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LA FILLE DE LONDRES, par Pierre Mac Orlan / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Voici une chanson de Pierre MAC ORLAN (1882-1970), l’auteur du «Quai des brumes», adapté au cinéma avec Jean Gabin. Mac Orlan fut un artiste protéiforme : chanteur au ‘Lapin Agile’ - où il rencontre Picasso, Max Jacob, Dorgelès... - auteur illustrateur de BD, peintre, journaliste, romancier, poète, écrivain, directeur littéraire (éditions de la Banderole) et critique de cinéma.

 

      Pierre Mac Orlan, Musée de la Seine-et-Marne

 

La musique de La Fille de Londres, qui fut un grand succès des années cinquante (avec Fanny de Lanninon), est de Marceau Verschueren, dit V. Marceau, grand accordéoniste, réputé pour l'utilisation de la main gauche, avec lequel il écrit une douzaine de chansons.

J’ai traduit la chanson pour l’ami Alastair Brotchie, Régent du ‘London College of Pataphysics’, qui me l’a demandé pour son journal.

Alastair a même connu le vieux ‘Charlie Brown’s pub’ à Limehouse, quartier de marins assortis, de drogues, de coûteaux… Brown avait des chinoiseries…

Et en voici bien des chanteuses  interprètes de Mac Orlan :

 

Germaine Montéro https://www.youtube.com/watch?v=ApeBdcr2Hzw

 

Juliette Gréco https://www.youtube.com/watch?v=i0F8Orp91x4

 

Catherine Sauvage https://www.youtube.com/watch?v=JwtWwkBHjK8

 

Danièle Dupré https://www.youtube.com/watch?v=Y4vXw5rUnyw

 

Monique Morelli https://www.youtube.com/watch?v=p3ycqUXZpVo

 

Catie Canta https://www.youtube.com/watch?v=GIqGF0jykJo

 

…et Sanseverino https://www.youtube.com/watch?v=HP3XsBPIoQA

 

 

 La Fille de Londres

 

 

 

Un rat est venu dans ma chambre

Il a rongé la souricière

Il a arrêté la pendule

Et renversé le pot à bière

Je l'ai pris entre mes bras blancs

Il était chaud comme un enfant

Je l'ai bercé bien tendrement

Et je lui chantais doucement :

 

"Dors mon rat, mon flic, dors mon vieux bobby

Ne siffle pas sur les quais endormis

Quand je tiendrai la main de mon chéri"

 

Un Chinois est sorti de l'ombre

Un Chinois a regardé Londres

Sa casquette était de marine

Ornée d'une ancre coraline

Devant la porte de Charly

A Penny Fields, j'lui ai souri,

Dans le silence de la nuit

En chuchotant je lui ai dit :

 

 "Je voudrais je voudrais je n'sais trop quoi

 Je voudrais ne plus entendre ma voix

 J'ai peur j'ai peur de toi j'ai peur de moi"

 

Sur son maillot de laine bleue

On pouvait lire en lettres rondes

Le nom d'une vieille "Compagnie"

Qui, paraît-il, fait l'tour du monde

Nous sommes entrés chez Charly

A Penny Fields, loin des soucis,

Et j'ai dansé toute la nuit

Avec mon Chinetoque ébloui

 

Et chez Charly, il faisait jour et chaud

Tess jouait "Daisy Bell" sur son vieux piano

Un piano avec des dents de chameau

 

 

Alors, j'ai conduit l'Chinois dans ma chambre

Il a mis le rat à la porte

Il a arrêté la pendule

Et renversé le pot à bière

Je l'ai pris dans mes bras tremblants

Pour le bercer comme un enfant

Il s'est endormi sur le dos

Alors j'lui ai pris son couteau.

 

C'était un couteau perfide et glacé

Un sale couteau rouge de vérité

Un sale couteau rouge sans spécialité.

 

 

The London Girl... as sung by Germaine Montéro

 

 

Into my room there came a rat.

He gnawed the mousetrap, stopped the clock,

Tipped up the brown ale in my crock.

Into my milk-white arms I took him,

He was so warm, just like a child.

I held him tenderly to rock him,

Sang this lullaby as I smiled:

 

   Chorus

   Sleep my rat, my cop, my bobby, sleep my boy in blue.

   Don’t you hiss along the sleeping quays, it’s not for you,

   When I hold my darling’s hand, as I hope to do.

 

A Chinese came in from the dark

And gave old London Town a look.

On his head, a sailor’s bonnet

With a coral anchor on it.

At Charlie’s place at Pennyfields

In silent night at him I smiled,

And whispered, he was quite beguiled:-

 

   Chorus

    I’d like, don’t quite know what I’d like.

    To hear my voice, I wouldn’t like.

    Afraid, afraid of you, afraid of me.

 

His blue wool costume when he swims

Had big round letters showing me

The name of some old Company

That goes all round the world, it seems.

We went inside at Charlie’s place

At Pennyfields without a care.

I danced away the livelong night

With my bedazzled China there.

 

   Chorus

   At Charlie’s, it was bright and sunny.

    Tess played ‘Daisy Bell’ on her piano,

    An old one, brown-toothed like a camel.

 

I took the Chinese to my room.

He shooed the rat, fixed up the clock,

He poured brown ale, refilled the crock.

Into my trembling arms I took him,

Like a child, so as to rock him.

He lay down on his back and slept.

His knife into my hand I slipped.

 

   Chorus

    It was a slippery, icy knife,

    Dirty and red from moments of truth,

    Dirty and red and none too choosy.

 

Translation: Copyright © Timothy Adès

 

https://www.youtube.com/watch?v=z_gW71-91Rg


- Jaquette du vinyle Gréco chante Mac Orlan

- Monique Morelli chante Mac Orlan

- Carte de reporter européen (MDSM - Inventaire : D.PMO.1994/1995.1.2570 )

- Photographie de Pierre Mac Orlan prise à Saint-Cyr-sur-Morin où il s'était installé dans les années 1920. LP/Marie Linton

- Frip et Bob, deux jeunes globe-trotters créés en 1910 (dessin et texte) par Pierre Mac Orlan pour L’Almanach Nodot 1911

- Monsieur Homais voyage, illustration par Pierre Mac Orlan Collection MDSM  : Avant d'être intégré au 156e Régiment d'infanterie, en octobre 1905, Mac Orlan décroche ses premiers engagements comme peintre et illustrateur. Il décore l'intérieur d'un auberge à Saint-Vaast-Dieppedalle, et illustre le roman écrit par un de ses amis rouennais, de Robert Duquesne. Il illustrera 10 ouvrages par la suite et quelques 11 revues et journaux illustrés

- Dessin de matelots par Mac Orlan, au fusain, stylo à bille bleu, stylo-feutre de couleurs sur une feuille de papier fin extraite d'un carnet (146 x 210 mm), sous verre, baguette de bois doré.

- Façade du Pub Charlie Brown


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

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