Pour une République écologique (30-11-2010)


 

Crise du modèle de développement, crise du capitalisme financier

 

Notre époque est caractérisée par la crise profonde que subit aujourd’hui le capitalisme financier. Cette crise impacte très violemment les systèmes sociaux des pays dits développés alors même que ces sociétés étaient déjà profondément traumatisées par le développement de la mondialisation.

 

Face à cela, l’attitude des élites est proprement sidérante. Elles sont capables, toute honte bue, de revendiquer la conservation de leur privilège au nom de la « nécessaire récompense » des cadres les plus méritants, en oubliant, évidemment que ce sont ces mêmes cadres qui ont mené le système à la ruine.

 

Cette arrogance qui confine à l’obscénité, est non seulement particulièrement inquiétante pour la suite des événements mais elle provoque légitimement une colère forte des peuples et érode la capacité de ceux-ci à payer la note. Ce sont autant les plus pauvres d’entre nous –quand leur volonté n’a pas sombré dans l’apathie du renoncement ou l’illusion d’un consumérisme factice – que les classes moyennes qui expriment leur révolte. Pour la première fois depuis l’après-guerre, les classes sociales qui constituent le socle même de notre société, qui en assurent la richesse, se sentent menacées dans les éléments de base de leur existence. Un sondage récent l’exprimait particulièrement bien : un Français sur deux craint de devenir sdf dans l’avenir. Cette crainte est sans aucun doute infondée, mais elle traduit bien que l’angoisse que subissent nos concitoyens dans l’avenir est totale. Tous les éléments paraissent donc réunis pour une explosion sociale de grande ampleur. Et face à cette conclusion logique, s’oppose un double paradoxe.

 

Le premier est celui d’une explosion sociale qui n’arrive pas dans les faits. Certes, chaque usine qui ferme donne lieu à une mobilisation locale qui flirte avec la révolte. La digue de la légalité a cédé depuis longtemps. La menace de « tout faire sauter », les séquestrations sont monnaies courantes et sont très largement légitimée par l’opinion. Mais l’embrasement est circonscrit à la commune, la solidarité au département, il ne reste que l’empathie à l’échelle de la Nation et le front de classe à l’échelle européenne demeure dans le catalogue des fantasmes. Certes les élections régionales ont été l’occasion d’une sanction électorale plus forte encore que celle de 2004. Mais il serait illusoire d’en déduire une volonté affirmée des citoyens d’en finir avec une droite qui n’a jamais mesuré son soutien au libéralisme financier.

 

Car il manque en fait le « plan B ». Cette réalité semble – pour le coup- avoir une réalité européenne. L’alternative social-démocrate a perdu sa crédibilité.

 

Le signe le plus probant de ce paradoxe est l’incroyable victoire des partis conservateurs – généralement au pouvoir – lors des élections européennes de 2009. Les métaphores pleuvent pour symboliser ce fait : l’accréditation de pompiers pyromanes, le plébiscite du renard dans le poulailler, la fréquentation du boucher qui vous a vendu de la viande avariée, etc. En fait, lors d’un scrutin dont tout le monde se fiche, une partie importante de l’électorat a préféré maintenir sa confiance à ceux qui lui paraissait, en dépit de tout, les plus sérieux. En France, en particulier, l’expression s’est faite plus précise par une volonté de sanction – fait quasi unique – du principal parti d’opposition. 

L’échec de la social-démocratie


A force de soumission aux évolutions du système, la social-démocratie a perdu sa capacité à être, pour les classes moyennes et populaires, le garant d’un certain équilibre au sein de nos sociétés. Elle semble même avoir en fait raté la plupart des évolutions du monde d’aujourd’hui. La liste est impressionnante :

 

Elle s’est révélée incapable de réformer l’Etat et la puissance publique, elle a oublié l’exigence de sécurité sans laquelle il n’est pas de cohésion sociale, elle n’a pas pris la mesure de la terrifiante dévalorisation du travail et de la supplantation du profit et de la rente dans l’établissement des revenus, elle n’a pas pris en compte sérieusement le vieillissement et les évolutions démographiques, elle a subi la libéralisation des échanges sans analyse sérieuse de la mondialisation, elle ne pense pas grand-chose des flux migratoires, elle n’a pas pris en compte des déséquilibres géopolitiques qui s’exacerbent entre une puissance américaine sénescente, la montée des puissances émergentes, la frustration du monde arabo-musulman et une Europe passoire. Enfin, elle court sans visiblement en comprendre la dimension derrière la contrainte environnementale.

