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IMPENSES CONFUSIONNISTES FACE A L'ILLIBERALISME dans les gauches modérée et radicale, Par Philippe Corcuff, politiste, engagé dans une gauche d'émancipation


Philippe CORCUFF cherche à penser la complexité et l’ambiguïté du politique, en évitant les simplifications manichéennes.

Son approche met en avant une « philosophie de l’ambiguïté », de la nuance, qui refuse de réduire paresseusement la politique à une opposition nette entre le bien et le mal, soulignant la nécessité d’une lecture dialectique et perceptive des événements. Dans la prolongation de son livre La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées (2021), ll nous livre ici sa réflexion sur ce que l'actualité donne à voir  et à lire sur ce  - et ceux - qui  nourrit directement ou indirectement l'illibéralisme. Cette notion apparue d’abord dans les études sur les transitions, est entrée en force dans la lexicologie politique pour caractériser des régimes autoritaires. Non sans faire l'objet d'appropriations parfois contradictoires et concurrentielles. Philippe Corcuff met à nu ses ressorts les plus profonds et pointe au passage ce qui contrarie profondément le citoyen engagé qu'il est : les "complaisances des gauches" globalement à l'égard de l'illibéralisme. Très intéressante est à cet égard son invitation "à se réapproprier de manière critique l’héritage du libéralisme politique."...


     

     Dans la dernière période, on a pu observer des réticences à s’opposer à des actes illibéraux à gauche, mais chez des personnes et à propos de terrains opposés entre eux. C’est une contribution croisée et non intentionnelle au confusionnisme validant de manière non consciente le mouvement vers l’illibéralisme porté par l’extrême droite et par la droite radicalisée.

 

Les gauches en tant que leurs propres adversaires : du « maléfice de la vie à plusieurs »

 

 

Il est une hypothèse qu’il est difficile de considérer à gauche : une partie importante des difficultés des gauches viendrait… des gauches elles-mêmes. Or, les militants de gauche insistent le plus souvent sur la responsabilité première de leurs adversaires dans la précarisation de leur situation : la droite et l’extrême droite, les médias, la bourgeoisie et/ou le capitalisme. Or, quand les gauches étaient plus fortes, par exemple en 1936 ou en 1981, qu’est-ce qui laisse supposer que la pression des adversaires était beaucoup plus faible ? Oui, le poids idéologique et la puissance financière des adversaires de la gauche est une composante du problème, mais cela pourrait ne pas expliquer le plus gros du différentiel entre des gauches fortes et des gauches affaiblies. L’exercice critique de la raison appelle une lucidité vis-à-vis de soi-même alors que nombre d’explications militantes relèvent de l’autojustification. « Ce penser doit aussi penser contre soi-même », nous a rappelé la grande figure de la Théorie critique Theodor Adorno(1).

« Ce qui a été pensé peut-être réprimé, oublié, se perdre. Mais on ne peut nier qu'il en reste quelques chose » (Adorno)
« Ce qui a été pensé peut-être réprimé, oublié, se perdre. Mais on ne peut nier qu'il en reste quelques chose » (Adorno)

D’autre part, en insistant couramment sur les « manipulations » et autres « coups tordus » de leurs adversaires dans leurs difficultés, les militants de gauche sont susceptibles d’alimenter des zones d’intersection avec les schémas conspirationnistes. Les implicites complotistes de nombre de discours militants empêchent de se coltiner la part tragique de la condition socio-historique de l’humanité, ce que le philosophe Maurice Merleau-Ponty a appelé « un maléfice de la vie à plusieurs »(2).

Alors en quoi les gauches contribuent-elles à leurs propres malheurs ? Dans le cas actuel, il y a bien sûr le contexte historique de la situation des gauches : les deux pôles qui ont dominé les gauches au XXe siècle au niveau international, le pôle social-démocrate et le pôle communiste, sont tous les deux en crise. Le second a pâti de sa participation et de son aveuglement vis-à-vis de l’horreur stalinienne. Le premier a été affecté par une conversion sociale-libérale (pour la France à partir du tournant de 1983), qui l’a éloigné de ses idéaux historiques de justice sociale. Les gauches ont d’ailleurs largement contribué elles-mêmes à cette double crise structurelle. Or, les gauches radicales qui ont émergé à partir des années 1990 n’ont pas réussi à occuper la place idéologique et militante qui était celle du PCF et du PS.

