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"TERROR ON YOM KIPPUR", Par Stéphanie Mesnier-Angeli


La REVUE DE PRESSE de Stéphanie Mesnier-Angeli


 

     "Terror on Yom Kippur" titre le Times à sa Une. Hier, à Manchester, un homme a foncé avec sa voiture sur un groupe de juifs réunis devant une synagogue, avant de les poignarder au hasard. Bilan : deux morts et trois blessés graves. Le terroriste, Jihad Al-Shamie, 35 ans, citoyen britannique d'origine syrienne, a été tué. "Chauve, barbu et vêtu de noir", il espérait "infliger un maximum de souffrance à la communauté juive de la ville" (BBC). En Angleterre, comme en France, les actes antisémites flambent. Mais le Times estime que "la vague de haine a franchi un nouveau seuil".

 

   "Manchester n'est pas un accident. C'est le résultat de ce que l'on tolère, du silence, des aveuglements et des lâchetés", estime Simone Rodan Benzaquen. Manchester est aussi le fait de ceux qui, au Royaume-Uni ou en France, appellent à "l’Intifada". À quelques jours de l'entrée de Robert Badinter au Panthéon, Le Point consacre sa une à la "Haine des juifs, le déshonneur". Dans un entretien, Günther Jikeli, spécialiste mondial de l'antisémitisme, établit "un lien entre discours haineux sur les réseaux sociaux et passage à l'acte". Dès le lendemain des attaques du 7 octobre par le Hamas, dit-il, "l'action collective contre les juifs s'organise autour de l'accusation de génocide". Accusation qui s'est élargie, par contamination sémantique, "du gouvernement israélien vers Israël, puis vers tous les Israéliens, enfin vers quiconque refuse la condamnation totale" de ce prétendu génocide. Et de préciser : "Nous (centre de recherche à l'université de l'Indiana) avons analysé 10 ans de posts Instagram d'organisations anti-israéliennes sur les campus américains. L'accusation de génocide et la glorification du terrorisme préexistaient dans des cercles marginaux. Le 7 Octobre a instantanément propulsé ces posts de quelques vues à des milliers".

Se basant sur ses études, Günther Jikeli affirme que "plus ces discours (d'accusations de génocide) deviennent socialement acceptables, plus les actes antisémites augmentent". Ils ont augmenté "avant même que la riposte militaire israélienne ne génère des images de souffrance à Gaza".

Jikeli identifie 3 sources de l'antisémitisme contemporain : 1)"Le nationalisme blanc avec sa théorie du grand remplacement, les juifs étant accusés d'orchestrer l'immigration pour détruire les nations blanches". 2)"L'antisionisme anti-impérialiste, héritier direct de la propagande soviétique qui associe Israël au racisme, au colonialisme, au fascisme, voire au nazisme". Limitée longtemps à l'extrême gauche, cette idéologie fait un tabac à gauche et sur les campus. 3)"L'islamisme, qui fait de la lutte contre les juifs un pilier théologique".

Et si critiquer la politique du gouvernement israélien est "légitime", la ligne rouge est de remettre en cause son existence. Günther Jikeli conclut : "Contester le droit d'Israël à exister reproduit un schéma millénaire de déni du droit juif à l'existence sous toutes ses formes" – religieuse, raciale, nationale (Le Point).

 

   À signaler, au passage deux livres qui sont déjà des succès de librairie : "Les nouveaux antisémites", de la journaliste franco-marocaine Nora Bussigny (Albin Michel), et "Les Complices du mal" (Plon), du franco-syrien Omar Youssef Souleimane (dont LFI avait tenté de bloquer la parution).

Dans le premier, Nora Bussigny explore les dérives antisionistes/antisémites de la gauche et de l'extrême gauche. Elle tente de répondre à des questions qui font des nœuds à nos neurones.

Exemples : Comment peut-on être militant LGBT et soutenir le Hamas, dont les fanatiques torturent et tuent les homosexuels ? Par quelle bizarrerie un terroriste appelant à "vaincre l’Europe, les États-Unis et Israël à coups de kalachnikovs" peut-il se voir accueilli avec bienveillance à une manifestation féministe où des juives, elles, sont mises à l’index ? Qu'est-ce qui a vrillé dans le cerveau des jeunes diplômés ultra-progressistes ou des retraités tranquilles, pour qu'ils versent dans la haine des Juifs ? En fait, c'est assez simple, pour ne pas dire simpliste : pour la gauche, "les juifs sont fatalement des bourreaux, puisque les Palestiniens sont par définition des victimes".

Dans les milieux culturels, la pression est énorme pour "boycotter" tout ce qui rappelle Israël. Et l'on rirait presque en apprenant que "l'artiste militante" Habibitch, "activiste queer non binaire", tient des conférences dansantes pour "décoloniser le dancefloor". On rit moins, évidemment, en découvrant que certaines de ces actions sont financées par le contribuable, et qu’il a soutenu le pogrom du 7 octobre.

Vous n'êtes pas d'accord ? Vous êtes un "fasciste" ou vous appartenez à la "fachosphère", insulte répandue chez les "vertueux antisémites" qui haïssent au nom du Bien.

 

   Dans Le Figaro daté d'hier, Omar Souleimane analyse la "complicité du mal" les islamistes et la gauche (en particulier LFI). Chacun y trouve son compte : "Depuis la Loi contre le séparatisme, il est devenu impossible pour les islamistes d’agir via un parti politique qui leur appartienne. C’est pourquoi ils ont décidé de s’infiltrer à l’intérieur d’un parti politique qui existe déjà. Ils utilisent LFI comme un cheval de Troie. De l'autre côté, LFI instrumentalise les islamistes pour des raisons électorales. Il y a plus de 5 millions de musulmans en France et il suffit de regarder le nombre de musulmans qui ont voté pour LFI de 2017 à aujourd’hui pour comprendre leur calcul".

Il y a de quoi être inquiet, car en face, qu'oppose-t-on à ces discours de haine ? Comment faire vivre les valeurs de solidarité, de liberté, de laïcité ? Qui se bat encore pour l'idée d'une France universaliste contre la montée du communautarisme, à l'œuvre depuis des décennies ?

Inquiets, mais pas pessimistes, car un jour, quelque part, Nous découvrirons une nouvelle manière de vivre, Nous trouverons une manière de pardonner, Quelque part...


Stéphanie Mesnier-Angeli est journaliste, écrivain et romancière. 

Auteur entre autres de Barnabé - Le Roman d'un chat  (Librinova, 2021), Tueuses mais pas trop (Fayard, 2015).

Egalement co-auteur de livres politiques (avec Claude Angeli): Les Micros du Canard (Les Arènes, 2014), En basse campagne (Grasset, 2002), Chirac, père et fille (Grasset, 2000), Fort Chirac (Grasset, 1999), Sale Temps pour la République (Grasset, 1997), Le Nid de serpents: bataille pour l'Elysée 1993-1995 (Grasset, 1995), Notre allié Saddam (Orban, 1992).

Stéphanie Mesnier-Angeli est une contributrice du PRé  et livre aimablement cette Revue de presse depuis septembre 2024.

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