 

La social-démocratie s’est visiblement figée dans une posture : celle de la remise en cause de ses postulats historiques par la simple réécriture « socialisante » des règles libérales. Il n’est pas très étonnant dans ce contexte que les citoyens peinent à s’enthousiasmer à leur confier les clés de la maison.

La primauté de la préoccupation écologique


Cette hésitation est d’autant plus forte, qu’au-delà de la crise sociale et économique, et malgré elle, nos concitoyens maintiennent une profonde préoccupation de l’état dans lequel la planète va être remise aux générations futures et même dans quelles conditions sanitaires et environnementales ils vont poursuivre leur propre existence.

 

On aurait pu croire que la préoccupation écologique était une préoccupation de riches, c'est-à-dire de sociétés qui fonctionnent avec au moins un minimum de cohérence. Il y a là le second paradoxe apparent. C’est faire peu de cas de l’intelligence des citoyens.

 

Entre le réchauffement climatique, les crises sanitaires, les pandémies, l’épuisement des ressources, les citoyens ont eu la matière pour intégrer dans leur pensée le fait que le fonctionnement actuel de mode de production menait la planète à sa faillite.

 

Il n’y a pas que de la vertu dans cette prise en compte profonde. Elle s’appuie aussi sur des convictions malsaines d’un indicible.

Les élites cachent tout, ce qui veut dire que la puissance publique, la science, l’économie sont dans la tromperie quand il n’y aurait que la terre qui ne mente pas. Cette vision nous ramène à de tristes moments de la pensée politique. Encore eut-il fallu que les pensées dominantes aient donné lieu à des comportements politiques suffisamment estimables pour qu’un doute ne vienne s’installer en permanence dans les esprits.

 

Reste que la réalité s’est suffi à elle-même pour convaincre nos concitoyens que, quelques soient les difficultés qu’ils traversent, ils ne pouvaient plus se payer le luxe de remettre dans les tiroirs de leur préoccupation la question de la « supportabilité » et de la durabilité de l’activité humaine au regard de la préservation de l’environnement.

 

Cette conviction s’est nourrie aussi des premiers effets de la dégradation de l’environnement sur l’humanité en tant que telle.

Les crises sanitaires, la pollution, la désertification, les grands sinistres environnementaux et technologiques sont autant d’effets qui font que la lutte pour une gestion durable de l’environnement est aussi simplement une lutte pour la qualité de la vie quotidienne.

 

La préoccupation écologique est devenue une hégémonie au sens où l’entendait Antonio Gramsci. C’est une toile de fond de la pensée d’aujourd’hui. Cela ne peut que réjouir.

 

Il faut en prendre alors la mesure et ne pas transformer une toile de fond en objet total du débat politique.

La structuration de l'écologie politique


Politiquement, l’émergence de la préoccupation environnementale est le fait d’un ensemble militant qui se retrouve aujourd’hui essentiellement organisé dans le parti Vert. Il puise ses racines dans des combats divers, liés non seulement à l’environnement mais aussi à la non-violence, à la critique de la société de consommation, aux combats pour la liberté individuelle. Il est maintenant rejoint par une constellation d’organisation à vocation plus ou moins universelle au sein d’Europe Ecologie.

 

Le parti Vert porte donc la légitimité de ce combat mais aussi d’autres revendications sociétales dont le rapport avec le combat environnemental n’existe que parce qu’est posé comme postulat la cohérence des valeurs de ces revendications avec la cause écologique.

 

C’est une fausse évidence qui s’est pourtant profondément installée. A titre d’exemple, la revendication d’une liberté de circulation totale de la main d’œuvre au niveau mondial (plus concrètement « des papiers pour tous ») est largement discutable d’un point de vue environnemental et, de toute façon, sa discussion ne saurait se mener à cette simple lumière.

