les gars du monde devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain

J'ai mes ennuis et vous les vôtres
Mais moi je compte sur les gars
Les copains qu'on ne connaît pas
Peuvent nous consoler des autres
Tous les espoirs nous sont permis
Le bonheur c'est une habitude
Avec 200 millions d'amis
On ne craint pas la solitude

Si tous les gars du monde décidaient d'être copains
Et partageaient un beau matin, leurs espoirs et leurs chagrins
Si tous les gars du monde devenaient de bons copains
Et marchaient la main dans la main, le bonheur serait pour demain

Si tous les gars du monde devenaient des copains

 

https://www.youtube.com/watch?v=QRwinIdlvbI

If all the world’s lads would be friends with each other

And share one fine morning their hopes and their sorrow

If all the world’s lads would be friends with each other

And walk hand in hand, we’d be happy tomorrow.

 

 

 

Do not mention difference

Don’t say: he’s too blond, too pale

Don’t say: he’s as black as coal

Don’t say: wasn’t born in France
Like him, no impediment,

Though he has afunny face!

Just like in the regiment.

Being puzzled has no place.

 

I’ve my problems, just like you,

I know guys that we can trust:

All the mates we never knew

Cheer us up about the rest.

All our dreams have happy ends:

Live a life of happiness!

With 200 million friends

We’ve no risk of loneliness.

 

Copyright © Timothy Adès



Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature et administrateur du magazine "Agenda Poetry"

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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LA FEVE, par Maurice Donnay / Timothy


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

   Je vous propose de revenir à Maurice DONNAY (1859-1945) avec son poème La Fève. 

Un peu tard pour la "Fête des Rois" : mais il me fallait perfectionner ma version anglaise.

Nous autres anglo-saxons n’avons pas cette belle coutume ; pour nous, le 6 janvier n’est que le jour de sortir l’arbre et d’enlever les cartes et les parures festales.

 

 

 

 

Fèves de la fin du 19°

 

 

Maurice Donnay : dramaturge, poète ; Académie française, 1907 ; Grand Officier de la Légion d'honneur 1935 ; Membre du Comité de la Société des gens de lettre 1944.

Le rôle de Lysistrata, tentatrice, d’après Aristophane, lui est créé par Gabrielle Réjane ; dans ‘L’autre danger’ il profitait de l’art de Cécile Sorel.

 

La Fève

 

Tu nous dindonneras encor plus d'une fois,

Chère âme, et près des tiens nos moyens sont infimes.

Je me souviens toujours d'un dîner que nous fîmes,

Un beau soir, dans Auteuil, à la porte du Bois

 

Et tu faisais de l'œil à ton voisin de face,

Et tu faisais du pied à tes deux amoureux

A gauche, à droite, et ton amant était heureux,

Car tu lui souriais tout de même avec grâce.

 

Ah ! tu n'es pas la femme aux sentiments étroits

Qu'une fidélité trop exclusive gêne.

Entre tous, Pierre, Jean, Jacques, Alphonse, Eugène,

 

Tu partages ton cœur comme un gâteau des Rois.

Et, si grand est ton art, aimable fille d’Ève,

Que chacun se croit seul à posséder la fève.

 

 

 

 

 

 

Twelfth Night: the Bean

 

You’ll stitch us up again, and more than once,

Dear soul: compared to you, we haven’t got the means.

I can’t forget that dinner one fine night: we were

Out in Auteuil, just where you get into the Bois.

 

To the sitting-opposite guy, you gave the eye,

Played footy-foot with the two who fancied you,

To left and right; your lover was in clover,

As you anyway gave him a smile with lovely style.

 

You’re not a woman prone to narrow sentiments,

Whom high fidelity might inconvenience.

Between all these, John, Peter, James, Eugene, Alphonse,

 

You share your heart out like a Twelfth Night frangipane.

And so great is your art, delightful feminine,

That each one thinks himself sole owner of the bean.

 

 Copyright © Timothy Adès

 

 


Dernier poème de Maurice Donnay présenté et traduit par Timothy Adès :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/03/13/lettre-d-amour-par-maurice-donnay-timothy-ad%C3%A8s/

 

La comédienne et directrice de théâtre Réjane (1856-1920), photographiée par Ateliers Nadard, dans "Lystratata", pièce en 4 actes de Maurice Donnay, (dans une adaptation très libre de la pièce d'Aristophane) donnée au Théâtre du Vaudeville à Paris, 06-05-1896 (Gallica / BnF) / La comédienne Cécile Sorel (1873-1966) qui a joué dans "l'Autre danger", comédie en quatre actes de Maurice Donnay créée à la Comédie française le 22-12-1902, photographiée par Leopold Emil Reutlinger (Palais Galliera, musée de la Mode de la Ville de Paris) / Restaurant Le Village d'Auteuil à Paris


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature et administrateur du magazine "Agenda Poetry"

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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MEMOIRE LONGUE par Jean Cassou / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Je reviens à Jean CASSOU (1897-1986), héros de la Résistance, créateur du Musée National d’Art Moderne, qui serait néanmoins ‘le grand méconnu’.

Blessé en 1944, longtemps inconscient, de Gaulle lui accroche la Croix de la Libération.

C’est avec lui et ses 33 Sonnets composés au secret (composés de tête en prison) que j’ai commencé ma carrière de poète-traducteur rimant.

 

 

 

Le poème du jour se trouve dans mon deuxième recueil de Cassou, The Madness of Amadis and Other Poems, édition bilingue chez Agenda Editions, ainsi que dans la belle édition suisse de chez Erker, elle aussi bilingue mais à textes français et allemand.

 

De quoi s’agit-il dans ces vers ? Je les ai traduits, je ne peux pas vous le dire !

 

 

MÉMOIRE LONGUE

 

Aventures d’amour par les rues anxieuses

            de l’attente du couvre-feu,

souvenirs parmi les ténèbres périlleuses,

            jeux de spectres silencieux,

 

vous voilà donc tombés au creux d’un somnambule

            gouffre d’intemporalité.

J’étais libre et puissant dans ce pur crépuscule

            et je me sens déshabité.

 

J’ai laissé le plus lourd de moi-même à des ombres,

            je leur ai délesté mon cœur

comme ouvre son trésor un navire qui sombre

            en d’amoureuses profondeurs.

 

Une sphère étrangère a condensé l’haleine

            de tous mes esprits expirés,

insondable pays d’où jamais ne reviennent                   

             échos, fantômes ni reflets,

 

Patrie d’exil, cité suspendue dans la fièvre,

            ô plénitude évanouie!

D’un tel épais bonheur ne m’est resté qu’aux lèvres

         la saveur des seins de la nuit.

 

Mes bras sont retombés de cette étreinte noire.

           Défait, déshérité de moi,

de moi désorienté, je regarde sans voir                                      

           s’anéantir n’importe quoi.

 

Car tout le lendemain qui m’échoit en partage

          est un rien que multiplie rien

au prix du dénuement et de l’orphelinage

        qui dès lors seront mes vrais biens.

      

Ô nostalgie, ô mes instants, mes grains de sable,                             

         seuls comptes qui pour moi comptez,

visages disparus, villes méconnaissables,

         je ne suis que ce que j’étais.

 

Je ne suis que ce flot qui sans cesse reflue

         loin des bras ouverts des grands ports,

plus loin encor, perdu et fier de n’être plus

         que la voix confuse des morts.

 

LONG MEMORY

 

You adventures of love, when the anxious roads

         wait for curfew to end the day,

you memories, games in the perilous shades

         that phantasms silently play,

 

you’ve fallen, I see, in the deep sleep-walk

         in the chasm where time stands still.

I was free, I was strong in this pure half-dark,

         now I feel like a home in hell.     

                                                      

I’ve left to the shadows my heaviest part,

         like a ship that sinks in the sea:

as it pours out its wealth, I unburdened my heart

         to the depths that made love to me.

 

My spirits have died and their breaths condense

         in the grasp of a foreign sphere,

a land beyond sounding, that never sends

         echoes, phantoms, reflections here,

 

a homeland of exile, a city that’s hung

        (vanished fullness!) in eyes fever-bright.

Of a joy so rich, nothing’s left on my tongue

        but the taste of the breasts of night.

 

My arms fell away from that black embrace.

        Dispossessed of myself, undone,

unhinged, I observe, with a sightless gaze,

        self-destruction of oddments unknown.

 

For all of the future that falls to my lot

        is a nil that is nil times none,

at the price of privation and parent-loss,

        my real assets from this time on.

 

O yearning, my moments, my grains of sand,

        you’re the one count that counts for me:

you faces that vanished, you towns out of mind,

        I am not what I used to be.

 

I am only the wave that keeps ebbing away

        from great harbours’ arms that spread,

still further, and lost, proud merely to be

        the inchoate voice of the dead.

 

Copyright © Timothy Adès


Portrait de Jean Cassou par Marcel Gili (1914-1993), vers 1956 (Musée d’Art moderne de Paris) / Jean Cassou, 19 août 1945 : 1ère cérémonie commémorative de la Libération de Toulouse (Photo J. Dieuzaide) / Buste de Jean Cassou, Jardin des Plantes, Toulouse (Photo Jason Riedy) / Portrait de Cassou par Marcel Janco (1895-1984)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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HENRY MILLER, L'HOMME QUI AIMAIT LES FEMMES, par Renée Fregosi

 

 

   Un thriller biographique, c’est comme cela qu’on pourrait définir cet ouvrage.

Car François-Xavier Freland, s’il est journaliste et reporter international intrépide, n’en est pas moins un romancier de talent. Avec son style bien à lui, incisif, un peu haletant, il nous emporte en phrases rythmées, dans un jeu de miroirs. Cette randonnée parisienne menée au pas de charge à travers les rues de la capitale, nous amène à bout de souffle jusque sur la côte ouest des États-Unis où Henry Miller termine sa vie comme il l’a menée : paradoxal, jouisseur ascétique un brin exhibitionniste. Et toujours indéfectiblement lié à la France.

 

« C’est en France que cet Américain se révèle à lui-même. »

 

« C’est sur son lit de mort, à Pacific Palisades, qu’il donne une célèbre interview quasi posthume, à la télévision française, avec une mise en scène aussi impudique que ses écrits érotiques des années parisiennes ».

C’est en France que cet Américain se révèle à lui-même. Dès les années 30, grâce à des amis intimes qui sont comme des jumeaux, Blaise Cendras, écrivain grand voyageur, et le photographe Brassaï qui l’introduit au monde intellectuel et artistique de l’époque. Et à travers une foule de rencontres jusqu’aux années 60, comme celle avec Georges Simenon en qui il se reconnait sans doute un peu lorsqu’il lui dit dans un échange amical : « Je considère l’homme qui balaie dans la rue, ou qui sert dans un restaurant, l’égal de tout le monde, de moi ».

 

Mais ce n’est pas seulement cette sensibilité à l’humain dans sa touchante légèreté ou sa tragique banalité qui le rapproche de Simenon. Sans doute a-t-il aussi perçu chez lui « l’homme aux dix-mille femmes ». Pas qu’Henry Miller ait été à proprement parler un  "homme à femmes", un collectionneur ou un obsédé sexuel. Henry Miller est plutôt un homme qui aime les femmes, fasciné par le mystère de l’altérité. Comme pour son compatriote Philip Roth le Professeur de désir qui pourrait être un autre double, le sexe par la passion et l’excès qu’il peut provoquer ouvre à une autre dimension, celle du "plus " et de la création.

 

Henry Miller ne serait pas sans les femmes

 

Henry Miller avec une femme devant un train au Havre, photographie de Jéhan, Louis (1906-1996)

 

Il a eu cinq épouses mais c’est la seconde, June Mansfield, et son amante Anaïs Nin qui ont été les plus décisives pour son devenir d’écrivain, par leur soutien à la fois financier et intellectuel, et par le partage de leur entregent. June, fut « le déclic », celle qui lui fit connaître Paris, les mœurs libres et les affres de la passion amoureuse. Anaïs Nin, quant à elle fit connaître Henry Miller. D’abord en lui présentant « les bonnes relations. Parmi elles, deux personnes déterminantes, Bradley, son futur agent et Jack Kahane, ex-industriel britannique (…) qui s’engage presque aussitôt à publier Tropique du Cancer ». Puis par ses propres ouvrages : « J’ai donné de l’amour… Henry a merveilleusement bien utilisé mon amour : il en a fait des livres », résume-t-elle dans Inceste ». Or aujourd’hui en France, Anaïs Nin qui a fait de lui un personnage central de son Journal, est sans doute plus connue qu’Henry Miller. Pourtant, leurs œuvres n’ont-elles pas été écrites comme en miroir ainsi que le laisse à voir leurs écrits érotiques croisés ?

 

« Anaïs Nin débride son corps et son esprit à son contact, il trouve en elle inspiration et assurance. »

 

Anaïs Nin, l’autre féminin d’Henry Miller : libérée, toujours libre. Contrairement à ce que prônent aujourd’hui des pseudo-féministes la sexualité hétérosexuelle n’est pas forcément maquée du sceau de la domination patriarcale, ni d’avantage exclusive d’une sexualité plurielle où l’homosexualité a elle aussi sa place. Si la passion amoureuse est toujours ravageuse, elle est aussi libératrice et créatrice. Si Henry Miller aime les femmes, il n’est pas misogyne et sa relation avec Anaïs Nin en témoigne.

La réciprocité est au cœur de leurs démarches créatives respectives. Ils se soutiennent et se lisent mutuellement. Elle débride son corps et son esprit à son contact, il trouve en elle inspiration et assurance. Et bien loin de la relation de couple monogamique !

 

   Comme le dit François-Xavier Freland : « Miller aime les humains, sans différence de sexe, avec un léger complexe d’infériorité néanmoins pour la femme… Et s’il se sert des autres, il a au moins le mérite d’utiliser autant ses amis hommes que femmes ».

Notre époque du rejet de l’universalisme humaniste, du boomerang puritain, de la peur de la chair sous toutes ses formes, de la viande rouge saignante au sexe affranchi des injonctions moralisatrices, tendrait à reléguer Miller à l’enfer des bibliothèques.

Osons donc lire et relire Henry Miller ! François-Xavier Freland nous y invite avec fougue et élégance, dans une empathie fascinante avec son auteur fétiche. En nous glissant dans ce « rêve parisien », c’est déjà l’atmosphère des livres d’Henry Miller qui nous saisis, grâce à son autre double contemporain, l’écrivain, l’amoureux, l’ermite d’Un été à Anafi, le roman précédent de François-Xavier Freland.

 

Henry Miller, un rêve parisien, de François-Xavier Freland, 180 p (Ed. Magellan, septembre 2022)

 

N.B : cet article a également été publié par la Revue des Deux Mondes (23-01-2023) (https://www.revuedesdeuxmondes.fr/)

 


Renée Fregosi, philosophe et politiste est écrivain essayiste. Présidente de l'ONG CECIEC (Centre Européen pour la Coopération Internationale et les Échanges Culturels) depuis sa création en 1991.

Ancienne enseignante-chercheur à l'IHEAL (Institut des hautes études de l'Amérique latine) et directrice de recherche en Science politique à l'Université Paris-Sorbonne-Nouvelle.

Dernières publications : Comment je n'ai pas fait carrière au PS. La social-démocratie empêchée (Ed. Balland, 2021); Le bêtiser du laïco-sceptique, avec Nathalie Heinich, Virginie Tournay et Jean-Pierre Sakoun. Dessins de Xavier Gorce (Ed. Minerve, 2021); Français encore un effort... pour rester laïques ! (Ed L'Harmattan, 2019) et Les nouveaux autoritaires. Justiciers, censeurs et autocrates (éd. du Moment 2016). 

Dernière contribution au PRé :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2020/06/05/un-tout-petit-monde-par-ren%C3%A9e-fregosi/

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2020/06/05/un-tout-petit-monde-par-ren%C3%A9e-fregosi/

 

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CROQUIS PARISIEN, par Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Un poème de saison de Paul Verlaine (1844-1896).

Extrait du recueil «Poèmes saturniens » , ce poème est le premier de la deuxième partie "Eaux- fortes", après "Melancholia" (Résignation, etc.), avant ceux de "Paysages tristes" (Soleils couchants, etc.), et de "Caprices" (Femme et chatte, etc.), troisième et dernière partie.

 

 

 

 

 

 

 Portrait de Paul Verlaine par Willem Witsen - 1892

Croquis parisien

 

La lune plaquait ses teintes de zinc
               Par angles obtus.
Des bouts de fumée en forme de cinq
Sortaient drus et noirs des hauts toits pointus.

Le ciel était gris. La bise pleurait
                 Ainsi qu'un basson.
Au loin, un matou frileux et discret
Miaulait d'étrange et grêle façon.

Moi, j'allais, rêvant du divin Platon
               Et de Phidias,
Et de Salamine et de Marathon,
Sous l'oeil clignotant des bleus becs de gaz.

 

Parisian Sketch

 

The sky was grey. The bitter north wind wept

Like a bassoon,

And thick black plumes of smoke formed fives, and leapt

From lofty pointed roofs towards the moon,

 

Which spread a plating, blunt and angular,

In dull zinc hues.

A cat, less warm than watchful, somewhere far                                 Uttered its eerie, high-pitched mews.

 

I walked, I dreamed of godlike Phidias

And Plato too,

I dreamed of Marathon and Salamis…

The gas-lamps’ eyes were watching, winking, blue.

 

Copyright © Timothy Adès


La République de Platon / Recueil Poëmes saturniens, Verlaine (Imprimé par D. Jouaust pour Alph. Lemerre, libraire éditeur, 1866), BnF, département Réserve des livres rares, RESP-YE-1151 et sa Préface par Verlaine / La bataille de Salamine, peinture sur toile (62x105 cm), 1858, de Wilhelm von Kaulbach (1805-1874), Munich, Neue Pinakothek / Statue chryséléphantine, qui ornait l'intérieur du Parthénon, représentant Athena armée, sculptée par Phidias vers 438. - Une réplique (beaucoup plus petite) du IIe siècle, dite "Athena du Varvakeion", au Musée national d'Athènes, évoque l'aspect de cette statue colossale disparue.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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BALLADE DE PROTECTION (BLUES), par Pierre Mac Orlan / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Nous revoici en compagnie de Pierre Mac Orlan (1882-1970) avec ‘Ballade de la Protection (Blues )’.

C’est le dernier des quatre poèmes de Mac Orlan que j’ai traduits pour un ami, Alastair Brotchie, de l’Institut Pataphysique de Londres.

Il les a publiés dans leur journal dont il est ‘Proveditor and Propogator’, en honorant Thiéri Foulc qui ‘avait fait le geste de mourir’, comme le disent les pataphysiciens.

 

 

Pour eux d’ailleurs, la dame d’Alastair porte le titre de ‘Sa Magnificence’.

Elle gère la minuscule librairie Bookartbookshop avec son Bar Peixoto : j’y ai pu offrir des poèmes traduits à treize personnes, maison remplie.

 

Ballade de la Protection (Blues)

 

Souvenez-vous, Seigneur, ô Lord du temps passé,

Quand vous m’accompagniez dans les prairies fanées

De Bagatelle, ornées de rousses gigolettes

A tiges bien tournées, revêtues de bas noirs.

Vous conduisiez mes mains pour que je les bénisse

Ces pauvres innocents des bienfaits judiciaires,

Ces gibiers de prison, ces pauvres orphelins,

Ces minables crétins au visage éphémère.

O Lord ! C’est vraiment vous qui conduisiez mes mains.

 

Seigneur affranchi ! Dieu riche d’expériences,

C’est vous que j’aperçois le long du bataillon,

Dans la poudre et verglas des routes de Lorraine.

Nous vous avons bien vu, moi et mes compagnons.

Vous chantiez avec nous Le Père Barbançon

Et vous preniez mon sac, ô Seigneur des casernes !

Mon sac et mon fusil, plus tard mon mousqueton.

Vous chantiez, Domine, le vide des gibernes.

On braillait les refrains de notre garnison.

 

Dieu des si puissants catholiques galas !

Présentez quand il faut l’amour sur vos tréteaux.

Donnez-nous de l’amour la signification

Précise afin de l’utiliser çà et là,

Selon les besoins de la vie, au jour le jour,

Un sens bref comme un coup de couteau amical

Au moment de régler nos bontés et nos comptes.

 

Seigneur et Lord ! Docteur en toutes compétences !

Donnez-nous de ces mots la monnaie non rognée.

Donnez-nous du mépris la fière intelligence

Pour mieux nous protéger des autres et des uns.

Quand un pressentiment rend la nuit plus peuplée,

Quand la chambre à coucher se transforme en chapelle,

Quand l’ampoule électrique est telle une chandelle,

Éloignez de nos yeux la présence des cierges.

 

O Créateur, vêtu comme un vrai chien d’aveugle

Pour mieux nous avertir en marge des chaussées

Ma femme et puis moi et ma lourde bouledogue

Et mon accordéon dans son étui couché,

Encore réunis comme à l'accoutumée.

Donnez-nous pour ce soir la paix dans nos foyers.

Demain ?…

 

            ENVOI

 

Qu’un honorable calme escorte nos ennuis

Demain ? On verra bien. Pour l'instant, c'est fini.

Les anges nouveau-nés en gais flocons de neige

Tourbillonnent dans un ciel gris, couleur adolescente,

Couleur de tous péchés. maintenant « abolus ».

— Ce n’est prière de Picard — Seigneur, donne à cil

La chance sans essoine et… mille « Ainsi soit-il ».

 

 

 

 

 

 

Chanteuse: Monique Morelli

https://www.youtube.com/watch?v=ZaJMrg6Tu_o

 

 

 

Protection Ballad (Blues)

 

Remember, O Lord God, remember times gone by,

When you went at my side into the faded fields

Of Bagatelle, adorned with redheads on the game,

With those well-rounded calves, black stockings clothing them :

You guided my two hands to bless these luckless ones,

The paupers who received no kindness from the bench,

The jailbirds serving time, orphans in penury,

Sad imbeciles, their faces seen for just a day.

Lord ! Truly it was you who guided my two hands.

 

Enfranchised Lord ! O God rich with experience,

It’s you who I perceive all along the battalion,

In the black ice and slush of roadways in Lorraine.

We saw you very clear, myself and my companions,

You used to sing with us that ‘Old Man Barbançon’.

You even took my pack, O Lord of barrack-blocks!

My knapsack and my rifle, my side-arm after that.

Dear Lord, you sang about our kitbags’ emptiness.

And we roared out refrains, songs of our garrison.

 

O God of galas, powerful and catholic !

Present us on your trestles love in its due time,

Give us to know the true significance of love,

Precisely, so we may apply it here and there

According to the needs of life from day to day,

A meaning like a knife-blade’s friendly cut, so neat,

Just when we settle our accounts and kindnesses.

 

O Lord and God ! Doctor in every competence !

Give us the unclipped coinage of words.

Give us that proud intelligent mistrust,

The better to protect ourselves from one and all.

When a foreboding fills night with more presences,

When the familiar bedroom turns into a chapel,

When the electric bulb is like a candle-flame,

Remove the presence of wax tapers from our eyes.

 

Creator ! dressed like a real guide dog for the blind,

To warn us better on the edge of roads,

My wife and then myself, my heavy revolver

And my accordion at rest inside its case,

All once again together in the usual way :

Give us for this evening peace at our firesides.

Tomorrow...?

 

            ENVOI

 

May an honourable calm guide away our troubles

Tomorrow ? We shall see. For the moment, it’s all done.

Angels are new-born where snowflakes are gambolling

And whirl in a grey sky of adolescent hue,

The colour of all sins now absolved, now abolished.

- It’s quite a simple prayer.

Lord, give the nod

To luck unhampered and... a thousand times ‘Let it be so’.

 

Copyright © Timothy Adès

 

 


- Monique Morelli (1923-1993) chante Pierre Mac Orlan (Arion, 1968, réédité sous le titre "Chansons du Quai des Brumes", Arion 1978) : La chanson de Margaret ; La rue qui pavoise ; Le Pont du Nord ; Merci bien ; Les rues barrées ; Les Compagnons du Tour de France ; Nelly ; Marie-Dominique ; La route d'Aigues-Mortes : Bel-Abbès ; Rose des Bois ; Ballade de la protection

- Intérieur de la BookArtBS avec les livres de Timothy Adès exposés

- Photo (d'une partie) de la famille Adès prise dans la librairie Bookartbookshop avec son Bar Peixoto


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

 

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MA SELECTION DE LIVRES 2022, par Jean-Marie Pierlot, chercheur en communication des associations, spécialiste de la communication stratégique


Voici 10 lectures de livres parus en 2022 axés autour des questions d'écologie et de construction du monde de demain que notre ami Jean-Marie Pierlot a plaisir à nous proposer en ce début d'année 2023.

Avec ses meilleurs voeux et les nôtres,

Salut et fraternité !


 

1. Bruno Frère et Jean-Louis Laville : La Fabrique de l’émancipation – Repenser la critique du capitalisme à partir des expériences démocratiques, écologiques et solidaires (Seuil, collection "La Couleur des idées", 09/09/2022).

 

Un hommage à la puissance instituante des associations, par-delà les critiques centrées uniquement sur la théorie (L’École de Francfort – en particulier Habermas et Honneth ; Bourdieu & ses épigones ; Latour, etc.).

2. Hartmut Rosa : Accélérons la résonance – Entretiens avec N. Wallenhorst – Pour une éducation en anthropocène (Le Pommier, collection Essais - Manifestes, 05/01/2022).

 

Le titre choisi par cet opuscule de 62 pages est affirmatif dans la tête de l’intervieweur, il me semble qu’il aurait plutôt tendance à être interrogatif pour l’interviewé. A la question « Que faire ? », Rosa, dernier illustre représentant en date de l’École de Francfort, répond qu’avant d’agir pour transformer le monde, il faut d’abord s’arrêter, ouvrir un processus d’autoréflexion à l’écoute du monde. Lecture à compléter par celle des entretiens avec le pédagogue Wolfgang Endres, Pédagogie de la résonance (également Le Pommier).

 

3. Timothée Parrique : Ralentir ou périr – L’économie de la décroissance (Seuil, collection Essais-Documents, 16/09/2022).

 

J’étais un peu sceptique par rapport aux idées sur la décroissance, surtout venant de Serge Latouche. Ici, il fait une démonstration très convaincante des impasses de l’économie de la croissance. Ses réponses aux objections provenant des chantres de la croissance sont excellentes aussi. J’aime moins son développement sur une économie post-croissance – je préfère les hypothèses de ma compatriote belge Isabelle Cassiers, développées dans Vers une société post-croissance (ouvrage collectif, L’Aube, 2017).

 

4. Philippe Chanial : Nos généreuses réciprocités – Tisser le monde commun (Actes Sud, mars 2022).

 

C’est l’éditeur de la Revue du MAUSS, qui succède dans ce rôle à Alain Caillé. Il passe en revue les diverses extensions de la théorie du don en l’opposant  à celle de l’utilitarisme. Indispensable pour construire le monde de l’après-croissance.

 

5. Fabien Benoît et Nicolas Celnik : Techno-luttes – Enquête sur ceux qui résistent à la technologie (Seuil / Reporterre, 16/09/2022 ).

 

L’enquête de deux journalistes sur les technologies imposées, dans différents domaines, des « Smart Cities » à l’Agriculture 4.0, en passant par les objets connectés. Utile de savoir qu’on n’est pas seuls dans ces combats pour une société moins artificielle.

 

6. Norbert Alter : Sans place ni classe – L’improbable histoire d’un garçon venu de nulle part (PUF, collection Hors collection, 06/04/2022).

 

Récit autobiographique d’un sociologue pas comme les autres, spécialisé dans l’innovation en entreprise, proche du mouvement du MAUSS. Son regard sur les écarts entre Donner et Prendre est éclairé par son expérience vécue.

 

7. Bruno Latour avec Nikolaj Schultz : Mémo sur la nouvelle classe écologique (Les Empêcheurs de penser en rond, janvier 2022).

 

Même si constituer une classe à partir des oppositions entre les « terrestres » et les « hors-sol » n’est pas totalement crédible, sa réflexion pousse à avancer sur une réappropriation de « habiter sur terre » par ceux qui tentent de construire un espace habitable pour demain.

 

8. Joëlle Zask : Ecologie et démocratie (Premier Parallèle, 10/02/2022).

 

Elle a raison : ces deux pôles de la réalité sont inséparables. Elle m’a fait découvrir la pensée de John Dewey et ses conceptions d’expérience et d’enquête (je m’apprête à lire « Le public et ses problèmes » - Folio 2020, qu’elle a traduit en français).

J’ai eu l’honneur de publier le compte-rendu du livre de J. Zask sur le site du PRé : https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/09/28/ecologie-et-democratie-jo%C3%ABlle-zask-note-de-lecture-de-jean-marie-pierlot-chercheur-en-communication-des-associations/

 

9. François Gemenne : L’écologie n’est pas un consensus – Dépasser l’indignation (Fayard, collection Documents, 02/11/2022 ).

 

Il a le mérite de nous faire sortir de l’illusion que tout le monde aurait envie de vivre la transition vers une société post-croissance. C’est un combat, dommage qu’il ne se réfère pas à Latour qui en sait plus que lui sur ce sujet 😊.

 

10. Nicolas Bérard : Ce monde connecté qu’on nous impose (Le passager clandestin, août 2022).

 

Un petit livre de combat. Je n’imaginais pas que la 5G allait nous imposer à ce point un monde ultra-connecté. Pourtant, d’ores et déjà les dégâts des services numérisés à outrance (« Tous nos collaborateurs sont occupés, veuillez rester en ligne » - grrrr !) nous rendent la vie plus contraignante que les « vrais » rapports entre humains. Il faut se battre pour empêcher que se réalisent les mirages de la société hyperconnectée. Lecture à compléter avec le n° 5.


Jean-Marie Pierlot, chercheur en communication des associations, spécialiste de la communication stratégique, de crise et du Fundraising, a travaillé durant 25 ans en Belgique francophone dans divers secteurs (santé, environnement, aide humanitaire, développement, droits humains) et a enseigné la communication du non-marchand à l’UCLouvain (Université catholique de Louvain).

Cet ancien administrateur de Greenpeace Belgique (1989-95) fut aussi membre du LASCO, le Laboratoire d'Analyse des Systèmes de Communication d'Organisations (de 2000 à 2014); il a participé à l'édition d'un n° spécial de Recherches en Communication (UCL) sur Légitimation et Communication (n° 25, 2006) et a co-édité les Actes du colloque "Contredire l'entreprise" (Presses Universitaires de Louvain, 2010). Egalement membre du Centre d'Etudes de la Communication (CECOM) de l'UCLLouvain (1986- oct.2021).

Il est aujourd’hui administrateur de l'association Entraide et Fraternité; membre du "comité sociétal" de NewB, banque coopérative belge, "éthique et durable" (depuis juin 2022). Jean-Marie Pierlot est un ami et un contributeur du PRé.

Auteur de plusieurs livres dont La communication des associations (Ed Dunod, 2014); Les nouvelles luttes sociales et environnementales, avec Thierry Libaert (Vuibert, 2015).

 

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/10/14/bruno-latour-de-la-sociologie-des-sciences-au-monde-des-vivants-un-long-parcours-par-jean-marie-pierlo

 

 

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LE MAGE QUI PERD SON ETOILE, par Patrice de la Tour du Pin / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Un tout petit poème du Comte Patrice DE LA TOUR DU PIN (1911-75), descendant de l’ancienne noblesse, côté paternel, de René, Marquis de la Charce, conseiller d’Etat du Vert-Galant ; néanmoins un poète des plus catholiques; et, côté maternel, de Condorcet, ce qui faisait de lui accessoirement un petit cousin de Charles Baudelaire, le père de ce dernier, ancien prêtre devenu voltairien, étant allié aux Condorcet.

Poète et mystique catholique discret, résolument non médiatique, il entra en dialogue avec tous les milieux de son temps, y compris la pensée athée.
élevé par sa mère et sa grand-mère, avec sa sœur et son frère aîné, entre Paris et le Bignon-Mirabeau dans le Gâtinais. Poète et mystique catholique discret, résolument non médiatique, il entra en dialogue avec tous les milieux de son temps, y compris la pensée athée
élevé par sa mère et sa grand-mère, avec sa sœur et son frère aîné, entre Paris et le Bignon-Mirabeau dans le Gâtinais. Poète et mystique catholique discret, résolument non médiatique, il entra en dialogue avec tous les milieux de son temps, y compris la pensée athée

 

En classe de philosophie à Janson-de-Sailly, aux cotés de Maurice Schumann (alors président de la fédération des Etudiants socialistes), il s'inscrivit ensuite aux facultés de droit et de lettres de la Sorbonne, pour gagner, sitôt un certificat obtenu, rue Saint Guillaume pour y suivre des sciences politiques bien plus excitantes de son point de vue.

 

Emprisonné pendant " la drôle de guerre ", il reste en Allemagne trois ans, période productive. « Il a joué aussi, on le sait peu, un grand rôle dans la rédaction de la traduction de la Bible pour la liturgie catholique francophone, après la décision de Vatican II d'utiliser les langues vernaculaires pour la messe. Il participa particulièrement à partir de 1964 à la rédaction des psaumes dans le cadre de la Commission liturgique de traduction. Il a aussi rédigé un grand nombre des premiers chants liturgiques post-conciliaires pour la liturgie catholique du bréviaire en langue française… »

Il habite le château du Bignon-Mirabeau. Il publie notamment La Quête de Joie (1933) et Une Somme de poésie (1946).  il reçoit le prix Maurice-Trubert de l’Académie française (1961) et le Grand prix catholique de littérature (1971).

 

Le mage qui perd son étoile

Au milieu des constellations

Suit l’Aigle, Orion ou Andromède,

Sans rien comprendre à sa mission.

 

Au lieu d’errer, fais donc un pas

Dans la lumière d’une d’elles;

Alors elle s’arrêtera:

Chaque nuit peut être Noël !

 

 

 

 

 

Somewhere among the galaxies,

One of the Wise Men lost his star.

Not knowing what his mission is,

He tracks Orion or Aquila.

 

So, do not wander. Make your way

Forward beneath some guiding light,

And somewhere it will stop and stay.

Make every night a Christmas night !

 

Copyright © Timothy Adès


- Patrice de la Tour du Pin à 19 ans

- Le château de Bignon : construit en 1880 sur l’emplacement d'un premier château, où naquit Mirabeau, le Bignon, aujourd’hui classé « Maison d’écrivain », fut la propriété de Patrice de La Tour du Pin, qui y passa une partie de son enfance.

- La Quête de joie, Patrice de la Tour du Pin (La Tortue, 1933)

- Une Somme de poésie, NRF / Gallimard (1946) En 1981-82-83, Gallimard publié l'édition définitive, revue et corrigée par l’auteur. Elle comporte trois tomes (trois « jeux) et rassemble tous les textes publiés du vivant du poète à l’exception de Pépinière de sapins de Noël. Elle se termine avec une « Veillée pascale » inédite.

- Anne et Patrice de La Tour du Pin dans le salon du château Bignon-Mirabeau dans les années 40

- Anthologie d'un choix de poèmes de Patrice de La Tour du Pin ( NRF / Gallimard, 2010). Elle fut publiée à l'occasion du centième anniversaire de sa naissance. Tous les textes choisis le sont dans leurs versions définitives telles que publiées dans Une somme de poésie (collection blanche, 1981-1983). Cette anthologie est complétée d'un cahier de lettres signées d'André Gide, Jules Supervielle, Jean Paulhan, Paul Claudel, Louis Aragon...


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LE REPOS EN ÉGYPTE, Albert Samain / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 "La fuite en Egypte", 1879, 77 x 133 cm, de Luc-Olivier Merson, Musée des Beaux Arts Chéret de Nice

 

 

   Voici un  troisième poème d’Albert Samain (1858-1900): Le Repos en Égypte, tiré de son recueil « Symphonie Héroïque » (Mercure de France, 1901) composé d'une vingtaine de poèmes.

Le poème est tout à fait fidèle à la peinture de Luc-Olivier Merson qui en a fait quatre exemplaires, dont un à Nice, un à Boston, un à Hearst Castle en Californie. …

J’ai vu le Sphinx il y a 70 ans. Nous avons passé les vacances, sauf l’été, en Égypte : nous étions chez nous. Entre les images, le Sphinx à vraie échelle, et une toile de Carlo Labruzzi qui se trouve à Épinal.

 

T.A

 

Albert Samain est l'auteur notamment de Contes, Polyphème, et de trois recueils de poèmes : Le jardin de l’infante (1893), Aux flancs du vase (1898) et Le Chariot d’or (1901).

 

LE REPOS EN ÉGYPTE  

 

La nuit est bleue et chaude, et le calme infini…

Roulé dans son manteau, le front sur une pierre,

Joseph dort, le cœur pur, ayant fait sa prière;

Et l’âne à ses côtés est comme un humble ami.

 

Entre les pieds du Sphinx appuyée à demi,

La Vierge, pâle et douce, a fermé la paupière;

Et, dans l’ombre, une étrange et suave lumière

Sort du petit Jésus dans ses bras endormi.

 

Autour d’eux le désert s’ouvre mystérieux;

Et tout est si tranquille à cette heure, en ces lieux

Qu’on entendrait l’enfant respirer sous ses voiles.

 

Nul souffle…La fumée immobile du feu,

Mont ainsi qu’un long fil se perdre dans l’air bleu…

Et le Sphinx éternel atteste les étoiles.

 

Gaubert Fatma Said, soprane

https://www.youtube.com/watch?v=Y8ieN-zzihE&t=211s

 

Respighi Ian Bostridge ténor

https://youtu.be/OxiQXktZtD4

 

 

RESTING IN EGYPT                   

 

The blue, hot night, the calm that has no end…

Wrapped in his cloak, a stone beneath his head,

Sleeps Joseph, pure in heart, his prayers said;

The ass is by him, like a humble friend.

 

Between the Sphinx’s paws composed to rest,

The Virgin, pale and sweet, has veiled her sight.

The shadow glimmers with a strange, soft light:

The infant Jesus sleeps upon her breast.

 

The time and place are peaceful. Not a sound:

Only the breathing of the babe. All round,

The desert sands their mysteries unfold.

 

The wind is still, the smoke climbs quietly,

Like a long thread, to vanish in the sky;

The timeless Sphinx bids all the stars behold.

 

Copyright © Timothy Adès


- Le Chariot d'Or -Symphonie héroïque d'Albert Samain (Paris. Mercvre de France. 1925. 35° édition).

- Albert Samain, vers 1870 © Rue des Archives/Tal.

- "La fuite en Egypte" de Luc Olivier Merson, une des quatre versions du tableau composées en 1879 conservée au Muséum des Beaux Arts de Boston.

- Esquisse préparatoire de "la Fuite en Egypte " de Luc Olvier Merson.

- "La fuite en Egypte" de Luc Olivier Merson : cette version est conservée au Hearst Castle à San Simeon (comté de San Luis Obispo), en Californie se distingue par sa palette de couleurs de taupes et gris, et par le croissant de lune dans le coin supérieur gauche.