Même pour la gauche radicale, la possible sortie du marasme a souvent emprunté la voie d’un coup de poker sur la victoire éventuelle d’un candidat à l’élection présidentielle (Jean-Luc Mélenchon 2012, 2017, 2022 et une quatrième candidature en perspective). C’est une seconde contribution des gauches à leur propre malheur, dans une certaine modalité du « maléfice de la vie à plusieurs » dont parlait Merleau-Ponty. Car les gauches se sont peu à peu modelées sur la logique du pouvoir personnel propre aux institutions de la Ve République. La vie politique à gauche et dans ses organisations politiques apparaît de plus en plus ravagée par la préparation de la prochaine élection présidentielle, dès la fin de la précédente, autour d’écuries présidentielles concurrentes, qui font prédominer les divisions électoralistes sur le travail convergent afin de réinventer un imaginaire partagé et de rebâtir des réseaux militants au plus près de la vie quotidienne des citoyens, en particulier des milieux populaires et des couches moyennes.

Le travail de fond à moyen terme est largement sacrifié au profit du miroitement des intérêts électoralistes à court terme. Cela a supposé au préalable que la professionnalisation politique ait largement mis la main sur la politique, minorant la place des militants et des sympathisants, excepté dans le rôle de faire-valoir, de colleurs d’affiches ou de « petites mains » de meetings.

Enfin, une troisième logique de participation des gauches à leurs difficultés concerne le développement de zones rhétoriques et idéologiques que j’ai appelées confusionnistes(3). Le confusionnisme c’est une ensemble mouvant de discours et d’idées, qui s’est développé en France à partir du milieu des années 2000 (le « sarkozysme » a joué un rôle important à ses débuts), créant de manière non intentionnelle des interférences et des hybridations entre des postures et des thèmes d’extrême droite, de droite classique, du « macronisme », de gauche modérée et de gauche radicale. Des postures ? Le remplacement de la critique sociale structurelle des inégalités, des dominations et des discriminations, portée historiquement par la gauche, par des schémas complotistes ou par la critique superficielle du « politiquement correct », etc. Des thèmes ? La valorisation du national et la dévalorisation du mondial et de l’européen, la fixation positive (« identité nationale ») ou négative (« musulmans ») sur des identités supposées homogènes et closes, l’effritement de la frontière symbolique avec l’extrême droite, ou encore l’amalgame entre le libéralisme politique (le développement de droits individuels et collectifs) et le néolibéralisme économique (la domination du marché), ce qui a permis à certains de refuser le mariage homosexuel au nom de la lutte contre le marché, etc.

« Un petit livre (...) de Maurice Merleau-Ponty vient de donner sa forme précise à la question fondamentale posée en 1948 au monde entier : à savoir qui l’emportera, dans le gouvernement des hommes, de la raison ou de la violence.» (Georges Bataille)
« Un petit livre (...) de Maurice Merleau-Ponty vient de donner sa forme précise à la question fondamentale posée en 1948 au monde entier : à savoir qui l’emportera, dans le gouvernement des hommes, de la raison ou de la violence.» (Georges Bataille)

Complaisances non conscientes vis-à-vis de l’illibéralisme

 

La notion d’« illibéralisme » a particulièrement été utilisée ces dernières années à propos des expériences polonaise (2005-2007 et 2015-2023) et hongroise (1998-2002 et depuis 2010), entre droites radicalisées et extrêmes droites, en visant des dérives autoritaires de la pratique de la souveraineté populaire s’accompagnant d’un recul des libertés individuelles et collectives(4). La notion de « libéralisme » dans l’expression « illibéralisme » concerne la tradition du libéralisme politique (celle des droits individuels et collectifs et de l’équilibre des pouvoirs), et non pas celle du libéralisme économique (devenu aujourd’hui « néolibéralisme », et centrée sur la place prépondérante du marché).

