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CONFINEMENT, REMINISCENCES : J-B Doumeng, par Rémi Gidel

 

Avec son physique, son pardessus et son accent rocailleux de Haute-Garonne, il avait tout du président de club de rugby, du fédéral de l’Ovalie ! Jean-Baptiste Doumeng suivra une autre trajectoire.

 

Enfant issu d’une famille modeste, il apprendra la dialectique auprès d’un professeur d’histoire communiste. Berger, ouvrier agricole, maçon, il est maquignon lorsque survient la guerre. Résistant, à la Libération il participe à l’édification du mouvement coopératif. Remarqué par Waldeck Rochet, chargé des questions agricoles au PCF, il devient secrétaire général départemental de la Confédération générale de l'Agriculture.

Il construira en parallèle l’empire que l’on sait.

 

 

Maire de Noé, conseiller général de la Haute-Garonne, il sponsorise même un club, non pas de rugby, comme on aurait pu s’y attendre, mais le Toulouse Football Club.

Les « vedettes » de la chanson française de l’époque se bousculeront  à ses fêtes villageoises épiques. Il devient même le producteur de « Playtime » de Jacques Tati, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne lui assurera aucun retour sur investissement. Le patron d'Interagra soutiendra les réformistes en URSS, même si la perestroïka ne fera plus ses affaires. Mort deux ans avant la chute du Mur de Berlin. Doumeng a eu droit des obsèques à la soviétique. Rémi Gidel nous livre ici son souvenir personnel du bonhomme, du Monsieur Doumeng.

 

Un grand Bonhomme que Jean Baptiste DOUMENG, surnommé le milliardaire rouge, personnage résidant en Haute Garonne, haut en couleur, fort en gueule avec sa voix tonitruante et roulante des gens du sud-ouest, mais d’une extrême gentillesse, parti de rien avec seulement son certificat d’études comme bagage et une adhésion au PCF vers 16 ans, suite à sa révolte contre la condition sociale des paysans.

 

Il est devenu une puissance à lui tout seul en créant après la guerre des coopératives agricoles dans tout le sud-ouest de la France. C'est alors qu'il noue des liens précieux avec les milieux financiers proches de Moscou, à l'époque, le Sud-Ouest regorge de pommes de terre et manque de tracteurs.

 

La Tchécoslovaquie est dans la situation inverse. Pourquoi ne pas imaginer un troc ? Cet échange de marchandises, c'est l'acte fondateur.

 

La société Interagra née en 1949 « l’année de ma naissance » son activité va s'étendre à tous les secteurs de l'agroalimentaire (viande, beurre, céréales, agrumes, vin). Grâce à ses appuis moscovites et à sa connaissance des besoins de l'Union soviétique et des « pays frères », il devient un acteur incontournable. En pleine guerre froide, ce communiste rompu aux méthodes capitalistes ouvre des bureaux à Moscou. Son avion privé franchit le rideau de fer sans encombre, et c'est en limousine officielle qu'il est conduit au Kremlin.

 

Lors de ses déplacements à Paris, et cela pendant 2 années ½, il me commandait lui-même au garage de grande remise « je veux Rémi » disait-il au dispatcher du bureau ! Il m’a quelquefois emmené diner avec lui dans un restaurant de spécialités du Sud-Ouest dans le 8ème arrondissement, il raffolait du cassoulet en cassole de terre cuite et me racontait des anecdotes sur ses affaires avec son accent, il parlait librement également avec certains collaborateurs dans la voiture en toute confiance il aimait parler fric « là je vais leur baiser 100 briques, je vais les faire casquer ! Ils connaissent pas Doumeng ? » Il aimait aussi me parler de son enfance, l'aide à son père métayer, une famille pauvre, que la crise économique des années 1930 avait presque acculée à la misère. A l'âge de 13 ans, il doit gagner sa vie, tour à tour, berger, ouvrier agricole, maçon. J’ai beaucoup apprécié la grande bonté et la modestie de ce grand Monsieur. Une main de fer dans un gant de velours.

 

Une anecdote inoubliable pour moi : quelque temps avant de travailler pour Régine, il me demande un jour au garage pour venir le chercher au Bourget, mais je lui réponds que je ne peux pas car je dois partir à Albi avec ma compagne, car mon beau père va très mal, il me réponds : viens me chercher, je file à un rendez-vous et pendant ce temps tu vas chercher ta femme et on repart ensemble, mon pilote fera un détour pour vous déposer à l’aérodrome d’Albi en rentrant sur Toulouse plutôt que de partir en voiture, vous arriverez ainsi bien plus tôt qu’en voiture. Et nous voilà 2 heures après au Bourget en train de décoller dans le jet privé de Monsieur Jean-Baptiste destination Albi. Ma femme et mon fils referont quelques mois plus tard le même trajet pour quelques jours de vacances.

 

Notre ami Rémi Gidel a fait mille et un métiers.

Entré à 14 ans en apprentissage comme Pâtissier Confiseur à la Maison de la Nougatine de Nevers, il bossait 12 à 13 heures par jour, dimanche et jours fériés compris, sauf le dimanche après midi et le lundi.

A 22 ans il entame une carrière de "chauffeur de grande remise" pour plusieurs artistes français et étrangers, et son premier volant sera celui d'une Plymouth. Puis de Cadillac et autres limousines de luxe pendant des années, en France et en Europe.

Il sera également chauffeur personnel durant quelques temps pour certaines "célébrités", commme on disait à l'époque, chanteuses-chanteurs, comédiens, actrices, producteurs, etc. tant à Paris, qu'à Monte Carlo, Deauville, Marbella et ailleurs.

Par la suite, affecté quasi exclusivement auprès de Régine, il deviendra aussi son quasi ordonnance, son homme de confiance et pour finir un ami.

 

Rémi Gidel ici avec son ami dessinateur de BD Frank Margerin

 

Une époque que les moins de vingt ne peuvent pas connaître, comme dit la chanson, lalalala... Ni même sans doute imaginer.

Ces dernières années, à l'approche de la retraite, il a mis à profit ses talents de chanteur et d'imitateur à la faveur d'évènements chantants et continue. Il est en train de rassembler ses souvenirs pour en faire, pourquoi pas, un livre...


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