 

La réalité, c’est que l’écologie politique peut appartenir à l’ensemble du spectre droite-gauche avec des contradictions plus ou moins importantes. Si le parti Vert est clairement et sincèrement situé à gauche, ses partenaires au sein d’Europe Ecologie ont des histoires très diverses. Nicolas Hulot a eu des sympathies à droite et Daniel Cohn Bendit est idéologiquement très proche du libéralisme économique et politique. Au niveau français, les Verts se sont situés dans un soutien critique à la construction européenne en contradiction parfois avec certains de leurs partenaires européens qui la rejettent.

 

La nébuleuse écologique rencontre en fait deux difficultés liées : la première est de tendre à une universalité de son discours en abordant tous les sujets et la seconde est d’affronter une incohérence politique au rythme même où elle diversifiera justement ses thèmes d’intervention.

 

Pour qui veut agir pour la chose publique, et qui souhaite s’inscrire dans la nécessaire et évidente prise en compte de la dimension environnementale dans les politiques publiques, une alternative apparaît : faut-il « écologiser » les partis politiques pour qu’ils intègrent cette dimension dans leur programme, ou faut-il donner à l’écologie politique la coloration de leurs propres options partisanes et s’inscrire dans le rassemblement en cours ?

 

La première option est largement engagée. Par opportunité ou par conviction, il n’est pas de formations politiques significatives qui n’aient son courant, son aile ou sa mouvance écologisante.

 

Chacune des formations dominantes, sans doute parce qu’elles ne voient dans le vote écologiste qu’un vote de lobby, essaie de convaincre de sa conversion écologique.

 

La droite s’y est essayée avec un certain courage avec la démarche des grenelles de l’environnement mais elle a vite buté sur ses propres contradictions. Difficile de concilier profit maximum et développement durable, déréglementation à tous crins et préservation de l’environnement.

 

Le parti socialiste traite de l’écologie comme il traite souvent des sujets d’importance : la sédimentation des intérêts contradictoires des coteries qui l’anime l’empêche d’avoir une position articulée. Il se contente donc ajouter le mot écologique aux différents paragraphes de ses textes.

 

La gauche radicale ajoute le mot écologiste par réflexe et en s’intégrant dans la confusion maintenant installée entre écologie et « altérisme ». Elle s’appuie sur la réalité historique d’une écologie politique qui s’est nourrie des mouvements alternatifs. Mais elle s’interdit là comme ailleurs de quitter le domaine protestataire.

 

La réalité politique de notre pays, c’est que l’écologie politique continue – qu’on s’en réjouisse ou qu’on s’en désole – à être seule à porter de façon crédible la préoccupation environnementale. Cette conclusion est d’importance, parce qu’elle signifie que le discours qui sera intégré dans les futurs programmes politiques viendra de cette mouvance.

L'écologie des républicains de gauche


 Il y a aussi des absents dans ce débat : ce sont les républicains de gauche. Les républicains sont présents à gauche dans les différents partis. Nous avons même un parti singulier, celui où se retrouvent les amis de Jean Pierre Chevènement qui ne veulent pas être ailleurs. Leur combat d’aujourd’hui est de ramener la gauche à une analyse qui ne fasse pas fi de la Nation et qui ne se soumette pas au libéralisme.

 

Nous avons, avec d’autres, remporté de belles victoires. On peut songer en particulier au référendum de 2005. Mais nous avons aussi vainement épuisé nos forces dans la réécriture du projet de la gauche. Et la dimension environnementale est un peu passée à côté.

 

Nous avons de ce point de vue à faire un réel travail de compréhension de nos limites. Les problématiques environnementales sont largement ignorées dans nos développements. Sans doute le sujet est-il apparu très souvent comme anecdotique. Peut-être la dose épaisse de bons sentiments qui tapisse ces problèmes nous est-elle apparue trop mièvre pour que soit crédible le sujet qu’elle recouvrait. La république est rationalité et –hors l’amour de la patrie – il n’est pas de place pour le sentiment. Et à l’évidence, la confusion des valeurs soixante-huitardes avec l’écologie politique, le refus de l’autorité et la pathologie anti-nucléaire ont-ils été autant d’épouvantails qui nous ont fait considérer avec dédain ces militants sans costume et les idées qu’ils portaient. Soyons clairs et ne tirons pas gloire d’une attitude pour le coup très éloignée de la rationalité.