- Luc Olivier Merson (1846-1920), peintre et illustrateur, dessinateur et cartonnier, professeur à l'École des Beaux-Arts de Paris. - Membre de l'Institut, Académie des Beaux-Arts.

- "Le Repos de la sainte Famille en Égypte" (1775), huile sur cuivre  de Carlo Labruzzi (1748-1817), Musée départemental d’art ancien et contemporain – MUDAAC – Épinal (88).

- Le Sphinx à sa vraie échelle


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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SUR MA ROUTE avec Gilbert Thiel, ancien juge anti-terroriste, par Vianney Huguenot, journaliste


Notre ami Vianney Huguenot rencontre le fameux juge Gilbert Thiel dans le Metz de son enfance, celui-là même qui après avoir instruit des affaires très médiatiques fut affecté début septembre 1995 à la section antiterroriste en pleine vague d'attentats islamistes à Paris. Pendant près de trois ans, il consacrera l'essentiel de son activité aux procédures visant à démanteler les réseaux islamistes implantés en France. Il sera ensuite en charge, entre autres procédures, des dossiers relatifs à l'assassinat du préfet Erignac, de Jean-Michel Rossi, assassinat de François Santoni... Il est l'auteur notamment de On ne réveille pas un juge qui dort (2002), Magistrales insomnies (2005) ou encore Mafias (2014).


Vianney Huguenot avec Gilbert Thiel

   Une journée avec Gilbert Thiel, "l'emmerdeur" (1), c'est tonique !
Des souvenirs d'enfance à Metz, une réflexion captivante sur l'univers judiciaire, des anecdotes sur ses affaires les plus retentissantes – "la diabolique de Nancy", "le tueur de l'est parisien", "le bagagiste de Roissy", l'assassinat du préfet Erignac – de l'émotion, quelques oreilles qui sifflent, dont celles d'Acquittator aujourd'hui garde des Sceaux, de l'humour, de la passion (pour Brassens, Brel, Ferrat, "Ma France" (2), Audiard, le FC Metz et le Tour de France), une nostalgie assumée et la belle voix rocailleuse d'un des magistrats les plus médiatiques de France, désormais retraité, occasionnellement acteur et auteur d'un livre récent chez Robert Laffont "Faites entrer l'acquitté " (septembre 2022).
V.H
(1) "L'emmerdeur" est le nom qu'on lui donnait dans la profession et qu'il revendique. 
(2) " Cette chanson de Ferrat devait être notre hymne national ", dit-il.

 

Le replay de [sur ma route] avec Gilbert Thiel, sur Moselle TV et Vosges TV, avec France Bleu Lorraine, c'est ici : https://youtu.be/wLHJhdhdWG0


Vianney Huguenot est journaliste,  enseignant, formateur. Chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, il y anime une émission ("Les rencontres de Vianney Huguenot" ) dans laquelle il nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est. Il anime également " Sur ma route " une émission co-produite par la chaîne de télévision mosellane ViàMoselle TV (anciennement Mirabelle TV) et la TV locale ViaVosges au cours de laquelle, à travers les souvenirs d’enfance et le regard de personnalités, il donne à voir la région Grand Est et nous fait partager son sentiment géographique. Collaborateur de plusieurs journaux, magazines et revues, Vianney Huguenot est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, entre autres : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est, 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est, 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube, 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres, 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony).

Vianney Huguenot co-anime la rubrique Tutti Frutti du PRé.

 

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FANTASIO, par André Bellessort / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

Fantasio : un poème d’André Bellessort (1866-1942) : agrégé de Lettres, poète, critique littéraire, romancier, traducteur et voyageur, membre de l'Académie française (élu en 1935) : et pour moi, surtout, cet aperçu : « Ce poème, par les grands tableaux de la Retraite de Russie, de Waterloo, de Sainte-Hélène et. par la vision de l’ignoble foire du Second Empire, consomme, mieux que ne l’avait fait aucune pièce de son théâtre, l’alliance dans le tragique du sublime et du grotesque(...)Quant au sublime, Hugo n’eût-il jamais écrit que les quatre-vingts vers de Waterloo, il serait encore notre plus grand, notre seul, poète épique. » Que voici : http://www.brindinpress.com/pfhugwat.htm .

 

Pour la découverte du poème, je remercie le distingué baryton François Le Roux, qui l’a chanté à Londres dans un programme du grand Henri Dutilleux.

 

 

Fantasio

 

La mort t’ayant surpris en travesti de bal,

Pauvre Fantasio, de folles jeunes filles

Te firent un linceul de leurs blanches mantilles,

Et tu fus enterré le soir du carnaval.

 

Sous un léger brouillard du ciel occidental

Le mardi gras folâtre éparpillait ses trilles,

Et ton glas, voltigeant sur de lointains quadrilles,

Détachait dans la nuit ses notes de cristal.

 

Des coins du corbillard le feu des girandoles

Éclairait tout un chœur d’étranges farandoles.

Nul n’avait pris le temps de revêtir le deuil.

 

Ta rieuse maîtresse avait gardé son masque

Et tous faisaient jouer derrière ton cercueil

Une marche funèbre à leurs tambours de basque.

 

 

 

Yoon-Sung Choi

 https://www.youtube.com/watch?v=D2N4h26LIFo

 

Patrick Mason

https://www.youtube.com/watch?v=qvn52s5nO54

 

Logan Rebstock

https://www.youtube.com/watch?v=CX9vOT26pe4

 

Fantasio

 

Death caught you costumed for the fancy ball.

Giddy young women (Poor Fantasio!)

lent you their white mantillas for a pall:

they buried you, that night of carnival.

 

In the slight vapour of the western sky

mad Mardi Gras went frittering its trills;

Your death-knell pranced on faraway quadrilles,

etched on the night its crystal threnody.

 

The flames of candelabra round the bier

lit dancers reeling in an eerie choir.

No-one had paused to dress in mourning-gear.

 

Your laughing mistress kept her mask, and all

followed your corse and, played, Fantasio,

on tambourines, a march funereal.

 

Copyright © Timothy Adès

 

Wigmore Hall 2018: Dutilleux birthday :

François Le Roux baritone, Olivier Godin piano

https://arcana.fm/2019/01/31/francois-le-roux-olivier-godin-dutilleux/

My translations of all the songs were in the printed programme.

 




Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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BEGINNING OF WINTER. I had to expand this one... , par Timothy Adès, poète traducteur britannique

Feuillage de dahlia noirci par le gel - (Marilylle Soveran / flickr.com)

 

Beginning of Winter. I had to expand this one...

 

Dahlias are over. So’s ‘Ginster’

Which sounds like a Cornish pasty,

But it’s something much less tasty:

It’s ‘needle furze’ or ‘petty whin.’

NB It isn’t broom or gorse :

I needn’t tell you that, of course.

I know you wouldn’t imagine it,

Despite the link with ‘Plantagenet’.

So :

Dahlias are over. So’s petty whin.

Heating and light now cost a lot.

Again the nights are drawing in.

The days are shrinking. I am not.

 

- 1ère vignette : Heinz Erhardt (1909-1979) est un musicien et acteur allemand d'origine germano-balte, né en Livonie, alors dans l’empire russe.

 Après la guerre, il travaille pour la radio Nordwestdeutscher Rundfunk qui mit dans son programme son Opéra de dix sous (10-Pfennig-Oper) en 1948. Il se fait connaître alors pour ses textes humoristiques et ses chansons légères et devient acteur et mime. Il tourne dans de nombreux films.

- 2ième vignette : Le compositeur anglais Sir Michael Tippett (1905-1998), compositeur de « THE WORLD turns on its dark side — it’s winter », chanté par le chœur vers le début de « A Child of Our Time » (1939-41), un oratorio évoquant la « Nuit de Cristal » du 9 novembre 1938 en Allemagne : https://youtu.be/1L262XNnZUA

 

N.B : Thomas Adès (le fils aîné de Timothy et Dawn Adès) a dirigé à Paris "A Child of Our Time" de Michael Tippett avec 200 chanteurs et 4 solistes lors d’un Concert donné le 7 novembre 2018 dans la Grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris (où il a également dirigé l’"Ouverture des Francs-Juges" d'Hector Berlioz) et "Polaris Voyage pour orchestre" de Thomas Adès). Avec Michelle Bradley, soprano, Sarah Connolly, mezzo-soprano, Mark Padmore, ténor, John Relyea, basse, Choeur de l'Orchestre Paris, Choeur de jeunes de l'Orchestre de Paris, Lionel Sow, chef de chœur.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.


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HOMONYMES, Maurice Carême / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Maurice Carême à Margny, dans les Ardennes, durant l'été 1970 - Jeannine Burny / Fondation Maurice Carême

 

 

Des calembours

Pardonnez-moi

Deux fois en vers

L’envers, ma foi !

 

En compagnie du poète belge, " l'émerveilleur " Maurice Carême (1899-1978) dont l'œuvre, abondante et diverse, reste on ne peut plus vivante plus de 40 ans après sa mort, toujours autant récitée, mise en musique et traduite.

T A

   Maurice Carême publie son premier recueil de poèmes, 63 illustrations pour un jeu de l’oie en 1925. Impressionné par les mouvements surréalistes et futuristes, suivront ensuite Hôtel bourgeois (1926), Chansons pour Caprine (1930), puis Reflets d’hélices (1932). Instituteur, il publie deux essais consacrés à des textes d’enfants qu’il éveilla à l'émerveillement, au plaisir et au rythme des mots, Poèmes de gosses (1933) et Proses d’enfants (1936). Il co-fonde le Journal des Poètes en 1931, et obtient un Premier prix au Conservatoire de Bruxelles (1933).

Son recueil Mère paraît en 1935 et reçoit le Prix Triennal de poésie en Belgique en 1938.

Il enchaîne les publications et les prix : Prix Victor Rossel (1948), Prix de l’Académie française (1949 et 1954), Prix international Syracuse (1950), Prix populiste de poésie (1951), Médaille de la Ville de Sienne (1956), Prix Félix Denayer (1957), Prix de la poésie religieuse (1958), Prix du Président de la République française (1961), Prix de la Province de Brabant (1964), Prix de la traduction néerlandaise (1967), Grand Prix international de poésie (France, 1968), « Prince en poésie » à Paris en 1972, Prix européen (Italie, 1976), etc.

 

 

Les six dernières années de sa vie, il publie quatorze recueils de poèmes, un roman fantastique, Médua, ainsi qu’un choix de traductions des poètes de Flandre.

Maurice Carême aura passé sa vie à tenter d’approcher le mystère de la condition humaine, dans ses joies et ses peines, comme à dévoiler le merveilleux du quotidien, de l’amour, et de la nature. L’imaginaire de l’enfance, le jeu et le rêve apparaissant comme un "antidote" face à la mort.

 

Homonymes

 

Il y a le vert du cerfeuil

Et il y a le ver de terre.

Il y a l’endroit et l’envers,

L’amoureux qui écrit en vers,

Le verre d’eau plein de lumière,

La fine pantoufle de vair

Et il y a moi, tête en l’air,

Qui dis toujours tout de travers.

 

https://www.youtube.com/watch?v=mciw2EmRMGs

 

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/une-vie-une-oeuvre/maurice-careme-poete-tout-simplement-1899-1978-6301915

 

 

Homonyms

 

Green chervil is vert,

An earthworm is ver.

Obverse and reverse,

A lover writes verse.

Clear water-glass, verre

Fur slippers of vair

And me, head-in-air,

The prattler perverse.

 

Copyright © Timothy Adès

 


Et voici également La marchande de Foix  connue par des générations d'écoliers !

Comptine anonyme : La marchande de foie

 

Il était une fois,

Une marchande de foie,

Qui vendait du foie,

Dans la ville de Foix...

Elle se dit ma foi,

C'est la première fois

Et la dernière fois,

Que je vends du foie,

Dans la ville de Foix.

 

https://www.youtube.com/watch?v=cub73ZXO024

 

« Certains pensent même que ce nom de ville a été créée pour la rime, mais que nenni ! Foix est une ville bien réelle, avec un atout considérable, son château »

 

Anonymous : The liver seller

 

Once a liver seller

Went to sell her liver

In the town of Pau

Where she said: Oh woe !

It’s the first time ever.

I shall never ever

Sell again my liver

In the town of Pau.

 

Once a liver seller

Went to sell her liver

Live in Liverpool.

“Feel I’ve been a fool !

It’s the first time ever.

I shall never ever

Sell again my liver

Live in Liverpool.”

 

Copyright © Timothy Adès

 



Dans les pas de Maurice Carême à Anderlecht, une promenade proposée par le site de la ville d’Anderlecht.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LES HIBOUX, Robert Desnos / Timothy Adès

Les Hiboux, 2014, par Cat Zaza (in Storysongs/Chantefables, Robert Desnos,

Traductions par Timothy Adès et illustrations par Cat Zaza)

  

   Voici "LES HIBOUX" de Robert DESNOS (1900-1945), extraits de son livre Chantefables. Il écrit une somme de cent poèmes pour enfants. En  avril 1943, il remet ses textes des Chantefables et des Chantefleurs à Michel Gründ de la maison d’éditions Gründ, qui publiera les premiers en mai 1944 avec des illustrations d'Olga Kowalevsky, et les deuxièmes en 1952 avec des illustrations de Christiane Laran.

L’auteur, arrêté par la Gestapo en février 1944, puis déporté, ne verra jamais ces œuvres imprimées.

 

J’ai traduit les trente Chantefleurs en anglais : le très beau livre bilingue relié Chantefables/Storysongs avec les dessins de la parisienne douée Cat Zaza est publié par Agenda Editions. Chaque année (avant la pandémie), le Collège Français Bilingue de Londres m’invite et les petits me posent des questions et me font ensemble un charmant récit de mes paroles… Et je l’ai expliqué dans The London Magazine qui a son origine au 18e siècle.

 

 

LES HIBOUX

 

Ce sont les mères des hiboux

Qui désiraient chercher les poux

De leurs enfants, leurs petits choux,

En les tenant sur les genoux.

 

Leurs yeux d’or valent des bijoux,

Leur bec est dur comme cailloux,

Ils sont doux comme des joujoux,

Mais aux hiboux point de genoux!

 

Votre histoire se passait où?

Chez les Zoulous ? les Andalous ?

Ou dans la cabane Bambou ?

À Moscou ou à Tombouctou ?

 

En Anjou ou dans le Poitou ?

Au Pérou ou chez les Mandchous ?

Hou! Hou !

Pas du tout c’était chez les fous.

 

 

Deux beaux récits :

https://www.youtube.com/watch?v=PpQKTJbXZEk

https://www.youtube.com/watch?v=JNt7tLHCF6g

 

 

THE OWLS

 

The mothers of owls                                    hiboux

Are looking for fleas                                     poux         

On their dear little cabbages                      choux       

Perched on their knees.                               genoux         

Their gold eyes worth jewels                      bijoux          

Their beak hard as pebbles                         cailloux         

They’re soft as soft baubles                          joujoux        

Though owls have no knees !

 

Where did it happen, your whole to-do ?

In land of Zulu or Andalou ?

In an igloo, or lean-to of bamboo ?

In Anjou, Poitou, Kalamazoo

Or Timbuktu or Khatmandu ?

Chez vous, Manchu ? Perhaps Peru ?

To-whit ! To-woo !

No, they were funny folk, that’s who.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


- 30 Chantefables (Librairie Gründ, collection « Pour les enfants sages »; mai 1944), BnF, département de la Littérature et Arts

- "Les Hiboux", dessin d'Olga Kowalevsky extrait des 30 Chantefables (Librairie Gründ, collection « Pour les enfants sages », mai 1944), BnF, département de la Littérature et Arts

- Couverture de Storysongs / Chantefables de Robert Desnos, dans une version anglaise de Timothy Adès et des illustrations de Cat Zaza (Agenda Editions, déc. 2014, édition bilingue)

- Cat Zaza, illustratrice des Chantefables, version Timothy Adès

- Couverture de The LONDON magazine (N° August / September 2015), revue de littérature et des Arts datant de 1732

- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant, 527 pages, édition bilingue avec une introduction et une version anglaise de Timothy Adès (Arc Publications, 2017


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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GREEN, Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


  

 

   Nous revoici en compagnie de VERLAINE avec ce poème Green, étudié par des générations de lycéens, un de ceux qui s'ancrent durablement dans la mémoire, une fois adultes.

Il est tiré de son recueil Romances sans paroles (1874), et aurait été écrit en Angleterre, comme tous ceux de la quatrième et dernière partie du recueil (Ariettes oubliées, Paysages Belges, Birds in the Night, Aquarelles), dont il fait partie.

 

C’est un poème élégiaque à forme brève, 3 quatrains d’alexandrins aux rimes croisées, on ne peut plus musical, qui sera mis en musique par de nombreux compositeurs tels Claude Debussy (1888), Reynaldo Hahn, Gabriel Fauré (1891) ou encore Léo Ferré (1964).

 

 

Mathilde Mauté (1853-1914) colorisée,  1870, Alphonse Liebert

 

 

Très impressionniste par ses notes picturales qui font se correspondre ses états d’âme et des paysages, il exprime le sentiment amoureux avec intensité, celui du désir d'aimer et d'être aimé, celui du désir charnel, comme celui du désir de tendresse et de protection. Il dit surtout la détresse de Verlaine pris entre deux désirs (celui pour Rimbaud avec lequel la relation est tumultueuse et celui de renouer avec Mathilde (Mauté de Fleurville) mariée en 1870, “la petite épouse et la sœur aînée”, dont il s’est éloigné, et son fol espoir, qu’il pressent illusoire, d’obtenir son pardon et d’apaiser leur relation.

 

T.A

 

 

Green

 

 

Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches

Et puis voici mon coeur qui ne bat que pour vous.

Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches

Et qu'à vos yeux si beaux l'humble présent soit doux.

 

J'arrive tout couvert encore de rosée

Que le vent du matin vient glacer à mon front.

Souffrez que ma fatigue à vos pieds reposée

Rêve des chers instants qui la délasseront.

 

Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête

Toute sonore encore de vos derniers baisers ;

Laissez-la s'apaiser de la bonne tempête,

Et que je dorme un peu puisque vous reposez.

 

 

 

 

Green

 

 

Here are fruits and flowers, here are leaves and fronds

And here is my heart, only you can make it beat.

Don’t tear it to pieces with your two white hands!

To your beautiful eyes may this humble gift be sweet.

 

I come before you still all covered with dew

That was frozen on my brow by the morning breeze.

I lay my fatigue at your feet, in the hope that you

Will permit it to dream of imminent remedies.

 

Allow my head to loll on your youthful breast,

Still ringing with your kisses when they are strewn;

Let it find peace when the pleasant storm is done,

Let me sleep awhile, for you will be taking your rest.

 

Copyright © Timothy Adès


Couple, 1875, par Renoir


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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L'ARCHET, par Charles Cros / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


  

   Charles CROS (1842-88) est un inventeur malchanceux : il invente la photographie couleur, mais Louis Ducos de Hauron (1837-1920) le devance, ainsi que le phonographe (qu'il nomme "paléophone"), et là c'est Thomas Edison (1847-1931) qui le devance.

 

Savant, c'est aussi un poète dont l'oeuvre de son vivant fut méconnue, même si elle recevra un prix de l'Académie française en 1879 et inspirera par la suite le mouvement surréaliste.

Charles Cros fait ses débuts poétiques en 1869 dans L'Artiste, publie la même année Moyens de communication avec les planètes (Paris, Ed. Gauthier-Villars), collabore à La Parodie et au Second Parnasse contemporain; également au Tombeau de Théophile Gautier. En 1874, il devient rédacteur en chef de La Revue du Monde Nouveau et publie Le Fleuve,  illustré de huit eaux-fortes de Manet et, en 1876, les Dixains Réalistes ; puis, entre autres, Le Capitaliste, Le Maître d'Armes, Autrefois, L'Homme Raisonnable, dans Saynètes et Monologues, 3e et 4e série en 1878 ; Le Violon dans Théâtre de Campagne, 8e série en 1882 ; ou encore La Proprété, Monologue en 1888.

 

   Le poème de ce jour, "l'Archet ", est tiré de son (unique) recueil Le Coffret de Santal (174 pages) publié en 1873, après avoir été édité en avant-première, avec un autre de ses poèmes également mis en musique, "l'Orgue", dans La Parodie. Un second recueil sera publié par son fils Guy-Charles pour les vingt ans de la mort de son père : Le Collier à Griffes.

"l'Archet" figure dans la première partie dénommée "Divinations" du recueil original, suivie de sept autres : "Sept portraits", "Printemps" "Eté", "Automne", "Débris", "Sept sonnets", et "Ecole buissonnière". Il est mis en musique par Ernest Cabaner, Gabriel Fabre, puis Claude Debussy et Robert Caby.

Amateur d'absinthe (il se dit qu'à une époque il en buvait jusqu'à vingt par jour dans les cafés parisiens où il avait quelques habitudes avec Verlaine et Rimbaud), Charles Cros écrira en 1873 une de ses plus fameuses poésies inspirée par "la Fée verte" intitulée "Lendemain"… Aujourd'hui, outre l'Académie de musique qui porte son nom (depuis 1947) il donne son nom à un vin de Pays d'Hauterive, je l'achète !

"L'Archet " est l’un des poèmes que j’ai traduits pour la magnifique soprane Julia Kogan, née à Kharkiv : j’y ai suivi la musique qu’avait conçue la compositrice distinguée Isabelle Aboulker pour les paroles françaises.

 

T.A

 

Voici deux notices biographiques sur Charles Cros : https://www.poesie.net/cros2.htm ; https://www.larousse.fr/encyclopedie/litterature/Charles_Cros/172622

 

N.B : "L'Archet", sur la composition musicale de Gabriel Fabre  fut dédiée à la cantatrice Georgette Leblanc, jeune sœur de Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin) ; éditions Lemoine, 1895.


L’Archet

 

Elle avait de beaux cheveux, blonds

Comm' une moisson d'août, si longs,

Qu'ils lui tombaient jusqu'aux talons.

 

Ell' avait une voix étrange,

Musicale, de fée ou d'ange,

Des yeux verts sous leur noire frange.

 

Lui, ne craignait pas de rival,

Quand il traversait mont ou val,

En l'emportant sur son cheval.

 

Car, pour tous ceux de la contrée,

Altière, elle s'était montrée,

Jusqu'au jour qu'il l'eut rencontrée.

 

L'amour la prit si fort au cœur,

Que pour un sourire moqueur,

Il lui vint un mal de langueur.

 

Et dans ses dernières caresses:

"Fais un archet avec mes tresses,

Pour charmer tes autres maîtresses."

 

Puis, dans un long baiser nerveux,

Elle mourut, elle mourut. Suivant ses vœux,

Il fit l'archet de ses cheveux.

 

Comme un aveugle qui marmonne,

Sur un violon de Crémone

Il jouait, demandant l'aumône.

 

Tous avaient d'enivrants frissons

À l’écouter. Car dans ses sons

Vivaient la morte et ses chansons.

 

Le roi, charmé, fit sa fortune.

Lui, sut plaire à la reine brune

El l'enlever au clair de lune.

 

Mais… Mais, chaque fois qu'il y touchait

Pour plaire à la reine, l'archet

Tristement le lui reprochait.

 

Au son du funèbre langage,

Ils moururent à mi voyage.

Et la morte reprit son gage.

 

Elle reprit ses cheveux, blonds

Comm' une moisson d'août, si longs, si long

Qu’ils lui tombaient jusqu’aux talons.

 

 The Bow

 

She gloried in her tresses, blond

As corn in summer-time, so long,

They reached her pretty ankle-bone.

 

And her voice, magic like an angel’s

Or a fay’s, was so melodious;

Her eyes were green beneath dark fringes.

 

He had no fear of rival’s sword,

As over hill and dale he spurred,

And bore her off to where he would.

 

For all the gallants in the land

She proudly rejected and disdained,

Until the day he kissed her hand.

 

Love pierced her heart, it struck right home:

Instead of sneering, making game,

She was wan, wounded, overcome:

 

And told him, in their last caresses,

“Fashion a bow out of my tresses

To charm all your other mistresses.”

 

Then in a kiss infirm and slow

She passed away. Her wish, just so:

He took her hair and made the bow.

 

In a blind beggar’s mumbling manner

On a violin of Cremona

He would play, he would ask for money.

 

It thrilled them to their very bones

To hear him play. For in his tones

Lived the dead woman and all her songs.

 

The king, bewitched, made his fortune,

Knew how to please his dark-eyed queen,

To bear her off beneath the moon.

 

Yet… Yet every time he sought to show

Sweet music to the queen, the bow

Uttered harsh words that brought him low.

 

Amid the ringing commination

They fell dead with their journey half done.

The dead woman reclaimed her long loan.

 

Yes, she reclaimed her tresses, blond

As corn in summer-time, so long, so long

 They reached her pretty ankle-bone.

 

 

Copyright © Timothy Adès

 


Isabelle Aboulker / Julia Kogan en français : https://www.youtube.com/watch?v=1K7oWN_Vz90

Isabelle Aboulker / Julia Kogan en anglais : https://www.youtube.com/watch?v=aKaRe9hgkHo


 

Claude Debussy / Natalie Dessay (7 strophes)

https://www.youtube.com/watch?v=jzSv-ZWduoA

 

Mario Brassard

https://www.youtube.com/watch?v=qpSvHmDtbiQ

 

 

- Charles Cros dans La Parodie avec 'L'Orgue' et 'l'Archet', 1869

- L'Archet, poésie de Charles Cros, Ernest Cabaner (1833-1881), compositeur (Paris, Éditeur  :  chez Mr Crouzat, 1876),  BnF, département Musique, VM7-38140

- Portrait de Charles Cros, 1900, par les Ateliers Nadar (BnF, département Estampes et photographie, FT 4-NA-238 (2)

- "Le coffret de santal", Charles Cros (Paris, Éd. A. Lemerre; Nice, Éd.J. Gay et fils, 1873), BnF, département Réserve des livres rares, RESP-YE-1948

- Préface de Le Coffret de Santal

- Une enveloppe "Premier jour" à l'effigie de Charles Cros, 1977, Fabrezan (village de l'Aude où il est né)

- Vin de Pays d'Hauterive, Carignan, Cellier Charles Cros


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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FEERIE AU CLAIR DE LUNE, par Raymond Genty / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Ce dimanche, je vous propose un poème de Raymond GENTY (1881-1950), poète, parolier et auteur dramatique, quelque peu oublié de nos jours : "Féerie au clair de lune", écrite vers 1939.

Sa carrière littéraire d’auteur dramatique est lancée par ‘L’anniversaire, à propos à la gloire de Corneille’ joué à l’Odéon dès 1905.

En 1913, Raymond Genty est secrétaire de rédaction de la revue satirique ‘le Gil Blas‘ et en 1914 il est mobilisé puis blessé grièvement en novembre. Démobilisé, il rejoint en 1916 le Théâtre national de l'Odéon dont il devient le secrétaire général. Il rédige un carnet de route édité en 1917 par Berger-Levrault : La flamme victorieuse,  pour lequel il recevra en 1918 le Prix Montyon de l'Académie (française) puis La Route lumineuse en 1939 (Ed. René Debresse, Paris), un volume de 100 pages d'où est tiré le poème, pour lequel il recevra en 1940 le Prix Artigue de l'Académie.

 

 

Raymond Genty, 23 ans, dans l'appartement de ses parents à Paris,

 rue de Varennes, en 1904

 

Féerie au clair de lune a donné lieu à une création musicale du grand Henri DUTILLEUX (1916-2013), publiée à Paris en 1943 par Durand et C.ie : Quatre mélodies pour baryton ou mezzo-soprano composées en 1941-42 dont une première exécution (version avec orchestre) sera donnée à Paris le 14 décembre 1943, par Henri Tomasi (baryton) et la Société des concerts du Conservatoire.

Ces Quatre mélodies comprennent donc "Féerie au clair de lune" (n° 1), également "Pour une amie perdue" (Edmond Borsent) (n° 2) ; "Regards sur l'infini" (Anna de Noailles) (n° 3) ; "Fantasio" (André Bellessort) (n° 4).

Je ne suis pas un spécialiste de ce recueil : c'est le grand baryton François Le Roux qui me l'a envoyé et qui le chante, comme l’a composé Dutilleux, mais j'aime assez ce poème de Genty !

 

Féerie au clair de lune

 

Un grillon fait un signal

Sur un timbre de cristal

Et dans la pénombre chaude

Où les parfums sont grisants,

La rampe des vers luisants

S’allume, vert émeraude.

 

Un ballet de moucherons

Tourne, glisse, fait des ronds

Tourne, glisse, fait des ronds

Dans la lumière changeante.

Un grand papillon de nuit

Passe en agitant sans bruit

Son éventail qui s’argente.

 

Les parfums des grands lys blancs

Montent plus forts, plus troublants,

Dans cette ombre où l’on conspire.

Mais dans cette ombre il y a

Obéron, il y a Titania,

Il y a du Shakespeare.

 

Les moustiques éveillés

Bruissent autour des œillets

Tout baignés de crépuscule;

Acteurs lilliputiens,

Chorégraphes aériens,

Mille insectes verts et bleus,

Mille insectes merveilleux

Tournent autour des œillets

Et font une ronde effrénée.

 

 

Puis, ayant tourné longtemps

Sous les roseaux des étangs,

Sous le hêtre et sous l’yeuse,

Les petits danseurs ailés

Soudain se sont en allés

Dans l’ombre mystérieuse.

 

Tout se tait. Seul, par moment,

Le léger sautillement

D’une oiselle à longue queue.

Puis, plus rien, plus aucun bruit,

Il n’y a plus que la nuit

Magnifique, immense et bleue.

 

Fairies’ Moonlight

 

A cricket gives a signal

striking a bell of crystal

and in the warm half-light

of enervating fragrance

the fireflies’ rack of lanterns

flares, emerald, alight.

 

Ballet-dancing midges

go turning, gliding, circling

go turning, gliding, circling

in inconstant light.

A great night butterfly

noiselessly passes by

shaking his silver fan.

 

The great white lilies’ odour

ascends, more troubling, louder,

in this conspiring shadow.

But in this shadow are

Oberon, Titania,

here we have Shakespeare.

 

Mosquitoes awaken,

buzz round the carnations

that twilight imbues;

airborne Lilliputians,

stage Terpsichoreans,

the greens and the blues,

a marvellous thousand

small insects revolving

around the carnations

in frantic rotation.

 

Then, after long whirling

in pond-reeds and ivy

and under dwarf oak,

the little winged dancers

are suddenly gone

in mysterious dark.

 

All’s quiet. But hold hard:

long-tailed little bird,

hop-hopping, so light.

Then nothing, no sound,

but blue and profound

magnificent night.

 

Copyright © Timothy Adès


 

Henri Dutilleux, Quatre Mélodies : Féerie au clair de lune

Avec Marielou Jacquard, mezzo soprano Kunal Lahiry, piano (Recorded at Knutson Studio, Berlin, Germany (2018) : https://www.youtube.com/watch?v=Gb2IXQpclh4

Avec Marc Callahan and Clara Yang, récital à UNC Chapel Hill Moeser Auditorium : https://www.youtube.com/watch?v=iKq8sAg9yf0

 

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LA MER EST PLUS BELLE, Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

  

   Accusé de tentative de meurtre, pour avoir, en état d'ivresse, tiré un coup de feu sur RIMBAUD (1873), Paul VERLAINE est emprisonné pendant deux ans en Belgique (Bruxelles, puis Mons), où il va écrire en partie Sagesse, un recueil de poèmes écrits initialement entre 1875 et 1877 (selon le manuscrit autographe de Verlaine), qui finalement réunira des poèmes écrits entre 1873 et 1880. Ce recueil est publié en 1880 par la société générale de librairie catholique (sous la date de 1881), d'où est extrait le poème de ce jour : "La mer est plus belle", écrit à Bournemouth, en Angleterre.

L’œuvre se présente comme un kaléidoscope de sa vie, atteste du cheminement spirituel du poète et de l’évolution de sa poétique, comme de son aspiration à changer sa vie, à retrouver l’espoir, à se relever.

 

L'écriture de Sagesse coïncide avec la conversion en prison à la foi catholique de Verlaine. Le recueil se fait l’écho d’un certain élan mystique de son auteur. Ce dernier promet de mener une vie meilleure et de lutter contre ses travers. Il aimerait se réconcilier avec sa femme Mathilde. Il lui envoie le "manuscrit primitif" de Sagesse. Trop tard. A sa sortie de prison, après des retrouvailles également ratées avec Rimbaud en Allemagne, il devient professeur de français et de dessin en Angleterre (1875-77), à Stickney, Boston, Bournemouth, puis de français, anglais et histoire à Rethel (1877-78) où il retrouve ses Ardennes. Il retourne en 1879 en Angleterre, à Lymington, avant de revenir se fixer en France en 1880.

 

   Quand il compose Sagesse, nous sommes sous la IIIème République, Verlaine n’est tourné que vers sa vie intérieure, il n’y figure donc plus véritablement d'ancrage politique, plutôt une immense désillusion face à tout idéal collectif, dont témoignent ces vers : « Ton peuple, il se pille ou s’enchaîne / Et l’étranger y pond sa haine. » Il s’y lit cependant, en lien avec la conversion religieuse et avec l’idéologie monarchique légitimiste, une défiance (une haine ?) de la démocratie moderne. Ainsi, tout se trouve balayé, comme si la démocratie ne pouvait qu’être associée à la fête du corps, à l’ivresse et à la débauche. … Il évoque ensuite les élans républicains de sa « jeunesse, élevée aux doctrines sauvages ». Enfin, sa conclusion est une vibrante célébration de la « France ancienne ».

 

« La mer ! écrit-il dans le même manuscrit, mais dans un autre poème (troisième partie, II), puisse-t-elle / Laver ta rancœur, / La mer au grand cœur, / Ton aïeule, celle / Qui chante en berçant / Ton angoisse atroce, / La mer, doux colosse / Au sein innocent, /Grondeuse infinie / De ton ironie ! »

 

If only the sea / Could cleanse you of bile ! / Your great-hearted forebear / Who sings to beguile / Your anguish to rest, / The sweet giant sea / With innocent breast / Scolds infinitely / Your irony !

 

T. A

 

La mer

(in Troisième partie, XIV)

 

La mer est plus belle

Que les cathédrales,

Nourrice fidèle,

Berceuse de râles,

La mer sur qui prie

La Vierge Marie !

 

Elle a tous les dons

Terribles et doux.

J'entends ses pardons

Gronder ses courroux.

Cette immensité

N'a rien d'entêté.

 

Oh ! si patiente,

Même quand méchante !

Un souffle ami hante

La vague, et nous chante :

" Vous sans espérance,

Mourez sans souffrance ! "

 

Et puis sous les cieux

Qui s'y rient plus clairs,

Elle a des airs bleus,

Roses, gris et verts...

Plus belle que tous,

Meilleure que nous !

 

 

Bournemouth,

 

The Sea

 

 

The sea has more beauty

Than all our cathedrals:

Our wet-nurse on duty,

Our cradler of rattles:

The sea, oratory

Of God’s mother Mary !

 

The sea has the guerdons,

The fearsome, the good.

I’ve heard how it pardons,

Rebukes its foul mood.

In all the great ocean,

No ossification !

 

And oh, how forgiving,

Despite misbehaving !

A kindly breeze haunts

The billow, and chants

“All ye who lose heart,

Grieve not, but depart !”

 

And under the skies

Benign and serene

It takes on a guise

Pink, blue, grey, or green.

There's nothing more fair.

We cannot compare !

 

Copyright © Timothy Adès

 


- "Un coin de table", 1872, scène d’un dîner des "Vilains bonshommes", d’Henri Fantin-Latour. Assis, de gauche à droite : Paul Verlaine, Arthur Rimbaud, Léon Valade, Ernest d’Hervilly, Camille Pelletan. Debouts, de gauche à droite : Pierre Elzéar, Émile Blémont, Jean Aicard (© Musée d’Orsay, Dist. RMN-Grand Palais / Patrice Schmidt)

- Couverture du manuscrit autographe de  Sagesse, reliure signée Loisellier (Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. NAF 27342) / Titre du manuscrit portant de la main de l'auteur : « Paul Verlaine / Sagesse : 1875-1877 / Stickney-Rethel / tôme [sic] II [biffé] » avec envoi du manuscrit : « à ma femme / ce manuscrit primitif / 1881. / P. V. » (idem)

- Manuscrit du poème La mer est plus belle

- Verlaine, 1883, photographié par Alcide Allevy

- Sagesse (Paris, Ed. Société générale de librairie catholique, 1881) (BnF). Réédition revue et corrigée en 1889 chez Léon Vanier, Paris

- Verlaine attablé au café François 1er, 1892 (71 Bd St Michel, Paris) par Jules Dornac

- Sagesse (Paris, Ed. Ambroise Vollard, 1911), images de Maurice Denis, gravées par Beltrand (Gallica BnF)

- Verlaine, 1893, photographié par Jules Hautecoeur (Houghton Library, Harvard University)

- Portrait de Verlaine par Eugène Carrière (1849-1906)

- La mer : trois esquisses symphoniques / Claude Debussy, 1905 (BnF)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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MES DEUX FILLES, Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Les deux filles de Victor HUGO : deux tragédies : l’une, Léopoldine (1824-1843), est morte noyée en pleine jeunesse, l’autre, Adèle (1830-1915), de vieillesse, longtemps enfermée à l’asile.

Voici un poème de bonheur, tiré du recueil Les Contemplations - Livre I ("Aurore"), III, rassemblant en 6 livres 158 poèmes (écrits entre 1834 et 1855) que Hugo publie pendant ses années d’exil à Guernesey, en 1856, les définissant dans la préface comme « les Mémoires d’une âme », mais dont la date indique que la plus grande douleur est proche.

 

T.A

 

Mes deux filles

 

Dans le frais clair-obscur du soir charmant qui tombe,

L'une pareille au cygne et l'autre à la colombe,

Belle, et toutes deux joyeuses, ô douceur !

Voyez, la grande soeur et la petite soeur

Sont assises au seuil du jardin, et sur elles

Un bouquet d'oeillets blancs aux longues tiges frêles,

Dans une urne de marbre agité par le vent,

Se penche, et les regarde, immobile et vivant,

Et frissonne dans l'ombre, et semble, au bord du vase,

Un vol de papillons arrêté dans l'extase.

 

La Terrasse, près d'Enghien, juin 1842.
Les Contemplations, Victor Hugo.

My Two Daughters

 

Evening. The sweet cool twilight up above.

One like a swan, the other like a dove,

Both beautiful, both joyful, and so dear!

Big sister, little sister, sitting near

The garden’s edge, where white carnations rear

Towards them on long slender stems, and yearn

As the breeze shakes them in the marble urn:

Living things rooted, watching, tremulous

In shade; they keep their vigil, from the vase.

