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NOUS SOMMES LES PENSEES ARBORESCENTES QUI FLEURISSENT, par Robert Desnos / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Nous restons ce dimanche en compagnie de Robert DESNOS, avec P'Oasis, un poème en prose, écrit entre 1922 et 1923, tiré du recueil l’Aumonyme, publié en tant que section dans Corps et Biens (1930), qui traduit le dialogue intérieur de Desnos en même temps que sa réflexion incessante sur le langage poétique tout en jonglant ou en organisant des jeux poétiques. Egalement avec Dialogue.

André Breton dans ses Entretiens dira qu’ « il  s’y donnera  éperdument, y apportant un goût romantique du naufrage » que traduit le titre même de Corps et biens. Ajoutant que « Nul comme lui n’aura foncé tête baissée dans toutes les voies du merveilleux… »

 

Pour aller plus loin, je vous propose cette analyse qui nous vient du Japon :

https://ir.library.osaka-u.ac.jp/repo/ouka/all/11197/gallia_31_322.pdf, par Agnès Disson, professeur Émérite de littérature française à l’Université d’Osaka, spécialiste de la poésie du XXe et XXIème siècles.

 

 

Portrait de Desnos par André Breton

 

 

                            P’Oasis

                 À Louis Aragon

 

Nous sommes les pensées arborescentes qui

      fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

- Sœur Anne, ma Sainte Anne, ne vois-tu rien

venir ... vers Sainte-Anne?

- Je vois les pensées odorer les mots.

- Nous sommes les mots arborescents qui

     fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

   De nous naissent les pensées.

- Nous sommes les pensées arborescentes qui

        fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

   Les mots sont nos esclaves.

- Nous sommes

- Nous sommes

  - Nous sommes les lettres arborescentes qui

         fleurissent sur les chemins des jardins cérébraux.

Nous n’avons pas d’esclaves.

- Sœur Anne, ma sœur Anne, que vois-tu venir vers

Sainte-Anne?

- Je vois les Pan C

- Je vois les crânes  KC

- Je vois les mains  DCD

- Je les M

- Je vois les pensées  BC et les femmes  ME

       et les poumons qui en ont  AC de l’R L O  

       poumons noyés des ponts  NMI.

Mais la minute précédente est déjà trop  AG.

- Nous sommes les arborescences qui fleurissent sur

 

         les déserts des jardins cérébraux. 

 

 

 

 

 

 

  Dialogue

 

- Rien ne m’intéresse.

- Rie, en aimant, Thérèse. 

Poesy’s P’Oasis       pensées = thoughts, also pansies

 

 

We are the poet-tree pansies, the pensées that flower on the paths

              in gardens of the brain.

Sister Anne, my St Anne, do you see nothing coming...

              towards St Anne’s?

-        I see pensées giving their scent to words.

We are the poet-tree words that flower on the paths of gardens

              of the brain,

we give birth to pensées.

We are the poet-tree pensées that flower on the paths of gardens

              of the brain.

Words are our slaves.

- We are

- We are

- We are the poet-tree letters that flower on the paths of gardens

              of the brain.

We have no slaves.

-              Sister Anne, sister Anne, what do U C coming...

              towards St Anne’s?

I  C  Pan CCCCC

I  C skulls after  N  N G O R E S assault

I  C hands that passed  A O A

I love  ’M

I  C  L O pensée and A  D R  D R  L A D

I  C  lungs that have had more than  N F  F  A R  N  C

lungs drowned on  N M E  bridges

But the P R E V S  minute is already  2  O E R E

- We are the poet-trees that flower in the deserts of gardens of the

               brain.

 

 Copyright © Timothy Adès

 

                          Dialogue

Dans mon livre…            In my book …

‘Lo, I’ve nothing to interest my little soul.’

‘Laugh, now think to win, Terry, smile at hell’s hole.’

 

Non ! Dèsormais…        No! From now on…

‘Lo, I’ve nothing to interest my little after-life.’

‘Laugh, now think to win, Terry, smile at a laughter-life.’

 

Copyright © Timothy Adès



1- Page de titre d'un manuscrit de "L'Aumonime" :  Desnos n'a pas encore opté pour le « y » final qui fera la filiation avec L'Ymagier de Gourmont et Jarry (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT 143)

2- Collage original de Desnos figurant dans une chemise contenant des poèmes manuscrits autographes, dessin et collage de Robert Desnos datant des années 1920-1925 (Bibliothèque littéraire Jacques Doucet, Paris : BRT 143)

3- Corps et biens, Robert Desnos (NrF, 1930)

4- Portrait de Desnos par Man Ray dédicacé à André Breton, avec une annotation (de Desnos) manuscrite au recto : « Faux lit des grandes heures. À André Breton seize novembre mil neuf cent vingt trois Robert Desnos ». Et une autre (d'André Breton) au dos : « à André Breton, appartient à André Breton » (Exposition - Paris, Musée national d'art moderne / Centre Georges Pompidou, André Breton, la beauté convulsive, 1991 / © Man Ray Trust / ADAGP, Paris, 2005)

5- P'Oasis, par Danièle Boisselier, plasticienne (exposition MINI LIVRES au Musée de l’Imprimerie à Lyon en 2010)

6- Carte d'annonce vernissage du Café Curieux, Bar surréaliste et solidaire de Morsang sur Orge (91) mettant en exergue le premier vers de P'Oasis à l'occasion d'une exposition  d'artistes (juin-oct 2010)

6- Corps et biens, Robert Desnos (Belin-Gallimard, 2016)

7- Œuvres de Robert Desnos et autres contributions de Marie-Claire Dumas (Gallimard, Coll. Quarto, 1999)

8- Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant, 527 pages, édition bilingue, par Timothy Adès qui a choisi et traduit quelques 300 poèmes de Desnos (Arc Publications, 2017).


Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García LorcaAlberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les  "Chantefables"  et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.

Lauréat  entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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