 

Si nous sommes en divergence avec nombre des composantes de la mouvance écologiste, c’est principalement sur des sujets qui n’ont pas grand-chose à voir avec le développement durable, ou alors ce sont des sujets qui méritent discussion au titre du développement durable.

 

Certes, de nombreuses composantes de la mouvance écologiste s’accordent sur le slogan « des papiers pour tous ». Les républicains de gauche s’y opposent. Nous croyons à la primauté de la sauvegarde de notre système social. Il n’est en aucune façon question de minimiser la souffrance des personnes qui désirent venir sur notre territoire. Chacune a une bonne raison de venir et principalement celle de fuir un avenir bouché dans son pays d’origine. Mais notre pays a un système social qui repose sur un équilibre entre la richesse qu’il créée, la fraction de cette richesse qu’il consacre à la solidarité et le nombre de personnes qui en bénéficient. Notre système social fonctionne aussi sur des normes qui définissent – par exemple – l’acceptabilité des conditions de travail et sa rémunération. Les personnes en situation irrégulières sur le territoire sont le plus souvent obligées d’accepter des réalités indignes. Mais au-delà de leur propre situation, c’est l’ensemble du système qu’elles fragilisent. Cette question est d’une importance majeure. Elle peut être discutée à l’aune de problématiques nationales mais aussi internationales sur les perspectives de développement au niveau international. Il n’est pas neutre, à titre d’exemple, que 80% du personnel médical d’origine nigériane exerce aux Etats-Unis.

 

En tenant cette position, les républicains ne disent rien de choquant au regard du développement durable, bien au contraire.

 

Nous avons des divergences avec une partie de la mouvance écologistes sur la notion d’autorité ainsi que dans le domaine scolaire. Nous considérons que l’école, particulièrement dans des périodes de crise, doit incarner les valeurs de référence de la société qu’elle sert afin que les enfants puissent y trouver les repères que la brutalité de la vie quotidienne efface jusque dans les familles.

Nous considérons que son rôle premier est de former les citoyens de demain. Cela passe évidemment par le développement de l’esprit de découverte sans lequel il n’est pas de démocratie vivante mais aussi et avant tout par la maîtrise des outils de base de la connaissance : l’écriture, le calcul et l’écriture. Au-delà, la connaissance de notre culture commune, de notre histoire et de notre cadre de vie sont nécessaires à la compréhension du monde. Certains enfants ne maîtrisent que 150 mots à leur entrée en CP quand d’autres en maîtrise déjà 700. Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre où l’effort doit se porter pour rééquilibrer les chances.

 

Mais là encore, en quoi la position des républicains seraient elles en décalage avec la nécessité du développement durable ?

Mettre fin à une idéologie de la repentance


Nous pouvons même prendre la question du nucléaire et de la consommation énergétique au sein de notre pays. Les républicains y sont généralement attachés parce que c’est une énergie fiable peu polluante et qui garantit un accès peu coûteux à l’énergie pour tous. L’énergie nucléaire est aussi la garantie de notre indépendance sur le plan énergétique. Notre époque connaît ses premières guerres pour la maîtrise des ressources énergétiques, l’énergie nucléaire est une arme défensive puissante en la matière. Nous considérons qu’il est nécessaire de poursuivre la recherche pour la génération suivante des réacteurs nucléaires minimisent les effets nuisibles au premier titre desquels les déchets. C’est pour la mouvance écologiste une question généralement considérée comme identitaire. Mais la plupart d’entre eux admettent qu’une sortie du nucléaire n’est pas envisageable à court terme et fixe un terme qui ne serait pas inférieur à 20 ans. Les informations disponibles fixent un épuisement des ressources disponibles à un horizon de 50 ans. Il peut sans aucun doute avoir un débat raisonné autour de la création d’une dernière génération de réacteur et le développement d’une recherche conséquente de sources énergétiques de substitution à cet horizon.

 

Ces débats n’opposent pas en fait les républicains aux écologistes. Ils mettent face à face les républicains avec un jour des néolibéraux, un autre les libertaires et les alternatifs.