And crowding at the vase’s rim, these blooms could be

A flight of butterflies, stopped short in ecstasy.

 

Copyright © Timothy Adès


- Léopoldine, Adèle, Charles et François-Victor Hugo dessinés par Mme Hugo.

- Léopoldine Hugo à 13 ans (1837), dessin à la mine de plomb et au fusain par Louis Boulanger, papier blanc 20 x 15 cm, musée Victor Hugo de Villequier (Seine-Maritime)

- Adèle Hugo, Anonyme, photograveur, entre 1853 et 1855 (Maison de Victor Hugo - Hauteville House)


‘Lhistoire d’Adèle’, belle œuvre de François Truffaut avec Isabelle Adjani 

https://www.youtube.com/watch?v=fvH77u47d7k


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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BIENS ESSENTIELS, par Laurent Doucet, poète

  

   Face à l'air du temps confusionniste, Laurent DOUCET publie Biens essentiels, en même temps qu' il lance un appel à "REMAGNÉTISER LE (SUR)RÉEL" * !

 

"Les livres nous interrogent sur la notion de Biens communs face aux ravages du libéralisme aux commandes du monde actuel. La pandémie semble avoir été le dernier symptôme de l’envers mortifère des promesses de consommation illimitée.
L’écriture et tous les arts de la vie, les livres, les librairies et les bibliothèques sont comme la dernière barricade pacifique avant les catastrophes annoncées. Et si le virus de la lecture était le meilleur antidote pour défendre, construire et réinventer à l’infini la culture du vivre-ensemble, d’abord faite pour partager ?
Le livre Biens essentiels nous rappelle ce dialogue de deux personnages dans une autre nouvelle de Laurent Doucet :
— Que serait un monde où chacun découvrirait enfin qu’il est un livre à écrire et à vivre ?
— Une bibliothèque de l’humanité, où chacun signerait sa vie comme un poème ».
* André BRETON

Biens essentiels, Laurent Doucet (Ed. La Rumeur Libre, Collection PEPITES, 16/03/2022)


Poète, professeur de Lettres, histoire et géographie, Laurent Doucet préside l'association La rose impossible (créée en 2014) qui gère la Maison André Breton (MAB) à Saint-Cirq-Lapopie, le village où le fondateur du Surréalisme passa ses étés de 1951 à 1966. Un village en Quercy, dans le Lot, que le poète écrivain avait décrit, dans le livre d'or de la commune, comme une « rose impossible dans la nuit ».

Fondateur du festival Poésie Jour & Nuit  en Limousin; co-directeur, avec Marie Virolle, de la revue A Littérature-Action, Laurent Doucet est l’auteur, avec le photographe Philippe Fontalba, de A Coney Island in my eyes, en édition bilingue - traduction anglaise : Kevin Harrigan, sous la supervision de Dan Wood - (éditions Black-out, Février 2020), un ouvrage sur l’envers de la célèbre plage de New York, un des lieux mythiques de la pop-culture américaine, « entre freak show et surréalisme ».

Dédié à Lawrence Ferlinghetti (qui a eu 100 ans en 2019), poète américain, et à son œuvre la plus connue, A Coney Island of the Mind (publiée en 1958), cet ouvrage se présente comme un carnet de voyage et nous embarque dans une enquête à la fois sociale, politique et poétique, en nous montrant les dessous de cette partie méconnue de Brooklyn, à quelques stations de métro de la capitale mondiale de la finance, de Manhattan et de Wall Street, également l’énergie remarquable des déshérités et des laissés-pour compte de l’Amérique de Trump pour résister à la dureté du quotidien.

 

Dernières publications :

- Saint-Cirq La Poésie - Ar(t)chéologies d’un « coup de foudre », Laurent Doucet et David Hébert (Dessins) (éditions des Vanneaux, Collection : Carnets nomades, 01-03-2022)

- Biens essentiels (éditeur La Rumeur libre, collection Pépites, 03-01-2022)

- A coney island in my eyes, bilingue français-anglais avec des photos de Philippe Fontalba (Éditions Black Out, 2020)

- L’Afrique en héritage, co-auteur, récits réunis par Martine Mathieu-Job et Leïla Sebbar (Ed Bleu autour, 2020)

- Neige et Magma – Carnet d'un voyage en Sicile - poésie bilingue français - italien et photographies d'Olivier Orus - (Ed Marsa, 2018)

- Conjonction d'Insubordination - entretiens avec les poètes Christian Viguié et Laurent Albarracin (Ed La Passe du Vent, collection Entretiens, 2017)

J’ai cessé de me désirer ailleurs , ouvrage collectif sur Breton, sous la direction de Laurent Doucet (Ed.La passe du vent, 2016)

- Au Sud de l'Occident - South of the West - poésie bilingue français – anglais - (Ed La Passe du Vent, 2015, troisième réédition 2018). Plusieurs de ses textes sont sortis en revue et ont été traduits en turc, grec, roumain, espagnol, arabe et japonais. Sa poésie se nourrit de son envie du monde et de l'incessant tour qu’il y fait, de l'Afrique à Moscou, et de la Chine à New-York, traversant l'Europe et la Méditerranée…

 

Dernière contribution de Laurent Doucet pour le PRé :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/03/22/le-surrealisme-est-toujours-present-par-laurent-doucet-po%C3%A8te-et-pr%C3%A9sident-de-la-rose-impossible/

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/03/22/le-surrealisme-est-toujours-present-par-laurent-doucet-po%C3%A8te-et-pr%C3%A9sident-de-la-rose-impossible/

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DEMAIN, DES L'AUBE, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Léopoldine au Livre d'heures, par Auguste de Châtillon (1808-1881), peintre, 1835. Huile sur toile

(Paris, Maison de Victor Hugo, Inv. 768 © PMVP)

 

 

   Léopoldine HUGO meurt à l'âge de 19 ans, en septembre 1843, engloutie par la Seine, à Villequier (Seine-Maritime) : voici un poème des plus célèbres et des plus émouvants de son père Victor HUGO (1802-85).

Demain, dès l'aube ("Les Contemplations", T.2, IV, XIV, 1856), est écrit le 4 octobre 1847, mais daté dans l’édition du 3 septembre de la même année, veille du jour anniversaire de la mort de Léopoldine, il s'inscrit dans la série des pièces composées chaque année en mémoire de la tragédie.

 

Voici l’histoire de Léopoldine, y compris, en plein détail, ce jour fatal pour la jeune femme enceinte, ainsi que son mari et l’oncle de celui-ci avec son petit-fils qu’il amène : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opoldine_Hugo

Ou bien, on nous la raconte ici : https://www.youtube.com/watch?v=E_vA_Qkp974

 

Dans le bistrot à Rochefort, selon Juliette Drouet : « Sur une table en face de nous, il y a plusieurs journaux. Toto [c’est le surnom affectueux que Juliette Drouet donne à Hugo] en prend un au hasard [Le Siècle, daté du jeudi 7 septembre]. Et moi je prends le Charivari. J’avais eu à peine le temps d’en regarder le titre que mon pauvre bien aimé se pencha brusquement sur moi et me dit d’une voix sourde et étranglée en me montrant le journal qu’il tenait à la main : «Voilà qui est horrible !» Je lève les yeux sur lui. Jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai l’expression de désespoir sans nom de sa noble figure. Je venais de le voir souriant et heureux et en moins d’une seconde, sans transition, je le retrouvais foudroyé. Ces pauvres lèvres étaient blanches, ces beaux yeux regardaient sans voir. Son visage, ses cheveux étaient mouillés de sueur. Sa pauvre main était serrée contre son cœur comme pour l’empêcher de sortir de sa poitrine. »

 

Demain, dès l'aube

 

 

 

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

 

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

https://www.youtube.com/watch?v=KR_PaG_Hq5s

 

 

His Daughter’s Grave

Léopoldine had died in a boating accident,

along with her husband and unborn first child.

 

Tomorrow, soon as dawn has lit the land,

I’ll start. I know you’re waiting there, you see.

I’ll walk the woods and hills. I cannot stand

Another day, having you far from me.

 

My eyes will fasten on my thoughts. I’ll tread,

Hearing no noise, seeing no outward sight,

Nameless, alone, hands folded, lowered head,

In sadness: and my day shall be as night.

 

I shall not watch the falling gold of eve,

The distant sails borne down towards Harfleur.

I’ll come and lay my tribute on your grave:

Green holly, gathered tight with ling in flower.

 

Copyright © Timothy Adès



1-Léopoldine  et  son frère Charles Hugo (Victor Hugo a eu cinq enfants avec son épouse Adèle Foucher : trois garçons et deux filles, Charles, François-victor, Léopold, Adèle et Léopodine)

2- Dessin de Léopoldine par Victor Hugo

3- Léopoldine dessinée par sa mère Adèle Hugo (née Foucher), 1856, Guernesey ((Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

4- Charles Vacquerie et sa femme Léopoldine Hugo, 1843 (Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

5 - Manuscrit du poème Demain, dès l'aube ( Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. NAF 13363)

6- "Café de l'Europe" de Rochefort (devenu ensuite le "bistrot de la Paix") où Victor Hugo, au retour d'un voyage en Espagne, selon le journal intime de Juliette Drouet, son amante, aurait appris la noyade de "Didine", sa fille Léopoldine en lisant le journal Le Siècle .

7- Sépulture de Léopoldine et Charles Vacquerie à Villequier (Seine maritime)

8-  Maison  de vacances de la famille Vacquerie à Villequier


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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VICTOR, SED VICTUS, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

  Un poème du dernier recueil de Victor HUGO, ‘L’art d’être grand-père’ (1877), livre que j’ai traduit en entier, plein de sentiments familiers, de l’amour sans pareil des petits et de la nature, et de la haine et mépris contre celui qui l’a banni.

 

"Victor, sed victus" (vainqueur, mais vaincu)  a été écrit le 28 juin 1874. Derrière le jeu de mot avec son prénom, Hugo confie que tout combattant politique infatigable qu'il est, il a du mal à cacher qu'il est rapidement vaincu par le sourire d'une petite fille.

 

Je partagerai jusqu’au bout l’exil de la liberté. Quand la liberté rentrera, je rentrerai.’ – (Actes et paroles, Hauteville-House, Guernesey, 18 août 1859.

 

Bel été à toutes et tous et rendez-vous à la rentrée !

 

 

Photographie d'Hugo et sa petite fille Jeanne,

Musée municipal de Besançon

 

Victor, sed victus

 

Je suis, dans notre temps de chocs et de fureurs,

Belluaire, et j'ai fait la guerre aux empereurs;

J'ai combattu la foule immonde des Sodomes,

Des millions de flots et des millions d'hommes

Ont rugi contre moi sans me faire céder;

Tout le gouffre est venu m'attaquer et gronder,

Et j'ai livré bataille aux vagues écumantes,

Et sous l'énorme assaut de l'ombre et des tourmentes

Je n'ai pas plus courbé la tête qu'un écueil;

Je ne suis pas de ceux qu'effraie un ciel en deuil,

Et qui, n'osant sonder les styx et les avernes,

Tremblent devant la bouche obscure des cavernes;

Quand les tyrans lançaient sur nous, du haut des airs,

Leur noir tonnerre ayant des crimes pour éclairs,

J'ai jeté mon vers sombre à ces passants sinistres;

J'ai traîné tous les rois avec tous leurs ministres,

Tous les faux dieux avec tous les principes faux,

Tous les trônes liés à tous les échafauds,

L'erreur, le glaive infâme et le sceptre sublime,

J'ai traîné tout cela pêle-mêle à l'abîme;

J'ai devant les césars, les princes, les géants

De la force debout sur l'amas des néants,

Devant tous ceux que l'homme adore, exècre, encense,

Devant les Jupiters de la toute-puissance,

Été quarante ans fier, indompté, triomphant;

Et me voilà vaincu par un petit enfant.

 

Entendre : http://entendre-victor-hugo.com/iv-victor-sed-victus-art/

 

Victor Vanquished

 

Our time is one of frenzies and of wars.

I am a warrior; I’ve fought emperors,

Fought the vile throng of Sodoms, heard again

The mass of waters and the mass of men

Roaring against me, and I would not yield.

Waves crashed against me on the battlefield,

The shadow’s and the storm’s full force assailed,

And all the great Gehenna surged and railed.

Rock-like, I never bent my head, for I

Cannot be frightened by a funeral sky :

Others may tremble on the dark cave’s rim,

I do not fear to plunge in hellish stream.

When tyrants hurled at us, from clouds sublime,

Their sable thunderbolts that flashed with crime,

I have thrown sombre verses at the sinister

Transients, dragging down each king and minister,

False gods, false precepts, sceptres towering high,

Thrones linked to scaffolds, swords of infamy:

I’ve dragged them helter-skelter down to hell.

I’ve faced the giants of brute force, that swell

And rear erect on heaped-up nothingness :

Caesars and autocrats and princes, yes,

All those whom mortals worship, loathe, adore:

I’ve faced the Jupiters of total power

For forty years, victorious, running wild!

Look now: I’m vanquished by a little child.

 

Copyright © Timothy Adès



 

1- L'art d'être grand-père, première édition illustrée, 1884, percaline rouge avec couvertures ornés de dessins, cartonnage polychrome, 320 pages -  Nombreuses illustrations dans le texte et pleine page de 20 illustrateurs de l'époque dont Bayard, Bac, Mouchot, Benett, Meaulle, Zier etc. / 2- Photographie d'Hugo par Auguste Vacquerie, entre 1853 et 1854, réalisée à Jersey (Maison de Victor Hugo - Hauteville House) / Hauteville House, la maison de Victor Hugo, à Guernesey, pendant son exil / 3- Le rocher Ortach, dessin de Victor Hugo, vers 1864. Mine de plomb, encre brune et lavis, rehauts de bleu sur papier crème, 74 x 158 mm (BnF, département des Manuscrits, NAF 13355, fol. 84). Le rocher Ortach situé à proximité de Jersey et de Guernesey, est souvent évoqué dans l'oeuvre littéraire d'Hugo (Les Travailleurs de la mer ou L'homme qui rit...) / 4- Gravure coloriée « Victor Hugo, signée Jules Benoît-Lévy / 5- Portrait de Jeanne Hugo par Arsène Garnier lors de l'été 1872. Jeanne naît en 1869 , lorsque son père décède, Jeanne n'a que deux ans, elle sera comme son frère très proche de son tuteur de grand-père qu'elle adore. Elle épousera Léon Daudet (fils du romancier), dont elle aura un fils, puis Jean Charcot et Michel Négreponte. En 1927, avec ses neveux (les enfants de Georges), elle fait don de Hauteville-House à la ville de Paris. Elle décèdera en 1941 / 6- Photographie de Jeanne et Georges Hugo entourant leur grand-père Victor, 1877 / 7- Victor Hugo, la bande dessinée biographique de Bernard Swysen (Kennes Editions, 2014) illustre en images la vie de Victor Hugo / 8- How to be a Grandfather (L’Art d’être Grand-Père), version anglaise de Timothy Adès (Hearing Eye, 2012)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

 

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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SI MORNE !, par Émile Verhaeren / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Un poème du grand belge Émile VERHAEREN (1855-1916), extrait de son recueil ‘Débâcles’ (publié en 1888). Un poème des plus désespérés écrit par un Verhaeren alors assez jeune pendant une grave crise traversée par le poète qui a perdu ses parents et souffre de problèmes de santé.

Maurice RAVEL en fait une chanson (en 1898).

Le distingué baryton François le ROUX m’écrit : « Ravel le traite ironiquement, transformant l'atmosphère délétère en jouissance voluptueuse, et peut-être malsaine (pas très éloignée de celle de sa "Shéhérazade") ; je pense qu'il a aimé l'utilisation des mots rares (adorner, Gluer, ourdies...).

 

Émile Verhaeren, 1888

Comment pourrait-on traduire ce poème dans ce sens, pour qu'elle ait un peu de compréhension de la conception (trahison ?) de Ravel ? »

Je lui réponds : « Belle question ! Il me semble qu'en variant le texte on risquerait de commettre une deuxième trahison... Je crois que la musique elle-même indique suffisamment la démarche de Ravel. En tout cas je le trouverais très difficile d'inventer un texte qui serait en contraste avec l'écrit. »

 

Si morne !

 

Se replier toujours sur soi-même, si morne !

Comme un drap lourd, qu'aucun dessin de fleur n'adorne.

 

Se replier, s'appesantir et se tasser

Et se toujours, en angles noirs et mats, casser.

 

Si morne ! et se toujours interdire l'envie

De tailler en drapeaux l'étoffe de sa vie.

 

Tapir entre les plis ses mauvaises fureurs

Et ses rancœurs et ses douleurs et ses erreurs.

 

Ni les frissons soyeux, ni les moires fondantes

Mais les pointes en soi des épingles ardentes.

 

Oh ! le paquet qu'on pousse ou qu'on jette à l'écart,

Si morne et lourd, sur un rayon, dans un bazar.

 

Déjà sentir la bouche âcre des moisissures

Gluer, et les taches s'étendre en leurs morsures.

 

Pourrir, immensément emmaillotté d'ennui ;

Être l'ennui qui se replie en de la nuit.

 

Tandis que lentement, dans les laines ourdies,

De part en part, mordent les vers des maladies.

 

Sur la  musique de Maurice Ravel :

 

Si Morne ! avec Valerie Millot, soprano et David Abramovitz au piano : https://www.youtube.com/watch?v=7pbXh7-E32Y

 

Si Morne ! avec Jessye Norman et Dalton Baldwin au piano : https://www.youtube.com/watch?v=Bcp1ixQHZ7w

Ravel Melodies (Warner Classics/Erato release, ℗ 1984 Warner Music France)

 

 

 

How Grim !

 

Always enfolding on oneself, how grim !

Like unadorned non-floral heavy bedding,

 

Enfolding, being weighted down, subsiding,

Fragmenting into sharp points, black and dim.

 

How grim! And to inhibit one’s desire

Of cutting up life’s cloth in strips for banners,

 

To hide within the folds one’s evil fires,

One’s sorrows and one’s errors and one’s rancours.

 

No silken shivers and no melting moire :

The points of red-hot pins within one’s core,

 

The packet pushed or shovelled to the floor,

Grim, heavy, on a shelf in a bazaar.

 

To sense the mould now acrid in the mouth,

The sticky stains that spread from tooth to tooth,

 

To rot, immensely swaddled in ennui,

To be the ennui enfolded in the night,

 

While slowly in the wool-warp’s devilry,

Through everywhere, the worms of sickness bite.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


Les Débâcles, Émile Verhaeren, avec une illustration d'Odile Redon (Éd. E. Deman, Bruxelles,1888), BnF, département Réserve des livres rares, RESM-YE-253 / Estampe, frontispice, 1889, pour le recueil Les Débâcles, par Odile Redon, graveur (1840-1916) (BnF, département Estampes et photographie, RESERVE DC- 354) / "Émile Verhaeren en redingote rouge ", 1907, par Georges Tribout (1884-1962) (Coll. Musée Émile Verhaeren, Sint-Amands, Belgique) / photographie récente de François le Roux / Maurice Ravel


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

 

 

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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CLOTILDE par Guillaume Apollinaire / Timothy Adès


 LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 "Pétales et jardin de la nymphe Ancolie", 1947, Max Ernst (The Menil Collection, Houston)

  

   Voici ‘Clotilde ’ de Guillaume APOLLINAIRE (1880-1918). Ce poème se trouve dans ce qui devait s’intituler Eau de vie et qui devient Alcools (1913), le recueil qui le rend célèbre : à part le Bestiaire, c’est son premier, orné d’une œuvre de son ami Picasso.

Selon le blog d´un professeur retraité expatrié en Norvège (B O Lancelot) : « Apollinaire a sans doute écrit ‘Clotilde’ à Stavelot (Belgique) en 1899, alors qu´il avait 19 ans. Il l´a pourtant conservé dans son recueil Alcools", à la composition si sûre, publié en 1913. C´est dire qu´il le trouve beaucoup plus accompli que ‘La chaste Lise’ ... Je n´y vois cependant aucune nostalgie, aucun regret, simplement un rappel du passé qui n´est plus. Comparé aux poèmes qui précèdent ou à ceux qui suivent dans le même recueil, ce poème très court montre simplement à mes yeux le chemin parcouru. Ce qui, pour beaucoup d´entre nous, est souvent loin d´être simple. » 

 

Blessé dans la guerre, trépané, Apollinaire meurt le 9 novembre 1918 des suites de sa blessure et de la terrible  "grippe espagnole". Deux jours avant l'Armistice.

 

 

CLOTILDE

 

L'anémone et l'ancolie

ont poussé dans le jardin

où dort la mélancolie

entre l'amour et le dédain

 

Il y vient aussi nos ombres

que la nuit dissipera

le soleil qui les rend sombres

avec elles disparaîtra

 

Les déités des eaux vives

laissent couler leur longs cheveux

passe il faut que tu poursuives

cette belle ombre que tu veux

 

Leguerney : https://www.youtube.com/watch?v=EONCjoyMqOQ

Honegger, sopran : https://www.youtube.com/watch?v=gzawyFA2BBg

Honegger, ténor : https://open.spotify.com/track/52bgldyxbVZhSKU6UAUYkg#login

Dumitrescu : https://open.spotify.com/track/4CaVic4dwoAiE89D2imt0D

 

 

CLOTILDE

 

Columbine, anemone :

in the garden both have grown.

Love accompanies disdain,

Melancholy sleeps between.

 

Yes and here our shadows come

which the night shall take away

and the sun that darkens them

soon shall vanish as shall they.

 

Living waters’ deities

letting loose their flowing hair.

Lovely shadow you must chase,

chase the shadow you desire.

 

Copyright © Timothy Adès


1- Portrait de Guillaume Apollinaire au chapeau melon, anonyme, Cologne 1902. Tirage non daté (Musée national Picasso-Paris. Dation Dora Maar 1998. Photo A.G).  2- Portrait de Guillaume Apollinaire par Maurice de Vlaminck, 1903. 3- Deux Anémones, avant 1907, huile sur carton, contrecollé sur panneau marqueté, par Edouard Vuillard (1868-1940) (Musée d'Orsay, Paris). 4- Le manuscrit de "Clotilde" telle que composée dans les documents de travail en vue du recueil Alcools ; ce manuscrit est constitué de 68 feuillets autographes ou imprimés avec des ajouts et des corrections. Il rassemble les textes de 38 poèmes d'Alcools (sur les 71 qui composent le recueil). Il comprend manuscrits de travail et pages imprimées portant des corrections en vue de l'édition du recueil (BnF Archives et Manuscrits). 5- Alcools, poèmes, 1898-1913, Apollinaire, avec un portait de l'auteur par Pablo Picasso publié initialement au Mercure de France en 1913. Le recueil ne cessera plus d'être réédité jusqu'à aujourd'hui et sans le monde entier. 6- Apollinaire dessiné par Picasso, non daté. 7- Apollinaire dans l'atelier de Picasso, automne 1910. 8- Arrestation d'Apollinaire, janvier 1911. 9-  L'homme cible, autrement et plus tardivement appelé "Portrait [prémonitoire] de Guillaume Apollinaire", printemps 1914, Huile et fusain sur toile, 81,5 x 65 cm, par Giorgio De Chirico (1888 - 1978) (Paris, Musée national d’art moderne, Centre Georges-Pompidou). 10- Eaux-fortes pour le recueil Alcools, 1934, estampe du graveur Louis Marcoussis (1883 ?-1941). 11- Apollinaire caricaturé en théière, Apollinaire, poète de mystification, par son ami Picasso, vers 1967

Guillaume Apollinaire en janvier 1911
Guillaume Apollinaire en janvier 1911

Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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PRINTEMPS, par Robert Desnos / Timothy Adès


 LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Le vrai dernier poème de Robert DESNOS est ‘Printemps‘, du 6 avril 1944, écrit à Compiègne, camp de transit qu’il quittera bientôt pour Auschwitz, Buchenwald, puis Flossenbürg, Flöha, Terezin. C’est bien alors qu’il ait tenu le printemps au cœur.

Ce poème est le troisième écrit par Desnos au Camp de Compiègne-Royallieu (Frontstalag 122) après ‘Sol de Compiègne‘ (qui fut publié le 1er décembre 1944 dans L'Eternelle Revue sous le pseudonyme de Valentin Guillois) et ‘Chanson de route‘.

 

 

Youki et Desnos, 1944

 

Rrose Sélavy est l’altera ego de Marcel Duchamp des années 20, à laquelle Desnos attribue deux cents phrases extraordinaires.

Selon la docte Mme Marie-Claire Dumas : ‘On perçoit un émouvant retour à Rrose Sélavy, comme aussi dans son admirable dernière lettre de déportation du 7 janvier 1945 : « Je trouve un abri dans la poésie. Elle est réellement le cheval qui court au-dessus des montagnes dont Rrose Sélavy parle dans un de ses poèmes et qui, pour moi, se justifie mot pour mot. »’

 

Marie-Claire Dumas

Professeure honoraire de l’Université Paris-Diderot, Marie-Claire Dumas a édité en recueil de nombreux poèmes et articles inédits de Robert Desnos, réédité, préfacé, annoté nombre de ses livres; elle est à l'origine de l'édition de "DESNOS - Œuvres" (Gallimard, Quarto). On lui doit aussi plusieurs publications collectives sur l’œuvre de Desnos parmi lesquelles les Actes du Colloque de Cerisy, en collaboration principale avec notre amie Carole Aurouet, Marie-Paule Berranger, Marie Bonnot, Kate Conley, Damiano de Pieri et Emilie Frémond, "Robert Desnos en l’an 2000" (Gallimard, 2000). Marie-Claire Dumas est ici photographiée au Cercle Aliénor à Paris, 2015.

 

 

Printemps

 

Tu, Rrose Sélavy, hors de ces bornes erres

Dans un printemps en proie aux sueurs de l’amour,

Aux parfums de la rose éclose aux murs des tours,

à la fermentation des eaux et de la terre.

 

Sanglant, la rose au flanc, le danseur, corps de pierre

Paraît sur le théâtre au milieu des labours.

Un peuple de muets d’aveugles et de sourds

applaudira sa danse et sa mort printanière.

 

C’est dit. Mais la parole inscrite dans la suie

S’efface au gré des vents sous les doigts de la pluie

Pourtant nous l’entendons et lui obéissons.

 

Au lavoir où l’eau coule un nuage simule

À la fois le savon, la tempête et recule

l’instant où le soleil fleurira les buissons.

 

6 avril 1944

 

Springtime [The real ‘last poem’, 6 April 1944]

 

Rrose Sélavy, beyond these bounds you stray.

Meanwhile the waters and the earth ferment;

The rose on fortress-walls pours out its scent;

Love has its sweats and springtime is their prey.

 

The rose has torn the stone-limbed dancer’s side.

While others plough and sow, he treads the boards.

The public, blind and deaf and dumb, applauds

This rite of spring, when he has danced and died.

 

The word that’s writ in soot is wiped away

At the wind’s whim by fingers of the rain.

Nevertheless we hear it and obey.

 

Down at the wash-place where these waters run,

A cloud portrays both soap and hurricane,

Retreating when the thickets bloom in sun.

 

Copyright © Timothy Adès


- Portrait de Robert Desnos en 1927, photo Henri Martinie

- Rrose Sélavy (Marcel Duschamps), 1921, de Man ray

- Le dernier message, écrit sur du papier à cigarette, de Robert Desnos à sa compagne Youki avant la déportation dans le convoi du 27 avril 1944, depuis le camp de Royallieu : "Chérie. Mes baisers avant le départ. ...rassuré sur ta vie et la conduite des amis. Compte sur moi et mon étoile..." ; ce message sera transmis à Youki par un certain M. Pierre dans une lettre écrite le 11 mai. Le message de Desnos est collé en haut de la lettre.

- Destinée arbitraire / Robert Desnos : textes partiellement extraits de diverses revues et publications (1921-1975), réunis et présentés par Marie-Claire Dumas avec de nombreux inédits (Ed Gallimard, 1975). Ce recueil qui doit son titre au premier poème de C'est les bottes (...) se compose de trois sections correspondant à des périodes de la vie de Desnos.

- DESNOS - Œuvres, édition de Marie-Claire Dumas (Gallimard, Collection Quarto, 1999)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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J'ai Tant rêvé de Toi & Ce Coeur qui Haïssait la Guerre, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Robert DESNOS meurt du typhus le 8 juin 1945 au camp nazi de Terezin (Theresienstadt), la guerre en Europe étant déjà terminée. Un jeune homme tchèque a pu identifier le poète malade et amaigri. On raconte que Desnos a vivement lu les palmes de quelques camarades infortunés en leur donnant un avenir imaginaire, tandis que les meurtriers étonnés auraient différé l’acte final. Desnos se serait éteint une rose à la main.

Résistant, il est le seul poète déclaré mort pour la France.

Je vous propose aujourd'hui deux poèmes de Desnos : ‘ J'ai Tant Rêvé de Toi’, et ‘ Ce Coeur qui Haissait la Guerre’.

 

 

Yvonne George

 

La dernière phrase du premier poème adressé 'à la mystérieuse',  un peu changée, est inscrite au Mémorial des Martyres de la Déportation, monument impressionnant et sombre derrière Notre-Dame de Paris. Elle est venue de Terezin en traduction tchèque : on l’a crue son dernier poème, un hymne à la France ou à la Liberté : mais elle remonte au recueil ‘Corps et biens’ composé dans les années vingt, et à Yvonne George (Yvonne de Knops), "la muse de Montparnasse", chanteuse de music Hall qui l'a inspiré passionnément mais qui n’a pas voulu son amour.

 

Le deuxième poème de Desnos également inscrit au Mémorial, très tythmé et à la grande musicalité, est extrait du recueil ‘L’honneur des poètes’. Ecrit pendant la Seconde guerre mondiale (1943), Desnos, pacifiste convaincu,  y appelle les Français à se battre contre Hitler pour défendre la liberté.  Ce poème se présente non seulement comme un appel à la révolte, mais aussi comme une message d'espoir, doublé d'un message de solidarité et de fraternité. Le poème sera republié en 1975 dans le recueil Destinée arbitraire.

Au Mémorial, seul Desnos y est inscrit deux fois.

 

   « La poésie de Desnos, c’est la poésie du courage », dira Paul Éluard lors des obsèques du poète en octobre 1945. Aragon écrira un long poème (mis en musique et chanté par Ferrat). Desnos, c’est ce « Robert le Diable » : « Je pense à toi Desnos qui partis de Compiègne / Comme un soir en dormant tu nous en fis récit / Accomplir jusqu’au bout ta propre prophétie / Là-bas où le destin de notre siècle saigne ». (Je cite Marie-Joseph Sirach.)

 

J’ai Tant Rêvé de Toi

 

J’ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité.

Est-il encore temps d’atteindre ce corps vivant et de

     baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui

     m’est chère ?

J’ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant

­    ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plie­raient

    pas au contour de ton corps, peut-être.

Et que, devant l’apparence réelle de ce qui me hante

     et me gouverne depuis des jours et des années, je

    devien­drais une ombre sans doute.

O balances sentimentales.

J’ai tant rêvé de toi qu’il n’est plus temps sans doute

   que je m’éveille. Je dors debout, le corps exposé à

   toutes les apparences de la vie et de l’amour et toi,

   la seule qui compte aujourd’hui pour moi, je pourrais

   moins toucher ton front et tes lèvres que les premières

   lèvres et le premier front venu.

J’ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec

  ton fantôme qu’il ne me reste plus peut-être, et

  pour­tant, qu’à être fantôme parmi les fantômes et

  plus ombre cent fois que l’ombre qui se promène

  et se promènera allégrement sur le cadran solaire

  de ta vie.

I’ve Dreamed of You So Much

 

I’ve dreamed of you so much that you lose your reality.

Is there still time to reach that living body and to kiss on

        those lips the birth of the voice I love?

I’ve dreamed of you so much that my arms, which always

        find my own breast even as they clutch at your shadow,

        may never close on the contours of your body.

So much that, confronted by one who has haunted and

       controlled me for days and for years, I would certainly

       become a shadow myself.

O the seesaw of emotions.

I’ve dreamed of you so much that it’s probably too late to

       wake up. I’m asleep on my feet, my body exposed to

       all the sensations of life and love, and you, the only

       woman these days who counts for me, I couldn’t

       touch your mouth or your brow as well as I could the

       next one that comes along.

I’ve dreamed of you so much, walked, talked, slept with

       your phantom so much that all that’s left to me, perhaps,

       is to be a phantom among phantoms and a hundred

       times more shadowy than that shadow walking in joy,

       now and in time to come, across the sun-dial of your life.

 

 Copyright © Timothy Adès


 

 Ce Cœur qui Haïssait la Guerre

 

Ce cœur qui haïssait la guerre voilà qu’il bat pour le combat

     et la bataille!

Ce cœur qui ne battait qu’au rythme des marées, à celui

      des saisons, à celui des heures du jour et de la nuit,

Voilà qu’il se gonfle et qu’il envoie dans les veines un sang

     brûlant de salpêtre et de haine

Et qu’il mène un tel bruit dans la cervelle que les oreilles en

     sifflent

Et qu’il n’est pas possible que ce bruit ne se répande pas

dans la ville et la campagne

Comme le son d’une cloche appelant à l’émeute et au combat.

Écoutez, je l’entends qui me revient renvoyé par les échos.

Mais non, c’est le bruit d’autres cœurs, de millions d’autres

    cœurs battant comme le mien à travers la France.

Ils battent au même rythme pour la même besogne tous ces

     cœurs,

Leur bruit est celui de la mer à l’assaut des falaises

Et tout ce sang porte dans des millions de cervelles un

    même mot d’ordre:

Révolte contre Hitler et mort à ses partisans!

Pourtant ce cœur haïssait la guerre et battait au rythme

     des saisons,

Mais un seul mot: Liberté a suffi à réveiller les vieilles

     colères

Et des millions de Français se préparent dans l’ombre à

     la besogne que l’aube proche leur imposera.

Car ces cœurs qui haïssaient la guerre battaient pour la liberté

    au rythme même des saisons et des marées, du jour et de la

    nuit.

 

 

This Heart Which Hated War

 

This heart which hated war, see now, it beats for combat

   and battle!

This heart that once beat only to the rhythm of the tides,

    seasons, hours of day and night,

See now, it swells up and sends into the veins a blood

    burning with saltpetre and hate

And brings to the brain a noise to make the ears whistle

And this noise cannot but spread through city and country,

Like the sound of a tocsin that summons to uprising and

     combat.

Listen, I hear it come back to me, sent by the echoes.

No, it is the sound of other hearts, millions of other hearts

     beating like mine across France.

All these hearts are beating to the same rhythm from the

    same need,

Their sound is that of the sea pounding the cliffs

And all this blood carries into millions of brains the same

     watchword:

Revolt against Hitler and death to his followers!

This heart hated war, its beat was to the rhythm of the

     seasons,

But a single word: Liberty was enough to awaken the old

     fires of anger

And millions of Frenchmen are preparing in the shadows

      for the demands the coming dawn will impose.

For these hearts that hated war were beating for liberty to

    the very rhythm of the seasons, the tides, day and night.

 

 

Copyright © Timothy Adès


Robert Desnos, un ultime portrait en juin 1945, à Terezin (entre le 8 mai et le 4 juin 1945)

Max Morise, Max Ernst, Simone Breton, Paul Éluard, Joseph Delteil, Gala Éluard, Robert Desnos, André Breton (France, ca.1923)

Photo: Valentine Hugo

Mémorial des Martyrs de la déportation, Paris


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LES PAPILLONS (III), par Gérard de Nerval / Timothy Adès


 LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Flordali II - La rose papillon, 1981 Lithographie et gaufrage sur Vélin Arches, Salvador DALI

    Voici donc la troisième partie de ce poème Les Papillons de NERVAL, l'un des plus longs poèmes que je connaisse.

NERVAL nous fait partager sa contemplation de la nature, du monde des plantes et des oiseaux, et plus particulièrement sa fascination pour le papillon qu'il voit notamment comme faisant le trait-d'union entre ces deux mondes, et qui leur ressemble.

Dans les deux premières parties de ce beau poème, il y fait l'inventaire des espèces qui volètent sous ses yeux. Cette troisième partie est plus sombre. D'autres papillons, plus étranges, bruissent dans sa tête qui ne le quitteront plus jusqu'en janvier 1855. Au terme d'un destin qui n'épargna à l'illustre traducteur du Faust ni des accès de mélancolie parfois dévastateurs, comme un  "soleil noir" qui éclaira en même temps sa vie et lui permit de transfigurer son œuvre poétique, ni par moments une vie de dénuement matériel et moral.

Celui (le destin) des papillons est en 2022 problématique. Mélibée, Hespérie du barbon, Azuré de la sanguisorbe, Sylvain des spirées, etc. 16 espèces de papillons de jour (sur les 253 espèces recensées dans l'Hexagone) sont menacées d'extinction en France métropolitaine, principalement à cause de la destruction de leurs milieux naturels ou suite à à des étés froids et pluvieux.

En Grande-Bretagne, ce sont près des trois-quarts des espèces de papillons recensées qui ont vu leur population diminuer au cours de la dernière décennie.

On sait pourtant quel maillon essentiel de la chaîne alimentaire ils constituent. Ils participent à la diversité de la vie ("biodiversité"), nourrissent les oiseaux avec leurs chenilles qui limitent la prolifération de plantes dites invasives. Vivant en symbiose avec une plante, comme avec les fourmis qui protègent leurs larves, leur population diminue en même temps que diminuent les zones humides et que croissent les friches. Tout comme les abeilles, les papillons sont des insectes pollinisateurs et constituent un élément essentiel dans la reproduction des plantes. Et que dire de la beauté qu'ils apportent au monde !

 

11 autres papillons diurnes sont considérés comme "vulnérables" et 18 autres pourraient prendre le même chemin si aucune mesure sérieuse de conservation n'était prise.

 

Un dossier assez récent (2020) intitulé  ‘Les dangers qui menacent les papillons ‘ (lien ci-dessous) chez futura-sciences est fort instructif à ce sujet. J'aime à penser que la poésie peut aussi éveiller les consciences, agir comme une lanceuse d'alerte et renforcer ainsi le message du PRé autour de la nécessaire préservation de la diversité de la vie et de la non moins nécessaire et urgente écologisation de la société des humains.

 

T A

 

Les dangers qui menacent les papillons | Dossier - Futura

Gravure Papillons Ailes Entomologie Insectes, 1862 / Lithographie Papillons, Chenille, Ailes, Entomologie Insectes, 1911 / Papillons, encre de Chine de couleur sur papier de moëlle de jonc, par le peintre Yoeequa, édité en 1830-1840  (BnF, Bibliothèque, département Estampes et photographie, RESERVE PET FOL-OE-160) / Ame voyageuse, par Christian Schloe / Illustration de notre amie illustratrice, auteure Cat Zaza in livre bilingue, Chantefables/Storysongs de Robert Desnos, traduit par Timothy Adès, 2014.

