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COUPLETS par Alexandre Pouchkine / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

  

Alexandre Pouchkine (1799-1837), poète national de la Russie, était du gratin russe qui avait l’habitude de se parler en français, à l’époque. Il nous a donc légué quelques poèmes en français, datant surtout de sa jeunesse.

 

C’est la soprane Julia Kogan qui m’a fait connaître ce poème exquis : elle le chante également en français et en anglais sur ces deux CD : les coordonnés chez YouTube sont ci-dessous : la musique est d’Isabelle Aboulker. Ces deux dames sont magnifiques !

 

 

 

 

Portrait de Pouchkine  par Vassili Tropinine (1827)

Alexandre Pouchkine - Сouplets

 

Quand un poète en son extase

Vous lit son ode ou son bouquet,

Quand un conteur traîne sa phrase,

Quand on écoute un perroquet,

Ne trouvant pas le mot pour rire,

On dort, on baille en son mouchoir,

On attend le moment de dire :

Jusqu'au plaisir de nous revoir.

 

Mais tête-à-tête avec sa belle,

Ou bien avec des gens d'esprit,

Le vrai bonheur se renouvelle,

On est content, l'on chante, on rit.

 

Prolongez vos paisibles veilles,

Et chantez vers la fin du soir

A vos amis, à vos bouteilles :

Jusqu'au plaisir de nous revoir.

 

Amis, la vie est un passage

Et tout s'écoule avec le temps,

L'amour aussi n'est qu'un volage,

Un oiseau de notre printemps;

 

Trop tôt il fuit, riant sous cape –

C'est pour toujours, adieu l'Espoir !

On ne dit pas dès qu'il s'échappe :

Jusqu'au plaisir de nous revoir.

 

Le temps s'enfuit triste et barbare

Et tôt ou tard on va là-haut.

Souvent – le cas n'est pas si rare –

Hasard nous sauve du tombeau.

 

Des maux s'éloignent les cohortes

Et le squelette horrible et noir

S'en va frappant à d'autres portes :

Jusqu'au plaisir de nous revoir.

 

Mais quoi ? je sens que je me lasse

En lassant mes chers auditeurs,

Allons, je descends du Parnasse –

Il n'est pas fait pour les chanteurs,

 

Pour des couplets mon feu s'allume,

Sur un refrain j'ai du pouvoir,

C'est bien assez – adieu, ma plume !

Jusqu'au plaisir de nous revoir.

 

https://www.youtube.com/watch?v=pgb_rK8dw-g

 

Pushkin - We certainly must meet again

 

When some young bard who dreams of glory

Reads you his ode, or greets with rhyme,

When some old bore drags out his story,

When parrots prate and waste your time:

With no cue for humorous comment,

Drowsy, with yawns suppressed in vain,

You have words that await their moment:

‘We certainly must meet again.’

 

Ah, but alone with your true love,

Or with amusing company,

Happiness will revive and thrive,

While mirth and song flow joyfully.

 

Linger long on your peaceful evenings!

As they close, chirrup your refrain:

Sing to your friends, sing to your flagons:

We certainly must meet again.

 

My friends, our life is an instant:

All things must pass – and so does Time;

And Love is utterly inconstant,

Just a bird of our short springtime.

 

Too soon it flies, with furtive snigger,

For evermore: so, Hope, begone!

We do not tell the wayward figure

‘We certainly must meet again.’

 

Time takes his flight, that cruel ruffian,

And in our turn we soar above.

Sometimes – in fact it happens often –

It’s Luck that keeps us from the grave.

 

No present threat from dangers mortal:

The grisly black-robed skeleton

Goes knocking on some other portal:

We certainly must meet again.

 

But what? I sense a little weakness,

I’ve wearied my dear audience too:

So look, I’ll come down from Parnassus,

No place to sing, that’s very true.

 

My lyrical candle is burning:

That’s enough now: halt, little pen!

No more rhyming: goodbye, my churning:

We certainly must meet again.

 

Translation: Copyright © Timothy Adès

https://www.youtube.com/watch?v=_aOR18YfveU

 



- Portrait de Pouchkine à sa table de travail, par Piotr Kontchalovski (1876-1956)

- Buste de Pouchkine

- Timbre poste russe représentant Pouchkine, 1937

- Timbre poste éthiopien représentant Pouchkine (Le père du poète, Sergueï Lvovitch Pouchkine, lieutenant de la Garde Impériale, épouse Nadejda Ossipovna Hanibal, petite fille d'Abraham Hanibal, fils de prince Ethiopien qui termina sa carrière comme général en chef de l'armée Impériale)

- Tableau représentant Pouchkine à un bal avec sa femme par OULYANOV (alias OULIANOV) Nikolaï Pavlovitch (1875-1949)


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

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