Dans une mesure nettement moindre que dans ces régimes « illibéraux », un pays comme la France a aussi connu ces dernières années un recul des libertés publiques, notamment sous les présidences d’Emmanuel Macron, comme s’en est inquiété à plusieurs reprises l’avocat et écrivain libéral Françoise Sureau(5).

Les discours de la droite radicalisée au sein du gouvernement actuel, comme ceux du ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, appellent d’ailleurs à accroître ces reculs au nom de la triple lutte associée « contre l’insécurité, contre l’immigration et contre l’islamisme », comme ceux de Marine Le Pen et Jordan Bardella, pour un Rassemblement national allié européen du Hongrois Viktor Orbán et qui lorgne de plus en plus du côté de l’illibéralisme de la seconde présidence de Donald Trump aux États-Unis.

Or, dans ce contexte où l’illibéralisme constitue un des axes de l’extrême droitisation en cours en France et dans différents pays du monde, les gauches apparaissent parfois timides dans la défense des libertés et peuvent même exprimer des complaisances à l’égard d’actes illibéraux. Cela apparaît comme une zone supplémentaire de confusionnisme à gauche. Exemples.

Merleau-Ponty
Merleau-Ponty

* Le Parti socialiste et le Parti communiste ont défendu l’interdiction de l’abaya dans les établissements scolaires par le ministre de l’Éducation de l’époque, Gabriel Attal, le 31 août 2023(6). L’approbation de cette mesure liberticide visant de manière discriminatoire des élèves musulmanes s’est effectuée au nom de la laïcité, alors que des spécialistes ont montré que cette tenue traditionnelle n’avait pas de signification religieuse(7). Cela a élargi le soupçon vis-à-vis des présumés « musulmans » propre à l’air du temps ultraconservateur dans les débats publics

* Le 29 avril dernier Bruno Retailleau a annoncé, entre autres, qu’il engageait une procédure de dissolution du collectif Urgence Palestine. Au sein de la gauche modérée, on a eu des réticences à condamner cette dissolution. Ainsi je n’ai pas trouvé sur Internet de position officielle du Parti socialiste sur la question. Du côté du parti communiste, le communiqué du 5 mai 2025 apparaît alambiqué : « Le PCF rappelle que ce sera aux juridictions compétentes d’apprécier la légitimité de cette action en préservant la liberté d'association », y lit-on notamment. Il est vrai que certains discours émanant de ce collectif apparaissent nettement critiquables : complaisance avec les criminels du Hamas et porosités entre « antisionisme » et antisémitisme(8). Cependant, de tels stéréotypes et orientations radicalement critiquables ne relèvent pas de la « provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence » visée par la loi antiraciste de 1972. "Urgence Palestine" constitue un adversaire politique de la galaxie de l’émancipation sociale, mais a le droit d’exister. Le libéralisme politique, dont a hérité la gauche, c’est aussi la défense des libertés des adversaires politiques. Or, c’est l’extension liberticide de la catégorie d’« apologie de terrorisme », justement mise en cause par une tribune collective, à l’initiative de Sophie Binet (secrétaire générale de la CGT) et de Patrick Baudoin (président de la Ligue des droits de l’homme), intitulée « L’apologie de terrorisme est le bâillon de la liberté » et publiée le 16 mai 2024 sur Mediapart, qui justifie la procédure de dissolution.

* Dans ce troisième exemple, la balle n’est plus dans le camp des secteurs modérés de la gauche, mais de ses secteurs radicaux. Ainsi dans le pôle de la gauche radicale et « décoloniale »(9) du mouvement féministe, un tract produit, dans la perspective des manifestations féministes du 8 mars, par un regroupement d’associations propalestiniennes, antifascistes et juives « antisionistes » et intitulé « Le 8 mars : On arrête tout, surtout les fascistes, les sionistes », est publié le 4 mars 2025 sur le site Paris-luttes-info.