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/06/03/la-raison-economique-et-ses-monstres-d-eloi-laurent-par-thierry-libaert/https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/06/03/la-raison-economique-et-ses-monstres-d-eloi-laurent-par-thierry-libaert/

LES PAPILLONS

III

 


Malheur, papillons que j’aime,

Doux emblème,

À vous pour votre beauté !…

Un doigt, de votre corsage,

Au passage,

Froisse, hélas ! le velouté !…

Une toute jeune fille,

Au cœur tendre, au doux souris,

Perçant vos cœurs d’une aiguille,

Vous contemple, l’œil surpris :

Et vos pattes sont coupées

Par l’ongle blanc qui les mord,

Et vos antennes crispées

Dans les douleurs de la mort !…

 

 

BUTTERFLIES

III

 

 

Woe, my precious butterflies,

Who symbolise :

Woe betide your loveliness.

Passing finger comes to bruise,

To abuse

Your velvet dress.

Some young girl,

Tender–hearted, smiling, sweet,

Looks in mild surprise on you,

Stabs your heart with needle through;

And your feet

She’ll curtail,

Nip with pale

Finger–nail,

Your antennæ crimp and curl,

With a pain that’s terminal !

 

Copyright © Timothy Adès



Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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COMMENT VIVRE, par Jane Sautière, écrivain


Christine Crozat, Visage paysage 01, 2019. © Christine Crozat / SOCAN (2021), photographie de Jean-Louis Losi. Courtoisie de la Galerie Françoise Besson (Lyon)

 

« J’ai cependant cette conviction profonde que nous sommes fait·e·s du mouvement de notre terre, du point particulier où nous recevons la lumière, de ce qui s’en suit pour la faune et pour la flore. Je me réjouis que nous ne soyons pas des abstractions, mais des êtres enracinés dans ce temps chrono et météo, et il est bien que ce soit le même mot qui désigne la durée et l’atmosphère.

Cela dit, le temps est aussi toutes ces manifestations (l’attention, la rencontre...). Peut-être la joie se loge-t-elle dans l’instant, c’est sa temporalité, là où on est entièrement, léger·ère·s et sans réserve.», Jane SAUTIERE.

 

Jane SAUTIERE et Maïté SNAUWAERT, professeure agrégée de littérature à l'Université de l'Alberta, nous font le don de COMMENT VIVRE, leur essai-conversation (ÉDITIONS FIGURA, collection « Photons », n° 3, 2022), suivi de De la terre des pleurs un grand vent s’éleva, un inédit de Jane SAUTIERE, un récit de la présence d’exilé·e·s en Europe, dans une grande ville riche d’un pays riche, Paris.


 

 

 

    Il est là ce livre que nous avons tissé toutes deux. « Comment vivre » comme question commune. Livre en « creative commons » donc partageable, échangeable autant que vous le voudrez. Je viens de lire cette phrase de Louise Dupré « écrire est une audace de l’amitié ». Voilà.

Et on le télécharge par ce lien : http://figura.uqam.ca/.../comment-vivre-essai...
J S
Télécharger
COMMENT VIVRE
1. La première rencontre
2. Commencer à écrire
3. Historiciser le vivre
4. Faire place
5. Prononcer la vie
6. Nouer les êtres au monde
7. Réconcilier l’inconciliable
8. Murmurer le monde
9. Chercher les chemins
10. Rendre maniable ce qui ne l’est plus
11. Gagner en intensité
12. Se mouvoir et habiter
13. Prendre soin
14. Rencontrer des vivant·e·s
15. Être là
16. Tisser des liens
17. Résister à la disparition
18. Ne pas finir
Comment vivre.pdf
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Jane Sautière est romancière.

Jane Sautière est l’autrice, aux Éditions Verticales, d’une œuvre, « qui examine ce qui nous attache aux autres et à nous-même. Des lieux les plus insolites et les moins hospitaliers à l’univers domestique; des contacts les plus fugitifs aux liens les plus marquants, chacun de ses ouvrages inventorie ce qui permet de vivre et d’habiter le monde. Leur motif est la

rencontre ; leur raison d’être, le désir et la nécessité d’« être là ». Autrice notamment de Mort d'un cheval dans les bras de sa mère (Editions Verticales, Gallimard, 2018), Stations (entre les lignes) (Éditions Verticales, 2015 et Dressing (Éditions Verticales, 2013), ses trois derniers ouvrages.

Jane Sautière a publié des nouvelles et des articles dans diverses revues et co-signé également « Zones d'ombres » avec Jean-Marie Dutey (Gallimard, «Série Noire», 1998).

Ancienne éducatrice pénitentiaire, Jane Sautière est très engagée sur le plan social auprès des migrants et des sans-papiers.

Dernière contribution :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/03/11/irradies-vu-par-jane-sautière/

 

Maïté Snauwaert, Ph.D. en littérature française, est professeure agrégée de littérature à l’Université de l’Alberta (Québec). Chercheure associée au Centre de recherche sur le texte et l'imaginaire Figura (UQÀM), à l'Observatoire des Littératures française et francophone contemporaines (Paris Ouest/Nanterre) et au Réseau international de recherche roland-barthes.org.

Sa recherche s’intéresse au deuil, à la fin de vie, au vieillissement et aux formes fragilisées de la vie humaine au XIXe siècle (CRSH 2016-2020).

Elle a publié notamment les essais La Douleur (Gremese, 2019), sur l’adaptation par Emmanuel Finkiel du texte de Marguerite Duras, Duras et le cinéma (Nouvelles éditions Place, 2018), Philippe Forest, la littérature à contretemps (Cécile Defaut, 2012) et des numéros spéciaux de revues sur Marguerite Duras (« L’image critique », Dalhousie French Studies, no 95), Sophie Calle (Intermédialités, no 7), Roland Barthes « écrivain » (Spirale, no 232), l’éthique et la littérature (Études françaises, vol. 46, no 1), « Poétiques et imaginaires du care » (Temps zéro no 12, 2018).

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A PHILIS, par Pierre de Marbeuf / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Où l'on (re)décrouvre un poète assez méconnu aujourd'hui, Pierre de Marbeuf,  dont l'oeuvre suggère l'appartenance de l'Homme, de ses sensations, de ses sentiments au tout de l'univers.  C'est particulièrement vrai dans le Sonnet de ce dimanche dont on pourra noter que la version anglaise de Timothy, tout aussi faussement badine que la version originale, ne manque pas de saveur !


   Pierre de MARBEUF (1595-1645) : poète baroque, né près de Rouen à Sahurs, étudie au collège jésuite de La Flèche, dans la province du Maine (aujourd'hui la Sarthe) où il a pour condisciple René Descartes ; puis à Orléans où il entame des études de droit; il témoigne d'un goût pour la poésie comme ‘pour la séduction’ ; au début, des poésies pieuses ; il y rencontre Hélène, une jeune parisienne, qui semble avoir eu ‘le pouvoir de lui faire négliger ses dernières études’ : en 1619, il la suit à Paris.  Non sans avoir publié juste avant son Psalterion chrestien, " dédié à la Mère de Dieu, l'Immaculée Vierge Marie" (1618) suivi de Poésie Meslée (dont une ode à l'Eloge de la  Normandie), qui constitueront ses principaux  recueils de poésie avec le Recueil des vers de Mr de Marbeuf, in-octavo de 252 pages (1628), publiés à Rouen. Egalement un poème sur le mariage de Christine de France, sœur de Louis XIII, avec Victor- Amédée de Savoie (1619), et non sans avoir aussi présenté  plusieurs pièces au concours des Palinods de Rouen en 1617 (organisé par la confrérie littéraire de Normandie). Marbeuf se distingue pour ses stances - des poésies composées de plusieurs couplets, qui sont tous du même nombre de vers, et de la même mesure que le premier couplet - intitulées l'Anathomie de l'œil (1618), et, en 1620, l'ode intitulée le Narcisse.

Trois publications parisiennes suivront : un recueil d'épigrammes en latin de 1620, le Pétri Marbei in magno Franciae consilio advocati epigrammatum liber (in-quarto de 36 pages) ; un Poème sur l'heureux mariage du Sérénissime Prince Victor Amédée de Savoye avec Madame Christine sœur du Roy (in-quarto de 18 pages) en 1619 ; enfin Le Portrait de l'Homme d'Estat, Pour Monseigneur le Cardinal Duc de Richelieu (in-quarto de 11 pages) en 1633.

 

À Hélène succédèrent, dans un ordre connu de lui seul, Jeanne, Madeleine, Gabrielle, Philis et Amaranthe. Egalement Aliane, Silvie, et Anne.

De retour sur ses terres normandes en 1623, il devient maître des eaux et forêts, et épouse en 1627 Madeleine de Grouchet.

 

   A Philis  que je vous propose aujourd'hui est sans doute le sonnet le plus connu de Marbeuf  qui associe avec grand talent le thème de l'eau à celui de l'amour et exprime ce que la passion peut comporter de souffrance en cascade. Pour Marbeuf, aimer tient du miraculeux en même temps quasiment que de l'acte héroïque !

L'universitaire Henri Lafay, spécialiste de la nouvelle poésie de 1620  note que « L'esthétique de Marbeuf - dans ce qui fait son originalité, originalité de sa génération poétique - est une esthétique de la saveur (saveur des choses, des sensations, des sentiments, des idées, des rêves, et saveur des mots). C'est la recherche de saveur qui explique aussi bien dans cette poésie une simplicité et un naturel allant au-delà de la pureté malherbienne (positions extrémistes de l'Académie de Piat Maucors) que la recherche du choc sensible dans la ligne soit d'un Sigogne, soit d'un Motin, que celle des raffinements verbaux ».

A Philis est extrait de son Recueil des vers publié à Rouen en 1628 (par A.Héron pour la société rouannaise de bibliophiles)

 

 

À Philis

 

 

 

Et la mer et l'amour ont l'amer pour partage,

Et la mer est amère, et l'amour est amer,

L'on s'abîme en l'amour aussi bien qu'en la mer,

Car la mer et l'amour ne sont point sans orage.

 

Celui qui craint les eaux qu'il demeure au rivage,

Celui qui craint les maux qu'on souffre pour aimer,

Qu'il ne se laisse pas à l'amour enflammer,

Et tous deux ils seront sans hasard de naufrage.

 

La mère de l'amour eut la mer pour berceau,

Le feu sort de l'amour, sa mère sort de l'eau,

Mais l'eau contre ce feu ne peut fournir des armes.

 

Si l'eau pouvait éteindre un brasier amoureux,

Ton amour qui me brûle est si fort douloureux,

Que j'eusse éteint son feu de la mer de mes larmes.

 

Chant : https://www.youtube.com/watch?v=rlHuHvD2Ldg

 

Lecture : https://www.youtube.com/watch?v=ToWgHOwgfRQ&t=1s

 

Rap : https://www.youtube.com/watch?v=jot2StVzo44

 

To Phyllis

 

 

 

The sea and love share bitterness :

The sea is bitter, love no less :

In love, as in the sea, we’re lost,

For sea and love are tempest-tossed.

 

Jack fears the wave and hugs the strand;

Jem fears the evils love may send.

Let not love’s flames around him lick:

Then neither is at risk of wreck.

 

Love’s Mother started from the wave;

The source of fire is surely love :

Against this fire, no wave can strive.

 

I burn for you ! I’m seared by fire:

If waves could quench this blaze of love,

My sea of tears would quench the pyre.

 

  Copyright © Timothy Adès

 


- Recueil des vers de Mr de Marbeuf chevalier, sieur de Sahurs ( Rouen, Imprimerie de David Du Petit Val, imprimeur ordinaire du Roy. M. DC. XXVIII, 1628), Collection numérique : Bibliothèque numérique de Rouen.

- Vénus et Cupidon  de Titien, peinture à l'huile sur toile de 110,5 × 138,4 cm réalisée par le peintre vénitien entre 1510 et 1515 (Wallace Collection de Londres).
- Vénus dans la coquille, Cabinet secret

Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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EXTASE par Paul Eluard / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

 

 

 

   Paul ÉLUARD (1895-1952) : j’ai traduit ses ‘Derniers Poèmes d’Amour’ écrits durant les dix dernières années de sa vie :

cinq de mes textes on été publiés  dans la revue Agenda, dont je suis fiduciaire.

Éluard est à l’origine de Dada et du surréalisme ; son poème ‘Liberté’, grâce aux soins de la Royal Air Force, le rendra célèbre ; souvent malade, il parvient à épouser Gala, qui le quitte pour Dalí ; il épouse Nusch, qui meurt : une grande tristesse donc, mais dans ‘L’Extase’ une trace de printemps, apte à ce premier jour de mai.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Nusch Eluard au miroir" par Man Ray, 1935

 

 

 

AGENDA, revue poétique des plus distinguées, est fondée en 1959 par William Cookson, étudiant d’Oxford, avec Ezra Pound. Peter Dale le rejoint, poète de qualité qui traduit Dante, Villon, Laforgue, Corbière…

 

 

 

Patricia McCarthy

 

AGENDA, revue poétique des plus distinguées, est fondée en 1959 par William Cookson, étudiant d’Oxford, avec Ezra Pound. Peter Dale le rejoint, poète de qualité qui traduit Dante, Villon, Laforgue, Corbière… La directrice gérante est Patricia McCarthy, qui écrit ‘Rodin’s Shadow’ (2012) donnant une voix aux femmes, à Camille Claudel surtout, et qui a bien mérité l’honneur du National Poetry Prize.

 

Extase

 

 

Je suis devant ce paysage féminin

Comme un enfant devant le feu

Souriant vaguement et les larmes aux yeux

Devant ce paysage où tout remue en moi

Où des miroirs s'embuent où des miroirs s'éclairent

Reflétant deux corps nus saison contre saison

 

J'ai tant de raisons de me perdre

Sur cette terre sans chemins et sous ce ciel sans horizon

Belles raisons que j'ignorais hier

Et que je n'oublierai jamais

Belles clés des regards clés filles d'elles-mêmes

Devant ce paysage où la nature est mienne

 

Devant le feu le premier feu

Bonne raison maîtresse

 

Etoile identifiée

Et sur la terre et sous le ciel hors de mon cœur et dans mon cœur

 

Second bourgeon première feuille verte

Que la mer couvre de ses ailes

Et le soleil au bout de tout venant de nous

 

Je suis devant ce paysage féminin

Comme une branche dans le feu.

 

 

Ecstasy

 

 

I am facing this feminine landscape

Like a child in front of the fire

Smiling vaguely tears in its eyes

This landscape where everything stirs in me

Where mirrors cloud where mirrors clear

Reflecting two naked bodies season by season

 

I’ve so many reasons to lose myself

On this roadless ground, under this heaven of no horizon

Fine reasons I didn’t know yesterday

And will never forget

Fine keys of glances keys their own daughters

Facing this landscape where nature is mine

 

In front of the fire the first fire

Fine reason mistress

 

Star identified

On earth under heaven out of my heart in my heart

 

Second bud first green leaf

That the sea puts its wings over

And the sun right at the end coming from us

 

I am facing this feminine landscape

Like a branch in the fire.

 

 Copyright © Timothy Adès


- Eluard et Nusch par Dora Maar, Mougins 1937

- "Liberté" par Eluard, 1947

- Eluard par Picasso : lithographie, sur vélin; cette image a illustré un poster pour la présentation en 1956 de l'ouvrage de Paul Eluard : Un poème dans chaque livre  (édité par L. Broder)

- Eluard par Dali, 1929


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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LES COUSINS POINCARE, par Vianney Huguennot


LES PORTRAITS DE VIANNEY

Henri et Raymond Poincaré : le scientifique et l'homme politique


 

   Nous sommes en 1871, Henri Poincaré, 17 ans au compteur, ramasse deux titres de bachelier au lycée impérial de Nancy, en sciences et en lettres. Germe, la même année, la germanophobie de Raymond Poincaré, son cousin meusien, 11 ans, expédié en Normandie pour cause de guerre et d’occupation de Bar-le-Duc par les Prussiens. De retour en Meuse, le jeune Raymond découvre le rez-de-chaussée de la grande demeure familiale affectée à des officiers bavarois. « Il fallait subir – raconte François Roth (1) – les réquisitions et la présence de l’ennemi, et de ses soldats qui se livraient parfois à des agressions, à des déprédations et à des excès de boissons. Le seul fait de supporter dans sa maison des officiers d’une armée d’occupation marque les esprits, même des plus jeunes. D’autant plus que la chambre des garçons, au rez-de-chaussée, était ainsi confisquée. Raymond Poincaré, lorsqu’il reprit possession de sa chambre, trouva « qu’elle sentait le Prussien ». La chambre fut entièrement restaurée après ce départ ». Plus tard, le gamin baptisera son chien Bismarck.

 

   Raymond naît dans un cocon. Mère bigote, père ingénieur, libre-penseur, grands-parents fortunés, la famille navigue des bords de mer à Paris ou la Meuse. Il a 16 ans, son père refuse qu’un curé lui enseigne la philosophie, il l’envoie à Louis-le-Grand, d’où Raymond revient avec deux bachots, mathématiques et philosophie. Au cours de cette première époque parisienne, il retrouve son cousin Henri, les deux occupent des chambres mitoyennes dans un meublé du Quartier latin. Leurs carrières s’apprêtent à briller. Raymond Poincaré est avocat d’affaires, richissime. Il réside sur les Champs Élysées et se fait bâtir un château dans la Meuse, à Sampigny, pour ses étés et congés. Il entre en politique par une mission de directeur de cabinet d’un ministre de l’Agriculture « un peu paresseux, ce qui donnait à Poincaré beaucoup de latitude »(1). Son élection au conseil général de la Meuse, à l’âge de 26 ans, dans le canton de Pierrefitte, sonne le début d’une carrière remarquable. L’année suivante, il entre au parlement, il est le plus jeune député de France, puis au gouvernement. Avril 1893, à 33 ans, il décroche son premier portefeuille, ministre de l’Instruction publique. Poincaré obtient le ministère des Finances l’année suivante et bientôt le brevet de « sauveur du Franc ».

 

   De nos contemporains huant les élus agrippés aux mandats, l’on peut secouer les mémoires : en voilà des manières pas très neuves. Même après son mandat de président de la République (1913/20), Poincaré ne lâche rien. Il est élu sénateur le 13 janvier 1920, « en violation de la loi constitutionnelle puisqu’il est encore président de la République [il l’est officiellement jusqu’au 18 février 1920] »(2). Une semaine avant sa mort, le 15 octobre 1934, il est réélu conseiller général de la Meuse. Raymond Poincaré cède à la postérité l’icône du président de la confiance et de la stabilité, notamment monétaire, puis de la guerre et de la victoire, bien que Clemenceau lui ait taillé copieusement des croupières et s’en est allé, seul, avec le titre éternel de Père la Victoire. Henri Poincaré décède en 1912, avec l’auréole d’un des plus grands scientifiques, au parcours prestigieux entamé l’année où Raymond retrouve sa chambre fouettant le Prussien.

 

   En 1873, Henri est doublement reçu, à Polytechnique et à Normale-Sup. Il choisit la première. « Ce sont ses travaux qui lui valurent une renommée mondiale. Ce mathématicien, l’un des plus grands de tous les temps, a profondément renouvelé l’analyse » (3). On lui attribue même, avant Albert Einstein, la théorie de la relativité ; c’est notamment la thèse du chercheur et ancien ministre Claude Allègre. Énième réunion des deux cousins : l’opération est cette fois signée Albert Einstein. Il aurait plagié le premier. Il détestait le second. « Hitler est le fils de Raymond Poincaré », cinglait Einstein, taxant Raymond Poincaré, président du Conseil après la Première Guerre mondiale, de férocité à l’égard de l’Allemagne vaincue, favorisant donc l’esprit de revanche des Allemands et la montée du nazisme dans les années vingt et trente.

 

 

(1) François Roth fut professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lorraine et auteur de la biographie « Raymond Poincaré, un homme d’État républicain« , 2000, Fayard.

(2) Biographie de Raymond Poincaré sur elysee.fr

(3) La science selon Henri Poincaré, éditions Dunod

 

Remerciements au Mensuel l'Estrade  qui a également publié l'article sous le titre "Raymond et Henri Poincaré : aux âmes bien nées… "

https://www.lestrademensuel.fr/


Vianney Huguenot est journaliste,  enseignant, formateur. Chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, il y anime une émission ("Les rencontres de Vianney Huguenot" ) dans laquelle il nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est. Il anime également " Sur ma route " une émission co-produite par la chaîne de télévision mosellane ViàMoselle TV (anciennement Mirabelle TV) et la TV locale ViaVosges au cours de laquelle, à travers les souvenirs d’enfance et le regard de personnalités, il donne à voir la région Grand Est et nous fait partager son sentiment géographique. Collaborateur de plusieurs journaux, magazines et revues, Vianney Huguenot est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, entre autres : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony).

Vianney Huguenot co-anime la rubrique Tutti Frutti du PRé.

 

Dernier article PRé :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/02/07/les-figures-imposees-de-la-campagne-presidentielle-par-vianney-huguenot/

 

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OUTWARDS par Henry J.-M. Levet / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


   Je vous propose aujourd'hui de passer un moment avec le jeune dandy bohême, poète voyageur mystérieux et diplomate Henry J-M LEVET (1874-1906), "météore poétique", mort à 32 ans que Jérôme Garçin présente ainsi : « Fils unique d'un député-maire de la Loire, le jeune rebelle rimbaldien, qui sans doute aimait les garçons, écrivit dans des journaux satiriques, se teignit les cheveux en vert et, pour l'essentiel, s'encanailla et s'attifa dans les estaminets de Montmartre avant d'obtenir, grâce à l'intervention de son père, un poste de vice-consul aux Philippines puis aux Canaries, qu'il ne tarda pas à abandonner afin de venir mourir, à Menton, d'une tuberculose, dans les bras de sa mère. » Le tout se révèle ici : https://bibliobs.nouvelobs.com/essais/20180220.OBS2492/henry-j-m-levet-l-ecrivain-dont-les-parents-ont-methodiquement-tout-detruit.html

Il ne nous reste pas grand chose d'Henry LEVET qui fut aussi vaudevilliste et chansonnier tant l'œuvre est rare et aujourd'hui quasiment introuvable: des poèmes, des chroniques parues dans plusieurs journaux et revues (”Le Courrier français”, “La Plume”, “La Vogue”, “La Grande France”), deux plaquettes de poèmes confidentielles éditées avec des épigraphes de Laforgue et de Rimbaud.

On lui attribue un (unique) roman nommé l'Express de Bénarès, sans que l'on sache avec certitude ce qu'il en est. L'écrivain académicien Frédéric Vitoux lui rend hommage dans une biographie remarquée du même nom publié en 2018 chez Fayard.

Sa gloire posthume sera assurée par les Cartes postales, un recueil dont les poèmes furent initialement publiés dans des revues entre 1900 et 1902. Le présent poème "OUTWARDS" en est extrait. Cartes postales sera rééditée après la mort d'Henry Levet en 1921 sous le titre Poèmes de Henry-J.-M. Levet. précédés d’une conversation de MM. Léon-Paul Fargue et Valery Larbaud : Deux poésies : Le Drame de l’allée. Le Pavillon : Cartes postales… grâce au poète, romancier, essayiste et traducteur Valéry Larbaud - qui le définissait comme le Walt Whitman français - et à son confrère Léon-Paul Fargue à La Maison des amis des livres  d'Adrienne Mounnier. Et régulièrement depuis : dernièrement en 2020  par les éditions Martin de Halleux, maison d’édition indépendante installée à Paris.

 

…Armand Béhic, président des Messageries Maritimes, devient ministre et meurt en 1891.

 

OUTWARDS

 

L’Armand Béhic (des Messageries Maritimes)

File quatorze nœuds sur l’Océan Indien…

Le soleil se couche en des confitures de crimes,

Dans cette mer plate comme avec la main.

 

- Miss Roseway, qui se rend à Adélaïde,

Vers le Sweet Home au fiancé australien,

Miss Roseway, hélas, n’a cure de mon spleen ;

Sa lorgnette sur les Laquedives, au loin…

 

- Je vais me préparer – sans entrain ! – pour la fête

De ce soir: sur le pont, lampions, danses, romances

(Je dois accompagner miss Roseway qui quête

 

- Fort gentiment – pour les familles des marins

Naufragés !) Oh, qu’en une valse lente, ses reins

À mon bras droit, je l’entraine sans violence

 

Dans un naufrage où Dieu reconnaîtra ses siens…

 

 

 

 

 

OUTWARD BOUND

 

Indian Ocean: Postal Maritime:

Steaming at fourteen knots, the Andrew B.

The sun sets in its jammy mess of crime

Into this flat, seemingly hand-smoothed sea.

 

Miss Roseway, who is bound for Adelaide

To her fiancé’s Home Sweet Home of sheep,

Can’t cure my spleen’s distemper, I’m afraid,

Her lorgnette quizzing at the Lakshadweep.

 

Reluctantly, I shall attend the dance

This evening: lanterns on the bridge; romance.

(I’m partnering Miss Roseway, who solicits

 

For shipwrecked sailors’ families, in the nicest

Possible way !) O, may I, in the waltz,

Cradling her kidneys, gently draw her on

 

To shipwreck ! God will recognise his own…

 

Copyright © Timothy Adès

 

[Published online in Poetry Atlas]

 

 


 

- Portait d'Henry Levet, 1895,  par le dessinateur Piet lorsque Levet était chroniqueur au Courrier français .

- Poèmes, précédés d’une conversation de MM. Léon-Paul Fargue et Valéry Larbaud - Deux Poésies - Le Drame de l’Allée - Le Pavillon (avec la préface d’Ernest La Jeunesse) - Cartes Postales. Portrait par Muller, ‎Edition originale, tirage limité à 635 exemplaires (Paris, La Maison des Amis des Livres, 1921).

- Henry J.-M. Levet dans son habit de vice-consul de 3e classe, en novembre 1902

- Carte postale : arrivée du courrier français à Saïgon

- Affiche pour les Messageries maritimes par Alexandre Brun

- Portrait d'Henry J.-M. Levet

- Cartes postales, Henry Levet, illustrations : Loustal, préface :  Frédéric Vitoux (Réédition par Les éditions Martin de Halleux, 2020)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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Considérations sur les enjeux de la succession du Grand Shah, à la façon des Lettres Persanes.*, par Jean-Claude Ribaut

Ecole française vers 1700 – Le sultan au sérail

De Usbek à Medhi,

 

   Je ne saurais décrire, cher Mehdi, la confusion qui règne dans les esprits, depuis les mois d’Estand et Favardin de notre calendrier, à l’approche du vote qui doit, selon un usage inconnu en Perse, procéder à l’élection du Shah in Shah.

 

Après des joutes oratoires inaudibles entre les candidats, il ne reste en lice que deux rivaux : une harengère, évadée du sérail, querelleuse et grossière dans son langage et ses manières, qui n’a d’autre programme que d’organiser la chasse aux mahométans ; et l’actuel Padishah, politicien habile, rompu aux manœuvres les plus subtiles, comme le fut autrefois son homonyme dans l’entourage de l’empereur Tibère, successeur d’Auguste.

 

J’ai vainement cherché dans leurs programmes, ce qui pourrait être soumis à tes amis architectes persans pour soutenir l’intérêt qu’ils ont longtemps manifesté à l’égard de leurs confrères français, du moins ceux parmi les anciens qui se souviennent des prouesses de Fernand Pouillon le constructeur des haltes ferroviaires spectaculaires de Tabriz et Machad. L’un propose d’augmenter le nombre de logements à rénover, quand sa concurrente, se borne à expulser 600 000 étrangers des logements communautaires. Un webinaire (outil de mise en relation des écritoires électroniques) organisé par le groupement des architectes a bien tenté d’établir un dialogue avec les candidats. Mais le journaliste chargé de l’animer a commencé par s’embrouiller, pensant qu’il intervenait pour l’ordre des avocats !

 

Ma conviction est qu’il faut penser l’architecture, non plus en termes de logements, mais en termes d’habitat et comprendre que les architectes ne veulent plus être des complices passifs voués à devenir plus tard des boucs émissaires. L’histoire montre qu’il n’y a eu d’architecture qu’aux grandes périodes d’apaisement politique, même si celui-ci était parfois payé du triomphe d’un tyran et d’un abaissement des libertés.

 

Sur les huit présidents de l’actuelle République, quatre seulement ont attaché leur nom à des réalisations de quelque envergure, un centre d’art contemporain, trois musées, un opéra. Les deux prédécesseurs de l’actuel Shah, qui d’ailleurs viennent de lui apporter leur soutien, n’ont laissé aucun témoignage de leur passage. L’architecture n’est pas un art de guerre civile, mais le soutien et l’expression d’une société apaisée, sûre d’elle-même, forte d’un consensus et certaine de ses objectifs.

 

Pour ce moment de l’année, la France que l’on dit « Fille aînée de l’Église », a été plus affairée à préparer ses repas de famille qu’à faire ses dévotions en souvenir de la Résurrection, une légende inspirée du culte de Mithra. Les fêtes de l’Islam puisent aux mêmes sources : l’Aïd, à la fin du jeûne du ramadan, est un rituel évocateur du sacrifice d’Abraham. Or Pâques, bizarrement, est une date mobile suivant le premier dimanche après la pleine lune de l’équinoxe de printemps, qui peut varier de plusieurs semaines.

 

Comment un jour censé célébrer un fait historique peut-il changer d’une année, l’autre ? Cette date fuyante est en réalité le résultat d’un compromis élaboré au Concile de Nicée (+ 325) pour ménager les habitudes des églises d’Orient. Mais, en 1582, la réforme grégorienne, en modifiant le calendrier Julien auquel se réfèrent toujours les chrétiens orthodoxes, arrêta un calcul différent. Voilà pourquoi la Pâques russe et celle de l’Eglise romaine ne tombent que rarement en même temps, sauf cette année.

 

Ce phénomène est d’autant plus exceptionnel – et tragique – que les orthodoxes, selon qu’ils obéissent au Patriarche moscovite ou qu’ils se considèrent comme relevant de l’autorité du Patriarcat de Constantinople, sont, les premiers, solidaires du Tsar sanguinaire du Kremlin, les seconds, attachés à l’indépendance de l’Ukraine, dans la guerre fratricide déclenchée en Europe par les nostalgiques du défunt empire soviétique. Manifestement, le Patriarche moscovite Cyrille a oublié qu’il est depuis quinze années coprésident de la Conférence mondiale des religions pour la paix. C’est un phénomène courant, chez les tonsurés, de faire passer leurs intérêts avant leurs convictions.

 

À Rome, le pape François a beau s’évertuer – urbi et orbi – à appeler les dirigeants à renoncer à la guerre, il y a bien loin, chez nombre de papistes, de la profession de foi à la croyance, de la croyance à la conviction, de la conviction à la pratique. Le pape est certes le chef des Catholiques, mais ce n’est qu’une vieille idole qu’on encense par habitude.

 

En France, la guerre d’Ukraine est aussi au centre de la bataille électorale que se livrent l’ancien Shah in Shah, candidat à sa succession et une roturière du nom de Marine, qui prétend le chasser du pouvoir. Elle est issue d’une famille qui avait jusque-là appliqué à la lettre l’ancien droit d’aînesse, née d’un mariage morganatique – sa mère ayant été répudiée, comme chez nous en Perse – ce qui ne l’empêcha pas de briguer et d’obtenir la succession de son vieux père à la tête de la ligue familiale. Une telle prétention eut été impossible, chez nous, en Perse, car nos femmes sont tenues au sérail. Le premier soutient le combat des Ukrainiens, la seconde arbore une mine chafouine lorsqu’on évoque devant elle le nom de Poutine.

 

La confusion est générale, et je suis bien incapable aujourd’hui de te dire quel sera le successeur de l’actuel Padishah. Les haruspices eux-mêmes, qui pratiquaient autrefois l’art divinatoire de lire dans les entrailles d’un animal sacrifié, ont perdu tout pouvoir depuis qu’ils ne procèdent que par la magie hasardeuse des sondages.

 

Un épisode curieux s’est produit récemment à l’occasion d’une visite des travaux de reconstruction de la cathédrale Notre Dame par le Shah in Shah, trois années après l’incendie (toujours inexpliqué) qui la détruisit en partie. Le Général qui dirige les travaux – rendu célèbre par un tonitruant « Un architecte, ça doit fermer sa gueule » – s’est répandu dans les lucarnes pour assurer qu’en 2024, « une messe sera dite dans Notre Dame, car c’est d’abord une église ». Zèle intempestif au pays de la laïcité qui s’explique sans doute par le fait que le Général Jean-Louis Georgelin est oblat chez les bénédictins et membre de l’Académie Catholique de France. Cette académie fondée en 2008, association privée à l’instar d’une académie de billard, s’est illustrée récemment par une attaque en règle contre les travaux de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). Dix de ses membres ont démissionné. Mais pas le Général Georgelin !

 

Peut-être aura-t-il l’idée d’allumer un cierge pour la rémission des fautes de tous les dervis (prêtres) ayant succombé aux charmes des jeunes garçons, et à leurs propres pulsions criminelles ?

 

Réjouissez-vous, chère Roxane, en notre sérail d’Ispahan, de ne pas séjourner dans la capitale d’une nation qui fut autrefois celle de la raison, mais dont on se demande parfois si elle n’est pas abandonnée aux appétits et aux spéculations de quelques aventuriers.

 

De Paris, le 18 de la lune de Saphar

Traduit du persan par Syrus

 

 

* Les Lettres persanes sont un roman épistolaire rassemblant la correspondance fictive échangée entre deux voyageurs persans, Usbek, et Rica, et leurs amis restés en Perse. Publié anonymement à Amsterdam par Montesquieu en mai 1721.

 

Remerciements : https://chroniques-architecture.com/
Retrouver toutes les Lettres persanes

 

De Syrus également
– Destins contrariés, le sort peu enviable des ministres de la Culture depuis 1959
 Secrets d’archi, petites histoires de l’architecture dans la grande

 

 

Deux voyageurs Persans, Usbek et Rica, visitent la France entre 1712 et 1720. Ils font part de leurs impressions à leurs amis avec lesquels ils échangent des lettres. C’est avec un regard neuf, amusé, étonné, parfois littéralement stupéfait, et souvent faussement naïf, non sans révéler leurs propres contradictions, qu’ils observent les mœurs et les coutumes françaises. Bien des habitudes paraissent absurdes ou ridicules…

Ces Lettres et la féroce critique de la société française - et au-delà, des fondements de la religion et du pouvoir politique - qui y est déployée remportent un grand succès, si bien qu'elles sont aussitôt interdites en France.

 « Mais comment peut-on être Persan ? » Trois siècles après, la formule la plus célèbre des Lettres persanes garde la même vigueur, contre tous ceux qui croient être au centre du monde et ne s’interrogent pas sur eux-mêmes.

 


Jean-Claude Ribaut, architecte, écrivain, chroniqueur gastronomique.

Collaborateur à LaRevue : pour l'intelligence du monde, SINE Mensuel, Dandy magazine, Tentation (trimestriel), Plaisirs (magazine suisse bimestriel), Le Monde de l'épicerie fine, Le Monde des grands Cafés, le Petit journal des Toques blanches lyonnaises, Atabula (plateforme d’information et d’opinion numérique sur la gastronomie en France et à l’étranger), Chroniques d'architecture, etc. Après avoir officié au journal Le MONDE pendant 25 ans (1989-2012), et avoir fait ses premières armes journalistiques dans COMBAT.

Membre fondateur de la Mission Française du Patrimoine et des Cultures Alimentaires (M.F.P.C.A – Le Repas gastronomique des Français) depuis 2007; membre fondateur de La Liste depuis 2015.
Auparavant :
Chroniqueur au Moniteur des Travaux Publics (1979-1995), Régal, Thuriès, Guides Gallimard des Restaurants de Paris (1995).

 

Dernier ouvrage paru : "Voyage d'un gourmet à Paris" (Calmann-Lévy, 2014). Prix Jean Carmet 2015.

Jean-Claude Ribaut est membre du conseil scientifique du PRé et co-anime la rubrique "Tutti Frutti".

 

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BOOZ ENDORMI, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DE TIMOTHY ADES

Exceptionnellement, pour cause de week-end pascal, nous publions le post dominical de Timothy Adès ce vendredi.


 

L’Été ou Ruth et Booz (1660-1664), par Nicolas Poussin, Musée du Louvre; Ruth, servante moabite, obtient de Booz l’autorisation de glaner dans ses champs. Elle enfantera Obed, le grand-père de David ancêtre du Christ.

 

   Nous revoici en compagnie de Victor HUGO (1802 – 1885) avec "Booz endormi".

Hugo donne à Booz l’arbre de Jessé et la vieillesse d’Abram.

Pour Proust, c’est la plus belle poésie du siècle.

Elle est extraite de La Légende des siècles (1859), un recueil de poèmes publiés en trois séries successives : 1859, 1877 et 1883.

Elle a été beaucoup commentée et analysée jusqu'à Lacan. Elle fonctionne autour de la « gerbe" vu par ce dernier comme un symbole phallique... Le charnel et le spirituel, la vie, la mort, la puissance sexuelle et la castration, le travail poétique sur les sonorités, le rythme, les constructions grammaticales, tout confère à cette poésie une puissance esthétique.

 

J’ai traduit le poème sans employer la lettre E ; Georges Perec dans ‘La Disparition’ l’avait renouvelé en français, toujours sans la lettre E.

BOOZ ENDORMI

 

Booz s'était couché de fatigue accablé ;

Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;

Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;

Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé.

 

Ce vieillard possédait des champs de blés et d'orge ;

Il était, quoique riche, à la justice enclin ;

Il n'avait pas de fange en l'eau de son moulin ;

Il n'avait pas d'enfer dans le feu de sa forge.

 

Sa barbe était d'argent comme un ruisseau d'avril.

Sa gerbe n'était point avare ni haineuse ;

Quand il voyait passer quelque pauvre glaneuse :

- Laissez tomber exprès des épis, disait-il.

 

Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques,

Vêtu de probité candide et de lin blanc ;

Et, toujours du côté des pauvres ruisselant,

Ses sacs de grains semblaient des fontaines publiques.

 

Booz était bon maître et fidèle parent ;

Il était généreux, quoiqu'il fût économe ;

Les femmes regardaient Booz plus qu'un jeune homme,

Car le jeune homme est beau, mais le vieillard est grand.

 

Le vieillard, qui revient vers la source première,

Entre aux jours éternels et sort des jours changeants ;

Et l'on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens,

Mais dans l'oeil du vieillard on voit de la lumière.

 

Donc, Booz dans la nuit dormait parmi les siens ;

Près des meules, qu'on eût prises pour des décombres,

Les moissonneurs couchés faisaient des groupes sombres ;

Et ceci se passait dans des temps très anciens.

 

Les tribus d'Israël avaient pour chef un juge ;

La terre, où l'homme errait sous la tente, inquiet

Des empreintes de pieds de géants qu'il voyait,

Etait mouillée encore et molle du déluge.

