LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Un poème du dernier grand poète traditionnel de la Grèce, Ánghelos Sikelianós (1884-1951) dont j’ai traduit plusieurs y compris ‘John Keats’ et ‘La Chanson de Calypso’, à trouver chez www.timothyades.com .
La traduction de celui-ci est de Renée Jacquin, Présidente de l’Association ‘Connaissance Hellénique’, rédactrice en chef de la revue O Λυχνος, La Lanterne.
Sikelianós ‘se sait habité par une tradition vivante et tente même de rendre à Delphes, en y célébrant l’héritage antique, son rayonnement spirituel. Sa poésie, empreinte du sens divin du paganisme, va tendre peu à peu à l’osmose avec les valeurs chr֖tiennes, sans rien renier de l’éblouissement panique, sans jeter d’ombre sur la nature grecque, marine et solaire.’ Il est nominé cinq fois pour le Prix Nobel. Éloquent aux obsèques de Palamas en 1943, il mène avec Kazantzakis l’hymne national au défi des fusils nazis.
Γιατί βαθιά μου δόξασα και πίστεψα τη γη
Γιατί βαθιά μου δόξασα και πίστεψα τη γη
και στη φυγή δεν άπλωσα τα μυστικά φτερά μου,
μα ολάκερον ερίζωσα το νου μου στη σιγή,
να που και πάλι αναπηδά στη δίψα μου η πηγή,
πηγή ζωής, χορευτική πηγή, πηγή χαρά μου…
Γιατί ποτέ δε λόγιασα το πότε και το πώς,
μα εβύθισα τη σκέψη μου μέσα στην πάσαν ώρα,
σα μέσα της να κρύβονταν ο αμέτρητος σκοπός,
να τώρα που, ή καλοκαιριά τριγύρα μου είτε μπόρα,
λάμπ' η στιγμή ολοστρόγγυλη στο νου μου σαν οπώρα,
βρέχει απ' τα βάθη τ' ουρανού και μέσα μου ο καρπός!…
Γιατί δεν είπα: «Εδώ η ζωή αρχίζει, εδώ τελειώνει…»
μα «Αν είν' η μέρα βροχερή, σέρνει πιο πλούσιο φως…
μα κι ο σεισμός βαθύτερη τη χτίση θεμελιώνει,
τι ο ζωντανός παλμός της γης που πλάθει είναι κρυφός…»
να που, ό,τι στάθη εφήμερο, σα σύγνεφο αναλιώνει,
να που κι ο μέγας Θάνατος μου γίνηκε αδερφός!…
La voix du poète : https://www.youtube.com/watch?v=D6sRaawouLQ
Puisqu’au fond de moi j’ai glorifié, traduction Renée Jacquin (extrait du recueil Une voix orphique, Editions La Différence, 1990)
. R. Jacquin), Orphée La Différence, 1990
Puisqu’au fond de moi j’ai glorifié et cru la terre,
que je n’ai pas étendu mes ailes secrètes pour fuir,
mais que j’ai enraciné mon esprit dans le silence,
afin que jaillisse de nouveau une source pour ma soif,
source de vie, source dansante, source, ma joie…
Puisque jamais j’ai réfléchi au “Quand et Comment“,
mais que j’ai plongé ma pensée dans chaque heure
comme si le but immense s’y dissimulait,
voilà que maintenant, beau temps ou tempête autour de moi,
bruit dans mon esprit l’instant tout rond comme un fruit,
pleut du fond du ciel en moi aussi le fruit!...
Puisque je n’ai pas dit : „ici commence la vie, ici elle finit…”
mais : ”s’il y a un jour pluvieux, il sera suivi d’une lumière plus riche…
si le séisme aussi enracine plus profondément la bâtisse,
car le frisson fatal de la terre qu’il façonne est secret… “
voilà que ce qui se révèle éphémère se dissout comme un nuage
et que la grand mort est devenue pour moi une sœur !
Because Deep Down I Glorified… traduction Timothy Adès
Because deep down I glorified and gave the earth my trust,
And never spread my secret wings to flee,
But rooted deep in silence my soul unstintingly,
Till the fresh waters once again came surging for my thirst,
A spring of life, a dancing spring, my spring of ecstasy;
Because I never gave a thought to When and How at all,
But steeped in each last hour my thoughtfulness,
As if it held within it the immeasurable goal –
No matter then, if summer smiles, or round me roars the gale,
The moment dreams inside me like an apple round and full,
And heights of heaven shower me with fruitfulness.
Because I never said: - Here life begins and here it ceases,
But: - If there comes a rainy day, the light will be the richer,
Even the earthquake roots the house more firm and deep than ever,
For hidden deep in earth it drives the life-creating tremor, -
Behold! how the ephemeral dissolves among the breezes,
And Death himself, the mighty one, Death has become my brother.
Copyright © Timothy Adès
Angelos Sikelianos avec sa femme Eva Palmer-Sikelianos

Timothy Adès est un poète traducteur britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Robert Desnos, Jean Cassou, Guillaume Apollinaire, Georges Pérec, Gérard de Nerval, Louise Labé, également de Federico García Lorca, Alberto Arvelo Torrealba, Alfonso Reyes, de Bertold Brecht, Hermann Hesse, Heinrich Heine et d'Angelos Sikelianos.
Il a réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e. "Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" et les "Rrose Sélavy" de Robert Desnos en anglais.
Membre de la Royal Society of Literature, administrateur de la revue "Agenda Poetry" (fondée en 1959 par Ezra Pound et William Cookson) et membre de son comité de rédaction. Lauréat entre autres des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.
Derniers ouvrages parus : "Ringelnatz the Rhymer " , édition bilingue allemand-anglais (The High Window, 4 août 2024; " Morgenstern's Magic", édition bilingue allemand/anglais des poèmes de Christian Morgenstern (1871-1914) (The High Window, 4 février 2024; "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019), édition bilingue espagnol/anglais; "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant" (Arc Publications, 2017), édition bilingue français/anglais, 527 pages, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.
Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique "Tutti Frutti " (chroniques et rendez-vous culturels, poétiques, éco-gastrosophiques, pour « cueillir le jour » au sens du fameux carpe diem emprunté au poète latin Horace. Publiés généralement le week-end).
Écrire commentaire