Le texte a été rédigé par des militantes féministes de Samidoun et d’"Urgence Palestine", et a été notamment signé par "l’Action Antifasciste Paris Banlieue", la "Jeune Garde Paris", l’"Organisation de Solidarité Trans", le collectif juif décolonial "Tsedek !" et "l’UJFP" (Union Juive Française pour la Paix). On y amalgame « le cortège sioniste de Nous vivrons et le cortège fasciste de Némésis », qui auraient en commun « des fins fascistes et génocidaires ». Les mots « antisioniste » et « antifasciste », comme « fascistes » et « sionistes » (notion vague et à géométrie variable) dans le titre, sont associés dans une bouillie relativiste prétendant empêcher « ces cortèges de défiler ». Némésis est un collectif issu de l’extrême droite identitaire, islamophobe, anti-migrants et transphobe, porteur d’une vision patriarcale des rapports entre les sexes, et n’avait donc rien à faire là. Par contre, "Nous vivrons" est un collectif féministe né aux lendemains du 7 octobre 2023 pour exprimer le souvenir des féminicides et des viols aux tonalités antisémites d’Israéliennes ce jour-là. Il a certes un point aveugle qui en fait un adversaire politique de la galaxie de l’émancipation sociale : son indifférence à l’égard des massacres perpétrés à Gaza sous l’égide du gouvernement israélien. Cependant, malgré cet aveuglement politique, cette association avait le droit de porter une parole le 8 mars au milieu des autres féministes. Pour ses censeurs, il n’y aurait pourtant pas de droit de manifester pour un collectif féministe ayant des orientations politiques opposées sur la question palestinienne.

* Pour ce quatrième exemple, il s’agit encore du flanc radical de la gauche. De ce côté de l’échiquier politique, on a observé des timidités quant à la mobilisation contre l’arrestation arbitraire le 16 novembre 2024, puis la condamnation du 27 mars 2025 à cinq ans de prison, pour un délit d’opinion, de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal par le régime autoritaire algérien. Pourquoi cette réticence ? À cause de son rapprochement des thèses et des milieux zemmouriens(10) comme des usages par la droite radicalisée et l’extrême droite des tensions entre la France et l’Algérie. Ainsi lors d’un vote au Parlement européen le 23 janvier 2025, les députés Insoumis se sont partagés entre 4 votes contre (dont Rima Hassan) et 2 abstentions (dont Manon Aubry). Rima Hassan s’est justifiée en déclarant « s’opposer à l’instrumentalisation qui est faite » du cas de l’écrivain dans les relations entre la France et l’Algérie. Puis le 6 mai 2025, le groupe de La France insoumise a voté contre la résolution proposée cette fois à l’Assemblée nationale. Certesson communiqué demande « la libération de Boualem Sansal », en précisant combattre « les idées de Boualem Sansal », tout en ne transigeant pas « avec les libertés fondamentales ». Cependant le texte proposé est accusé, d’où le vote négatif du groupe LFI, « de nourrir la surenchère médiatique et politique engagée depuis des mois par le gouvernement, notamment le ministre Retailleau, et par l’extrême droite, contre l’Algérie, les Algériens, les binationaux et les Français d’origine algérienne ». Dans un billet de blog sur Mediapart du 27 mars 2025, la professeure des universités et romancière Zoubida Berrahou, se définissant comme « algérienne francophone » et partisane d’une « Algérie démocratique », se déclare favorable à la libération de Boualem Sansal, mais avec une mise à distance apportant un bémol ironique à la liberté d’expression de l'écrivain en Algérie :

« Par contre, je préconise une OQTA et une déchéance de nationalité […] La liberté d’expression, pour un intellectuel ou un écrivain, n’est sûrement pas la capacité de dire ce qui lui passe par la tête. Il lui est demandé de travailler sa pensée, d’avoir une valeur ajoutée pour le débat public et d’être reconnu comme tel. »

Par ailleurs, j’ai eu des échanges personnels avec des militants et des sympathisants de la gauche radicale ne souhaitant pas se mobiliser pour la libération de Boualem Sansal, à cause de ses proximités « avec l’extrême droite », tout en étant en désaccord avec son emprisonnement.