 

Comme dormait Jacob, comme dormait Judith,

Booz, les yeux fermés, gisait sous la feuillée ;

Or, la porte du ciel s'étant entre-bâillée

Au-dessus de sa tête, un songe en descendit.

 

Et ce songe était tel, que Booz vit un chêne

Qui, sorti de son ventre, allait jusqu'au ciel bleu ;

Une race y montait comme une longue chaîne ;

Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.

 

Et Booz murmurait avec la voix de l'âme :

" Comment se pourrait-il que de moi ceci vînt ?

Le chiffre de mes ans a passé quatre-vingt,

Et je n'ai pas de fils, et je n'ai plus de femme.

 

" Voilà longtemps que celle avec qui j'ai dormi,

O Seigneur ! a quitté ma couche pour la vôtre ;

Et nous sommes encor tout mêlés l'un à l'autre,

Elle à demi vivante et moi mort à demi.

 

" Une race naîtrait de moi ! Comment le croire ?

Comment se pourrait-il que j'eusse des enfants ?

Quand on est jeune, on a des matins triomphants ;

Le jour sort de la nuit comme d'une victoire ;

 

Mais vieux, on tremble ainsi qu'à l'hiver le bouleau ;

Je suis veuf, je suis seul, et sur moi le soir tombe,

Et je courbe, ô mon Dieu ! mon âme vers la tombe,

Comme un boeuf ayant soif penche son front vers l'eau. "

 

Ainsi parlait Booz dans le rêve et l'extase,

Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés ;

Le cèdre ne sent pas une rose à sa base,

Et lui ne sentait pas une femme à ses pieds.

 

Pendant qu'il sommeillait, Ruth, une moabite,

S'était couchée aux pieds de Booz, le sein nu,

Espérant on ne sait quel rayon inconnu,

Quand viendrait du réveil la lumière subite.

 

Booz ne savait point qu'une femme était là,

Et Ruth ne savait point ce que Dieu voulait d'elle.

Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;

Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

 

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;

Les anges y volaient sans doute obscurément,

Car on voyait passer dans la nuit, par moment,

Quelque chose de bleu qui paraissait une aile.

 

La respiration de Booz qui dormait

Se mêlait au bruit sourd des ruisseaux sur la mousse.

On était dans le mois où la nature est douce,

Les collines ayant des lys sur leur sommet.

 

Ruth songeait et Booz dormait ; l'herbe était noire ;

Les grelots des troupeaux palpitaient vaguement ;

Une immense bonté tombait du firmament ;

C'était l'heure tranquille où les lions vont boire.

 

Tout reposait dans Ur et dans Jérimadeth ;

Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;

Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre

Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

 

Immobile, ouvrant l'oeil à moitié sous ses voiles,

Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,

Avait, en s'en allant, négligemment jeté

Cette faucille d'or dans le champ des étoiles.

 

 

https://www.youtube.com/watch?v=g6QMfKRDseo

AS BOAZ WAS DOZING

 

Boaz had cut his corn and sought his cot.

A hard day’s winnowing had fairly worn

Him out, and laid him in his usual spot.

His bins stood not far off, chock-full of corn.

 

Boaz was old, and rich in corn and grain,

Nor loth, for all his gold, to act aright:

His mill ran limpid, with no muddy stain;

His smithy cast no dark satanic light.

 

His hoary locks hung smooth as April rill.

His tilth had no tight fist, no hint of gall:

Should a poor woman pass, it was his will

That handy stalks of corn should thickly fall.

 

Boaz trod upright, far from shady ways,

In candid purity and snowy gown,

And always, as a public fountain plays,

Flung many a grainsack charitably down:

 

A loyal kinsman and a pious lord,

Unstinting, though not prodigal of hand;

As no young man, by womankind ador’d:

Youth has good looks, a patriarch is grand!

 

Old folk, backtracking to our primal spring,

Quit dubious days for dawning glory bright.

A young man’s iris is a blazing thing;

An old man’s, if you look, is full of light.

 

So Boaz lay that night among his own,

Dark knots of farmhands, with his stooks on show,

As big as dust-hills, if you hadn’t known.

This was particularly long ago.

 

No kings wrought Judah’s laws, but Dayanim;

Man was nomadic, and still gaping stood

At giants’ footprints that astonish’d him,

On soil still damp and soft from Noah’s flood.

 

Jacob lay still, and Judith; Boaz too

Blind and oblivious in his arbour lay.

Now from on high, a yawning portal through,

To him a holy vision found its way.

 

It was a vision of a vast oak, going

Up from his loins towards a cobalt sky,

And, link by link, a clan, a nation growing:

A king who sang; a dying god, hung high.

 

Said Boaz, in his spirit murmuring,

‘Forty on forty birthdays, Lord! I pil’d;

How shall all this from my old body spring?

I cannot boast a consort, nor a child.

 

‘Thou know’st that long ago my faithful fair,

Lord God Almighty, quit my couch for yours.

Twin souls conjoint, a still-commingling pair,

Gliding in convoy through oblivion’s doors.

 

‘That I should found a family? How so?

How should my loins now bring a brood to birth?

For in our youth triumphant mornings glow,

And, out of night, day springs victorious forth;

 

But I am shaky as a birch in snow,

A widow-man, on whom long shadows sink.

Towards my tomb my soul is winging low,

Just as a thirsty ox stoops down to drink.’

 

All this in mystic vision Boaz said,

Turning to God his drowsy orbs, all calm;

Nor thought a woman at his foot was laid.

So daisy blows, unmark’d by lofty palm.

 

Boaz was all unconscious in his cot;

At his foot, humbly, Ruth from Moab lay,

Half-clad, awaiting dawn, and who knows what

Illumination, born of waking day.

 

Boaz wist not that Ruth was lying by;

Ruth had no inkling what was in God's mind ...

Floral aromas, dill and dittany;

Fragrant with amaranth was Gilgal’s wind.

 

O nuptial pomp! How grand a shadow cast!

No doubt a holy choir was gambolling,

All shyly; for an unknown form slid past,

Cobalt in colour: possibly, a wing.

 

From Boaz’ lungs and throat a rhythmic wind

Struck chords with murmurs born of mossy rills.

It was a month that’s naturally kind,

With lily-blossoms glorious on hills.

 

Ruth musing, Boaz snoozing; darkling sward;

Far off, a woolly flock was dully clinking,

As from on high abundant bounty pour’d;

A happy hour, that brings out lions, drinking.

 

In Ur and Ziph and Mizpah, not a sound.

A thin, bright moon was shining on its way

Among night’s blooms, down a dark sky, profound,

Inlaid with starry studs; and so Ruth lay,

 

Half-glancing through a shawl, and calm at last ...

Bringing a bounty in that grows not old,

What god, what swain, thought Ruth, has idly cast

On starry corn his falchion wrought of gold?

 

 Copyright © Timothy Adès

 

This version with no letter e appeared in

‘Modern Poetry in Translation’.

 

 

 


Peintures : Incontro di Booz con Ruth, 1841, Jacopo d'Andréa et Ruth et Booz, 1870, Frédéric Bazille(Montpellier Musée Fabre)

 


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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AQUARELLE et CASQUES DU HEAUME, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Portrait de Robert Desnos par André Breton

 

    Voici les tous premiers poèmes que nous avons de Robert DESNOS. Il n’est pas encore surréaliste, il fera plus tard son service militaire, au Maroc. Or, c’est la grande guerre, la patrie envahie ; et c’est le printemps, la nature et l’amour se renouvèlent.

Les deux poèmes sont publiés en 1918 dans la revue bimensuelle La Tribune des Jeunes (n°1 et 2). Robert Desnos fait partie de son comité de direction aux côté d'Henri Barbusse notamment (prix Goncourt 1917 pour le le Feu).

 

Peintures : Bataille de La Bassée-Loos, 1915, de Theodor Rocholl / Une Famille de cerfs dans un paysage avec une cascade de Gustave Courbet / Le Printemps de Pierre-Auguste Renoir

 

Aquarelle…

 

Les soldats ont brûlé la ferme et le château,

Abattu le donjon, la ruine romaine,

Qui, triomphant du temps, de la foudre et de l’eau,

D’un long passé restaient une preuve certaine.

Leurs débris maintenant détournent le ruisseau ...

Monuments de tristesse et de guerre et de haine.

Les soldats ont brûlé la ferme et le château,

Abattu le donjon, la ruine romaine ...

 

L’oiseau ne chante plus à l’ombre du rameau,

Le cerf ne vient plus boire à la fraîche fontaine,

Le lièvre a déserté le sinueux réseau

Des taillis épineux dont il fit son domaine ...

Les soldats ont brûlé la ferme et le château,

Abattu le donjon, la ruine romaine ...  

 

 

Watercolour…

 

The soldiers burnt the castle and the farm,

The tower and the Roman ruins are lost.

They triumphed over thunder, rain and time,

Stood as the sure proof of a lengthy past.

Today what’s left of them obstructs the stream…

Landmarks of war and hatred and distress.

The soldiers burnt the castle and the farm,

The tower and the Roman ruins are lost.

 

Birds sing no longer in the leafy gloom,

Nor does the fresh spring quench the roebuck’s thirst,

The hares have left the brush that was their home,

A thorny thicket, sinuous, compressed…

The soldiers burnt the castle and the farm,

The tower and the Roman ruins are lost…

 

Copyright © Timothy Adès

 


 

Casqués du Heaume

 

Casqués du heaume et cuirassés,

S’en sont partis les gens de guerre.

Les chemins creux sont défoncés

Où nous cachions nos amours printanières.

 

………………………

 

Car l’homme doit aimer son frère

Comme l’oisel aime l’oisel !

Et partir avec lui la terre

Comme ils se partissent le ciel.

 

Casqués du heaume et cuirassés

S’en sont partis les gens de guerre.

Les chemins creux sont défoncés

Où nous cachions nos amours printanières.

 

Mais peu s’en soucie la nature,

Les fleurettes poussent aux prés,

L’oisel jargonne en la ramure,

Le cerf en rut court les forêts.

 

Et nous aussi devons aimer,

Viens-t-en ès champs et feuillage

Nous livrant aux jeux printaniers,

Oublier la guerre sauvage.

 

Casqués du heaume et cuirassés,

S’en sont partis les gens de guerre.

Les chemins creux sont défoncés

Où nous cachions nos amours printanières.

 

 

In Helmet

 

In helmet and in breastplate

They went to fight the wars.

The sunken lanes are smashed to bits

That hid our spring amours.

 

………………….

 

For man must love his brother

As two birds of a feather

Share earth with one another

The way they share the weather.

 

In helmet and in breastplate

They went to fight the wars.

The sunken lanes are smashed to bits

That hid our spring amours.

 

It’s all the same to nature,

Buds blossom in the meadow,

Woods run with rutting roe-deer,

Birds chirp in leafy shadow.

 

And we must do our loving,

Find fields and trees once more,

Find spring and fun of living,

Forget the savage war.

 

In helmet and in breastplate

They went to fight the wars.

The sunken lanes are smashed to bits

That hid our spring amours.

 

Copyright © Timothy Adès

 


- La Tribune des jeunes : revue bi-mensuelle littéraire, politique, artistique, humoristique / [gérant Charles Langronier], N°1, 1918

Roland Gagey (1900-1976), fondateur de la publication

- "Aquarelle", Robert Desnos publié dans le N°1 de la Tribune des jeunes

- Desnos Œuvres, édition établie par Marie-Claire Dumas (Gallimard, 1999).

- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant (Arc Publications 2017), bilingue : la plupart de ses poèmes avec les traductions de Timothy Adès en face.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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FANTAISIE, par Gérard Nerval / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Ce poème, publié pour la première fois en 1832 dans les ‘Annales romantiques’ fit partie en 1834 du recueil Odelettes, dont Nerval (1808-1855) déclarait qu'elles étaient inspirées de Ronsard. « En ce temps-là, je ronsardinisais,» raconte-t-il. Les rimes sifflent sur ses lèvres. L’imitation s’affiche dans Fantaisie comme dans  Avril, Gaîté, ou Les Papillons’.  Fantaisie sera repris dans de multiples revues et figurera en 1853 dans Petits Châteaux de Bohême, témoignant de sa première inspiration  lyrique.

 

La Musique, 1895, Gustav Klimt

Fantaisie’, c'est aussi le titre de compositions de Mozart, également de Chopin, musicien contemporain de Nerval, de courtes pièces musicales de forme libre. Le poète place ici clairement la musique au centre de son poème. Il l'y introduit.

C'est le point de départ de sa rêverie romantique. Du reste, le titre entier du recueil est Odelettes  rhythmiques et lyriques. Fantaisie est comme une réminiscence déclenchée par un vieil air (sans doute une chanson populaire telle qu'il les affectionnait) susceptible d'enclencher la lanterne magique dans l'âme et l'imaginaire de Nerval : " Un coteau vert, que le couchant jaunit "... Le monde de l'enfance qui surgit. La musique comme source d'allégorie du passé. Et au-delà, comme expérience de métempsychose :

« De deux cents ans mon âme rajeunit ». Au point que ce poème par sa musicalité, l'emploi de certains mots (par ex « charme » pour décrire l'air de musique), nous faisant hésiter entre passé et présent, rêve et réalité, entre réel et irréel, pourrait le qualifier dans le registre du fantastique.

Pour ma part, donner pour cet air ‘tout Rossini, tout Mozart et tout Weber’ me semble inconcevable !

Celui-ci étant moins connu, je vous offre son Concertino pour clarinette, qui est d’une brillance : https://www.youtube.com/watch?v=Xf7xNBSjfgg

 

N.B: Les éditions disent ‘Wèbre’ (pour Carl Maria von Weber), mais Nerval dans son manuscrit ne l'emploie pas, il choisit bien d’écrire ‘Weber’.

 

  Fantaisie

 

Il est un air pour qui je donnerais

Tout Rossini, tout Mozart et tout Wèbre :

Un air très vieux, languissant et funèbre,

Qui pour moi seul a des charmes secrets !

 

Or, chaque fois que je viens à l’entendre,

De deux cents ans mon âme rajeunit...

C’est sous Louis treize; et je crois voir s’étendre

Un coteau vert, que le couchant jaunit.

 

Puis un château de brique à coins de pierre,

Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,

Ceint de grands parcs, avec une rivière

Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs;

 

Puis une dame, à sa haute fenêtre,

Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,

Que, dans une autre existence peut-être,

J’ai déjà vue... et dont je me souviens!

 

 

Voix de Gilles-Claude Thériault : https://www.youtube.com/watch?v=h0-5oLtHzVg

 

Ambiance musicale : Chanson Louis XIII (dans le style de Louis Couperin) de FRITZ KREISLER, interprétée par le violoniste Andriy Chaikovskyy et l'orchestre de chambre "LVIV VIRTUOSOS".

 

Voix d'Alain Cuny :

https://www.youtube.com/watch?v=Yn-MUVO601I

 

James Ollivier chante :

https://www.youtube.com/watch?v=DNIW3uIO3ZM

 

                   Fantasy

 

Rossini, Mozart, yes, and Weber,

I’d give them all for just one tune:

It’s ancient, languid and sepulchral,

It keeps its charms for me alone.

 

I hear it, and my soul is younger:

Each time, two centuries are gone.

Louis the Thirteenth; a green hillside

Turns golden in the setting sun.

 

Stately brick house with fine stone corners:

Red colours tint its window-glass.

A river laves its feet, goes flowing

Through parks in flower, swathes of grass ;

 

Fair lady at her lofty window,

Black eyes, her dress historical,

Whom in some earlier existence

I may have seen ... and can recall !

 

 

 Copyright © Timothy Adès


- Copie autographe de Fantaisie signée vers 1842.

- Portrait du roi Louis XIII par Philippe de Champaigne

- Portrait photographique de Rossini par Pierre Petit, 1862 (BnF, département musique, Est.RossiniG.058)

- Portait lithographique de Mozart par Magnier (date d'édition : 1825-1841 / Gallica - BnF)

- Carl Maria Von Weber

- Le 21 mars 1841, Nerval a un accès de "folie" : on le retrouve sur les marches du Palais-Royal en train de promener son animal. Au bout d'un ruban bleu, ... un homard. Quand on s’étonna de cet animal en laisse, Nerval aurait répondu :  “En quoi un homard est-il plus ridicule qu’un chien, qu’un chat, qu’une gazelle, qu’un lion ou toute autre bête dont on se fait suivre ? J’ai le goût des homards, qui sont tranquille, sérieux, savent les secrets de la mer, n’aboient pas…”. Pensionnaire de la maison de santé du docteur Esprit Blanche, à Passy, Nerval sera découvert pendu aux barreaux de la boutique d'un serrurier (Boudet),  rue de la Vieille Lanterne, le 26 janvier 1855.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LE PIEGE, par Vianney Huguenot

 

   L'histoire notera qu'avril 2022 fut le mois où le piège termina de se refermer sur les défenseurs désinvoltes de la République.

Les médias annoncèrent Marine Le Pen à 47,5% dans un dernier sondage sur les intentions de vote du second tour.

Certains défenseurs désordonnés de la République agitèrent des chiffons rouges ou blancs, « pouce, je ne joue plus », hurlait l'un d'eux. De leur nasse, ils entendirent au loin ricaner Marine Le Pen et ses lieutenants se taper sur le ventre et railler

la panique à bord du clan des défenseurs affolés de la République.

Au cours des derniers jours, on vit certains membres de la dynastie des défenseurs utopistes de la République réveiller

le front républicain et rallumer les trouillomètres.

De leur côté, les défenseurs éclairés de la République préparaient leurs valises.

Puis nous entrâmes dans l'ère Le Pen. Les défenseurs dispersés de la République organisèrent des colloques où ils se querellaient sur les responsables de la défaite et dégustaient un Spritz à la framboise. Quelques défenseurs anonymes de la République proposèrent de ne rien faire, d'autres bâtirent un nouvel institut de sondages inauguré par cette enquête : selon vous, quel est l'élément principal à l'origine de l'élection de Le Pen ? : a/ la météo printanière b/ la réapparition du covid c/ la hausse du prix de l'essence.


Vianney Huguenot est journaliste,  enseignant, formateur. Chroniqueur sur France Bleu Lorraine et France Bleu Alsace, il y anime une émission ("Les rencontres de Vianney Huguenot" ) dans laquelle il nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est. Il anime également " Sur ma route " une émission co-produite par la chaîne de télévision mosellane ViàMoselle TV (anciennement Mirabelle TV) et la TV locale ViaVosges au cours de laquelle, à travers les souvenirs d’enfance et le regard de personnalités, il donne à voir la région Grand Est et nous fait partager son sentiment géographique. Collaborateur de plusieurs journaux, magazines et revues, Vianney Huguenot est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, entre autres : « Les Vosges comme je les aime » (Vents d'Est 2015), « Jules Ferry, un amoureux de la République » (Vents d'Est 2014), « Jack Lang, dernière campagne. Éloge de la politique joyeuse » (Editions de l'aube 2013), « Les Vosges par le cul de la bouteille » (Est livres 2011, préfaces de Philippe Claudel et Claude Vanony).

Vianney Huguenot co-anime la rubrique Tutti Frutti du PRé.

Dernier article PRé :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/02/07/les-figures-imposees-de-la-campagne-presidentielle-par-vianney-huguenot/

 

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SUR L'HERBE, par Paul Verlaine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy Adès nous fait le plaisir aujourd'hui de nous faire partager son amour également de la musique en nous postant un poème de Verlaine mis en musique par Ravel, juste avant de faire son bagage pour une escapade à Vienne, afin d'assister ce week-end à un concert donné par leur fils Thomas qui y dirige son concerto pour piano Totentanz dans la Musikvereinssaal, lieu sacré que Timothy a fréquenté, nous précise-t-il,  il y a 60 ans !


"Sur l'Herbe", illustration de Georges Barbier, 1928

 

 

   ‘Sur l’herbe’ est un poème de VERLAINE extrait de de son second recueil Fêtes Galantes (1869) après Poèmes saturniens.  Ce recueil nous fait penser aux peintres du 18e siècle, et plus particulièrement à Antoine Watteau et certains des 22 poèmes ressemblent à une transposition littéraire des peintures de ce dernier.

‘Sur l’herbe’ a été interprété et enregistré par deux chanteurs superbes : mes amis Julia Kogan et François Le Roux, sur une partition de Maurice Ravel. La mélodie, composée en 1907, fut exécutée la première fois à Paris, dans la salle de la Société française de photographie, le 6 juin 1907, et alors interprétée par Jane Bathori (soprano) avec, au piano, Ravel lui-même.

 

 

François Le Roux l’a inclus 1984 dans son album vinyle de Ravel, y suivant l'illustre baryton Gérard Souzay lui-même dont il est reconnu comme le maître successeur. Écoutez-les !

Mes paroles anglaises sont aptes à être chantées  sur cette musique.

 

Julia Kogan :

https://juliakogan.com/recordings trouver-le sous ‘In Jest: Comic Art Songs’

Gérard Souzay :

https://www.youtube.com/watch?v=sSeJtcJ-uOA

 

 

Sur l’herbe    

 

L'abbé divague. — Et toi, marquis

Tu mets de travers ta perruque.

— Ce vieux vin de Chypre est exquis

Moins, Camargo, que votre nuque.

 

— Ma flamme... — Do, mi, sol, la, si.

— L'abbé, ta noirceur se dévoile.

— Que je meure, mesdames, si

Je ne vous décroche une étoile

 

— Je voudrais être petit chien !

— Embrassons nos bergères, l'une

Après l'autre. — Messieurs ! eh bien ?

— Do, mi, sol. — Hé ! bonsoir, la Lune !

 

 

On the Grass

 

The Dean talks rot. - And, Duke, old boy,

Your wig has slipped a long way over.

- This vintage Cyprus wine’s a joy,

More so your lovely neck, Pavlova.

 

- My darling !... - Doh, mi, so, la, ti.

- Dear Dean, we all know you are bestial.

- I swear, dear ladies, faithfully

To bring you golden fire celestial.

 

- I’d like to be a little pup.

- Let’s kiss our milkmaids very soon,

All in a row. - What, chaps? Shape up !

- Doh, mi, so. - Hey, good evening, moon !

 

 Copyright © Timothy Adès

 


- Portrait de Paul Verlaine (âgé de 23 ans), 1867, huile sur toile (57, 2 x 41, 1 cm – 22 1/2 x 16) par Frédéric Bazille,

signé, dédicacé et daté en bas à gauche :« À mon ami le poète Paul Verlaine »

- Fêtes galantes de Verlaine (Ed Alphonse Lemerre, 1869), BnF, département Réserve des livres rares.

- Fêtes galantes de Verlaine, avec 69 compositions d'Auguste Gérardin gravées sur bois par F. Noël, L. P., C. Le Boulenger (

(Paris, Société artistique du livre illustré, 1899)

- "Sur l'Herbe" illustré par Girardin, extrait de l'édition de 1899 ( Société artistique du livre illustré)

Fêtes galantes, illustrations de George Barbier (Paris, Ed H. Piazza,1928),  BnF, département Réserve des livres rares

- Portrait de Verlaine, 1895, eau forte d'Anders Zorn (1860-1920) graveur suédois, BnF

- Album vinyle Verlaine / mélodies françaises, par François le roux (baryton) Erik berchot (piano), REM, 1984

- Maurice Ravel


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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BERBERIS VULGARIS, par Jean-Claude Ribaut, chroniqueur gastronomique

 

   On ne trouve guère les feuilles, les baies ou les racines d’épine-vinette (Berberis vulgaris) sur les marchés, car l’industrie pharmaceutique monte la garde. Cet arbuste serait, dit-on, l’hôte d’un redoutable champignon pathogène des céréales : la rouille noire du blé.

 

Ce n’est pas du tout l’avis des médecines chinoise ou ayurvédique, qui utilisent depuis belle lurette la « berbérine », aux alcaloïdes puissants, pour ses propriétés antibactériennes.

 

Dans l’Égypte ancienne, macérée avec des graines de fenouil, l’épine-vinette faisait baisser la fièvre. Mais surtout – découverte récente – cette plante agit très efficacement sur la glycémie, responsable du diabète de type 2. De 425 millions aujourd’hui sur la planète, les diabétiques passeraient, selon l’OMS, à 622 millions d’ici 2040. Une mine d’or qui explique la réticence des labos.

 

 

Dessin de Declozeaux / Remerciements à Siné Mensuel

 

Mais l’épine-vinette a plus d’un tour dans son sac. Ses épines saillantes rendent infranchissables les haies et les halliers plantés de cet arbuste. La bourgeoisie pavillonnaire, reconnaissante, accueille l’épine-vinette dans ses recettes : les jeunes pousses, acidulées, sont préparées comme l’oseille, les baies encore vertes se confisent au vinaigre à la façon des câpres et les remplacent comme condiment. Avec les sucs des baies à maturité, on prépare des gelées et des sirops rafraîchissants. Mêlées à du sucre, les baies fermentent jusqu’à donner un vin d’un rouge éclatant qui peut faire illusion.

 

À moins d’être soi-même botaniste et coureur des bois, on trouve l’épine-vinette chez les pépiniéristes, chez les herboristes comme complément alimentaire sous son nom arabe, « berberis », et aussi sur Internet, sous forme de baies déshydratées, de sirops ou de décoctions.

 


Jean-Claude Ribaut, architecte, écrivain, chroniqueur gastronomique.

Collaborateur à LaRevue : pour l'intelligence du monde, SINE Mensuel, Dandy magazine, Tentation (trimestriel), Plaisirs (magazine suisse bimestriel), Le Monde de l'épicerie fine, Le Monde des grands Cafés, le Petit journal des Toques blanches lyonnaises, Atabula (plateforme d’information et d’opinion numérique sur la gastronomie en France et à l’étranger), Chroniques d'architecture, etc. Après avoir officié au journal Le MONDE pendant 25 ans (1989-2012), et avoir fait ses premières armes journalistiques dans COMBAT.

Membre fondateur de la Mission Française du Patrimoine et des Cultures Alimentaires (M.F.P.C.A – Le Repas gastronomique des Français) depuis 2007; membre fondateur de La Liste depuis 2015.
Ancien chroniqueur au Moniteur des Travaux Publics (1979-1995), Régal, Thuriès, Guides Gallimard des Restaurants de Paris (1995).

 

Dernier ouvrage paru : "Voyage d'un gourmet à Paris" (Calmann-Lévy, 2014). Prix Jean Carmet 2015.

Jean-Claude Ribaut est membre du conseil scientifique du PRé et co-anime la rubrique "Tutti Frutti".

 

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PARADE & DEPART, par Arthur Rimbaud / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy Adès nous fait l'honneur de nous offrir un morceau d'une grande oeuvre qu'il a entreprise : la traduction de tous les textes des Illuminations que le compositeur anglais Benjamin Britten * a choisis pour les "illuminer" de sa musique.

Il nous en donne à lire un petit peu, et c'est sur la page du PRé. MERCI à lui !

 

* Britten est le fondateur du Festival de musique et des arts d'Aldeburgh (1948) dont Thomas Adès, fils de Timothy et Dawn Adès, fut le directeur artistique ( de 1999 à 2008)


Par Fernand Léger, 1948

Les Illuminations de RIMBAUD, écrites entre 1873 et 1875 ) à la faveur de voyages en Belgique, Angleterre et Allemagne, ont inspiré le compositeur anglais Benjamin BRITTEN (né 20 ans après la mort de RIMBAUD) qui en a fait une pièce pour voix et orchestre à partir des poèmes en prose extraits du recueil éponyme, un cycle de dix mélodies en neuf parties pour voix aiguë (ténor ou soprano) composées en 1939, début 1940. BRITTEN a 25 ans et commence à composer à Londres puis à Amityville, et la pièce sera créée au Aeolian Hall de Londres le 30 janvier 1940 par le Boyd Neel Orchestra avec Sophie Wyss (soprano) au chant.

 

Pour la brillante soprano Julia KOGAN (née à Kharkiv), j’ai créé un texte anglais apte pour la musique. Voici la fin du cycle, que l’on chante en français : le jour du texte anglais est proche, je l’espère.

T. A

 

 

Léo Vermot Desroches (ténor), Yun-Ho Chen (piano) : extrait de la captation du concert de fin de masterclass de la promotion Ravel de l'Académie Jaroussky, le 26 juin 2020 à la Seine Musicale : https://www.youtube.com/watch?v=PIMu6uqTMC8

 

Ian Bostridge (ténor) à Amsterdam, fragment, les 12-13 déc 2013 :  https://www.youtube.com/watch?v=_gElz0ZPTKs

 

Roxana Constantinescu : https://youtu.be/UQgdaScgBmI?t=3

 

Sofie Asplund : https://youtu.be/0lFDIuwkFSg?t=1

 

 

8. Parade

 

   Des drôles très solides. Plusieurs ont exploité vos mondes. Sans besoins, et peu

pressés de mettre en œuvre leurs brillantes facultés et leur expérience de vos

consciences. Quels hommes mûrs! Des yeux hébétés à la façon de la nuit d'été, rouges

et noirs, tricolorés, d'acier piqué d'étoiles d'or; des facies déformés, plombés, blêmis,

incendiés; des enrouements folâtres! La démarche cruelle des oripeaux! - Il y a

quelques jeunes …

 

O le plus violent Paradis de la grimace enragée! … Chinois, Hottentots,

Bohémiens, niais, hyènes, Molochs, vieilles démences, démons sinistres, ils mêlent

leurs tours populaires, maternels, avec les poses et les tendresses bestiales. Ils

interpréteraient des pièces nouvelles et des chansons "bonnes filles". Maîtres jongleurs,

ils transforment le lieu et les personnes et usent de la comédie magnétique. …

 

   J'ai seul la clef de cette parade sauvage.

 

8. Parade

 

   Some very sturdy rascals. Your worlds are theirs to be exploited. Not in want, and

never hurrying to set their brilliant faculties in train, and their experiences of your

understanding. Well-ripened men! Well-ripened men !

 

Their eyes dull and dim, in the manner of a summer night, scarlet and black, three-

coloured too, steel bespangled with stars of gold; the countenance deformed, death-

pale, the leaden, the burned; the croaking sounds of grotesque fools; and the cruel

procession of tawdry rags! And some of them are young ones !

 

O the savage, insane paradise, facial contortions of rage! Chinese, Hottentots,

Romanies; halfwits, hyenas, Molochs; primitive frenzies, sinister demons; they blend

their maternal and ordinary tricks with the caresses and the acts of brutish beasts. They

might interpret their theatrical novelties and their “songs for nice young ladies”.

Masters of tricks, crafty fakers of places and of persons, they make use of illusion,

mesmeric technique.

 

   I hold the key / to all this untamed / parade!

 

 Copyright © Timothy Adès

 

9. Départ

Assez vu. La vision s'est rencontrée à tous les airs.

Assez eu. Rumeurs des villes, le soir, et au soleil, et toujours.

Assez connu. Les arrêts de la vie. - O rumeurs et Visions !

Départ dans l'affection et le bruit neufs !

 

9. Departing

 

Enough seen. For the dream was encountered on every breeze.

Enough won. Echoes of cities at dusk, and in the sun, and always.

And enough known. The suspensions of life. O you Echoes and you Dreams !

Departing in new love, and sound unknown.

 

Copyright © Timothy Adès

 

 

- Portrait de Rimbaud, 1949, d'après une photo d'Etienne Carjat (1828-1906) par Valentine Hugo (1887-1968), épouse du peintre Jean Hugo, arrière petit-fils de Victor Hugo

- Les Illuminations de RIMBAUD, préface de Paul VERLAINE (Paris, Publications de la Vogue, 1886)

- Manuscrit de Parade

- Manuscrit de Départ

- Portrait de Rimbaud, "Coin de table" par Fantin-Latour, 1872 (©RMN-Grand Palais - Musée d'Orsay / Hervé Lewandowski/DR)

- Julia Kogan

- Benjamin Britten


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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LETTRE D'AMOUR, par Maurice Donnay / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy Adès a déniché pour nous un poème de Maurice DONNAY, ami du pataphysicien et pré-oulipien le « Tueur à gags » Alphonse Allais avec qui il débuta au cabaret montmartrois Le Chat noir (fondé en 1881), haut-lieu de divertissements et de l'avant-garde artistique, fréquenté par les chansonniers, les poètes, les amoureux des mots, les buveurs d'absinthe et les professionnels de la blague. Maurice Donnay y eut son heure de gloire et connu ensuite une longue carrière de dramaturge avec à son actif une œuvre importante et brillante. Si certaines de ses pièces purent être cataloguées un peu trop rapidement comme étant de « Boulevard », c'est méconnaître que la plupart, aussi légères et charmeuses soient-elles, sont souvent empreintes d’idées plutôt progressistes, assez inédites, s’agissant notamment des rapports hommes-femmes. Sans compter qu'elles constituent un témoignage précieux sur les sensibilités et les mœurs de l'époque des deux avant-guerre. Le dictionnaire (remarquable) "Le Maitron" signale que deux d’entre elles eurent une « portée sociale » : « La Clairière, 1900, et Oiseaux de passage, 1904. Dans la première, des utopistes essaient vainement de réaliser leur rêve de fraternité et de liberté ; dans la seconde, on trouve, à côté d’une étude des révolutionnaires russes, l’analyse des causes qui engendrent le mal social ».

Nous ne remercierons jamais assez Timothy Adès de nous faire découvrir - ou redécouvrir - ces poètes dont les mots entrent souvent en correspondance avec notre quête d’harmonie, de plaisir et d’amour, de vérité et de liberté. Et de questionnements. Tout cela en nous offrant en prime à chaque fois sa version anglaise. Et merci à lui de convoquer une nouvelle fois la merveilleuse artiste lyrique Julia Kogan, qui chante cette « Lettre d’Amour » et nous donne envie d'aller voir de plus près la production poétique de Donnay qui reste à découvrir.


 

   La carrière littéraire de Maurice DONNAY (1859-1945) est frappante. D’abord, il fait du cabaret au Chat noir : à la fin, il est membre de l’Académie française.

Il délaisse la voie tracée par sa formation d'ingénieur de l'Ecole Centrale pour bifurquer vers les "boîtes à chansons" de Montmartre et les petits théâtres. Il compose des chansons parodiques, des livrets musicaux et divers volumes de souvenirs tels Autour du Chat noir (1926), Mes débuts à Paris (1937).

C’est un homme surtout du théâtre - qui se fait connaître de la critique avec sa première pièce : une adaptation de Lysistrata (1893) d'Aristophane, et qui remporte un grand succès avec Amants  qui marque sa carrière d'auteur dramaturge - plutôt que de poésie.

 

Maurice Donnay jeune

 

De sa production poétique, je ne connais seulement que ce beau poème pour lequel Isabelle Aboulker a composé une musique, et que chante, en français comme en anglais, la très douée et très talentueuse Julia Kogan, native de...Kharkiv.

 

 

 

Julia Kogan et Isabelle Aboulker

 

Lettre d’Amour

 

Vous avez des yeux gris-bleu-verts,

Vous avez des lèvres vieux rose,

Les aubes pâles des hivers

Ont donné leur blondeur morose

 

A vos cheveux fins et soyeux ;

Vos longs cheveux dont l'onde lisse

Baigne votre cou gracieux

Et sur sa blancheur de lys glisse.

 

Dans votre chambre où le soleil

Tamisé par les vitraux mauve,

Fait pour votre demi-sommeil

Comme une demi-nuit d'alcôve,

 

S'évaporent des résédas,

Des anémones, des fleurs douces,

Et qui semblent sentir tout bas

Pour vous éviter des secousses.

 

Pour chanter vos yeux gris-bleu-verts,

Pour chanter vos lèvres vieux rose,

Vos poètes vous font des vers

Qui ressemblent à de la prose.

 

 

 Lettre d'amour  chantée en français par Julia Kogan, accompagnée au piano par Isabelle Aboulker (in " Mélodies - Songs " ) : https://youtu.be/aRyYELkUhKA

 

Love-Letter

 

Your eyes are eyes of green-grey-blue,

your lips are lips of ancient rose :

pale winter dawns have given you

their tint of honey-blond morose,

 

where your fine silken tresses lave

your throat of purest lily-white,

and glide, a long luxurious wave,

across your sleek neck, my delight.

 

Your chamber veils with panes of mauve

the sun, to soothe your drowsy trances :

milder than lilac your alcove,

recess lit low for dusk’s advances.

 

Anemone and mignonette

commit their fragrance to the air,

the sweetest exhalation, set

to cosset you with tender care.

 

To sing your eyes of green-grey-blue,

to sing your lips of ancient rose,

your poets all devise for you

verses that have the air of prose.

 

Copyright © Timothy Adès

Lettre d'amour chantée en anglais par Julia Kogan : https://www.youtube.com/watch?v=Ej3mKymRqGg

 


NOTES illustrations :

- Portrait photographique de Maurice Donnay, prise entre 1885 et 1895, par Paul Cardon (dit Dornac ou Paul Marsan) (Paris, Musée Carnavalet)

- Lysistrata, par Maurice Donnay (Paris, Paul Ollendorff éditeur, 1897), source Gallica, BnF (département Littérature et art, 8-YTH-27676)

- Caricature de Maurice Donnay par Sem, 1907 (mensuel "Je sais tout")

- Livret des pièces de théâtre Amants suivi de La Douloureuse , Maurice Donnay, illustrations d'après les dessins de Maxime Dethomas(Paris Modern Théâtre, Fayard, 1911)

- Autour du Chat noir, Maurice Donnay (Grasset, 1926)

- Poèmes, Maurice Donnay, croquis à l'eau-forte par Léonnec (Paris, Cent Centraux Bibliophiles, s.d. 1927)

- Autour du Chat noir, par Maurice Donnay ("Les Cahiers rouges", Grasset, 2017)


Jubilé de Maurice Donnay | INA

Journal France Actualités - 23.10.1942 - 01:19 - vidéo

ina.fr/ina-eclaire-actu/video/afe85001118

 

Titre à l'image " LA VIE THEATRALE "A Paris, la Comédie Française fête les 83 ans de Maurice DONNAY en reprenant une de ses pièces "L'autre danger" jouée pour la 1ère fois


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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UN DEUIL, par Émile Verhaeren / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Retour sur ce « Walt Whitman européen » francophone à la haute conscience sociale, sympathisant socialiste, que fut Émile Verhaeren (Sint-Amands, 21 mai 1855 – Rouen, 27 novembre 1916), avec un autre de ses poèmes, après les deux premiers dont nous avait gratifiés Timothy Adès  en 2021 (Les Rois et Les Nouveaux aéroplanes). La Première Guerre mondiale constitua un choc pour Verhaeren comme pour la plupart de ses contemporains. Un choc d'autant plus inouï que la neutralité de la Belgique ne l'a alors protégée contre rien.  Un choc idéologique aussi qui vit se déployer la première grande guerre de propagande où tout le monde était sommé de choisir son camp. Verhaeren a cru que l'IS (l’Inter­nationale socialiste) pourrait stopper l’escalade militaire. Il déchanta rapidement après l’assassinat de Jean Jaurès, le 31 juillet 1914, et le vote des socialistes allemands du SPD , le 4 août suivant, en faveur des crédits de guerre. Cette réalité brutale devait changer la vision du monde de Verhaeren, obligé de se replier sur le seul patriotisme, dans lequel il se retrouvera un moment encagé, et qui le coupera de ses amis de l'autre côté du Rhin, à commencer de Stefan Zweig. Ou encore, côté français, de Romain Rolland.