 

En revanche la démarche républicaine a une singularité propre qui a sa valeur dans l’appréhension des problématiques environnementales. Nous considérons que l’écologie politique est trop marquée par un esprit de repentance où les habitants des pays développés sont appelés à se mortifier d’une nature martyrisée par une société aveugle.

 

Que notre modèle de développement ait fait peu de cas de la nature est sans doute réel. La recherche du profit maximum est une démarche qui laisse peu de place à l’avenir, que ce soit celui de l’environnement ou des peuples.

 

Que nous en soyons comptable est une autre chose. Nous ne le croyons pas. L’enjeu n’est pas de payer pour les fautes du passé mais d’adopter un nouveau mode de développement qui soit compatible avec la survie de la planète et qui puisse être généralisé à l’ensemble de celle-ci.

 

L’enjeu, ce n’est pas la décroissance, c’est d’inventer justement une croissance qui pourra satisfaire en termes de qualité de vie autant les européens que les 2,5 milliards de Chinois et d’Indiens. Leur tenir le discours de la décroissance est absurde. Il serait insupportable d’utiliser les turpitudes de notre système de développement pour les convaincre de renoncer au leur. Et de toutes les façons, ils ne le feront pas.

 

A rebours de cela nous devons utiliser notre richesse, notre technologie et nos pratiques démocratiques pour inventer un autre modèle de croissance qui permette une égale qualité de vie. Cela doit passer par une autre appréhension des transports, de l’habitat, de la consommation et des échanges. La vérité, c’est qu’un développement supportable pour 6 milliards d’êtres humains, ce n’est pas un monde libéral mais un monde organisé et régulé.

 

Cela suppose en particulier un autre rapport à la consommation. Aujourd’hui, près d’un tiers de la nourriture achetée est jetée.

Il y a un impératif moral et environnemental à changer nos comportements. Il ne s’agit pas de punir mais de comprendre que la préservation de notre qualité de vie dépend de comportements qui auront évolué.

Un modèle de croissance durable : la République


La république encore s’inscrit dans l’Histoire et accompagne l’identité de chacun. La valorisation durable de l’environnement s’inscrit dans cette logique d’identité basée sur l’intérêt commun.

 

Et puis il y a des axes forts de la pensée républicaine qui viennent utilement compléter la préoccupation environnementale. La République est affaire de cohérence. L’égalité des droits et des devoirs, la valorisation des talents, celle du travail, la laïcité, une démocratie de projet, le droit de la collectivité à intervenir dans la sphère économique, la primauté de l’intérêt général sont autant de briques de l’édifice républicain. Elles sont autant de conditions nécessaires à la construction d’un avenir commun.

 

La construction d’un développement durable ne pourra pas simplement espérer dans la conjonction des intérêts particuliers ou dans la déréglementation des Etats. Elle a besoin d’une puissance publique forte, vertueuse, éloignée des lobbys pour faire respecter les normes et investir dans les technologies durables. Mais cette construction a besoin aussi de la République parce que celle-ci peut mettre en cohérence cette construction avec un pacte social qui la lie avec chacun des citoyens. Le modèle républicain apporte à la société un mode de régulation qui échappe à la logique marchande. Le talent, l’innovation, la créativité s’expriment aussi hors des seuils de rentabilités et c’est souvent dans ce cadre qu’ils font progresser l’humanité.

 

Cette logique marchande conduit au niveau national comme au niveau international à un accaparement des richesses par le moins disant social qui est souvent aussi le moins disant environnemental. Or nous avons besoin de ces richesses pour que la puissance publique ait les moyens d’une action efficace et que les citoyens aient la juste contrepartie de leur travail et de leur créativité.

Là encore le combat est le même, un environnement préservé, c’est davantage de transport en commun et un cadre de vie de grande qualité. Un travail justement rémunéré, c’est aussi la capacité d’une plus grande exigence dans la consommation des produits.

 

Il n’y aura pas de développement durable sans une remise en cause du système libéral.

