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ELEGIES ET SONNETS, par Louise Labé / Timothy Adès

 

TUTTI FRUTTI

 

Chroniques et rendez-vous culturels, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Au gré des envies et des propositions des uns et des autres. Publiés le week-end.
Animés par Jean-Claude Ribaut et Dominique Painvin. Et depuis le confinement général également par Carole Aurouet, Vianney Huguenot et Timothy Adès.

 

 

Notre ami, le poète-traducteur Timothy ADES, nous offre son post poétique dominical avec les premiers vers d'un poème de Louise Labé (v.1524-1566), la « Sappho de la Renaissance française », traduits en anglais par ses soins.

 

Louise Labé, "la belle cordonnière" de Lyon, a commencé ainsi sa Troisième Élégie. Voici qu’elle énumère plusieurs mauvaises habitudes auxquelles, dans une République écologique, nous devrons renoncer…

Timothy Adès

 


Quand vous lirez, ô Dames Lionnoises,
Ces miens escrits pleins d’amoureuses noises,
Quand mes regrets, ennuis, despirs et larmes
M’orrez chanter en pitoyables carmes,
Ne veuillez point condamner ma simplesse,
Et ieune erreur de ma fole ieunesse,
Si c’est erreur : mais qui dessous les Cieus
Se peut vanter de n’estre vicieus ?
L’un n’est content de sa sorte de vie,
Et toujours porte à ses voisins enuie :
L’un forcenant de voir la paix en terre,
Par tous moyens tache y mettre la guerre :

 

L’autre croyant pureté estre vice,
À autre Dieu qu’Or, ne fait sacrifice :
L’autre sa foy pariure il emploira
À deceuoir quelcun qui le croira :
L’un en mentant de sa langue lezarde,
Mile brocars sur l’un et l’autre darde :
Ie ne suis point sous ces planettes nee,
Qui m’ussent pù tant faire infortunee.
Onques ne fut mon œil marri, de voir
Chez mon voisin mieux que chez moi pleuuoir.
Onq ne mis noise ou discord entre amis :
À faire gain iamais ne me soumis.
Mentir, tromper, et abuser autrui,
Tant m’a desplu, que mesdire de lui…

Ladies of Lyons, when you read                

my querulous and lovesick screed

and hear me sing these wretched songs

of troubles, tears, regrets and wrongs,

don't censure my naïvety,

mistakes, and youthful idiocy.

Mistakes? But who beneath the skies

can claim exemption from all vice?

Some, discontented with their lot,

want what the folks next door have got;

some, straining after peace on earth,

encourage war for all they're worth;

 

some, thinking poverty a vice,

render to Gold their sacrifice;

some swear oaths falsely, and deceive

whoever's minded to believe;

others with lizard-tongues tell lies,

spreading canards and calumnies.

The ruling planets round my cot

decreed a less unhappy lot:

I don't go green-eyed if I see

next door get wetter rain than me;

I don't start brawls among good friends,

or work towards nefarious ends;

to lie, to cheat, to be two-faced,

to vilify, is not my taste...

 

 

 


Translation: Copyright © Timothy Adès

Le poème entier se trouve à http://www.brindinpress.com/pflabele.htm

 

Timothy Adès est poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec.

Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française. Il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais.

Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du CS du PRé.

 

Dernier ouvrage parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions. 

 

www.timothyades.co.uk

 

Louise Labé

Pernette du Guillet


J’ajoute ce poème-ci de sa contemporaine Pernette du Guillet, puisqu’il est beau, elle est belle :

 

LXII    Colpa ne sei, Amor
Colpa ne sei, Amor, se troppo volsi
Aggiongendo alla tua bocca mia ;
Ma se punir mi vuoi di quel, che tolsi,
Fa’ che concesso il replicar mi sia :
Che tal dolcezza in le tuoi labbia accolsi,
Che fu lo spirto per partirsi via ;
Sò ch’al secondo bacio uscirà fuora :
Bacia me adunque, se tu vuoi ch’i’ muora.

 

Love, Blame Yourself

Love, blame yourself, if I transgressed,

daring to put my lips to yours:

if stolen kiss must be redressed,

permit another, which restores!     

I had such sweetness from your breath,

my soul would readily have flown:

a second kiss, and it is gone:

then kiss me, if you wish my death.

 


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