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LA SOURIS D'ANGLETERRE, par 'Nino', Michel Veber / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy Adès nous offre en ce dimanche 25 avril de la poésie, de la musique et de l'humour avec deux chansons de 'Nino', pseudonyme de Michel Veber, issu d'une famille d'artistes, d 'écrivains, d'hommes de théâtre et de cinéma, dont nous connaissons, plus près de nous, le réalisateur Francis Veber (Le Jouet). 

Le chef compositeur de très grand talent Manuel Rosenthal (élève de Maurice Ravel) en signe la musique. Elles sont interprétées ici par deux artistes lyriques exceptionnelles : Julia Kogan et Paloma Pelissier. Et comme à l'accoutumée, Timothy Adès nous offre sa version en anglais,


 

   C'est une des plus belles chansons de ‘Nino’ (1896-1965) que je vous propose aujourd'hui. Ainsi que deux de ses interpétrations par deux artistes lyriques : l'une avec la mezzo soprano Paloma Pélissier, l'autre avec la soprano #JuliaKogan, pour qui je l’ai traduite en anglais, et qui va sûrement l’enregistrer en anglais, l’un de ces beaux jours.

 

La musique est de Manuel Rosenthal (1904-2003).

J’ajoute la chanson du chien Fido, issue elle-aussi de l'album "Les Chansons du Monsieur Bleu" (1932) des mêmes artistes où figurent également Quat' et trois sept; L'éléphant du Jardin des Plantes; Le marabout; Le naufrage; Grammaire; Le petit chat est mort; Tout l'monde est méchant; Le vieux chameau du zoo; Le Bengali et L'orgue de Barbarie.

 

L’Hôtel d’Angleterre à Calais était sur la Place d’Armes, en face de la Tour du Guet.

 

Michel Veber ‘Nino’ est aviateur pendant la Guerre de 1914-18.

 

« Connu comme dialoguiste de cinéma, il était le beau-frère de Jacques Ibert, pour lequel il écrit le livret d’"Angélique" en 1926. Il collabore avec Albert Roussel pour "Le Testament de la tante Caroline" en 1932, puis avec Manuel Rosenthal pour les "Bootleggers", et surtout pour deux pièces plus célèbres : "Le Rayon des soieries" (1930) et "La Poule noire" (1933, création 1937).

C'était le neveu de Tristan Bernard, et de Pierre Veber. »

Librettiste, parolier, auteur de poèmes musicaux, Michel Veber est aussi connu pour avoir fait les dialogues de Gran Casino (1947), le premier film de Luis Buñuel de sa période mexicaine

 

Michel Veber sert au service de presse de l’attaché de l’air à Washington en 1940. En 1941 il rejoint les FAFL (Forces aériennes françaises libres), il est au Kenya et en Afrique du Sud, il est torpillé ; il revient au combat en Europe ; il fait neuf missions de bombardement ; le médecin l’exclut.

Du carnet de Pierre Mendès-France :

« 7 septembre (1943) …. Départ capitaine Weber (sic) ... Quarante-sept ans, vivait à Hollywood (cinéma), est venu s’engager chiquement. Titres de l’autre guerre. … Va retrouver femme et fils en Amérique. »

 

La souris d'Angleterre

 

C'était une souris qui venait d'Angleterre,

Yes, Madame, yes, my dear,

Ell' s'était embarquée au port de Manchester

Sans même savoir où s'en allait le navire.

No, Madam', no, my dear.

Elle avait la dent long' comme une vieille Anglaise,

S'enroulait dans un plaid à la mode écossaise

Et portait une coiffe en dentelle irlandaise.

 

Dans le port de Calais, elle mit pied à terre,

Yes, Madame, yes, my dear,

Elle s'en fut bien vite à l'hôtel d'Angleterre,

Et grimpe l'escalier tout droit sans rien leur dire,

No, Madam', no, my dear,

Le grenier de l'hôtel lui fut un vrai palace,

La souris britannique avait là tout sur place,

Du whisky, du bacon, du gin, de la mélasse.