"Nous vivions un de ces moments d’histoire où l’on sent comme une âme nouvelle naître et tout à coup grandir. On fait partie de la multitude ; on la sent penser et vouloir à travers soi. L’individu s’abolit et la collectivité s’affirme en chacun de nous. Un même cri sortit des lèvres de mon ami et des miennes. Tous les deux nous nous dîmes : « À cet instant, la Belgique une et indivisible naît ", dira Verhaeren de ces effroyables moments aoûtiens, ne cachant rien de ce qui fut son tourment mental.

Hier la Belgique, aujourd'hui l'Ukraine. Concordances des temps ? Les affres de la guerre nous étreignent de nouveau.

Toute ressemblance avec, etc.


 

   ‘ Un Deuil ’ : voici un nouveau poème * d’Émile VERHAEREN, grand Belge, grand européen, qui voit ses rêves s'effondrer avec la guerre. Celui-ci est extrait du recueil Les ailes rouges de la guerre qui constitue un cri d’indignation morale et une condamnation de l’esprit belliqueux. En 1916, son pays est envahi par un grand pays voisin. En novembre de la même année, le 27 novembre, le grand poète fait une conférence à Rouen pour y donner une conférence lors de l’ouverture de l’exposition franco-belge au Musée des Beaux-Arts : il meurt  brutalement, en gare de Rouen, happé par un train, après avoir été bousculé par une foule massée sur le quai.

 

 

 

Emile Verhaeren Museum (Sint-Amands, Belgique)

 

 

 

J’ai présenté ma version anglaise à New College, Oxford (‘New’ comme le Pont Neuf). Les noms de tous les morts du Collège y sont inscrits, de tous les pays. Soirée poétique des plus émouvantes.

… Cependant que pour nous la crise climatique ne cesse d'empirer…

 

 

 

 

Verhaeren en 1888

 

UN DEUIL

 

Elle eut trois fils ; tous trois sont tombés à Boncelle.

Le soir se fait. J’entends parler sa tendre voix.

Un trop rouge soleil joue encor dans les bois,

Mais la douceur de l’ombre est flottante autour d’elle.

 

Bien que toute heure, hélas ! lui soit une heure triste ;

Elle ne prétend pas renoncer au malheur

Dont est lasse sa chair, mais dont est fier son cœur

Et dont la clarté belle, en ses larmes, persiste.

 

Et je la vois là-bas qui de sa lente main

Cueille, pour ses trois morts, trois fleurs dans le chemin

Et mon âme s’emplit de joie involontaire

À voir marcher ce deuil bienfaisant sur la terre.

 

Émile VERHAEREN – Une vie, une Œuvre : 1855-1916 (France Culture, 1988): https://img.youtube.com/vi/Nn_QxPZVNBw/0.jpg

 

 

MOURNING

 

She had three sons. Boncelles undid them all.

I hear her soft voice speak, as shadows fall.

Long the red sunset in the woods has played,

But round her floats the mildness of the shade.

 

Though all her hours are hours of wretchedness,

She guards, for all her flesh’s weariness,

A heart that treasures up this tragedy,

And tears that shine with its nobility.

 

I see her slowly plucking in the lane

Three flowers for her three dear fallen men:

My soul rejoices, as it surely would,

To see this grief go forth, a force for good.

 

 Copyright © Timothy Adès

 

Published in Agenda Poetry magazine ‘1914’ in 2014

and online in Poetry Atlas.

Me


- Stefan Zweig entre Verhaeren et son épouse Marthe au Caillou-qui-Bique, son lieu de villégiature

- La Lecture par Émile Verhaeren, 1903, Huile sur toile (181 cm x 241 cm) par Théo van Rysselberghe

- Les Ailes rouges de la guerre, recueil de 34 poèmes d'Émile Verhaeren publié à Paris en 1916, Mercvure de France (source : BnF, département Littérature et art), dédié à Maurice Maeterlinck (" Fraternellement")

- Émile Verhaeren sur timbre poste français (1963); René Cottet (graveur) et Clément Serveau (dessinateur)

- Émile Verhaeren et le roi Albert Ier à La Panne, début août 1915

- Émile Verhaeren sur timbre poste belge (2016)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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COMPLAINTE DE FANTOMAS, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

« Fantômas, c’est l’Enéide des temps modernes » déclare Blaise Cendrars, tandis que pour Guillaume Apollinaire « Fantômas est, au point de vue imaginatif, une des œuvres les plus riches qui existent ».  C'est devenu un mythe populaire et tout au long de la première moitié du siècle, les louanges se multiplient jusque chez les surréalistes qui voient dans Fantômas un symbole de renouveau de la matière poétique.


 

 

   Voici trois strophes de la Complainte de Fantômas de Robert DESNOS: il y en a vingt-six. J’en ai fait des récits aux belles fêtes surréalistes chez le mécène Edward James qui aurait conçu, lui, le fameux téléphone-homard de Dalí.

La complainte entière se trouve ici : https://www.timothyades.com/robert-desnos-1900-45-ballad-of-fantomas/ - ainsi que dans mon grand livre jaune des poésies de Desnos. Elle est publiée dans le recueil ‘Fortunes’ (1942).

 

Desnos en avait fait en 1933 une ‘superproduction’ en prose pour la radio (Radio-Paris, Radio-Luxembourg et cinq postes régionaux)  : La Grande Complainte de Fantômas, « suite dramatique en douze tableaux », avec bien des comédiens et d’effets sonores (sous la houlette d'Alejo Carpentier), sur une musique de Kurt Weill, et une production de Paul Deharme ; Antonin Artaud y assure la direction artistique et prête sa voix au "Maître de l'effroi".

 

 

 

Couverture du premier volume de la série Fantômas

(coécrite par Pierre Souvestre et Marcel Allain, éditions Arthème Fayard, 1911)

 

Il s'agissait alors de faire de la publicité pour Si c'était Fantômas ? un « grand roman d'aventures inédites » de Marcel Allain publié en feuilleton dans Le Petit Journal, tout en démontrant que la poésie pouvait être partout, y compris dans les opérations de promotion radiophoniques. Il ne subsiste malheureusement aucune trace à ce jour de cette version originale qui sera reprise en 1960 par la RTF (Radiodifusion Télévision Française) avec, entre autres, Roger Blin, Marcel Bozzuffi, Henri Crémieux, Sylvia Montfort, Henri Virlojeux... Léo Ferré est accompagné à l'orgue de Barbarie par Jean Arnault et la réalisation est d'Albert Riera.

 

 

   Les deux textes, aux strophes et de radio, se trouvent dans Desnos Œuvres, livre magnifique rédigé par Marie-Claire Dumas.

Les livres Fantômas d’origine sont de l'avocat, journaliste et écrivain Pierre Souvestre (1874-1914) et de son secrétaire Marcel Allain (1885-1969) : ils feront basculer le roman français dans l'ère des grands tirages (200 000 exemplaires pour les premiers tomes); leur version cinématographique sera réalisées par Louis Feuillade (1873-1925), l'un des inventeurs du feuilleton au cinéma muet qui porte sur grand écran cinq épisodes de la saga entre 1913 et 1914 - un véritable triomphe - avant de devoir arrêter avec le déclenchement de la Première guerre mondiale.

 

 

 

 

 

 

 

Juve contre Fantômas réalisé par Louis Feuillade, 1913

 

Complainte de Fantômas

 

Écoutez, ... Faites silence

La triste énumération

De tous les forfaits sans nom,

Des tortures, des violences

Toujours impunis, hélas !

Du criminel Fantômas.

 

Lady Beltham, sa maîtresse,

Le vit tuer son mari

Car il les avait surpris

Au milieu de leurs caresses.

Il coula le paquebot

Lancaster au fond des flots.

 

Cent personnes il assassine

Mais Juve aidé de Fandor

Va lui faire subir son sort

Enfin sur la guillotine...

Mais un acteur, très bien grimé,

À sa place est exécuté.


 

 

 

Ballad of Fantomas

 

Your attention, please! Pray silence

For the sad and sorry story,

All the grievous inventory,

Nameless acts of harm and violence,

Every one scot-free, alas!

Of the felon Fantomas.

 

First, his mistress, Lady Beltham,

Saw the day her husband caught them

Making flagrant love together:

On the spot the felon killed him.

Next he sank the good ship Leopard,

Sabotaged, submerged, and scuppered.

 

He commits his hundredth murder.

Juve and his assistant Fandor

Think to see this libertine

Punished by the guillotine.

But an actor’s crayoned face

Fills the basket in his place.

 

 Copyright © Timothy Adès



 Dans son émission "l'Humeur vagabonde" sur Radio France, Kathleen Evin parle en 2007 de l'homme de radio, et plus largement de l'homme d'expérimentations que fut aussi Robert Desnos, ainsi que et de l'émission radiophonique "La clé des songes" (qu'il produit en 1938). C'est la voix de Robert DESNOS que l'on entend :

 

https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/audio/p15152282/robert-desnos-homme-de-radio


- Robert Desnos, Œuvres, Édition de Marie-Claire Dumas (Collection Quarto, Gallimard, 1999)

- Fantômas - Tome 1, de Marcel Allain, Pierre Souvestre ( Collection Bouquins, Robert Laffont, 2013). C'est la première réédition en version intégrale depuis sa publication originale en 1911-1913, en huit volumes rassemblant les trente-deux titres de la série.

- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant, Timothy Adès (Arc Publications, 2017)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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ETRE ANGE C'EST ETRANGE DIT L'ANGE, par Jacques Prévert / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   L’incontournable Jacques PRÉVERT (1900-1977), poète au million de livres vendus ; maître du cinéma ; n’aimait pas l’école, mais beaucoup d’écoles portent son nom, l’une même à Londres.

Ses poésies sont toujours drôles, rarement tristes. Celle-ci est extraite du recueil ‘Fatras’ (1966), tout orné des collages du poète et rassemblant poèmes, récits, extraits des pièces de théâtre, lettres, articles de journal, dictons, citations, scénarios..

Pour la traduire en anglais je me suis trouvé un animal plus convenable que l’âne : la belette. Ayant 79 ans, j’ai vu enfin ma première belette, en Cornouaille. Pas la seule, je l’espère !

 

 

Ici se trouve trois beaux sonnets (en français) de ‘Cochonfucius’, ainsi que sa traduction en anglais de notre poème : http://www.unjourunpoeme.fr/poeme/etre-ange-cest-etrange?fbclid=IwAR09RY2brqEk1iUpB4iYq9sBM2Naa3QDR_ZxIdMc41c0PZJdkTEzKVbIEl8

 

Être Ange c’est Étrange dit l’Ange

 

Être Ange

C’est Étrange

Dit l’Ange

Être Âne

C’est étrâne

Dit l’Âne

Cela ne veut rien dire

Dit l’Ange en haussant les ailes

Pourtant

Si étrange veut dire quelque chose

étrâne est plus étrange qu’étrange

dit l’Âne

Étrange est !

Dit l’Ange en tapant du pied

Étranger vous-même

Dit l’Âne

Et il s’envole.

 

 

Said the Angel, ‘Strange, I’ll say, an angel.’

 

Said the Angel,

‘Strange, I’ll

say, an angel.’

Said the Mule

‘Strmew, I’ll

say, a mule.’

‘That’s nonsense’,

said the Angel, shrugging his wings.

‘Yes but

if Strange makes any sense,

strmew is stranger than strange’

said the Mule.

‘Strange, yeah’

said the Angel, tapping his foot.

‘Stranger yourself  !’

said the Mule

and flew away.

 

 Copyright © Timothy Adès

 


L'âne, par Rosa Bonheur (1822-1899), peintre animalière dont le Labourage nivernais (Musée d'Orsay) est connu dans le monde entier, devenue de nos jours une icône éco-féministe

- Fatras de Jacques Prévert, "avec cinquante-sept images composées par l'auteur" , des collages de Prévert (Gallimard, Collection Le Point du Jour, Gallimard, 1966)

- L’ange combattant par le peintre péruvien Diego Quispé Tito (1611-1681)

 - La belette striée africaine, par Jean-Baptiste Adanson (1732-1803), calligraphe, aquarelliste et dessinateur, consul  de France en Égypte


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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LES REGRETS, par Joachim du Bellay / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy nous fait remonter le temps et nous emmène à l'époque de la Renaissance avec l'auteur humaniste de la première partie du XVIème siècle qu'est Joachim Du Bellay, auteur de l’ouvrage théorique Défense et illustration de la langue française et du fameux Sonnet " Heureux qui, comme Ulysse "...


 

   Joachim DU BELLAY (1522-60) fonde la Pléïade avec Ronsard. Il demeure  - trop longtemps de son point de vue - de 1553 à 1557 à Rome, auprès de son cousin et patron le Cardinal Jean du Bellay, qui y est envoyé comme ambassadeur de France auprès du Pape. Il a 31 ans. Il n’aime pas du tout son séjour qu'il vit comme un exil, il s'y ennuie, plein de nostalgie, rumine les malheurs de sa famille, la fuite de sa jeunesse et de son inspiration. Le désenchantement est total comme nous l’attestent maints sonnets, comme celui-ci par exemple, extrait du Recueil Les Regrets écrit en 1857.

Joachim du Bellay réussira à faire de son expérience romaine une expérience poétique. Les Regrets feront un triomphe à son auteur lorsqu'il seront publiés en 1558, à son retour à Paris.

 

Ce Sonnet N°68 est original avec sa dimension satirique qui s'exerce contre Rome, mais aussi contre ceux qui sont restés en France, comme contre lui même.

Anglais, je ne suis pas mécontent qu’il dise non pas ‘La perfide Albion’, mais ‘le traistre bourguignon’ (sic !)

C’est bien qu’après toutes ces injures, il se critique lui-même.

 

Les Regrets, n° 68.

 

Je hay du Florentin l’usurière avarice,

Je hay du fol Sienois le sens mal arresté,

Je hay du Genevois la rare vérité,

Et du Venetien la trop caute malice.

Je hay le Ferrarois pour je ne sçay quel vice,

Je hay tous les Lombards pour l’infidélité,

Le fier Napolitain pour sa grand’ vanité,

Et le poltron Romain pour son peu d’exercice.

Je hay l’Anglois mutin, et le brave Escossois,

Le traistre Bourguignon, et l’indiscret François,

Le superbe Espaignol, et l’yvrongne Thudesque:

Bref, je hay quelque vice en chasque nation,

Je hay moymesme encor mon imperfection,

Mais je hay par sur tout un sçavoir pedantesque.

 

 

‘All nations have some fault.’

 

I hate the Florentines’ usurious greed,

Siena’s galloping insanity,

the Genoese disingenuity,

Venice for malice and the dirty deed;

I hate Ferrara for who knows what vice,

the Lombards’ unreliability;

Napolitano swank and vanity,

the shirking Roman’s lack of exercise;

the cocky Englishman, the plucky Scot,

the Spanish snob and the Teutonic sot,

blundering French, perfidious Burgundy:

All nations have some fault that I abhor;

I hate my own imperfect self still more;

But what I hate the most is pedantry.

 

Copyright © Timothy Adès


- Les Regrets, édition originale (Paris, Fédéric Morel, 1558, in-4°)

- Place Joachim du Bellay, Fontaine des Innocents, Paris 1er arrt

- Statue de Joachim du Bellay tenant son recueil "Les regrets" en Bretagne à Ancenis Saint Géréon. Inaugurée le 2 septembre 1894, le bronze a été coulé à l’Ecole des Arts et Métiers d’Angers. Dans les années soixante, la statue a été érigée près du jardin de l’Eperon face à Liré, village natal du poète, sur la rive gauche du "Loyre Gaulois".

- Les regrets, édition en poche (Flammarion, 2013)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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CONFINEMENT, IDEE N°37, QUEUTEZ EN CHOEUR

par Vianney Huguenot

04-04-2020

 

Je redoute l'heure des courses et des queues.

Certains m'ont dit, et j'en suis encore coi, qu'ils sont en quête de ces assemblées allongées. J'ai cueilli un jour un phénomène du genre. Dans une queue, on pote, on papote, contait ce quidam au quintal franchi sans équivoque. Un autre coutumier de la queue, me prenant par la manche (nom féminin), quinqua qualifié et maître-queux de carrière, m'a raconté qu'il quantifiait ses quotas et combinait ses menus, tout ça dans une queue.

 

Ceci étant, et considérant que chaque échoppe échappe aux heures de bourre, on peut équeuter sans quiproquo son heure de sortie de quarantaine, laquelle est autorisée par le ministre de l'intérieur, dit-on queutard, d'après la rumeur qui l'a fait quinaud quatre fois, je crois. Mais ceci, comme dit le poète, ne nous regarde pas. Quant à moi, je quitte un quart d'instant mon quant-à-soi et vous confie qu'en faisant queue et route vers le haut de la file, je m'enfile quelques songes. Je pense souvent à Dominiques, auquel j'ai collé un s au cul car je pense aux deux, DSQ et l'autre, Dominique nique nique s'en allait tout simplement, routier, pauvre et chantant, alias Sœur Sourire. Dans une queue, je kiffe aussi Bézu, qui me flanque le bourdon, le con. Toi aussi, essaie de fredonner A la queue-leu-leu dans une queue de la Foir'Fouille.

Tu verras, tu seras l'attraction, un objet de fascination de la ménagère poilue de plus de 70 ans, et tu verras, tu verras, la vie c'est fait pour ça, tu verras ta vie de javas, communions, mariages et saint Sylvestre défiler. Si tu n'as pas la foi, reste chez toi éculer les charentaises.


NE PAS SE TROMPER D'EPOQUE !

par Jean-Claude Ribaut

27-03-2020


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Claude Ribaut croqué par Desclozeaux

Paris outragé, Paris brisé, Paris confiné, mais Paris….

On entend ces jours-ci dans la bouche de soi-disant reporters de chaines d'information en continu : « Vidée de ses piétons, Paris est à nouveau comme sous l'Occupation ! » L'un d'eux s'est même hasardé à citer Lucette Almanzor (veuve de Céline, morte l'an passé à 107 ans) pour qui « le visage de Paris n'avait jamais été aussi beau qu'entre 1940 et 1945 » ! Laissons à chacun la responsabilité de commentaires oiseux pour évoquer cette époque, dont la différence majeure avec la nôtre, est que beaucoup de restaurants étaient ouverts entre 1940 et 1945, alors qu'aujourd'hui, ils sont tous fermés.

L'histoire des restaurants sous l'Occupation allemande n'a guère été abordée autrement que par les témoignages accessoires d'écrivains qui tenaient un «journal» ou par quelques mémorialistes : Jean Cocteau fait bombance à Paris, tandis que Léon Werth, réfugié dans le Jura, pourfend ceux qui croient préserver l'essentiel grâce à la politique du pire. Le cuisinier Jean Ducloux (Greuze à Tournus) s'est livré à quelques confidences dans « Une vie passionnée. » Témoin impartial de cette époque, Jean Galtier-Boissière (1891 – 1966), fondateur du Crapouillot et polémiste au Canard Enchainé, a consigné dans « Mon journal pendant l’Occupation » (1944) une série d’observations précieuses, sans fioritures ni souci de littérature – ce qui en fait la valeur – qui sont autant de traits singuliers sur la table de cette époque :

«Un bougnat de la rue des Mathurins qui avait inscrit sur sa boutique «Auvergnat's Geschaft.» La police fait enlever l'enseigne.»

«Je me souviens du Veau d'Or à La Villette. Atmosphère d'avant-guerre, très bruyante. Une seule table de soldats autrichiens. En fin de programme "La Marseillaise». Tous les convives se lèvent sauf les Autrichiens, ahuris.»

«Il y a deux sortes de cartes de pain en vente : les fausses et les volées. Les volées valent plus cher.»

C’est le même Galtier Boissière qui relève le « trait d’humour » de Radio Paris annonçant le Débarquement allié en Normandie, le 6 juin 1944 en paraphrasant Paul Reynaud : « La route du beurre est coupée ! »

Le gouvernement de Vichy règlemente la restauration en quatre catégories, de 18 francs à 50 francs. Le service à la carte étant interdit, les restaurants doivent afficher le menu à partir de 10 heures, ainsi que la valeur des tickets à remettre par le client. Les hors d'œuvres doivent être servis froids ; le poisson est prohibé, comme le beurre et le sucre, ainsi que les salades contenant des œufs. Tous les fruits et les plats doivent être invisibles de l'extérieur. Inutile de préciser que cette réglementation n'a jamais été  appliquée. Georges Navel, propriétaire du restaurant Les Plats Mijotés, 26, rue Gramont 9ème, n'admettait dans son établissement que des visages connus ou recommandés par des clients qu'il tenait pour sûrs. Le prix réel était établi sur le principe de la double addition, une pour le fisc, une pour le client.

A côté des «Rescos» (cantines communautaires), les restaurants de luxe pouvaient, à la suite d'un accord de Vichy avec l'occupant (été 1941),  «ménager pour certains motifs spéciaux la possibilité d'une plus grande latitude de présentation ainsi que pour faciliter la préservation de quantités appréciées de la cuisine française.» Les bénéficiaires de ce passe-droit étaient notamment le Carlton, Drouant-Gaillon, Lapérouse où Jean Luchaire et Georges Prade accueillaient intellectuels et collaborateurs. Maxim's  «protégé» par l'Autrichien Otto Horcher – personnage fascinant -  reçut la visite du Maréchal Göring, dont une partie des pillages a été retrouvée dans une cave de Cricova en Moldavie. Au Coq Hardy et au Fouquet's se retrouvait le monde du cinéma, ainsi qu'à La Tour d'Argent, où depuis la fin du 19e siècle, on dégustait le canard au sang. Chaque pièce était numérotée, et une contremarque offerte au client dont le nom était consigné dans un registre. Le prince de Galles - futur Edouard VII - dégusta en 1890 le canard numéro 328. En 1900, le canard n° 6 043 fut servi au grand-duc Wladimir de Russie.

A la veille de la guerre de 1939-1945, les listes se firent discrètes. Entre le canard n° 147.844 dégusté par le duc de Windsor en 1938 et celui (matricule 185.397)  dévolu, dix ans plus tard à la princesse Elisabeth, les archives sont muettes. Connaîtra-t-on jamais les bénéficiaires des 37.513 « canards inconnus » des années de guerre ?  Dietrich Von Choltitz, gouverneur du Gross Paris, qui refusa, semble-t-il, en 1944 de faire sauter les ponts malgré l’ordre d’Hitler, est revenu à la Tour d’Argent en 1956.

Civilisation du Marché Noir ? Ce mode économique d'échange qui privilégie les possédants, les affairistes et les récupérateurs de métaux non ferreux, fut le conservatoire de la gastronomie française, quatre années durant de 1940 à 1944 : elle  ne désarma pas devant l'ennemi. On ne connait guère faillite de restaurant à cette époque. Les chefs brillent par leur talent  comme le danseur, le peintre, le cinéaste. Continuer son art durant l'adversité, telle fut leur devise. Quelques-uns cependant connurent les geôles où apprécier la nourriture carcérale, dans une relative indifférence de la profession.

La critique gastronomique officielle – Curnonsky, Edouard de Pomiane – tout en admettant que «le drapeau noir flotte sur la marmite», publie des recueils de recettes pour temps de disette assez dérisoires comme un discours de dame d'œuvres s'adressant aux populations méritantes, discours d'hygiéniste voulant réformer les habitudes exécrables des classes laborieuses. Eduquer, diriger, réformer le peuple est une obsession rousseauiste de ce temps de pénurie.

Responsables les restaurateurs dans un temps de malheur? Ils participent de l'œuvre au noir qu'est l'Histoire. Aussi depuis Carême les représente-t-on agités devant un brasier le visage barbouillé du noir de fumée, comme des alchimistes au travail. Les chefs dans le travail de cuisine ne font que humer l'air du temps. Une recette, c'est comme un chapeau, un Schako, c'est daté. Les courants d'air de l'histoire vident ou remplissent les salles illuminées, brillantes de cristaux, de beaux Houzards,  d'Occupants, qu'ils soient tudesques ou bien miliciens. C'est le temps d'une impassible fête qui continue, au Palais-Royal, ou bien ailleurs dans les beaux quartiers de Paris, malgré les disparitions silencieuses derrière le miroir, de bannis, de résistants, d'étrangers. L'enjeu apparent, c'est la fête, ses méandres, ses volutes, ses surtouts de table en vermeil. En réalité, ce qui se joue, c'est le drame, et le manque. Une portière claque sur une traction-avant de la police, un agent à pèlerine, un autobus pour Drancy, c'est fini.

Alors pourquoi et comment peut-on s'intéresser au banquet de Sardanapale de la gastronomie à cette époque ? S'approcher de ces personnages, de cette comédie agitée du feu des aliments, de l'argent, pour  faire mieux  saillir sa radicale différence est sans doute un jeu de dupe. Le cuisinier de ce temps ne l'est pas. Il est au centre de l'échange essentiel de l'avoir, de l'argent, de la réplétion et du manque. Bombance signifie exclusion, c'est dans l'air du temps; le rejet radical des pauvres qui n'ont plus que leurs yeux pour pleurer derrière la vitrine du Grand Restaurant, illuminée a giorno et brillante de cristaux, selon l'image de Baudelaire.

Les cuisiniers maintenaient leur art. Un peu indifférents, peut-être. Car qu'est-ce que l'enfance d'un chef de cuisine? Cela commence à la pluche des pommes de terre aux «Chantiers de jeunesse» pour toute une génération qui sera aux commandes de brigades dans l'après-guerre et jusqu'à nos jours pour les vétérans tels Paul Bocuse.

Jean Ducloux (chef de Greuze à Tournus), dans «Une vie passionnée» a consigné ses souvenirs : L'Occupation vue des cuisines c'est le train-train des recettes quotidiennes.

«Je ne devins qu'un pseudo-soldat, puisque je fus dirigé sur les chantiers de jeunesse. Etre à la cuisine ne procurait pas de gros avantages, hormis cent grammes de pain supplémentaires et un canon de plus...»

Le client d'alors, c'est Alain Laubreaux, auteur de "L'Amateur de Cuisine" chez Denoël et Steele, journaliste à Je Suis Partout. De par son engagement politique, qui date de l'avant-guerre, c'est le vrai    «Convive de Pierre» de toutes ces fêtes, incarné par Gérard Depardieu dans le Dernier Métro, le chef d'œuvre de François Truffaut.

«De Mars à Janv. 41, nous n'avons pas eu une seule pomme de terre. Notre ordinaire était fait de rutabagas, topinambours, choux et fèves. Un régime pareil ferait fureur aujourd'hui.» (Sic)

«On ne parlait pas encore de maquis. Le pays était partagé en deux zones et la gare de Tournus était frontalière. Pendant cette "perm", je vis emmener par les gendarmes un vieil ami de mes parents qui était juif. J'eus du mal à comprendre.»

Galettes, pommes duchesse, pommes au lard, ragoût de pommes de terre, salades «couvre-feu», rigolades, jours de congé, petites amies en semelles de bois compensé. On bâfre aux arrière-cuisines, où l'on voit passer les ombres et les inspecteurs du ravitaillement, les «gentils gendarmes» entre deux rafles, fournisseurs chafouins à grosses lessiveuses pleines de billets.

L'époque est propice aux produits de substitution. Ersatz est d'ailleurs un mot d'origine allemande. Les ingrédients sont parfois pittoresques : café de malt, de glands ; thé au rhum, ratafia ;  cancoillotte, à base de metton franc-comtois, seul «fromage» de vache autorisé ; pâtisserie sans farine, lait «mouillé», saccharine...vin de cosses de pois, salade de pousses de chardons râpés, mayonnaise sans œufs...On fume de l'armoise, du tilleul, du topinambour. Le menu du dernier diner du Maréchal Pétain en route pour Sigmaringen chez Alexandre Dumaine à Saulieu (auquel succéda Bernard Loiseau), le 20 août 1944, est frugal : potage aux légumes du pays, omelette aux champignons soufflée, grosses pommes de terre croquettes, salade paysanne, fromage à la crème, fruits du verger.

Vouloir comme le "Passe Muraille" de Marcel Aymé pénétrer le cercle brillant de la fête, c'est se risquer au hasard sanglant de l'Histoire ripailleuse, bruyante, pléthorique, qui, du fait même de son existence centrale sur la scène sociale, rejette, il va de soi, dans l'ombre, les pauvres, les misérables, et les hors-venus.. Il n'y a pas d'innocent à ce jeu, où l'argent, l'abondance, la réussite côtoient la faillite, la prison, le cul de basse-fosse. Le corrupteur corrompt, les viandes mûrissent, les vins vieillissent, l'argent sale se transforme en un brillant banquet pour le plaisir des puissants, la bonne vie.

Le véritable pouvoir de cette époque est la rage possédante et d'exclusion que partagent nantis, nervis, exécutants, sous-fifres, sous les yeux écarquillés des pauvres abasourdis qui admirent le spectacle dans la boue glacée sur le boulevard. Le vrai gastronome joue de l'avoir et devant le dépossédé, il sait, il connaît, il mange, il consomme. Il sort le vrai denier, le louis d'or tintinnabulant sur la table. La fête bat son plein à la Coupole,  à la Tour d'Argent, chez Maxim's. Les anecdotes pittoresques ne manquent pas : Louis Vaudable, propriétaire du Maxim's, qui s'était rendu à Fresnes, fin 1944, pour chercher Albert,  son ancien maître d'hôtel emprisonné pour un délit de marché noir, s'étonne de ne pas le voir sortir avec la douzaine de libérés du jour. Il attend. Albert apparaît enfin. «- Voyons Albert, que faisiez-vous ? - Monsieur, les clients d'abord» lui répondit celui qui a laissé son nom à une fameuse recette de sole au vermouth.

Jean-Claude Ribaut, architecte, écrivain, chroniqueur gastronomique en chômage partiel...


MAINTENANT MAINTENANT MAINTEN

Notes de confinement #2

 

par Jimmie Durham

21-03-2020

 

Tôt ce matin
(S’il vous plaît n'imaginez pas que la référence est le moment où vous lisez à ce sujet ;
C’est-à-dire, ne lisez pas la phrase littéralement mais à la place, peut-être poétiquement ;
Comme vous l'avez lu, c'est en fait " l'avenir " à ' maintenant peut-être même assez " loin "
Dans cet avenir imaginé.
Ne sera-ce pas intéressant si vous le lisez tôt le matin, cependant ?
Comme s'il y avait peut-être vraiment une connexion
Entre la lecture et l'écriture.

 

Bien qu'il soit tout aussi salubre d'imaginer que c'est maintenant votre soirée,
Comme vous essayez encore une fois de déchiffrer l'ancien
Langue des peuples semi-mythiques du dim passé. )

 

Je me suis posé sur la terre qui tourne
Imaginer la journée devant et le soleil pas tout à fait " au-dessus '
Et les quelques nuages scudding, je suppose, par et pourquoi
Le rêve des dernières heures d'hier soir reste si longtemps dans ma tête, comme on dit, tête.

 

(Il pourrait encore y avoir une connexion, il n'y en a pas ?)
Quelqu'un dans une position similaire, c'est-à-dire, situé sur un niveau physiquement ou méta, je suppose, physiquement
Au-dessus de la normale d'une zone tout en assistant à la visibilité croissante
Du soleil levant (apparemment) pourrait imaginer au moins un court avenir
Dans lequel certains nuages ou quelque chose va se balader à mesure que le jour grandira, comme on dit, plus longtemps.

 

Le soleil est plus grand que nous ne pouvons vraiment concevoir, mais il n'en est qu'un
Parmi des millions encore plus grandes dans cette galaxie non-grande, car les galaxies sont mesurées
Une grappe de grandes galaxies assez loin d'ici, heureusement,
(Comment peut-on imaginer une "grappe de galaxie" ?)
A été enregistré comme ayant eu une explosion au bord d'un trou noir très grand.

 

Cette explosion, elle est écrite, est / était si forte qu'elle a fait une bosse de sortes dans la grappe.
Cet événement, si ce mot a du tout sens, aura lieu il y a si longtemps
Que même vous, lecteur dans l'avenir (si un tel phénomène devait entrer en être)
Pas encore né ni moi ni mes ancêtres ni mes amis.

 

Peut-être l'événement " (si l'acte simple de debout sur une petite colline peut être appelé un événement)
De se tenir debout sur une petite colline obliquement à cause du danger de dommages à la vue, regarder
Le soleil comme la terre tourne
A été témoin par un oiseau (ils voient tout ce que nous faisons)
Ou même un oiseau et un (pas si timide que prudent ; naturellement, vu la situation) petit, par les normes humaines, souris.,

 

Laisse-moi tranquille. Je veux être seul.
Ne me laisse pas tranquille. Essentiellement, nous sommes chacun seul.
NOUS NE SOMMES PAS SEULS

 

Eh bien, comme le jour devient soirée (voir, ça n'a pas pris longtemps, n'est-ce pas ?)
Pensées sur la façon dont on pourrait tenter de vous parler devenir, sinon plus " moelleux

 

Jimmie Durham 2020 Naples

 

 

Nous remercions Jimmie Durham pour nous avoir aimablement confié cette "note de confinement" et notre ami Michel Rein, galeriste d'art contemporain et Galerie Michel Rein Paris/Brussel, qui travaillent avec Jimmie Durham comme avec de nombreux autres artistes, pour nous avoir permis de la publier, après l'avoir fait eux-mêmes le 19 mars 2020.

Né en 1940 aux Etats-Unis, Jimmie Durham vit et travaille entre l’Allemagne et l’Italie.

Jimmie Durham a travaillé comme artiste visuel, interprète, essayiste et poète pendant plus de quarante-cinq ans. Principalement comme sculpteur, Durham combine souvent des objets trouvés et des matériaux naturels et intègre du texte pour exposer les vues et les préjugés centrés sur l’Ouest cachés dans le langage, les objets et les institutions. Se qualifiant d'«interventionniste», Durham est souvent critique dans son analyse de la société, mais avec un esprit distinctif à la fois généreux et humoristique.

En 2017-2018, Jimmie Durham a profité d’une rétrospective itinérante à Remai Modern (Saskatoon), au Hammer Museum (Los Angeles), au Whitney Museum of American Art et au Walker Art Center (Minneapolis).

En 2019, il a reçu le Lion d’or pour l’ensemble de ses réalisations à la Biennale de Venise.

Le travail de Jimmie Durham a été exposé au Mönchehaus Museum Goslar, Migros Museum für Gegenwartskunst (Zürich), MAXXI - Museo Nazionale delle Arti del Xxisecolo (Roma), Serpentine Gallery (Londres), Museo della Fondazione Querini Stampalia (Venise), Neuer Berliner Kunsteverein, Parasol unit foundation for contemporary art (Londres), MARCO - Museo de Arte Contemporánea de Vigo, M HKA - Museum of Contemporary Art Antwerp, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, MCA - The Museum of Contemporary Art Chicago, Gemeentemuseum Den Haag (La Haye), MIT Liste Visual Arts Center (Cambridge), Centre Georges-Pompidou (Paris), SMAK - Stedelijk Museum voor Actuele Kunst Gent, Reykjavík Art Museum.

Son travail fait partie des collections prestigieuses comme celles du Moma - Museum of Modern Art (New York), SMAK - Stedelijk Museum voor Actuele Kunst Gent, Whitney Museum of American Art (New York), Hammer Museum (Loas Angeles), Denver Art Museum, Fondazione Morra Greco (Naples), Franco Soffiantino Contemporary Art Production (Milan), Hoche Partners (Luxembourg), Ministère de la Culture (Lisbonne), Johan Morace et Tom Kennedy (Los Angeles), M HKA - Museum of Contemporary Art Antwerp, Museum of Contemporary Art San Diego, entre autres.

 


TRIPERIES, MENSONGES et POLITIQUE

 

Par Jean-Claude Ribaut

30-10-2019

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Jacques Chirac et la tête de veau : une histoire d’amour culinaire ou une histoire de marketing bien huilée ?

 

Le décès de Jacques Chirac, comme il est d’usage, a suscité de nombreux commentaires élogieux, même chez ses ennemis d’hier. En politique, on tire plus facilement sur les ambulances que sur les corbillards. Même Edouard Balladur, son concurrent malheureux aux élections présidentielles de 1995, a « fait part de son émotion » en apprenant la nouvelle.

 

Un autre hommage n’est pas passé inaperçu, c’est celui de la Confédération nationale des Artisans Tripiers qui a exprimé sa « tristesse » à l’égard du « Président Jacques Chirac, notre meilleur ambassadeur de la tête de veau et grand amateur de produits tripiers. »

 

Inattendu, cet hommage à la passion supposée du défunt pour les abats relève largement d’une légende, c’est à dire d’une astucieuse stratégie de communication, avant la présidentielle de 2002. Le mangeur de pomme de 1995, après cinq années de cohabitation avec l’austère Lionel Jospin, devait laisser place à un personnage cohérent avec les images que donnaient de lui « Les Guignols de l’Info », émission de Canal+ qui faisait rigoler la France entière.

 

La mise en scène fut parfaite : saucisse sèche, boudin, jambon, pâté de campagne, tous les ingrédients d’une copieuse assiette de cochonnailles, puis une tête de veau sauce ravigote suivie d’un sorbet à la pomme au calvados – excusez du peu -, voilà le menu de campagne du candidat Chirac chez le Père Claude, bistrot rabelaisien de l’avenue de la Motte-Picquet à Paris, habituellement fréquenté par quelques dépendeurs d’andouilles et des hommes politiques de tous bords. Le tête à tête – si l’on peut dire – entre le président candidat et son épouse Bernadette serait passé inaperçu, si Paris Match n’avait été convié à immortaliser la scène pour en faire sa couverture.

 

Voici donc la cuisine ménagère propulsée au premier plan, et la tête de veau élevée en quelque sorte à la dignité du débat démocratique. Mais peu après son élection, alors que la cuisine de l’Elysée avait programmé ce plat pour l’ordinaire, le Président donna pour instruction de ne plus lui en servir. C’est du moins ce qu’a raconté sur BFM TV, un ancien chef de l’Elysée, interviewé au lendemain de son décès. L’on sait bien que pour faire campagne, il faut de l’estomac, mais doit-on jauger les candidats à l’aune de leur appétit ? A chacun d’apprécier dans le secret de l’isoloir. Jacques Chirac, ce n’était pas un secret, appréciait les nourritures roboratives et la cuisine créole, mais aussi toutes les cuisines asiatiques. En période électorale, de nombreux témoignages sont concordants, il se régalait surtout d’énormes sandwichs garnis de cornichons aux rillettes du Mans, qu’il savourait avec une bière Corona, l’une des plus insipides du marché, hélas !

