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DEMAIN, DES L'AUBE, par Victor Hugo / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


Léopoldine au Livre d'heures, par Auguste de Châtillon (1808-1881), peintre, 1835. Huile sur toile

(Paris, Maison de Victor Hugo, Inv. 768 © PMVP)

 

 

   Léopoldine HUGO meurt à l'âge de 19 ans, en septembre 1843, engloutie par la Seine, à Villequier (Seine-Maritime) : voici un poème des plus célèbres et des plus émouvants de son père Victor HUGO (1802-85).

Demain, dès l'aube ("Les Contemplations", T.2, IV, XIV, 1856), est écrit le 4 octobre 1847, mais daté dans l’édition du 3 septembre de la même année, veille du jour anniversaire de la mort de Léopoldine, il s'inscrit dans la série des pièces composées chaque année en mémoire de la tragédie.

 

Voici l’histoire de Léopoldine, y compris, en plein détail, ce jour fatal pour la jeune femme enceinte, ainsi que son mari et l’oncle de celui-ci avec son petit-fils qu’il amène : https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9opoldine_Hugo

Ou bien, on nous la raconte ici : https://www.youtube.com/watch?v=E_vA_Qkp974

 

Dans le bistrot à Rochefort, selon Juliette Drouet : « Sur une table en face de nous, il y a plusieurs journaux. Toto [c’est le surnom affectueux que Juliette Drouet donne à Hugo] en prend un au hasard [Le Siècle, daté du jeudi 7 septembre]. Et moi je prends le Charivari. J’avais eu à peine le temps d’en regarder le titre que mon pauvre bien aimé se pencha brusquement sur moi et me dit d’une voix sourde et étranglée en me montrant le journal qu’il tenait à la main : «Voilà qui est horrible !» Je lève les yeux sur lui. Jamais, tant que je vivrai, je n’oublierai l’expression de désespoir sans nom de sa noble figure. Je venais de le voir souriant et heureux et en moins d’une seconde, sans transition, je le retrouvais foudroyé. Ces pauvres lèvres étaient blanches, ces beaux yeux regardaient sans voir. Son visage, ses cheveux étaient mouillés de sueur. Sa pauvre main était serrée contre son cœur comme pour l’empêcher de sortir de sa poitrine. »

 

Demain, dès l'aube

 

 

 

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,

Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.

J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.

Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

 

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,

Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,

Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,

Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

 

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,

Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,

Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe

Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

 

https://www.youtube.com/watch?v=KR_PaG_Hq5s

 

 

His Daughter’s Grave

Léopoldine had died in a boating accident,

along with her husband and unborn first child.

 

Tomorrow, soon as dawn has lit the land,

I’ll start. I know you’re waiting there, you see.

I’ll walk the woods and hills. I cannot stand

Another day, having you far from me.

 

My eyes will fasten on my thoughts. I’ll tread,

Hearing no noise, seeing no outward sight,

Nameless, alone, hands folded, lowered head,

In sadness: and my day shall be as night.

 

I shall not watch the falling gold of eve,

The distant sails borne down towards Harfleur.

I’ll come and lay my tribute on your grave:

Green holly, gathered tight with ling in flower.

 

Copyright © Timothy Adès



1-Léopoldine  et  son frère Charles Hugo (Victor Hugo a eu cinq enfants avec son épouse Adèle Foucher : trois garçons et deux filles, Charles, François-victor, Léopold, Adèle et Léopodine)

2- Dessin de Léopoldine par Victor Hugo

3- Léopoldine dessinée par sa mère Adèle Hugo (née Foucher), 1856, Guernesey ((Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

4- Charles Vacquerie et sa femme Léopoldine Hugo, 1843 (Maison de Victor Hugo - Hauteville House)

5 - Manuscrit du poème Demain, dès l'aube ( Bibliothèque nationale de France. Département des Manuscrits. NAF 13363)

6- "Café de l'Europe" de Rochefort (devenu ensuite le "bistrot de la Paix") où Victor Hugo, au retour d'un voyage en Espagne, selon le journal intime de Juliette Drouet, son amante, aurait appris la noyade de "Didine", sa fille Léopoldine en lisant le journal Le Siècle .

7- Sépulture de Léopoldine et Charles Vacquerie à Villequier (Seine maritime)

8-  Maison  de vacances de la famille Vacquerie à Villequier


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés généralement le week-end).

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

 

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