Les complaisances des gauches à l'égard de l'illibéralisme apparaissent croisées : tant du côté de la gauche modérée que de la gauche radicale, on a du mal à se mobiliser pour la défense des libertés d'adversaires politiques, qui ne sont pas les mêmes dans les deux cas, ou quand la liberté semble s'opposer à un autre principe chéri (comme la laïcité). On est loin de la révolutionnaire marxiste et démocrate Rosa Luxemburg qui, contre les mesures autoritaires prises par Lénine et Trotsky dans les premiers temps de la Révolution bolchévique, affirmait dans sa brochure sur La Révolution russe, écrite en 1918 dans les geôles allemandes (à cause de son opposition à la guerre de 14-18) :

« La liberté, c’est toujours la liberté de celui qui pense autrement. Non pas par fanatisme de la "justice", mais parce que tout ce qu’il y a d’instructif, de salutaire et de purifiant dans la liberté politique tient à cela et perd son efficacité quand la "liberté" devient un privilège. »(11)

Dans ce passage, la liberté se présente comme un dispositif politique, freinant les risques d’oligarchisation du pouvoir et servant d’appui aux logiques émancipatrices, et non comme un principe moral absolu. Cependant les hésitations actuelles à gauche face à l’illibéralisme, et tout particulièrement face à la protection des droits de ses adversaires, semble faire oublier cet héritage luxemburgien, qui aurait du être réévalué après la prise de conscience généralisée des drames du totalitarisme stalinien et des dérives autoritaires de la plupart des régimes se réclamant du « communisme ». Or, n’est-on pas en train de perdre de vue une des leçons cardinales du XXe siècle : les politiques émancipatrices peuvent produire leur contraire. Et quand cela se produit à un moment où l’illibéralisme d’extrême droite a le vent en poupe, on ne peut qu’être inquiet de l’ampleur des dérèglements idéologiques confusionnistes à gauche. Or, on peut tout à fait défendre les droits d’adversaires politiques tout en les critiquant radicalement.

 

La Meute : un mauvais livre qui pointe un illibéralisme hors norme

 

Dans le prolongement de l’émission "Complément d’enquête" sur « Jean-Luc Mélenchon : la lutte finale ? », diffusée sur France 2 le 24 avril dernier, la livre La Meute. Enquête sur La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon (Flammarion, 7 mai 2025), écrit par les journalistes Charlotte Belaïch (Libération) et Olivier Pérou (L’Express, puis Le Monde), a confirmé l’importance des pratiques illibérales autour du noyau dirigeant de La France insoumise (pouvoir autocratique de Mélenchon, menaces, harcèlement moral, violence verbale, purge des opposants, réduction comme une peau de chagrin du droit à la critique du Chef Suprême et du pluralisme d’opinion, absence de contre-pouvoirs…).

Cependant ce livre, malgré un riche matériau d’enquête (deux ans d’investigations, 200 personnes interrogées) est globalement un mauvais livre. C’est un livre trop à charge, peu soucieux des complications et des contradictions du réel, déployant dès le début une mise en récit essentialiste du type « le vers est dans le fruit » autour du personnage diabolisé de Jean-Luc Mélenchon. Exemples de ce qui tend à encadrer le récit ?