 

Relevons, pour la toute petite histoire, que Lionel Jospin dinait, le vendredi avant veille du 1er tour des élections, chez Ramulaud, à l’étage de ce restaurant pittoresque, pour fêter le départ à la retraite de son chauffeur de l’hôtel Matignon. J’y étais, mais au rez-de-chaussée ! 48 heures plus tard, les urnes ayant parlé, Jospin déclarait « abandonner la politique. »

 

N.B : Cet article a également été publié dans Atabula en date du 29 septembre 2019 sous le titre « Jacques Chirac et la tête de veau : mensonge tripier et marketing politique »

 

 

Du même auteur Marseille, qu’as-tu fait de ta bouillabaisse / Vegans contre viandards : à la vie, à la mort, au profit ! / Michelin, Instagram et autres influenceurs : grandeur et décadence du bon goût / Guide Michelin 2019 : Pour que tout change, il faut que rien ne change…

 


AU BONHEUR DES RENOIR

 

Par Vianney Huguenot

16-07-2019

Sur la route du peintre Pierre-Auguste Renoir, on accumule les étapes lieux de lumière : Venise, la Normandie, la Provence, Cagnes-sur-Mer, qui le voit s'éteindre, Limoges, où il s'éveille au monde en 1841, Montmartre, les guinguettes des bords de Seine... On oublie que l'Aube et Essoyes, dont son épouse Aline est originaire, ont marqué considérablement l'artiste. Il y peint pendant trente étés. Il aime leurs lumières. Il y voit ses enfants fabriquer leurs plus vieux et plus beaux souvenirs. « Il n'existe pas de village comparable dans le monde entier », disait son fils Jean Renoir à propos de ce bord d'Ource.

 

Celui qui ne connaît de Renoir que le riverain de la Seine, pilier de la Grenouillère, le Montmartrien débarqué de Limoges comme on descend d'un train de banlieue, qui ne connaît que le peintre sur porcelaine devenu maître (1) de l'impressionnisme, qui ne sait saisir l'Aube et ignore l'enchantement que cette terre enfante, celui-ci est autorisé à proférer l'étrange question, à propos d'Auguste et d'Essoyes : qu'est-il donc venu faire dans cette galère ?

Cette province, ce bout du monde tapissé d'une lumière rare, paré de paysages modestes et terribles à la fois, dont les parfums et les couleurs revendiqueraient sans rougir l'invention de la douceur de vivre. Essoyes et Renoir ont façonné ensemble une belle histoire, longue et finalement assez banale, une histoire d'amour, de famille, une histoire que l'on doit à Aline Charigot et à « Madame Camille », d'abord, elle aussi native de l'Aube. Celle-ci tient une crémerie rue Saint-Georges, à Paris, pas loin de l'atelier d'Auguste Renoir. Le peintre tient une petite quarantaine d'années, il vient là, déjeuner régulièrement, et croise un jour Aline, jeune couturière d'à peine vingt ans. « Elle devient d'abord son modèle, plus tard son épouse et la mère de ses trois enfants : Pierre l'acteur, Jean le cinéaste et Claude le céramiste » (2). Dès lors, à partir de 1880, l'Aube et Essoyes rythment les étés de la famille Renoir.

 

 

Ils viennent « paysanner » dans ce sud de l'Aube. Jean Renoir, dans « Auguste-Pierre Renoir, mon père » (3), écrit l'amour de ce pays : « Pour moi, il n'existe pas de village comparable dans le monde entier. J'y ai vécu les plus belles années de mon enfance […] Les endroits que Renoir préférait étaient ceux où l'Ource court sur les cailloux, « de l'argent en fusion », disait-il. On retrouve ces reflets dans beaucoup de ses tableaux. Mon père se portait bien à Essoyes, et, tout en couvrant sa toile de couleurs, il s'amusait de notre compagnie et de celle des villageois ».

La rivière de l'Ource n'est pas seule à éclairer le pinceau de Renoir, il y a aussi les laveuses, les baigneuses, la marchande de pommes, Aline, son épouse, Gabrielle, la nourrice de leurs enfants, la profusion de joies : « Mon père peignait extrêmement vite et extrêmement bien, simplement parce que nous nous amusions autour de lui […] Cet homme avait besoin d'être entouré de joie et il créait la joie. D'ailleurs, la principale chose pour lui dans la vie, c'était la joie » (3). « La joie mais aussi la simplicité de la vie à Essoyes. Renoir était un homme simple qui ne recherchait pas le confort et redoutait par-dessus tout de vivre dans des endroits où la lumière n'est pas belle et le papier sur les murs est grinçant » (2).

 

Le fait est exceptionnel, réellement fascinant : on retrouve cette époque, son atmosphère lumineuse et tranquille, en visitant la maison des Renoir, ouverte au public et désormais labellisée « Maison des illustres ». Une maison acquise en 1896 par le couple, après la vente d'un tableau rapportant 4000 francs, soit « dix années de salaires d'un ouvrier agricole ». Bien que tous les mobiliers et objets ne soient pas issus de la famille Renoir, la restauration et l'aménagement ont été élaborés de manière remarquable, afin de « préserver l'âme du lieu ». On entre dans la chambre d'Auguste (le lit est bien le sien), on poursuit dans celle d'Aline, qui voisine celle des enfants, on descend dans le grand salon, ayant fait office d'atelier avant qu'un bâtiment soit élevé dans le jardin pour que le peintre travaille sans déranger les enfants. Ce salon est éclairé d'un piano, possiblement celui des Jeunes filles au piano, l'une des plus célèbres toiles de l'artiste. Partout, la lumière. L'office, domaine réservé d'Aline, est une pièce maîtresse. Vaste, souriante, rayonnante, cette cuisine donnait à l'épouse de Renoir l'occasion de n'être pas cataloguée bobonne et d'exprimer un réel talent d'artiste, elle aussi. A Paris, il se disait parfois que l'une des meilleures tables de la capitale... était auboise.

 

(1)   « Maître », Auguste Renoir détestait ce titre, d'après son fils Jean.

 

(2)   Extrait de la biographie de Renoir par le centre culturel Renoir d'Essoyes

 

(3)   « Pierre-Auguste Renoir, mon père », par Jean Renoir, Gallimard, 1962 (réédité en poche)

 

Vianney Huguenot est journaliste, chroniqueur, animateur, enseignant à l’Université de Lorraine.
C’est un déambulateur réjouissant : chroniqueur sur France Bleu Lorraine, France Bleu Alsace, Vosges Matin, L’Estrade et Mirabelle TV, Vianney nous fait découvrir les lieux insolites et secrets de la région Grand Est, nous fait passer la porte de bistrots attachants et des cafés-restaurants de village méconnus, nous fait surtout partager son amour des rencontres avec beaucoup de talent. Il donne envie de mettre nos pas dans ses pas.
Vianney Huguenot a écrit une dizaine d’ouvrages.

 

N.B : Cet article a également été publié dans le magazine "Bonnes Terres" (N° 10, juillet-août-septembre 2019)


 

PLADOYER POUR L'AVOCAT

 

Par Jean-Claude Ribaut
07-04-2019

 

 

Deux mots à l’étymologie différente, mais qui s’écrivent et se prononcent de la même façon, sont des faux amis. Ainsi, avocat désigne aussi bien l’auxiliaire de justice que le fruit de l’avocatier. L’un vient du latin « advocatus » (défenseur). Le second désigne le fruit découvert au Mexique par les Conquistadors.

 

Son nom est la transcription phonétique du mot aztèque « ahuacatl » qui signifie… testicule. L’avocatier est donc l’arbre à testicules ; au pluriel, car ses fruits sont géminés : ils poussent par paire ! Les prêtres catholiques espagnols, les jugeant obscènes, en ont d’abord interdit la vente. On doit reconnaître que leur forte teneur en vitamine E antioxydante est bénéfique pour la spermatogenèse. L’avocat est donc réputé aphrodisiaque.

 

L’usage prévaut de consommer l’avocat en vinaigrette ou accompagné de crevettes ou de chair de crabe et d’une sauce ad hoc, avec ciboulette et cerfeuil. Aux Antilles, mêlé à la morue, à la farine de manioc, à l’ail et au piment, c’est le Féroce !

 

Pour réaliser une mousse d’avocat, il faut disposer d’un avocat mûr mais pas trop, du jus d’un citron, de deux cuillerées à soupe de cassonade, d’une cuillerée à café de liqueur de fleur d’oranger, de quelques feuilles de menthe. Dans un saladier, mettre le jus de citron et la chair d’avocat. Mélanger à la minute pour éviter l’oxydation. Passer au mixeur la cassonade, la liqueur et le mélange. Verser dans une verrine et réfrigérer au moins une heure. Servir frais avec les feuilles de menthe.

 

Aujourd’hui, au Mexique, sa culture intensive fait appel à des traitements chimiques de masse (nitrogènes, pesticides, phosphates). Acclimaté en Espagne, il est, en principe, mieux traité. La Corse, c’est à souligner, produit un avocat bio exempt de produits chimiques.

 

Bonus :

 

Ma recette des gambas à l’avocat.

 

Pour réaliser une entrée de gambas à l’avocat pour deux personnes, il faut six gambas, un avocat, une gousse d’ail, de la mayonnaise, une tomate, un concombre, un pomelo, du tabasco, quatre cuillerées à soupe d’huile d’olive, une cuillerée à soupe de vinaigre balsamique, une cuillerée à café de moutarde, une demi-cuillerée à café de miel, du sel et du poivre.

 

Faire d’abord mariner les gambas dans un saladier  avec l’ail écrasé, du sel, du poivre et une cuillerée à soupe d’huile. Réserver.

 

Dans un bocal, mettre l’huile restant, le vinaigre, la moutarde, le miel, le tabasco, le sel et le poivre. Fermer le bocal et agiter vigoureusement. La vinaigrette est prête !

 

Faire ensuite revenir les gambas sur un feu moyen.

 

Enfin, peler à vif le pomelo et recueillir le jus dans un saladier. Mettre la chair d’avocat coupé en dés dans le jus puis ajouter la tomate en dés ainsi que le concombre coupé de la même façon. Enfin, y déposer les gambas bien refroidies. Servir frais avec la vinaigrette et la mayonnaise.

 

Cette recette n’épuise pas le sujet ni l’imagination de chacun car l’avocat est propice à l’innovation dès lors que l’on dispose d’un jus de citron pour empêcher qu’il noircisse. Par exemple, il peut aussi bien constituer un dessert en tartare avec une banane.

 

N.B : Cet article a également été publié dans Siné Mensuel en mars 2018


TOPINAMBOUR...LE POURQUOI DU COMMENT

 

Par Jean-Claude Ribaut

23-03-2019

 

En avril 1613, François de Razilly, colonisateur de la France équinoxiale au Brésil, ramena avec lui six Tupinambas des tribus guerrières d’Amazonie pour les présenter aux Parisiens.

 

La cour leur fit bon accueil.

Montaigne, quelques décennies plus tôt, avait pris leur défense (Essais, livre I, « Des cannibales »), ne voyant dans leur nudité intégrale, leur polygamie et leur anthropophagie qu’une proximité poétique avec la nature, tandis qu’il dénonçait les atrocités des conquistadors et la complicité de l’Église.

 

À la même époque, Champlain, le fondateur de Québec, venait d’envoyer en France des tubercules cultivés par les Amérindiens, appelés d’abord « truffes du Canada », « artichauts de Jérusalem », puis « culs d’artichaut ».

Bousculant la géographie, on crut que ce rhizome canadien venait du Brésil, cultivé par les Tupinambas, ce que le naturaliste Linné confirma par erreur. Voilà comment cette racine s’est appelée « topinambour ».

 

Sa saveur est délicate, proche de l’artichaut et convient, comme la pomme de terre, à toutes sortes de plats. Sa mauvaise réputation au milieu du siècle dernier, « c’est la faute des boches ». Les pommes de terre étaient réquisitionnées pour nourrir l’armée allemande (711 000 tonnes entre 1940 et 1944) alors que topinambour et rutabaga, en vente libre, devenaient des légumes de guerre.

 

On le cuit à l’eau, à la vapeur, sauté au beurre avec des fines herbes, en gratin. En potage avec des éclats de châtaigne, du magret fumé, le topinambour est un plat de fête. Ou bien en petits morceaux identiques, avec foie de veau, lard et rondelles de pommes de terre, enfilés sur une brochette, à cuire au four 40 minutes, le tout arrosé d’un jus de viande corsé et d’un trait de Madère.

Un délice.

 

N.B : cette chronique a également été publiée dans Siné Mensuel en Janvier 2019


LA NOUVELLE EST TOMBEE EN JUIN DERNIER : LES ALGORITHMES DE SPOTIFY NOUS DONNAIENT LES PROCHAINS TUBES DE L’ETE 2018

 

Par Dominique Painvin

30-11-2018

 

Algorithmes, Spotify ça vous parle ??? Euh… pour résumer, une machine intelligente qui collecte, enregistre et compile un grand nombre de data (données) concernant votre comportement sur « Spotify » (par exemple le nombre de fois qu’un titre musical est présent sur une playlist, corrélé avec le nombre d’abonnés à cette playlist). Spotify étant une plateforme en ligne (au même titre que Deezer) vous proposant la diffusion de morceaux musicaux en streaming (écoute en ligne sans téléchargement au préalable du fichier son sur votre ordinateur ou « device » - téléphone, tablette). En un mot de la musique à la demande !

 

Naguère réservé au monde des Geeks et des Nerds, l'univers des algorithmes envahit votre espace. Les grandes personnes (on a toujours vu les Geeks et les Nerds comme de grands enfants un peu "perchés", mal à l'aise avec les relations humaines, préférant jouer avec leurs figurines de Dark Vador et confrères !), les grandes personnes donc, parlent de plus en plus d'algorithmes, d'IA (Intelligence Artificielle), elles ont pris conscience que l'univers connecté qui envahit nos rues, nos maisons, nos vies est le fruit de la présence, de l'utilisation exponentielle de ces fameux algorithmes. Elles ont pris peur aussi, peur du pouvoir de la machine, de la machine pensante, de la machine « intelligente » sur le devenir de leur vie, de son environnement, de la démocratie, des relations humaines…

 

Il faut dire qu'en 25 ans, d'un réseau de Geek sans réel modèle économique, le Web est devenu la pierre angulaire de l'économie mondiale, hors réseau point de salut… A tel point que le « broken link » (lien brisé) ou le « shut down » (mise à l'arrêt) sont les pires craintes des grands de ce monde hyper connecté et qui le deviendront encore plus dans les années à venir. La majeure partie des développements économiques actuels et prochains utilisent des technologies qui ne sauraient se passer d'algorithmes et de réseau.

 

Les algorithmes sont partout où presque ! Mais qui sont-ils ? A quoi servent-ils ? Et quel rapport, algorithmes et univers musical ?

 

Voici la définition de Wikipédia : "Un algorithme est une suite finie et non ambiguë d’opérations ou d'instructions permettant de résoudre un problème ou d'obtenir un résultat".

 

Le mot algorithme vient du nom d'un mathématicien perse du IXe siècle, Al-Khwârizmî (en arabe : الخوارزمي). On retrouve aujourd'hui des algorithmes dans de nombreuses applications telles que le fonctionnement des ordinateurs, la cryptographie, le routage d'informations, la planification et l'utilisation optimale des ressources, le traitement d'images, le traitement de texte, la bio-informatique, etc.

 

Dans la vie quotidienne, un glissement de sens s'est opéré, ces dernières années, dans la notion « algorithme » qui devient à la fois plus réducteur, puisque ce sont pour l'essentiel des algorithmes de gestion du Big data et d'autre part plus universel en ce sens qu'il intervient dans tous les domaines du comportement quotidien… Ils réalisent des classements, sélectionnent des informations, et en déduisent un profil, en général de consommation, qui est ensuite utilisé ou exploité commercialement. Les implications sont nombreuses, dans les domaines les plus variés. »

 

Grace aux algorithmes prédictifs ont vous propose ce qui peut vous intéresser avant même que vous ne l'ayez expressément manifesté. Les GAFAS n'ont de cesse de compiler la moindre donnée permettant de caractériser votre comportement, vos goûts, vos envies, vos craintes, vos désirs… même ceux de votre inconscient ! Ceci afin de pouvoir satisfaire vos envies (voire les susciter).

 

Quand j'étais ado et déjà Geek, j'ai commencé à passer des disques sur les platines lors des « boums » que nous avions organisé à l'occasion d'un échange franco-allemand. J'ai commencé à élaborer des programmes de musique, quel morceau avant et quel après, objectif faire danser et surtout créer les conditions propices au rapprochement franco-allemand dans les années 70 !

 

Dès cet instant, maintes questions et interrogations m'ont assailli, quelle méthode pour choisir les disques à enchainer ? Comment donner envie aux autres d'aller se déhancher sur la piste ? Quel équilibre entre «tubes» et nouveautés ? Comment glisser d'un style à un autre, surtout qu'en la matière on parle de musique pour faire danser, pas juste à écouter… et qu'en plus au début de ces interrogations nous étions en 1975, à l'époque du glam rock, du rock progressif, pas encore du disco ou du punk… pas de Police, U2, Donna Summer, Blondie, Téléphone… à notre disposition, juste ABBA version plus pop que dance, Genesis, Rolling Stones, Pink Floyd, Roxy Music ou Michel Delpech !

 

Au final, on a réussi les programmations de ces « boums », le rapprochement franco-allemand s'est opéré avec bonheur ! Et le goût de la programmation musicale ne m'a plus quitté. A tel point que je l'ai exercé en radio quelques années plus tard et encore plus tard en concoctant des playlist sur mon iTunes.

 

Avec iTunes à la fin du siècle dernier, on assiste à la conjonction entre musique et algorithmes. A première vue iTunes n'est qu'un juke box musical, on le bourre de fichiers son et on joue « play » pour écouter nos albums favoris ! De plus près iTunes est avant tout un système de gestion de base de données, la musique étant les données gérées, mais pas que ! ITunes est tout sauf mélomane, par contre il excelle dans la manipulation des métadonnées qui sont incluses dans les fichiers sons de nos morceaux préférés. C'est à ce moment-là que les algorithmes font semblent-ils merveille avec la musique, plus précisément dans l'élaboration de programmes musicaux (playlist) lorsqu'on sélectionne la lecture aléatoire des fichiers de la base. Lecture qui est tout sauf aléatoire contrairement à ce que l'on pourrait penser. La machine se transforme en programmateur musical et le comble c'est qu'elle peut exceller dans cet art… enfin presque ! L'apparition récente, sur le marché, des enceintes connectées (Amazon Echo, HomePod, etc…) apporte une nouvelle dimension en introduisant l’IA dans les foyers via cet assistant personnel. Souvenez-vous de la fille qui dans la pub dit à la machine « joue ma musique » … « j’aime les filles… » et utilise ainsi la machine pour faire son outing auprès de ses parents. 

 

2001 l’Odyssée digitale et iTunes

 

Selon Wikipédia « iTunes est un logiciel de lecture et de gestion de bibliothèque multimédia numérique distribué gratuitement par Apple. » Son arrivée au début du 21ème siècle s’est faite plutôt sans bruit, tout comme QuickTime qui au début des années 90 a banalisé la lecture et la production de vidéos numériques sur ordinateur, et dont au départ on s’est vraiment demandé à quoi il allait pouvoir servir à part jouer sur ordinateur des vidéos 160x120 pixels - juste une vignette dans l’écran loin encore le temps de regarder des films 4k sur son PC !

 

iTunes débarque à l’orée du siècle et je dois l’avouer au départ j’en ai fait peu de cas, jusqu’à ce que mon copain Franck me parle d’iTunes et de sa capacité à créer des playlist… au début sceptique, je n’y prête guère attention… puis à l’approche des fêtes de fin d’année, lancé dans la préparation d’une soirée du 31, je me dis que ça serait peut-être bien de trouver une solution « automatique » pour diffuser un programme musical pendant la soirée, sans que je sois obligé de changer de CD toutes les 5 minutes… Faire le DJ c’est sympa mais quand tu veux passer la soirée avec tes invités mieux vaut avoir une playlist qui se diffuse toute seule !

 

Me voici donc parti étudier de plus près de cet iTunes dont il m’avait parlé, d’abord je constate que c’est un système de gestion de bases de données qui au lieu de gérer uniquement des données textes, gère des données multimédia, en les incorporant dans la base (la bibliothèque) et offre la possibilité de les diffuser, avec la substantifique moelle de tout système de gestion de base de données, la possibilité d’effectuer des recherches multicritères, et de créer une playlist avec les titres répondant aux critères… avec en prime la possibilité de lecture aléatoire des morceaux de la playlist ! C’était Noël avant l’heure !

 

Sauf qu’au début du 21ème siècle on devait nourrir la base avec des morceaux issus de nos bons vieux CD audio, en transférant, piste par piste, les données audio du CD (encodés au format standard AIFF, de l’audio non compressée en PCM linéaire 44 KHz 16 bits où 3 minutes d’audio égal plus ou moins un fichier de 30 Mo) ce qui prenait une plombe comme on dit, parce qu’en plus la vélocité des lecteurs CD-Rom des machines n’était pas leur qualité première. Il m’a fallu au bas mot 3 jours pour transférer 300 titres, avec cerise sur le gâteau, l’obligation de rentrer au clavier les infos qualifiant les morceaux (artistes, titre, style musical, album, année de sortie, etc…), ce qu’on appelle en jargon technique les métadonnées qui vont s’inscrire dans une zone prédéterminée du fichier informatique et servent à le décrire, autrement que par son nom ou son suffixe (mov, jpg, etc…). Ces métadonnées sont en quelque sorte le saint graal du fichier, et s’avèrent capitales au final.

 

Après 3 jours de « dur labeur », me voici à la tête d’une bibliothèque musicale prête à être exécutée… Maintenant comment lire les morceaux, plusieurs options s’offraient à moi. Mais n’oublions pas que mon objectif était d’avoir une playlist du 31 décembre qui tournerait automatique afin de me dispenser de faire le DJ le soir J ! J’ai donc ma base iTunes en ordre de marche, et je constate qu’elle me permet de faire une sélection de titres qui deviendrait ma liste de lecture (ma playlist). Je crée au préalable ma playlist « les super bons vieux morceaux à passer le soir du 31 décembre ! » et la remplis manuellement en glissant les titres au fur et à mesure que j’ai envie de les voir jouer (comme si lorsqu’on glisse des fichiers dans un dossier). 

 

A cet instant surgit un problème de taille, si dans le monde « réel » il était facile de faire une playlist de vinyles à jouer dans l’ordre de diffusion, simplement en mettant les « galettes » les unes après les autres dans une pile, dans l’univers 1.0, les titres glissés dans une playlist avaient la mauvaise idée de se classer par ordre croissant de la métadonnée par défaut : le titre… au final vous obteniez une playlist qui va de « A Forest » de Cure à « Zen » de Zazie en passant pour toutes les lettres de l’alphabet… pas vraiment ce que j’escomptais. Donc la liste de lecture manuelle pose un problème, sauf si j’opère un classement fastidieux qui m’amène à numéroter de 1 à X les titres que je veux voir diffuser dans cette liste. Autant dire un travail encore plus fastidieux que la méthode analogique, d’autant que si je décide de changer les titres des morceaux sélectionnés en les incrémentant de « 1 » à chaque fois afin d’avoir une liste croissante et ordonnée, il faudrait que je rechange cette incrémentation si je veux une liste de diffusion jouée dans un ordre différent… Autrement dit un casse-tête… Et c’est là que pour la première fois le programmateur musical que j’étais s’est laissé aller à utiliser la lecture aléatoire proposée par iTunes. 

 

Je crée la base, la nourrit des morceaux que j’ai choisi, j’effectue le cas échéant une sélection restreinte parmi cette base, et crée une playlist spécifique et je m’en remets au hasard pour l’ordre de diffusion par la machine !

 

Playlist, lecture aléatoire et algorithmes

 

Croyez-vous au hasard ? Prenons une bibliothèque de 1000 morceaux de musique différenciés et lançons la lecture aléatoire proposée par iTunes… Votre machine va diffuser vos 1000 titres sans ordre apparent, de façon aléatoire. Ce mode de lecture aléatoire est souvent celui le plus prisé des utilisateurs… il permet d’offrir un programme composé de titres que l’on aime puisqu’on les a sélectionnés au préalable, mais qui sont joués dans un ordre non programmé par nous-même… en un mot le programmateur sélectionne mais ne programme plus ! A ce stade de mon propos, il me semble judicieux de recourir au Petit Larousse pour savoir exactement ce que veut dire le verbe programmer :

 

1 - Mettre une œuvre, une émission, un spectacle, etc., au programme d'une salle de cinéma, d'une chaîne de télévision, d'une station de radio, etc.

2 - Établir à l'avance une suite d'opérations ; planifier, déterminer à l'avance le moment et les modalités d'une action : Il avait programmé l'achat d'une voiture.

3 - Écrire les programmes informatiques correspondant à l'algorithme de résolution d'un problème.

 

Nous avons tout ce qu’il nous faut : mise en œuvre d’une émission de radio, déterminer à l’avance le moment d’une action, écrire l’algorithme de résolution d’un problème.

 

Le programmateur est celui qui détermine à l’avance le moment d’une action, en l’occurrence de la diffusion d’un titre à un instant précis, surtout à quel moment il s’insère dans la suite de morceaux diffusés parmi la sélection faite au préalable. Avec iTunes le programmateur passe la main quant au « moment », c’est iTunes qui détermine le moment. Et pour réaliser cette tâche, résoudre ce problème, iTunes recoure tout naturellement à un algorithme, un algorithme qui va générer la diffusion aléatoire des morceaux de la base. 

 

La gageure étant que dans l’esprit commun « aléatoire » et « algorithme » semblent issus de deux univers radicalement différents, voire opposés (aléatoire : soumis au hasard, dont le résultat est incertain). En l’espèce comment programmer « un résultat incertain » ?

 

Voici le challenge d’iTunes : créer l’algorithme de l’aléatoire ! Et ça marche, enfin ça a marché de mieux en mieux, en effet si au début des années 2000 avec l’absence de connexion continue à l’Internet isolait iTunes dans un univers fermé, l’apparition de l’Adsl a permis la connexion continue au Web, donc l’accès par votre ordinateur aux ressources du Net sans action volontaire de votre part. 

 

L’une des ressources fort utile pour notre algorithme de l’« aléatoire » est la base de données musicales « Gracenote » à laquelle iTunes peut se connecter automatiquement pour récupérer une foule de métadonnées utiles pour iTunes lors du transfert des pistes d’un CD Audio dans la base iTunes, dès lors que votre CD était un CD pressé du commerce qui avait été listé dans la base Gracenote. On faisait d’une pierre deux coups, plus besoin de remplir soi-même les champs inhérents à chaque titre transféré, et l’obtention de métadonnées plus complètes que celles généralement inscrites manuellement (titre, interprète, année de sortie, style musical), et c’est d’une importance capitale en la matière, puisque notre base se bonifie grâce à ces métadonnées.

 

En effet, si iTunes fait donc le boulot du programmateur lors de la lecture aléatoire, il n’en a pas pour autant acquis le sens artistique. Et pourtant on pourrait se laisser mystifier tant parfois l’enchaînement des morceaux semble correspondre à la volonté consciente et humaine de créer « une couleur d’antenne ». Mais les développeurs de Cupertino (siège d’Apple) ont réussi à créer un algorithme performant qui autorise désormais la création de playlist diffusées aléatoirement qui offrent à l’utilisateur d’iTunes une ambiance musicale sans cesse renouvelée quant à l’ordre de diffusion des titres, mais qui la plupart du temps fait mouche quant au résultat artistique. L’IA (Intelligence Artificielle) au service de l’ambiance musicale… pas encore dans ce cas, puisque l’on partait d’une base (bibliothèque de titres) présélectionnée par l’utilisateur mélomane.

 

Mais avec le temps, et la croissance des débits descendants offert par l’Adsl, puis de nos jours la Fibre, le déplacement opéré depuis le début des années 2010 de l’informatique de « bureau » vers l’informatique nomade, ainsi que l’émergence et la croissance exponentielle des « devices » (smartphones, tablettes) facilité par la montée en force des réseaux data mobiles (3G, 4G et bientôt 5G) permettant des performances en transfert de données sans précédent, une mutation d’ampleur a changé la donne. 

 

Musique dans les nuages et IA

 

Le transfert de données accru offert par les réseaux mobiles ou la fibre, ont permis le glissement vers la dématérialisation des supports. Après la période de numérisation de la musique des années 80-90, l’offre numérique sur support physique a cédé le pas à une dématérialisation « totale » pour l’utilisateur, qui ne télécharge même plus les fichiers audios sur son ordinateur, sa tablette ou son mobile. La vogue est au streaming et au cloud… on joue la musique du nuage en streaming… plus besoin d’acheter des supports de stockage, on loue simplement le droit d’usage d’un stockage distant où sont localisés les fichiers dont on a acquis les DRM (Droits de Reproduction Mécanique - le droit d’écoute du fichier son) sur les serveurs de Data Center.

 

Même les plateformes de téléchargement légal de musique (vidéos, films et autres produits multimédia confondus… qui au final ne sont qu’une suite binaire de «0» et «1»), ont vu la pratique du téléchargement pur (on rapatrie le fichier informatique du média sur le disque dur de son ordinateur), évoluer vers le streaming. Certaines de ces plateformes comme Deezer ou Spotify ont commencé à proposer aux internautes la diffusion de programmes musicaux en streaming, entrecoupés ou non de spots publicitaires. L’utilisateur « premium » qui paye son Eco à la plateforme étant quant à lui dispensé de spots publicitaires (la même chose se produit sur les plateformes vidéo web comme YouTube ou Dailymotion)

 

Des plateformes de streaming musical qui diffusent des playlist, ça ressemblent étrangement aux radios musicales ! Oui, sauf que la différence fondamentale c’est que la radio grande onde, FM ou web reste et demeure un mass média où 1 émetteur cible des récepteurs, alors que Deezer, Spotify proposent des playlist qui étrangement correspondent à vos goûts estimés !

 

Le grand mythe de la satisfaction des désirs les plus profonds de chaque être avant même qu’il ne les exprime. La capacité de proposer la musique que vous désirez entendre avant même que vous n’ayez manifesté l’envie de l’entendre…

 

Prenez une base musical sur un gros serveur, appliquez lui les bons algorithmes, nourris des métadonnées que le site va récupérer sur vos comportements en matière de consommation musicale afin d’établir votre profil :

 

• quel titres recherchés,

• quels titres écoutés,

• combien de fois,

• jusqu’à quel endroit du morceau,

• le BPM (beat par minute), la fréquence de la rythmique des morceaux que vous avez écouté le plus sur un laps de temps donné

• le style que vous semblez écouter le plus - en nombre de requêtes sur la base par type de musique, sachant que chaque titre reçoit un tag, voire plusieurs pour étiqueter son style musical - la liste des tags styles est vertigineuse, on est loin des standards d’antan : rock, pop, jazz, classique. La stratification est poussée à l’extrême,

• voix femme, voix homme,

• sur quels morceaux avez-vous fait «next» avant la fin,

• etc. etc.

 

L’essentiel étant de collecter à chaque requête que vous faites sur Deezer ou Spotify, des informations permettant de compléter au mieux votre profil utilisateur. Dès lors que ces métadonnées sont quantifiables on pourra s’en servir pour les algorithmes prédictifs de Spotify. Le programmateur « numérique » de Spotify quand il vous propose une playlist analyse votre profil de « consommation » musicale afin de « coller » au plus près à ce qui semble être votre attente en matière d’écoute. Et comme tout cela a un prix on en profite pour vous glisser des pages de pub comme dans tout bon média d’autant ! Pour y échapper devenez utilisateur « premium » !

 

Dernière innovation technologique proposée au grand public, l’enceinte connectée et intelligente… Votre premier assistant personnel « intelligent ». Grâce à lui, écoutez votre musique préférée ou celle qu’il va vous suggérer comme étant celle que vous attendez. Vous n’avez plus faire à une simple application logée sur votre smartphone, mais bien à objet familier qui a la forme d’une enceinte au look design, un objet que vous pouvez faire trôner sans rougir dans votre salon ou votre cuisine, un objet avec qui vous allez converser pour lui demander maintes et maintes choses, et pas simplement de vous jouer une playlist dance ou romantique. 

 

Parler à un objet maintenant vous êtes habitué, même si il y 10 ou 20 ans vous pensiez que seuls les fous parlaient aux choses inanimées. Sauf que depuis la fin du 19ème siècle l’humanité parle dans le combiné du téléphone. Vous me direz que la voix au bout du fil était humaine ! Dis « SIRI » qui a gagné l’Eurovision en 1977 ? Ça, vous savez le faire depuis quelques années et là « SIRI » est tout sauf humain… « SIRI » ou ses consœurs/frères ont quitté les smartphones et migré vers d’autres objets nettement moins fait pour qu’on leur parle, même si de tous temps certains ou certaines ont dit inlassablement « Miroir, mon beau miroir… ».

 

Amazon Echo, HomePod, etc… commencent à envahir les espaces publicitaires et bientôt les hottes du Père Noël ! Ces petits objets fort élégant ressemblent beaucoup aux enceintes bluetooth qu’on couple avec nos smartphones depuis quelques années déjà, à la différence près que ce sont des robots personnels, certes, sans bras ni jambes, et même pas de tête sauf à considérer que l’enceinte est la tête ! En tous les cas la première introduction « physique » d’une IA ou à tout le moins d’un objet connecté à un système proche d’une IA dans votre home sweet home. Un objet avec qui vous allez converser tout naturellement, la prochaine étape étant de vous équiper d’un vrai robot ou plutôt d’un androïde de compagnie qui saura satisfaire tous vos besoins et pourquoi pas vous diffuser la playlist ultime que vous rêveriez d’écouter sans même le savoir !

 

Et l’homme dans tout cela !

 

Jusqu’à présent, et si cela peut vous rassurer seuls les oreilles et le cerveau humain sont capables d’apprécier « artistiquement » les mélodies issues d’une suite de notes ou la voix d’un artiste, c’est à dire hors de toutes caractérisations, quantifications, hors de tous critères objectifs pouvant servir à nourrir des algorithmes. Quand une voix « vous prend aux tripes » comme on dit, ce n’est pas simplement un effet physique des vibrations produites par la voix sur votre corps, c’est bien plus que cela, les effets physiques des fréquences vibratoires sont globalement les mêmes d’une personne à l’autre, alors que l’impact émotionnel de la voix varie suivant les personnes. L’impact émotionnel, voilà une variable que les algorithmes manipulent avec difficulté (de nos jours tout du moins), pourquoi la voix de Barbara dans L’Aigle Noir nous prend aux tripes alors qu’elle n’engendre aucune réaction chez notre voisin alors même que son profil âge, sexe, csp, milieu social, centres d’intérêts sont similaires aux nôtres ?

 

La musique avant d’être un produit commercial est un art, et l’art sait déjouer les pièges des algorithmes. Notre programmateur numérique peut sans problèmes traiter une quantité impressionnante de métadonnées et proposer une playlist où les titres auront tous la même valeur de BPM, la même durée, des suites de notes semblables, la même année de sortie, les mêmes compositeurs, les mêmes rangs de classement dans les charts, sans que pour autant cela fasse un ensemble audible. 

 

Toutes ces métadonnées sont des auxiliaires utiles pour le programmateur, afin de s’y retrouver dans les millions de titres désormais disponibles via le Net, mais ce sont justes des auxiliaires. Utiliser la diffusion aléatoire est une bonne façon pour le programmateur de tester les combinaisons possibles, les accords possibles entre deux titres surtout avec des nouveautés. Faites un test, mettez une vingtaine d’albums (si possible des nouveautés que vous ne connaissez pas encore afin d’éviter la nostalgie du « oldies but goldies ») dans une base iTunes vide et lancez la lecture aléatoire, et à chaque fois que vous trouvez que l’enchainement de plusieurs morceaux « matche bien » notez les titres et les artistes, ensuite supprimez de la base les morceaux que vous n’avez pas noté sur votre liste, et voici crée votre playlist. 

 

Lancez à nouveau votre playlist en mode aléatoire et procédez de la même façon qu’auparavant. Votre playlist vous plait-elle autant ? Pas sûr, le mode aléatoire peut cette fois-ci vous donner des enchaînements de titres qui fonctionnent beaucoup moins qu’auparavant (l’impression de sauter du coq à l’âne d’un morceau à l’autre). Pour faire une bonne playlist vous pouvez utiliser les suggestions d’enchainements proposés par iTunes, tout en apportant votre touche personnelle, en n’oubliant pas ce que j’ai dit plus haut, l’impact émotionnel d’un morceau sur vous ne sera pas le même que sur votre voisin, alors évitez de ne faire votre playlist avec uniquement vos titres préférés, pensez à vos auditeurs, à l’ambiance que vous voulez-créer pour votre soirée, la fameuse couleur d’antenne ! Et n’oubliez-pas que le fameux hasard du mode aléatoire peut bien faire les choses, ou pas, avec la même base de morceaux. Si vous envie d’avoir un programme où contrôlez l’ordre de lecture des titres, revenez à la case départ et astreignez-vous à numéroter les morceaux dans l’ordre de diffusion souhaité, et surtout bannissez le mode de lecture aléatoire… oubliez les algorithmes et fiez-vous à votre sens artistique. En bon geek, mon credo c’est l’homme avec la machine mais avant la machine !

 

Au final, grâce aux avancées technologiques plus besoin de se créer une discothèque physique pour créer une playlist pour la soirée d’anniversaire de votre petite sœur, par contre si vous choisissez une playlist sur Deezer ou Spotify, optez pour un compte premium sinon gare à la pub et regardez si vous ne pouvez pas composer vous-même la base musicale parmi les titres dispo sur ces plateformes plutôt que de choisir les playlist proposées par d’autres utilisateurs … au fait qui vous dit que ce ne sont pas des robots qui ont créé ces listes de lecture ! Et gare au mode aléatoire le soir de la fête… 

 

Si ça vous dit, je pourrais peut-être proposer une playlist du PRé tous les mois ou deux mois sur Deezer ou Spotify… vous me direz ce que vous en pensez et si la couleur d’antenne vous a plu ! Attention les oreilles !!! Ibrahim Maalouf et Kylie Minogue vont très bien ensemble.

Sans plus tarder allez découvrir le « Movement VI » de « Levantine Symphony No. 1 » d’Ibrahim Maalouf, paru cet année, ainsi que « Maddy la nuit » de Flavien Berger de l’album « Contre-Temps » (un repérage Couleur 3), suivi de « Hotel Lisboa » extrait de « Trans » de Natalia Clavier, et pour finir avant d’aller dormir l’« Arc-en-ciel » de Polo & Pan (encore un repérage !), euh pour finir !