 

La démarche d’une croissance soutenable et d’un nouveau modèle de développement suppose d’abord l’existence d’un espace démocratique de débat qui puisse fédérer les énergies à l’issue de ce débat. Un tel espace suppose une acceptation de chacun des opinions de l’autre, une histoire commune qui valide un intérêt général, un ensemble de valeurs qui cimente le « vivre ensemble », une souveraineté réelle de la communauté démocratique sur son propre destin. Cela s’appelle la Nation républicaine. C’est peut-être là notre principal désaccord avec les tenants de l’écologie politique qui ont considéré la Nation comme un cadre dépassé.

Nous considérons au contraire que ce cadre est le seul véritablement fédérateur pour mener en commun les transformations raisonnées de la société dont celle d’un modèle de croissance écologique.

 

Considérer la Nation comme le lieu naturel de la construction de l’avenir de la société ne s’oppose ni à l’existence d’une Europe des peuples ni à la réalité des collectivités locales.

 

L’Europe doit être un lieu de coordination des politiques et un lieu de solidarité. Elle doit protéger les européens. On est évidemment loin du modèle mis en œuvre mais il faut justement le réformer. Quant aux collectivités locales, elles sont en premier lieu l’outil majeur de l’intérêt public de proximité, en deuxième lieu le nécessaire contrepoids à un pouvoir central qui peut avoir tendance à s’isoler et en troisième lieu l’espace naturel de l’implication civique direct des citoyens. C’est dans cet espace que les citoyens peuvent faire valoir leur connaissance et leur conception de leur propre environnement et contribuer à l’évolution de celui-ci.

 

En revanche, une telle définition de la communauté des citoyens s’oppose à la mondialisation libérale. L’intérêt des peuples a une réalité, et leur droit à le préserver a toute légitimité. C’est pourquoi il ne suffit pas de bâtir une OMC pour « gendarmer » les échanges mondiaux.

Il faut que chaque ensemble régional reprenne la capacité de se protéger contre des tendances économiques ou des échanges qui remettent en cause ses propres valeurs, qu'elles soient sociales, culturelles ou environnementales. Nous croyons ainsi à la nécessité d’un nouveau protectionnisme qui nous prémunisse de la lutte du pot de terre contre le pot de fer. Nous ne voulons pas échanger la protection sociale de nos salariés ici contre le travail des enfants ailleurs. Et nous ne voulons pas renoncer au savoir-faire de nos productions ici en échange du sacrifice de la nature ailleurs. Le cadre idéal pour la mise en œuvre d’un protectionnisme raisonné est l’union européenne qui prendrait alors un véritable sens. Mais à défaut, le cadre national peut conserver son efficacité.

 

Enfin, et cela est une conviction partagée avec de nombreux militants écologistes, nous croyons en la nécessité d’une réforme des circuits de distribution. Leur rôle dans la construction du prix est aujourd’hui la concrétisation d’une double escroquerie, à l’égard des producteurs et des salariés comme à l’égard du consommateur. L’écart souvent dément entre le prix de production et le prix de vente au consommateur montre la capacité d’accaparement du système. L’exemple le plus caricatural est sans doute une partie du commerce équitable qui fait payer au consommateur la hausse du revenu du producteur en prenant bien soin de ne pas toucher aux marges intermédiaires. La réalité, c’est qu’en la matière la mondialisation a bon dos. Avec une telle inflation des prix, la plupart des productions résidentes sont vendues aux intermédiaires très largement au-dessous des prix de vente au public. L’incitation au circuit court est une nécessité. Il faudrait poursuivre ce propos par bien d’autres thèmes, tels que la réforme de l’Etat, l’Ecole, la santé.

 

Ce texte se veut d’abord l’exposé d’une démarche politique. Nous souhaitons que les Républicains participent au débat environnemental et contribue ainsi à bâtir le « plan B » à l’hégémonie libérale que n’arrive plus à concevoir la social-démocratie.

La démarche environnementale comme la logique républicaine sont souvent histoire de bon sens. C'est-à-dire ce raisonnement des honnêtes gens qui leur font prendre des décisions en s’appuyant sur des valeurs claires, sans sous-entendu ni tartuferie.

Nous faisons le pari que la conjugaison de ces bons sens peut fédérer et aider au redressement durable de notre pays.

 

 

(Paris, le 30-11-2010)


Pour aller plus loin

ENJEUX, PRINCIPES ET VOLONTÉ

MANIFESTE