 

Chaque soir notre miss faisait la ribouldingue,

Yes, Madame, yes, my dear,

C'était toute la nuit des gigues des bastringues,

Les bourgeois de Calais ne pouvaient plus dormir,

No, Madam', no, my dear,

En vain l'on remplaçait l'appât des souricières,

Le Suiss' par le Holland', le Bri' par le Gruyère,

Rien n'y fit, lorsqu'un soir on y mit du Chester.

 

C'était une souris qui venait d'Angleterre,

Yes, Madame, yes, my dear.

 

Julia Kogan

https://www.youtube.com/watch?v=Nagajm69XUQ

 

Paloma Pélissier

https://www.youtube.com/watch?v=ohJ-y_AmGGg

 

The Mouse from England

 

Now once upon a time there was an English mouse

Yes, Madame, yes, my dear.

She sailed from Liverpool – she must have been a Scouse.

She didn’t even know the likely port-of-call.

No, Madame, no, my dear.

Long in the tooth she was, like any English crone,

She wore a tartan plaid, the kind the Scots put on,

And proudly on her head an Irish lace confec-ti-on.

 

She came to Calais port, and there she disembarked

Yes, Madame, yes, my dear.

And to the Angleterre Hotel she quickly walked.

Straight up the stairs she went, she said no word at all.

No, Madame, no, my dear.

The loft of the hotel outdid the great palaces:

The lucky British mouse was well supplied, with masses

Of whisky, of bacon, of gin, and of molasses.

 

Each evening our Miss Mouse went on a jolly spree,

Yes, Madame, yes, my dear.

With noisy reels and jigs and shouts of revelry.

The burghers of Calais could get no sleep at all

No, Madame, no, my dear.

The cheeses in the traps were switched to no avail,

The Swiss, the Dutch, the Brie, so many bound to fail,

Till at last one night they put some Wensleydale.

 

For once upon a time there was an English mouse

Yes, Madame, yes, my dear.

 

Translation © Timothy Adès

 

 



 

Fido, Fido Manuel Rosenthal / Nino (Michel Veber)

 

Fido, Fido, le chien Fido

Est un chien vraiment ridicule;

On n'sait jamais s'il est su' l'dos,

Ni s'il avance ou s'il recule.

 

Il perd son poil et ses babines,

Ses oreill's traînent en lambeaux;

Quand il pleut il met des bottines,

Une casquett' quand il fait beau.

 

Pour lui donner un coup de fer,

On fait venir le praticien;

Et comme il ne voit plus très clair

On l'a conduit chez l'opticien.

Et lorsqu'il s'en va-t-à la chasse

Il est forcé de mettr' des verres.

Les perdreaux rient, les pies l'agacent,

Et les lapins se roul'nt par terre.

 

Fido, Fido, le chien Fido

Est un chien vraiment ridicule;

On n'sait jamais s'il est su' l'dos,

Ni s'il avance ou s'il recule.

 

 

Fido, Fido

 

Fido, Fido, the dog Fido,

He is a really silly pup.

His front and rear are none too clear,

You can’t see if he’s wrong way up.

 

He shakes his chops, he sheds his hair,

His ears flip-flop, they trip him up,

Come rain, he has neat boots to wear

And when it’s fine, a jockey-cap.

 

To straighten out his matted knots

They had to call a specialist,

And as he cannot see a lot

They took him to the oculist.

So when he’s on a hunting jaunt

With pebble-glasses on his phiz,

The woodcocks laugh, the magpies taunt,

The rabbits roll in ecstasies.

 

Fido, Fido, the dog Fido,

He is a really silly pup.

His front and rear are none too clear,

You can’t see if he’s wrong way up. Woof !

 

Translation © Timothy Adès


- La Place d'Armes à Calais

- Michel Veber, 7° debout , de gauche à droite, capitaine navigateur, le 3 novembre 1942, avec son groupe de la France Libre à Durban (Afrique du Sud) après le torpillage du Mendoza - (Extrait photographie, collection Y. Morieult).

- Le testament de Caroline, opéra bouffe composé par Albert Roussel (1869-1937) en 1933 sur un livret de Nino.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

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