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LES SAISONS, par Guillaume Apollinaire / Timothy Adès


Timothy Adès is back !

Notre ami Timothy nous offre en cette fin de vacances d'été un poème de Guillaume Apollinaire. Apollinaire, le mal-aimé, qui a exploré des chemins poétiques nouveaux et fut le premier à mettre en jeu le mot de "surréalisme" en 1917. Ainsi qu'un opportun détour par le dernier rapport (alarmant) du GIEC.

Apollinaire, cet enchanteur mélancolique était convaincu qu'" On peut être poète dans tous les domaines : il suffit que l'on soit aventureux et que l'on aille à la découverte ".


 

   Salutations aux amies et amis du PRé !

La situation est grave. On a le rapport du GIEC du 9 août :

 

https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/rapport-du-giec-cinq-chiffres-marquants-sur-le-rechauffement-climatique-et-ses-consequences-150066.html .

 

Soyons conscients d'être "en guerre" : comme Apollinaire en août 1914, toujours en bonne mine : lui que la grippe enlèvera, pandémie de loin plus meurtrière que les conflits armés.

 

 Voici en cette pré-rentrée "Les Saisons", un poème d'Apollinaire publié dans La Grande revue, en novembre 1917, repris dans Calligrammes en 1918.

 

 

 

Portrait d'Appolinaire par Irène Lagut (1893-1994), 41 x 33 cm

 

LES SAISONS

 

C’était un temps béni nous étions sur les plages

Va-t’en de bon matin pieds nus et sans chapeau

Et vite comme va la langue d’un crapaud

L’amour blessait au coeur les fous comme les sages

 

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était militaire

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était artiflot

À la guerre

 

C’était un temps béni Le temps du vaguemestre

On est bien plus serré que dans les autobus

Et des astres passaient que singeaient les obus

Quand dans la nuit survint la batterie équestre

 

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était militaire

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était artiflot

À la guerre

 

C’était un temps béni Jours vagues et nuits vagues

Les marmites donnaient aux rondins des cagnats

Quelque aluminium où tu t’ingénias

À limer jusqu’au soir d’invraisemblables bagues

 

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était militaire

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était artiflot

À la guerre

 

C’était un temps béni La guerre continue

Les Servants ont limé la bague au long des mois

Le Conducteur écoute abrité dans les bois

La chanson que répète une étoile inconnue

 

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était militaire

As-tu connu Guy au galop

Du temps qu’il était artiflot

À la guerre

 

 

THE SEASONS

 

Those were the days ! with bare feet and no hat

On the beach in the morning, a blessing bestowed

 When Love like the flickering tongue of a toad

Struck the wise and the witless and struck to the heart

 

Did you know Galloping Guy

Guy in the Army the Fighting Forces

Gunnery Guy in the horse artillery

During the War ?

 

 

Those were the days of the baggage-master

Who packed us all in like a bus-conductor

At night when the gunners came up with their horses

The salvoes frazzled the stars in their courses

 

Did you know Galloping Guy

Guy in the Army the Fighting Forces

Gunnery Guy in the horse artillery

During the War?

 

 

Those were the days and the nights you could tell

Shells over our shelters were raining things

Aluminium fell from each crump of a shell

We filed and we polished improbable rings

 

Did you know Galloping Guy

Guy in the Army the Fighting Forces

Gunnery Guy in the horse artillery

During the War ?

 

 

Those were the days we kept on with the War

The Gunners were filing and polishing rings

The Boss in the woods heard the voice that sings

The carefree song of an unknown star

 

Did you know Galloping Guy

Guy in the Army the Fighting Forces

Gunnery Guy in the horse artillery

During the War ?

 

Translation: Copyright © Timothy Adès

 (Published in Agenda poetry magazine)


- Photographie d'Apollinaire allongé

- Portrait d'Apollinaire par Maurice de Vlaminck, vers 1905 (musée d'Art du comté de Los Angeles)

- La Grande Revue, Paris Novembre 1917, 16x24cm, broché. - Edition originale. Contributions de A. Mater, G. Apollinaire, C. Péguy, A. Fribourg, A. Arnoux

- Calligrammes, Poèmes de la paix et de la guerre, Guillaume Apollinaire (Mercure de France, 1918),  dédié " A la mémoire du plus ancien de mes camarades René Dalize pmort au champ d'honneur le 7 mai 1917 "

- Portrait d'Apollinaire par Picasso figurant dans l'édition de 1918 de Calligrammes (gravé sur bois par R. Jaudon)

- Photographie d'Apollinaire; crédits : Wikimedia Commons


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé,

de Federico García Lorca, d'Alberto Arvelo Torrealba, d'Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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