Pas vraiment, j’allais oublier Jain et son « Alright ».

 

Et 40 ans après « Le Freak », un nouveau sommet du funk « State of Mine (It’s About Time) » de Nile Rodgers & Chic ! Voilà c’est FINI…

 

Dominique Painvin est un spécialiste de la communication multimédia. Surnommé "Le Couteau suisse", cet ancien journaliste musical en radio & presse écrite spécialisée, reporter sur les grands festivals rock, pop, jazz français et européens, chef d'édition dans les années 80 et 90, s’est aussi frotté au management culturel en oeuvrant pour la promotion du théâtre universitaire (programme "Fous de théâtre" avec la création d'un " Salon de lecture" et la production de spectacles universitaires dans le "In" du Festival d'Avignon) et celle du monde musical vers le monde universitaire, en collaboration avec les grands festivals (Francofolies de la Rochelle, Eurockéennes de Belfort, Transmusicales de Rennes, Paléo festival de Nyon, Printemps de Bourges, etc.) et les maisons de disques (labels indépendants, majors compagnies). Dominique Painvin est un contributeur du PRé. Il co-anime avec le chroniqueur gastronomique Jean-Claude Ribaut la rubrique Tutti Frutti du site du PRé.

Timbre soviétique de 4 kopecks à l'effigie d'Al-Khwarizmi (1989)

 

Cover de It's About Time de Nile Rodgers and Chic

 

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LE 14 JUILLET A 21H A HOULGATE

 

Dans le cadre des 17e Rencontres d'été Théâtre & Lecture en Normandie,

notre amie Carole Aurouet, maître de conférences HDR, à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée aura le plaisir de nous parler du cinéma de Guillaume Apollinaire.
Avec des lectures des comédiens Philippe Müller et Vincent Vernillat.

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DE VILLE EN VILLE*, DE PORT EN PORT**

 

Par Dominique Painvin

28-05-2018

 

Saint Etienne, Barfleur, La Souterraine, Granville, Portishead, Tanger… a priori quel rapport entre ces bourgades, connues ou méconnues, hexagonales ou non, petites cités de caractères ou pas, et le sujet qui m'amène auprès de vous…?

Au fait, j'oubliais, ma mission, si vous l'acceptez, sera de vous emporter sur quelques rivages lointains où l'on parlera culture, euh aussi agriculture… car les deux sont liés… dives bouteilles et mélopées entrainantes vont de paire en ce bas monde.

Mais attention, et vous ne pourrez pas dire par la suite que vous n'êtes pas prévenus, cette mission n'a aucun but utilitaire, n'est ni nécessaire (m'enfin seule l'éternité est nécessaire… sic Platon), ni contrainte… elle est tout simplement… et si aux détours de mes élucubrations, vous y trouvez quelque substantifique moelle à déguster, alors pourquoi pas ?!

 

Revenons à nos moutons (en ce domaine rien ne vaut l'agneau de pré salé dit-on), quel peut bien être le lien, le fil conducteur entre ces villes citées ci-avant ?

Comme il y a fort à parier que vous allez donner votre langue au chat, et, bien que l'adage dise "Curiosity killed the cat" (en l'occurrence c'est un premier indice !), ceux qui veulent persévérer dans la quête du graal seront bien évidemment récompensés comme il se doit.

Pour les autres, c'est le thème de cette première chronique culturelle. A titre de second indice, je vous informe que les champs que j'aime explorer sont avant tout musicaux. Les chants et les mélodies ont ma préférence sur les planches et les rimes déclamées…

 

Ce weekend, j'ai redécouvert "Les Voiles", premier et unique album du groupe caennais GRANVILLE, sorti en 2013. Par la suite, je me suis surpris à lister les groupes qui ont pris pour nom une ville de France ou d'ailleurs. Alors, pourquoi ne pas débuter cette série de chroniques et bavardages par une exploration à la fois mélodique et géographique. Un tour de France, d'Europe ou du Monde à la découverte de ces groupes aux noms de villes !

Sur le fond ça peut paraître futile, superflu, inutile, à quoi sert de découvrir pourquoi une ville a un nom de groupe… euh plutôt l'inverse ! Le genre de question, de sujet pour décadent désœuvré pourrait dire certains. Mais après tout l'apanage de la curiosité n'est-il pas de s'interroger, de disserter sur les sujets les plus improbables, sans nécessité impérieuse, juste parce que l'idée a jailli dans notre petite tête.

 

Toutes ces villes ou villages ont donc leur groupe, enfin plutôt un groupe qui a pris comme nom leur nom !

 

La première question qui me vient à l'esprit c'est "pourquoi ?", pourquoi pas me répondrez-vous ! Non content de cette sortie sans attrait, j'ai décidé d'approfondir le sujet. Savoir si le nom cachait un amour immodéré pour la cité ou était juste une coïncidence, une commodité de langage ou une ligne marketing ?!

Quand on explore l'univers pop-rock anglo-saxon, on rencontre moults formations aux noms singuliers dont la genèse est parfois baroque mais souvent aussi simple que bonjour.

 

Pour débuter notre voyage, direction St ETIENNE, formation anglaise des années 90 aux sonorités synthé-pop légèrement trip-hop, originaire de Croydon, et qui doit son nom aux Verts de Saint-Etienne ! Verts mis à l'honneur dès les premières secondes de leur premier album "Foxbase Alpha" (1991), qui débute par un extrait (un "sample") d'"Interfootball", émission sportive du France Inter des années 70/80, présentée par Jacques Vendroux, bien connu à l'époque pour sa sympathie affichée pour l'AS St Etienne !

 

Imaginez mon étonnement, lorsqu'en 91 je pose le CD (Compact Disc Audio) pour la première fois dans le lecteur (pour les moins de 20 ans, qui peuvent ne pas connaître, je rappelle que l’IPod, Deezer et les clés USB ne sont apparus que bien après le début du 21ème siècle !!!), je découvre donc ce sample sur la première plage du CD.

 

Pourquoi St ETIENNE ? Tout est dit !

 

Cela dit leur musique n'a strictement aucun rapport avec la fameuse ritournelle "Allez les Verts“. St ETIENNE est l'un des groupes britanniques les plus prolifiques de sa génération (années 90-2010), et même si leurs singles et albums, d'un style musical à la fois pop, dansant très british flirtant avec le trip-hop, sont surtout connus en perfide Albion, leur notoriété à travers le monde les a amené à deux nombreuses collaborations avec des artistes comme Etienne Daho, Kylie Minogue, ou The Charlatans.

 

Par contre, malgré le clin d'œil originel à St Etienne, le groupe voue avant tout une passion à Londres, ville sur laquelle ils ont réalisé un documentaire "Finisterre - A Film About London" (2003) qui a reçu de nombreuses éloges dont celles de Ken Livingstone, maire de Londres de l'époque. Le film a ensuite fait le tour des festivals de films indépendants et est sorti en DVD en 2005.

 

Au final, pour cette première étape, un clin d'œil mais aucun lien affectif ou émotionnel avec la Ville.

C'est tout l'inverse pour l'autre groupe anglo-saxon de la liste, PORTISHEAD.

 

Originaire de Bristol, formé en 1991, PORTISHEAD est l'un des groupes anglais qui a su donner ses lettres de noblesse à ce style obsédant, hypnotique et dansant à force de "drum and bass" qu'est le Trip Hop. La voix si particulière et envoutante de Beth Gibbons la chanteuse donnant le "La".

C'est Geoff Barrow, pierre angulaire du groupe qu'il forme après sa rencontre avec Beth gibbons (au départ juste un duo) qui est le lien, ce fameux lien entre Portishead et Portishead ! Originaire de cette petite ville côtière du Somerset, à 20 kilomètres au sud de Bristol, cet ancien assistant du studio Coach House Studio où il participa à la production de l'album "Blue Lines" de Massive Attack (autre référence emblématique du Trip Hop), Geoff Barrow est l'un des premiers à utiliser à foison des "samples" (échantillons sonores) pour les mixer avec des enregistrements bruts.

 

Pour mémoire, et toujours pour les moins de 20 ans, c'est la marque Japonaise Akaï qui va permettre une généralisation de l'utilisation des samples dans les productions des années 90, grâce à la sortie en 1990 du DD1000, le premier échantillonneur financièrement abordable pour les studios et home studios.

 

Côté ville, Portishead n'est qu'une grosse bourgade de 23000 habitants, dans l'embouchure de la rivière Severn, dont la notoriété est justement due à son groupe ! Avant PORTISHEA, qui avait entendu parler de Portishead ? C'est un documentaire "Welcome to Portishead", signé Pascal Signolet, diffusé en 1998 sur Arte qui le premier nous révèle que le groupe était aussi une ville, et nous fait découvrir l'univers dans lequel Geoff est né et a vécu.

Portishead par la suite va accueillir le tournage de scènes de la série Broadchurch.

Pour cette deuxième étape, le lien est la ville qui a vu naître celui qui la rendit célèbre… enfin aux yeux et aux oreilles des aficionados du Trip Hop et de la bande son des années 90…

Exit Albion, direction la région Centre, plus précisément La Souterraine, deuxième ville de la Creuse (23), qui est devenue ces dernières années le berceau d'un phénomène médiatique et marketing dans l'univers de la pop underground. Ici ce n'est pas un groupe qui emprunte le nom d'une ville mais un label indépendant français créé par Benjamin Caschera et Laurent Bajon en 2013, qui définissent leur expérience comme un « labo d'observation de l'underground musical français ». Objectif publier des artistes sans traces numériques (absent des réseaux sociaux, des plateformes musicales, etc…). Plusieurs compilations sont sorties depuis et disponibles sur leur hub numérique.

Eux se chargent de l'exposition médiatique, de sortir au grand jour ces groupes sous le radar ! Depuis 2014, plus de 2000 titres et 450 groupes ont été exposés sur leur plateforme numérique : http://souterraine.biz. Mais de rapport entre nos deux "génies du marketing musical" avec la cité creusoise rien, nada, sauf un lien conceptuel, le symbole de l'underground révélé au grand jour ! La Souterraine, l'underground comme un air de similitude.

 

Et pour enfoncer le clou, certaines pochettes de leurs productions reprennent le graphique d'anciennes cartes IGN, ou non, de La Souterraine. Comme quoi une bourgade si souvent tournée en dérision, un peu "le trou du cul du monde" (pardonnez-moi l'expression), a pu devenir le centre d'un foisonnement musical et culturel, comme le dit Romain Janvier (Directeur du centre culturel Yves-Furet à La Souterraine) "C’est presque un mouvement culturel à part entière, à la fois musical et graphique. Il y a une esthétique avant-gardiste. C’est du pop art musical ou de la post-pop".

 

Cette fois-ci nous avons trouvé un lien, un lien fort qui transcende même le concept de départ de nos deux spécialistes du marketing musical puisqu'il rejaillit sur la notoriété même de la ville dont ils ont emprunté le nom !

 

Autre lieu, autre ville, autre groupe… un groupe qui fait fort ! TANGER nous donne rendez-vous à Barfleur ! En 2003 le groupe TANGER sort l'album "L'amour fol" et nous invite à Barfleur ! Cette fois-ci aurions-nous gagné le "jake pot" ? Deux villes en une, deux ports en un ! TANGER est un groupe de rock français né en 1992 qui compte 6 albums à son actif, "L'amour fol" étant leur quatrième album sorti en 2003.

Leur premier succès "Chloé des Lysses" issu d'un EP de 6 titres sorti en 97, leur apporte une certaine notoriété et le soutien d'Yves Bigot, alors boss du label Mercury. C'est alors que Tanger s'installe à Tanger comme une sorte d'artiste en résidence. Leur style rock empreint de jazz et de progressif leur attire pas mal de collaborations dont celle de David Whitaker (qui travailla pour le Velvet underground), et qui sera l'arrangeur de l'album "Le Détroit" qui sort en 2000. Malheureusement les années 2000 seront comme le chant du cygne pour TANGER, qui perd le soutien d'Yves Bigot qui a quitté Mercury qui comme beaucoup de maisons de disques part à la recherche d'une rentabilité accrue en misant sur l'essor de la télé-réalité des nouvelles stars en délaissant le travail au long cours avec des artistes plus pointus.

De "Barfleur" on ne retiendra qu'un clip tourné en caméra DV en forme de selfie avant l'heure sur la plage de Barfleur, cité normande du Cotentin célèbre pour ses moules…

 

Je vous l'avais dit que culture et agriculture…

 

Par contre le lien entre TANGER et Tanger est bien réel, comme le révèle Christophe Van Huffel lors d'une interview en 2012 : "Inspirés par des trips au Maroc et la lumière des toiles de Matisse, ils allaient voir ailleurs.". TANGER love Tanger, enfin un lien fort même si le nom a précédé la ville.

 

Et puisque nous trainons en Basse-Normandie, traversons le Cotentin de part en part pour retrouver une autre dame de la côte : Granville !

Comme point d'orgue à cette exploration sonore et géographique, direction la mer Noire et son emblématique port : Odessa, qui vous l'aurez sans peine deviné est aussi le nom d'une artiste californienne dont le plus grand fait d'arme reste un titre "I Will Be There" extrait de la bande originale du film "If I Stay", sorti en 2014, et réalisé par R.J. Cutler, et qui reste un fleuron de série "Z". Autant l'avouer de suite, notre quête de l'anneau s'achève par un bide retentissant. De rapport, aucun, entre ODESSA et Odessa, juste une identité de nom !

Mais après tout, quelle idée saugrenue que d'espérer trouver un rapport logique, d'échafauder une théorie, de jeter les bases d'un postulat sur le sujet. Sentimentalité, réminiscence, hasard, souvenirs, marketing, nombreuses sont les raisons qui font qu'un artiste choisit une ville, un port, un état (la plupart des états américains ont leur groupes : Arizona, Kansas, Missouri, Texas, …), une montagne, ou tout autre curiosité géographique comme identité.

 

Que reste-t'il de cette aventure épique, rien ou presque, comme je viens de le dire, quelle idée saugrenue… vous savez de ces idées qui passent et trépassent parfois sans qu'on s'en aperçoive ! En fait, peut-être juste un prétexte pour vous faire découvrir quelques sonorités qui n'ont pas la chance de faire la une des tabloïds où qui ont déserté cette une depuis une décennie voire plus (PORTISHEAD, St ETIENNE). Une façon aimable et détournée de vous offrir quelques liens hypertextes vous donnant accès à la "culture", à une autre culture… ni pour, ni contre !

Soyez sympa cliquez sur les liens et vous m'en direz des nouvelles. C'est bon le "Feedback"…

 

A cet instant précis, je suis sûr que certains subodorent le piège, l'entourloupe. Non, rien de tout cela, juste envie d'avoir le vôtre.

 

 

*(EP - SUPER 45 TOURS - Claude François, sorti en juillet 1964)
**(extrait "D'aventures en aventures" - Serge Lama, 1968)

 

 

Liens web :

Granville
https://www.lesinrocks.com/musique/critique-album/granville-vents-douest/
http://www.chartsinfrance.net/Granville/news-82910.html
On est pas Couché, 6 avril 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=0RJjy1J4BTw
Clip "Jersey" : https://www.youtube.com/watch?v=Lo7BYF_q9Ys
Clip "Le slow" : https://www.youtube.com/watch?v=NWsApQMPHis

Melissa Dubourg avec Bengale
Clip "Playground" : https://www.youtube.com/watch?v=YL4VxNu1SFI

La Souterraine
https://www.lamontagne.fr/souterraine/scene-musique/internet-multimedia/2018/03/01/comment-la-souterraine-deuxieme-ville-de-la-creuse-est-devenue-synonyme-de-pop-decalee-et-branchee_12756048.html
http://www.slate.fr/story/94909/souterraine-compilation-chanson-francaise
Clip de présentation de La Souterraine 2017 (vœux du Maire de la Souterraine, le 3 janvier 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=Y8p_Pg4qOeI

Portishead
Portishead, documentaire : Welcome to Portishead (1998) : https://youtu.be/rElcSg81Qgo
Portishead Live Glastonbury 2013 : https://www.youtube.com/watch?v=KgzcFZhLxXo
Portishead "Glory Box" Live On Jools Holland (1994) : https://www.youtube.com/watch?v=SVX2adpyInM

Akaï DD1000
http://www.mixound.com/Produits/Akai/DD1000/

St Etienne
Saint Etienne "Finisterre" (Trailer) : https://www.youtube.com/watch?v=Z2RBuOKb9zs
Saint Etienne "Only Love Can Break Your Heart" : https://www.youtube.com/watch?v=vZAajrxvDs4
Saint Etienne "Who Do You Think You Are ?" - live on TOTP 1993 : https://www.youtube.com/watch?v=2wTGi34p02Y
int Etienne "You're in a Bad Way" Live on The Word - https://www.youtube.com/watch?v=wD918eruqyg

Tanger
Clip "Barfleur" : https://www.dailymotion.com/video/xfwqh
http://parlhot.com/a-lirelivre/recits/la-grande-vie-tanger/

Odessa
Clip "I Will Be There" (2014) : https://youtu.be/juzMD1GCAf8



 

MAI 68 : LES TABLES DU QUARTIER LATIN

 

Par Jean-Claude Ribaut

10-05-2018

 

Depuis la terrasse du Pactole, au 44 boulevard Saint Germain à Paris, où il observe à l’horizon la foule et la fumée du combat, le 29 mai 1968, Roland Neidhart, un habitué de la maison, se souvient : « Après les pieds de mouton sauce poulette, je venais d’attaquer le poulet Père Lathuile ; tout à coup apparaissent les camions qui conduisaient les « Renault » à la Bastille pour la manif.» Georges Séguy, alors secrétaire général de la C.G.T., avait, lui, pour habitude de déjeuner d’un solide cassoulet chez A Sousseyrac, rue Faidherbe, avant de rejoindre le cortège en voiture avec chauffeur. Pour beaucoup encore, les souvenirs de cet étrange moi de mai, ne sont pas dissociables des tables qu’ils fréquentaient parfois aux cotés des «enragés» et des «katangais.» Le Pactole, ouvert en 1967 était, avec le Pot-au-Feu (1965) de Michel Guérard à Asnières et l’Archestrate (1968) d’Alain Senderens, rue de l’Exposition (7è), les points de repère de ce qu’une poignée d’initiés n’appelaient pas encore la Nouvelle cuisine.

 

Quels étaient les restaurants ouverts dans le Vème et VIème arrondissement à Paris en Mai 68? On pouvait voir sortir en riant avec ses amis, Hara Kiri à la main, le bon Président Pleven de la Brasserie Lipp, sur le boulevard St Germain. Georges Pompidou préférait Calvet, étoilé Michelin. Par principe le Lipp ne ferme jamais. Ici la marmite auvergnate flotte par tous les temps, et, aux huîtres d’hiver, succède la succulente asperge de mai. Le céleri rémoulade n’a pas de saison. On y dînait d’une palette aux pois cassés avec un rosé de Marsannay.  Allard, 41, rue St André des Arts, où Fernande tenait ferme les rênes malgré le vacarme ambiant des tables d’Américains, offrait les consolations : le turbot au beurre blanc, le navarin d’agneau, le canard aux olives, le pintadeau aux lentilles. La pérennité pour une somme modique. On vous recommandait comme vin, un latricière chambertin 1965.

 

A La Tour d’Argent, en première ligne du front, on priait Sainte-Geneviève, en sacrifiant quelques canards propitiatoires. René, boulevard Saint Germain, guettait le chaland, avec l’increvable bœuf bourguignon et son « coup de torchon », l’alcool mystère de la maison. Au Pactole, près de la Mutualité, où Jacques Manière venait de s’installer (fabuleux menu à 50 F.), on attendait la suite des évènements, un verre de Chouilly de chez Legras, à la main. Entre deux barricades, la jeunesse des beaux quartiers, allait au Poly Magoo, rue Saint Jacques, avant de rejoindre la Sorbonne. Chez Moissonnier l’on s’en mettait carrément plein la lampe avec les saladiers lyonnais, accompagnés d’un arbois, rouge bien sûr. De quoi amadouer, le cas échéant, les Sans-culottes de passage. Maître Paul, 12, rue Monsieur le Prince, au cœur du choc lacrymogène, défendait encore la cuisine à la crème et au vin jaune. Polidor (au 41), qui avait accueilli Jules Vallès, consolait les sinistrés de la rue Gay-Lussac, par sa légendaire bienveillance et ses additions modestes. Vagenende faisait le même office pour les bourgeois du noble Faubourg.

 

Au Sauvignon, 80, rue des Saints-Pères, l’ami Vergnes, réfugié en ces temps incertains à la cave qu’il ne quittait que le soir après avoir rincé les bouteilles, offrait beaujolais, saint-émilion, un excellent quincy, accompagnés des friandises du père Poilâne, venu en chaussons et en voisin, hilare. La délicieuse Mme Vergnes veillait au grain et à la caisse : « Tout es pagat (payé), cher ami. » Aux Charpentiers, 10, rue Mabillon, les amis de Charles Maurras, circonspects, comptaient les derniers jours de la Gueuse, en face d’un délicat pied de porc Sainte-Ménehould arrosé d’un château Magence, graves, 1958.

 

Les sympathisants tièdes, les artistes véritables, les attentistes blasés, les persifleurs comme le bon Topor, humoriste de son état, Marguerite Duras même, fréquentaient l’inénarrable Petit Saint-Benoit, le temple du rond de serviette et du hachis Parmentier avec pot de beaujolais. D’autres sceptiques, dont ces ombres de la nuit qui peuplaient à la brune le Tabac des Sports au carrefour Croix-Rouge, et les séminaristes de Saint-Sulpice, se délectaient des plats canailles de Chez Raffy rue du Dragon : un lieu solennel, haut en couleur, avec un étage calme et œcuménique. Plus obscur, rue Guénégaud, c’était Chez Raton, une sorte de concierge débonnaire reconvertie aux rognons exquis de veau. Vrai public, jeune plus que révolté, venant de la Grande Masse des Beaux-Arts qui était au bout de la rue : glapissements garantis et gros rouge au pichet, après la harangue quotidienne de Roland Castro. Le noyau dur de cette insurrection était l’Ecole des Beaux-Arts, quai Malaquais, charmant asile de paix en temps ordinaires avec son cloître toscan, son jet d’eau, son arbre de Judée en fleurs. Dans les ruches noires des ateliers, nos artistes travaillent nuit et jour, à sérigraphier les affiches destinées à galvaniser le peuple ouvrier des usines boulonnaises. Un groupe sabbatique étrange s’était enclôt dans cet espace inexpugnable, c’étaient les Gazolines, en compagnie de leurs libres Ménades. Mais, s’il faut bien que la chair exulte, il convient que les ventres se remplissent. Au coin de la rue Visconti, Le Vieux Casque était le domaine des égéries et autres vestales. Cuisine fine en sous-sol, si vous aviez l’heur de plaire aux patronnes, rouges militantes. Rue Mazarine, un discret restaurant russe, Chez Georges régalait les décabristes et autres mencheviks attardés avec une vodka quelque peu onéreuse ; bœuf strogonoff, excellent, pour suivre. La Mecque enfin, le célèbre Restaurant des Beaux-Arts (Poussinot) accueillait, pour une cuisine fluctuante mais non sans charme et généreuse, rapins et rapines, barbouilleurs de tous poils, futurs architectes, et le sculpteur César, tonitruant. Belle cave (bourgognes de vieille garde), négligée par une clientèle peu argentée qui se contentait du menu.

 

Que s’est-il réellement passé en mai 68 dans le monde des casseroles ? Les auteurs de « 68 Une histoire collective » (La Découverte.2008) rappellent que, bien après mai, un groupe maoïste de la Gauche prolétarienne avait fait une razzia chez Fauchon et distribué les produits de luxe dans les foyers d’immigrés en banlieue. A l’évocation de cette position radicale, l’historien Pascal Ory oppose les effets de « l’hédonisme proclamé de la génération soixante huitarde » qui avait d’abord condamné la grande bouffe comme « symbole du déséquilibre antinaturel de la société de consommation », avant de célébrer le repli individualiste au cours de la décennie suivante, dont, selon lui, Le Ventre des Philosophes de Michel Onfray et L’homme aux pâtes de Michel Field, parus en 1989, sont un héritage direct.

 

Ce n’est pas la révolution, mais ça y ressemble…

 

Les cuisiniers ont une vision différente et contrastée de cette époque. Pour Gérard Cagna, arpète chez Lucas Carton : « C’était la fin des sauces liées à la farine, des goûts masqués de la cuisine d’après-guerre ; la mutation fut brutale ; ce n’est pas la révolution, mais ça y ressemble. » Selon Michel Guérard la rupture avait commencé à Marly le Roi chez André Guillot (Le Vieux Marly) depuis 1952, et à Bougival, au Camélia du bon Jean Delaveyne dès 1957. « Pour rompre avec la codification trop rigoureuse d’Escoffier, il fallait tuer le père, dit encore Michel Guérard. » C’est Henri Gault et Christian Millau, journalistes à Paris-Presse l’Intransigeant, qui se chargeront de la besogne. Ensemble ils publieront d’abord un magazine (1969) et, trois ans plus tard en 1972, un guide gastronomique, promis à un énorme succès. Gérard Allemandou (La Cagouille), rue Daguerre à la fin des années 1970, souligne le rôle majeur de Michel Guérard « qui fait plier les techniques ou en invente de nouvelles pour garantir la qualité des produits.» Olympe en 1973, rue du Montparnasse, jeune cuisinière corse, simplifie les recettes de la cuisine bourgeoise, tandis que Paul Minchelli, fondateur avec son frère Jean de Le Duc en 1966, initie les parisiens au poisson cru. La nouvelle cuisine, pourtant, ne fait pas l’unanimité chez les sympathisants de Mai 68. Le docteur Claude Olievenstein, le « psy des toxicos », peu suspect de sympathies bourgeoises, écrit quelques années plus tard : « La Nouvelle Cuisine […] prétend offrir une cuisine « aérienne et aérée », mais dans les établissements qui s’en réclament, on ne m’a bien souvent servi, en quantité mesquine, que des mets balourds, insipides, prétentieux…» En 1968, une génération de jeunes cuisiniers s’est appropriée la dimension hédoniste et libertaire de « Mai ». Beaucoup ont passé la main. Une nouvelle génération a revendiqué ensuite le droit d’inventaire. Des temps les plus reculés à nos jours, l’histoire de la cuisine, comme l’affirme l’historien Antony Rowley à la suite de Jean-François Revel, semble bien une querelle permanente des Anciens et des Modernes.

 

 

N.B : Cet article a été également publié le 5mai 2018 sur mon blog, ribaut.blog.lemonde.fr (« Le Monde à Table, les bonnes tables sélectionnées par Jean-Claude Ribaut »)

 


MAI26

Opening Anne-Marie Schneider - Le Silence

Public
· Organisé par Galerie Michel Rein
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EXPOSITION A LA GALERIE MICHEL REIN
C’est avec grand plaisir que nous souhaitons partager avec vous la première exposition d’Anne-Marie Schneider à la galerie à Paris. J’ai rencontré Anne-Marie Schneider en 1999 au Printemps de Cahors. Je me rappelle très bien lui avoir dit mon admiration pour son travail et mon désir d’acheter quelques dessins pour notre collection.

Anne-Marie Schneider était alors représentée depuis ses débuts par Philip Nelson pour qui j’avais une grande estime. Les années passèrent. L’ouverture d’une deuxième galerie à Bruxelles en 2013, notre directeur Patrick Vanbellinghen étant très proche d’Anne-Marie, mit en évidence l’idée une collaboration. Son accord fut immédiat. S’en suivirent deux expositions personnelles à Bruxelles (Day and Night, 2015 et Je suis là, 2017).

Nous prîmes part aux deux rétrospectives d’Anne-Marie en 2017 au Musée Reina Sofia de Madrid puis au MAC’s Le
Grand Hornu (commissaire Denis Gielen). Le temps est venu maintenant de mo
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DISPARITION DU CHEF JEAN-MARIE AMAT

 

Par Jean-Claude Ribaut

10-03-2018

 

La cuisine ? Une pensée modelée par le geste du cuisinier

Jean-Marie Amat, disparu le 5 mars 2018, reconnaissait André Guillot (1908 - 1993) comme son maître : « si j’ai pu accéder à une vision de la cuisine, disait-il, c’est grâce à sa patience et à la bienveillance qu’il m’a manifestée quand je ne savais pas que tout ce qu’il m’apprenait en si peu de temps était essentiel, bien au-delà de ce que j’étais alors en mesure de comprendre. » Voilà un témoignage sur la nature de l’art culinaire, son indispensable transmission sans laquelle il n’est point d’art sinon même de cuisine. L’on relèvera, en marge de ce propos, deux des principaux traits de caractère de Jean-Marie Amat, l’intelligence et la modestie, denrées assez rares chez les chefs du moment. Mais voilà aussi qui en dit long sur les nouveaux dogmes de la composition éclatée et des dissonances culinaires à la mode. Car, poursuivait Amat en substance, la cuisine est une discipline où le temps et le travail se conjuguent en une sorte de « pensée.» Mais à la différence de la réflexion intellectuelle, ce sont les sens qui, en cuisine, « attisent, façonnent et guident la pensée » et entraînent la création.

Le patrimoine culinaire et le goût étaient, pour lui, des valeurs à privilégier. Peut-être omettait-il le style ? C’était celui de l’homme même, avec cette finesse patricienne du visage, ombré parfois de la trace d’une barbe de la veille. Une finesse qui recherchait l’essence des choses et du goût, l’épure. C’est dans cette mise à distance qu’il faut chercher la justification de ses propos, souvent lucides, sur le vin de Bordeaux : « La cuisine épicée ne sied pas au bordeaux, dit-on. Je crois que c’est faux. » En fait, précisait le chef, « à entendre un Bordelais, rien ne va avec le bordeaux ; ou plutôt, rien n’en est digne. Un grand cru prend des airs pincés lorsqu’un plat lui dispute la vedette. »

 

D’où, sans doute, le désert gastronomique qui régnait dans la cuisine des « châteaux ». Amat était convaincu qu’un mauvais vin peut détruire l’ordonnance d’un repas, mais jamais un excellent cru ne sauvera une infâme tambouille.

 

Une leçon aussi pour les Chartrons : Il faut rendre à César…

 

Au jeu des « sept familles » de cuisiniers, comme avec les personnages du Tarot de Marseillle, et ses lames historiées, Jean-Marie Amat se distinguait du classique. C’est la première lame, un lointain disciple d’Escoffier. Il ne prendrait pas les habits de l’ex-nouveau cuisinier, dont la mémoire est indéfectible et pour qui la salade ne peut être que folle. Avec la figure du caméléon, celle d’un Frégoli cuisinier, classique, cul-terreux, bistrotier, rêveur, adepte de la ligne du Sud-ouest, on se rapproche de la bilocation qui était l’une des qualités de Jean-Marie Amat, ses bistrots, sa bougeotte, et son ouverture d’esprit. Sa culture aussi. A ce jeu, Jean-Marie Amat esquissait la plus belle des cartes, celle du « bateleur ». Elle signifiait intelligence créatrice et pratique, dans l’ancienne cartomancie. Dans le jeu de la gastronomie, l’arcane de la perfection est la moins fréquentée. Il faut prendre garde qu’elle ne s’ouvre que par jeu. La haute cuisine, comme tous les arts, a pour but de nous divertir des pensées noires du temps, et de ses vaches… maigres ou folles.

 

Mais, ne l’oublions pas, la cuisine bordelaise a été pensée, ressassée, mijotée, par un bataillon de femmes gourmandes. Jean Maris Amat, né en 1945 à Angoulême, une fois son C.A.P. en poche, fut d’ailleurs à cette école familiale. Car le parcours d’un chef suppose un enracinement, comme le lieu dans lequel il exerce son art. La rencontre de Jean Marie Amat, à Bouliac, avec l’architecte Jean Nouvel, originaire de Sarlat – deux destins d’artistes – témoigne de cette recherche passionnée et courageuse : « Un projet inachevé, faute de moyens », disait-il sobrement, une fois l’aventure et les ennuis passés. Mais la cuisine bordelaise, qu’en est-il vraiment ? Aimablement relevée, elle s’accommode d’ail, d’échalotes et d’épices mesurées. Et l’exquise saveur des sauces tient au maniement judicieux des vins. Déjà, pour Urbain Dubois, la lamproie à la bordelaise, aux poireaux et au vin de saint-émilion, semblait être le parangon des vertus culinaires girondines. Les huîtres d’Arcachon accompagnaient le vin blanc de Graves. La soupe d’orphie, de loubine et de mulet, faisaient avec la pomme de terre et le poireau, le régal des amateurs. La Gironde offre-t-elle encore l’alose grillée, le merlu à la bordelaise ? Qu’en est-il du caviar girondin et de l’esturgeon à la broche ? Plus résistants et trouvables étaient le foie de veau à la girondine, et l’inimitable agneau de Pauillac. La chasse permettait alors d’autres triomphes gourmands, permis ou interdits, rôtis ou en salmis.

 

La cuisine de Jean-Marie Amat relevait d’une apparente complexité, qu’il résolvait par la simplification et le dépouillement des composants. La charlotte d’aubergine au homard, associée à la vivacité d’une purée de tomates, ou bien les queues de langoustines grillées et la tomate confite dialoguant avec une mousseline à l’estragon ou encore l’escalope de foie de canard poêlée, juxtaposée au céleri branche et girolles, étaient les marqueurs de son territoire aromatique. Avec le pigeon grillé aux épices, oignons effeuillés, salade d’herbes et pastilla, il s’en évadait, sans perdre la maîtrise des saveurs. La cuisine bordelaise, par sa mesure, fait le désespoir des Vasco de Gama et autres Magellan des saveurs, véritables pyromanes. Mais Jean-Marie Amat savait aussi s’extasier, au cours d’un voyage en Thaïlande, devant une assiette de crevettes au gingembre et au citron vert, dont l’acidité s’arrêtait « à ce point d’équilibre où le goût devient outrance. » L’olfaction jouait aussi un grand rôle dans son appréciation des saveurs. Ses recettes étaient au cœur des choses, de la vie et de la mort, avec leurs apprêts sanglants, leurs goûts âpres de venaison, qui sont à la fois délices …et memento mori. C’est la fameuse lamproie au Sauternes, et autre civet de lièvre à la cuillère dont il disait : « un civet de lièvre est un drame olfactif aux odeurs sourdes et prégnantes. »

 

Avec son ami Jean-Didier Vincent, neurobiologiste et gourmet avisé, Jean-Marie Amat s’est plié au jeu, savant et jubilatoire, de mettre au goût du jour, cent soixante-quatorze ans après Brillat Savarin, une Nouvelle Physiologie du Goût (publiée aux Editions Odile Jacob. 2000). Ouvrage savant et délicieux, formé d’un dialogue entre le savant et le chef et augmenté des recettes de ce dernier Les deux compères voyaient une marque de sagesse dans la cuisine traditionnelle du Sud-Ouest au regard de quoi la technologie alimentaire moderne leur paraissait une vraie folie. Béarnais, Landais, gens d’Aquitaine, ont su, il est vrai, préserver leur harmonie mentale à moindre frais, grâce à leurs jardins, leurs pâtis, leurs forêts et leurs rivières propres et saines. Quel tracas inutiles, quelles peurs millénaristes nous auraient été épargnées, si nous avions accepté de reconnaître les conditions naturelles, recensées par la science, de notre expérience acquise dans chaque éco-milieu. Le cuisinier, comme l’oiseau, ne chanterait-il bien que dans son arbre généalogique ? En dressant aux côtés de Jean-Didier Vincent un véritable fil d’Ariane de la perception gastronomique, Jean-Marie Amat avait trouvé un terrain neuf, et par une pratique fine et honnête des goûts et des parfums culinaires, il avait su accéder à une forme de connaissance, dont certes il ne pouvait livrer tous les secrets, mais dont il savait expliquer les saveurs. La réflexion, associée à la pratique, éclairait d’une façon tout à fait originale la démarche de ce cuisinier décidément atypique, amateur d’architecture contemporaine, ouvert au monde des arts graphiques, de la photographie et de la beauté en général, également capable d’une réflexion approfondie, non sur la profession – ce qui est banal – mais sur l’essence même du métier de cuisinier, ce qui l’est moins.

 


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MACRON, PRESIDENT GASTRONOMIQUE
Par Jean-Claude Ribaut
11-12-2017

Sous la Ve République, aucun des prédécesseurs d’Emmanuel Macron ne s’était impliqué dans ce qui apparaît nettement aujourd’hui, comme l’amorce d’une politique de l’État en matière de gastronomie. On ne connaissait guère leurs goûts que par les témoignages des cuisiniers de l’Elysée, ou par quelques opérations de communication, assez rares cependant. L’actuel locataire de l’Elysée, c’est toute la différence, considère que la gastronomie c’est la France, et réciproquement.
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SAUCE HOLLANDAISE et « Saucialistes »

 

Par Jean-Claude Ribaut

08-04-2016

 

Toute ressemblance avec des évènements anciens et des personnages actuels ne saurait être fortuite.

 

Au siècle d’or de la cuisine française la sauce hollandaise était considérée comme une sauce mère, appréciée avec les asperges et le turbot . Une variante rustique consistait à mêler une noix de beurre, une cuillère de farine et un verre d’eau bouillante pour obtenir une pâte lisse, puis à ajouter à petit feu deux jaunes d’oeufs, 50 gr. de beurre frais et le jus d’un citron. Cette manière paysanne faisait hurler les puristes. Pour eux, seul un beurre fondu, débarrassé du petit lait et des impuretés de surface, était digne d’être associé aux jaunes d’oeufs mouillés de deux cuillères à soupe d’eau pour obtenir une base épaisse, montée ensuite avec ce beurre clarifié.

 

 

Il existe aussi une « hollandaise  vert-pré » avec décoction de cerfeuil, estragon et épinards. Cette variante écolo a été choisie par le maître queux de l’Elysée après le dernier remaniement ministériel, pour contrebalancer l’arrogance d’une Sauce à la hussarde, au beurre, mais d’inspiration catalane.

La cuisine et la politique ont partie liée. Rappelons que c‘est l’interdiction d’un banquet qui provoqua la chute de la monarchie de Juillet. Le 22 février 1848 au matin, les étudiants se rassemblent au Panthéon. Tout près de là, rue Racine, chefs et marmitons siègent aux « Cuisiniers réunis », groupement professionnel que le caricaturiste républicain Daumier baptise du sobriquet de « saucialiste. » Deux jours plus tard, la seconde République était proclamée. Aujourd’hui, l‘Elysée s’épuise en synthèses alambiquées de recettes farfelues. La seule capable de clarifier la sauce hollandaise, c’est l’actrice Julie Gayet, héroïne de La turbulence des fluides (2002) et de La Confusion des genres (2000).

 

N.B : Fiche cuisine parue dans Siné-Mensuel (avril 2016) – Illustrée par DESCLOZEAUX en hommage à La Grande vague de Kanagawa (Hokusai)