· 

CELLE QUI DE SON CHEF... par Joachim du Bellay / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 Timothy Adès  nous donne à lire ou à relire Celle qui de son chef..., un poème de Joachim du Bellay (1222-1560), l'auteur du fameux "Heureux qui, comme Ulysse", et nous offre sa traduction en anglais.

C’est à la faculté de droit de Poitiers que Joachim du Bellay commence à s'intéresser à la poésie et rencontre Pierre de Ronsard, qu’il suivra au collège de Coqueret (fondé en 1418 sur la montagne Sainte-Geneviève à Paris par Nicolas Coquerel, "Coqueret"). C’est là, sous l’influence de son professeur de grec, Jean Dorat, qu’ils forment un groupe de poètes appelé

« la Brigade ». Il écrit une thèse : « Défense et illustration de la langue française ».

L’objectif de la Brigade est de créer des chefs d’œuvres en français aussi bons que ceux des latins et des grecs (objectifs parfaitement en accord avec François 1er, qui souhaite donner des lettres de noblesse au français). Plus tard, la Brigade se transformera en « Pléiade » avec l’arrivée de nouveaux membres...

 

Du Bellay, qui souhaitait que la France connaisse une gloire aussi grande que celle de Rome, explique ici par une légende la naissance des sept collines de Rome (qui valent pour lui les Sept Merveilles du monde) : Jupiter craignant la même mésaventure qu'avec les Géants : il l’a écrasée son corps sous les sept collines : l’Aventin, le Cælius, le Capitole, l’Esquilin, Le Palatin, le Quirinal, le Viminal.

Joachim Du Bellay connait bien Rome pour y voir suivi son oncle le cardinal Jean Du Bellay, en 1553, afin de lui servir de secrétaire pendant quelques quatre ans durant lesquels il compose "Les Antiquités de Rome" (publiés en 1558), recueil de trente-deux sonnets dédié à Henry II, d'où est tiré Celle qui de son chef... Son autre grand recueil étant celui des Regrets. Mais aussi L’Olive, en tête duquel figure la « Deffense et illustration de la langue françoyse », véritable Manifeste (publié en 1549) qui a joué un rôle décisif dans la promotion du parler national comme langue littéraire contre les créations poétiques néolatines du Moyen Âge,

Dans ce poème Celle qui de son chef..., Du Bellay évoque les mythes, Thétis, la mer, Aurore, déesse de l’aube : « et d’un pied sur Thétis, l’autre dessous l’Aurore », les noms des sept monts qui étaient d’anciennes divinités dont le dieu de la guerre, Saturne, également le mythe des Géants : qui étaient invincibles et immortels. Rome étant personnifiée implicitement par « celle ».

Le poème lui-même est une métaphore pour signifier que Rome était tellement belle, tellement grande qu'elle faisait peur jusqu'aux dieux...

 

Celle qui de son chef…

 

Celle qui de son chef les étoiles passait,

Et d’un pied sur Thétis, l’autre dessous l’Aurore,

D’une main sur le Scythe, et l’autre sur le More,

De la terre et du ciel la rondeur compassait:

Jupiter ayant peur, si plus elle croissait,

Que l’orgueil des Géants se relevât encore,

L’accabla sous ces monts, ces sept monts qui sont ore

Tombeaux de la grandeur qui le ciel menaçait.

II lui mit sur le chef la croupe Saturnale,

Puis dessus l’estomac assit la Quirinale,

Sur le ventre il planta l’antique Palatin,

Mit sur la dextre main la hauteur Célienne,

Sur la senestre assit l’échine Exquilienne,

Viminal sur un pied, sur l’autre l’Aventin.

 

Seven Hills of Rome

 

 She whose head higher than the stars was crowned,

One foot on ocean, one beneath the Dawn,

One hand on Moor and one on Scythian,

Compassed the earth and then the heavens round.

Jupiter, fearing for his menaced heaven,

And lest the Giants’ pride should rise again,

Crushed her beneath those hills that yet remain

As tombs of her great might, in number seven.

Upon her head he heaped the Saturnal,

Upon her stomach set the Quirinal,

Upon her belly, storied Palatine:

The Coelian upon her dexter hand,

Steep Esquiline upon the left doth stand:

On the feet, Viminal and Aventine.

 

 Translation: Copyright © Timothy Adès



Timothy Adès est poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec.

Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du CS du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti et publie régulièrement un post poétique, en général le dimanche en fin d'après-midi.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

 

Timothy Adès | rhyming translator-poet

www.timothyades.com

Écrire commentaire

Commentaires: 0