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LES PYRENEES, par Guillaume de Salluste, Sieur du Bartas / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Notre ami poète-traducteur anglais nous offre cette fois-ci ‘Les Pyrénées’ de Guillaume de Salluste, Sieur du Bartas (1544-1590). Il raconte :


 

  

 

   En 1960, libéré de l’école, innocent, j’achète un vieux Lambretta à Bordeaux, je vais au Pays basque et au col de St-Ignace où j’apprends à me pencher à droite ou à gauche. Je fais tout le circuit des Pyrénées, les quatre grands cols, Gavarnie, le Pic du Midi de Bigorre, la Principauté, j’arrive au Canigou.

Plus tard, je trouve ce poème dans le Oxford Book of French Verse, je le traduis.

 

 

Les Oeuvres de G. de Saluste, sr Du Bartas (volume anglais, 1621)

 

   Gascon, huguenot, soldat du Vert-Galant, son grand poème ‘La sepmaine ou création du monde’ (1578) lui apporte une grande renommée, de son vivant et post-mortem : Milton, Goethe, Nerval, tous l’applaudissent.

Entre ses nombreux traducteurs se trouve le roi Jacques VI d’Écosse, fils de la malheureuse Marie Stuart (voir la rubrique Tutti Frutti Pré du 12 avril) mais protestant, qui devient Jacques 1er d’Angleterre.

Du Bartas envoyé en Écosse vise aux fiançailles de celui-ci avec la sœur de son Roi ; envoyé en Danemark, c’est peut-être lui qui achève l’union de Jacques à la princesse Anne. Ou bien, puisqu’elle est fort catholique, il ne réussit pas à l’empêcher.

 

    Shakespeare nous a laissé 154 sonnets de ses amours : je les ai traduits tous sans la lettre E, comme chez l’Oulipo, dans mon livre ‘Loving by Will’. On a proposé que quelques-uns seraient des traductions d’œuvres d’Agrippa d’Aubigné à la cour de Navarre ; le Bel Ami et la Dame seraient le Roi et la Reine ; du Bartas, lui, serait le Poète Rival.

 

Voici donc ma traduction de ‘Les Pyrénées’ en deux modes, traditionnel et contemporain :

 

François, arreste–toi, ne passe la campagne
Que Nature mura de rochers d’un costé,
Que l’Auriège entrefend d’un cours précipité;
Campagne qui n’a point en beauté de compagne.
Passant, ce que tu vois n’est point une montagne:
C’est un grand Briarée, un géant haut monté
Qui garde ce passage, et défend, indomté,
De l’Espagne la France, et de France l’Espagne.
Il tend à l’une l’un, à l’autre l’autre bras,
Il porte sur son chef l’antique faix d’Atlas,
Dans deux contraires mers il pose ses deux plantes.
Les espaisses forests sont ses cheveux espais;
Les rochers sont ses os; les rivières bruyantes
L’éternelle sueur que luy cause un tel faix.

 

 

 

 

 

 

Translations: Copyright © Timothy Adès

 

 

Frenchman, hold hard, nor pass beyond that land
That nature fortified with rocky walls,
That Ariège thrusts through with headlong falls,
Land garlanded, most gallant and most grand.
What thou seest, passing here, is no high–land;
Rather a mighty Briareus, a giant
Set high to guard this passage, and, defiant,
Spain’s way to France, France’s to Spain command.
One arm to France, t’other to Spain is spread;
Upon his crest sits Atlas’ ancient weight;
His feet the two opposing seas betread.
The thickets are the thick hairs of his head;
The rocks his bones; the roaring mountain–spate,
The sweat his burthen ever makes him shed.

 

Published in Outposts

 

 

FRENCH NATIONALS STOP HERE. NO TRANSIT through
The Ariège (Dept. no. 9).
A natural break: cascade, scarp, anticline.
No contest: champion country. Get that view!
VISITORS
THIS IS NOT A MOUNTAIN CHAIN.
You’re looking at a brontosaurus which
Has got across the middle of the pitch
Showing a No Way card to France and Spain.
Ne passez pas. No pase el paso usted.
His spiky neck is what jacks up the sky;
Feet in the Bay of Biscay and the Med;
The forest canopy tops out his head;
His bones are rocks. The long–term power supply?
Sweat, leached from stress–points on the watershed.

 

Published in Modern Poetry in Translation

 


Guillaume Salluste du Bartas, par Nicolas II de Larmessin (1632-94)

Les Oeuvres de G. de Saluste, sr Du Bartas (Paris : J. de Bordeaulx, 1610-1611)

La sepmaine ou création du monde, 21 cm, 230 p

Briarée, un des trois géants à cent mains (Hécatonchires, Centimanes) dans la mythologie grecque, de la Terre et du ciel, c'est    selon, ou fils de Poséidon, plus puissant que son père (Homère, Il., I, 404), et aussi de Pontos et de Thalassa. Son nom signifie le fort; le redoutable; ses deux frères sont Cottos et Gygès. Il fait partie du groupe des personnifications des forces de la nature auquel appartiennent les Titans et les Cyclopes, appelé par Thétis (mère d'Achille), gravure allemande (1795)

Château du Bartas situé sur la commune de Saint-Georges (Gers, Occitanie)

Statue de Salustre du Bartas, située sur la place du même nom en plein coeur d'Auch, juste devant la bibliothèque municipale

Réédition en 2012 par la BNf et Hachette Livre de La sepmaine, ou Création du monde


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

Timothy Adès | rhyming translator-poet

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Commentaires: 1
  • #1

    Timothy Adès (dimanche, 25 octobre 2020 21:48)

    Grand merci à Dom Lévèque et à tous les amis lecteurs!