* Des formules comme « ce qui compte, par-dessus tout, c’est » (p. 100),  « une brutalité qui se diffuse partout, une violence qui gangrène les actes, les paroles. Partout, avec tous et toutes » (p. 168), « chef de meute » (p. 162), « ont poussé à l’extrême un trait de personnalité qui était là depuis toujours » (p. 174), « il est par nature incontrôlable » (p. 175), « Jean-Luc Mélenchon n’a jamais voulu » (p. 247), « aujourd’hui, certains se disent que le résidu était déjà là, en lui, et que la vie politique a fait le reste » (p. 321), « mais Mélenchon a-t-il voulu jamais rassembler ? » (p. 324)…

* Des extraits d’entretien aux formules choc comme « un défilé nord-coréen », (p. 143), « ils sont comme lobotomisés » (p. 144), « du management toxique » (p. 157), « Mélenchon est un maltraitant qui créée des maltraitants » (p. 171)...

* Même des tonalités complotistes insistant sur un supposé cynisme permanent du personnage sont présentes en forçant le trait, telle que « Sciemment, il souffle le chaud et le froid, faisant semblant d’avoir oublié un prénom pour signifier la distance » (p. 155). Quand des témoignages d’anciens proches de Mélenchon viennent pointer le caractère progressif, à la manière d’une boule de neige, de l’enfermement autocratique, comme : « On a l’impression à notre échelle d’avoir chacun une petite responsabilité, d’avoir laissé passer des choses » (p. 130), un rabattement à pente complotiste intervient en fin de chapitre : « Et si c’était justement l’objectif ? » (p. 133)

* Le traitement du militant antiraciste et journaliste Taha Bouhafs est symptomatique : quand il est critique à l’égard de LFI, c’est parole d’Évangile (pp. 213-217) et quand, presque 100 pages plus loin, il est de nouveau du côté de LFI, sa parole est stigmatisée (pp. 311-312). Et cela sans que les deux passages soient mis en rapport.

Ces tendances sont toutefois trop peu souvent contrebalancées par des formulations nuancées comme : « une personnalité complexe, qui peut être tour à tout impitoyable et humain, brutal et séducteur, cynique et prévenant » (p. 174) ou « un homme fracturé » (p. 335). La narration essentialiste, qui gâche partiellement les données recueillies, se déploie comme un rouleau compresseur. Je suis rentré dans le livre très critique à l’égard de Mélenchon, échauffé par Complément d’enquête, et j’en suis ressorti moins critique à son égard, car trop c’est trop ! Face au manichéisme politicien tendanciel d’une partie des discours de Mélenchon et des dirigeants Insoumis, j’aurai souhaité autre chose qu’un manichéisme journalistique. Auteur d’une enquête sociologique sur LFI(12), Manuel Cervera-Marzal note avec justesse que La Meute nous en apprend autant sur les limites de formes dominantes de journalisme politique que sur LFI(13). Finalement, Complément d’enquête, en juxtaposant des témoignages d’anciens dirigeants et militants de LFI à visages découverts et la langue de bois d’autojustification politicienne de Mathilde Panot et de Manuel Bompard, nous informe de manière plus fine.

Les révélations successives sur le fonctionnement de LFI ont suscité un débat dans les milieux intellectuels de gauche. Je n’en retiendrai qu’une petite partie. Dès l’émission Complément d’enquête, le politiste Samuel Hayat a avancé sur son blog de Mediapart(14) : « plutôt que d'accuser LFI d'être une meute et Mélenchon d'être un gourou, il faudrait se demander pourquoi ces formes de militantisme sont fonctionnelles, adaptées tant au présidentialisme de la Ve République qu’aux logiques médiatiques et aux mutations de l’engagement militant ». Il met en évidence, partant, les effets réels de personnalisation et de centralisation politique propres aux institutions de la Ve République. Mais il tend, dans le même temps, à banaliser l’autocratisme hors norme présent dans le fonctionnement de LFI. Et quand il ajoute « face au manque de démocratie interne de LFI, il est profondément inefficace d’opposer le petit spectacle oligarchique de partis désormais pauvres en militant-es », il renforce, par la mise en équivalence, la normalisation des écarts illibéraux de LFI par rapport aux tendances effectivement oligarchiques des autres organisations politiques à gauche. Le politiste Philippe Marlière a alors eu raison de pointer là une sous-estimation de l’exceptionnalité autoritaire du fonctionnement de LFI : « Mélenchon est le seul dirigeant de parti français qui n’est pas élu, il s’autoproclame candidat à l’élection présidentielle, il coopte les cadres dirigeants, le mouvement comprend trois adhérents, le droit de tendance et de motion y est interdit et il prend seul les décisions politiques majeures. »(15)

Ce qu’il me semble important de souligner à propos de Complément d’enquête, de La Meute et des débats qu’ils ont suscités à gauche, c’est le constat d’une certaine tolérance à un illibéralisme quotidien chez les militants et les sympathisants de LFI d’abord, puis au-delà au sein de la gauche radicale et même au sein de la gauche modérée en quête d’alliances électorales légitimes face à l’extrême droitisation. C’est la menace des adversaires politiques, comme à l’époque des complaisances à l’égard du stalinisme, qui va souvent justifier le silence gêné par rapport à cet oubli pratique de l’héritage du libéralisme politique à gauche. La situation n’est toutefois pas simple : s’efforcer de faire converger les gauches constitue un appui utile face à une proche et probable victoire électorale du Rassemblement national et de ses alliés ; critiquer les diverses formes d’illibéralisme apparaît en cohérence tout à la fois avec l’horizon démocratique de l’imaginaire de gauche et avec l’opposition radicale à l’illibéralisme d’extrême droite. Souvent les rugosités du réel nous obligent à nous coltiner ce que le libertaire Pierre-Joseph Proudhon appelait « l’équilibration des contraires »(16).

À noter toutefois, frêle lueur dans le brouillard politique et militant constituant un appui par rapport aux glissements illibéraux à gauche, l’autocritique salutaire et rare du député ex-LFI Alexis Corbière dans La Meute :

« On a fabriqué une machine censée abolir la Ve République qui a empoisonné la vie politique, et c’est devenu le lieu de protection d’un homme. J’en suis en partie responsable. » (p. 131)

Si les deux journalistes y avaient prêté davantage attention pour bâtir leur récit, ils auraient essayé d’explorer la contribution des entourages politiques à l’enfermement autocratique, dans une logique relationnelle plus sociologique et socio-psychologique qu’uniquement psychologique, au lieu de se focaliser tendanciellement sur la seule malfaisance supposée de Mélenchon.

 

« c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
« c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

 

Le libéralisme politique, comme composante de l’héritage émancipatoire de la gauche

 

Le bref parcours que j’ai proposé à travers certaines faiblesses actuelles à gauche face à des actes illibéraux nous invite, a contrario, à réévaluer l’héritage du libéralisme politique de la gauche.

Qu’est-ce qui se dessine au sein de la tradition qu’on appelle aujourd’hui le libéralisme politique, des pionniers, comme John Locke (1632-1704) et Montesquieu (1689-1755), jusqu’aux contemporains comme John Rawls (1921-2002), en passant par Benjamin Constant (1767-1830), Alexis de Tocqueville (1805-1859) ou John Stuart Mill (1806-1873) ? « La thèse centrale du libéralisme peut se résumer en une formule : il n’existe pas de subordination naturelle des êtres humains et chaque individu est souverain et libre de décider pour lui-même face à toutes les autorités, morales ou religieuses, les pouvoirs, politiques ou autres, tous les despotismes qui voudraient le soumettre », répond la philosophe Catherine Audard(17). Rappelons, par exemple, que pour Montesquieu dans De l’esprit des lois, « c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. […] Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »(18)

À ses débuts, le mouvement socialiste, peu éloigné temporellement de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, va hériter d’une composante libérale au sens politique. Parmi les tous premiers textes politiques de Karl Marx, on trouve Débats sur la liberté de la presse et la publicité des délibérations parlementaires (mai 1842) et Remarques à propos de la récente instruction prussienne sur la censure (1843)(19). Le philosophe Jean-Christophe Angaut a mis en évidence quelque chose de similaire dans la branche anarchiste du socialisme :

« l’anarchisme, sous les différentes formes doctrinales et pratiques qu’il a revêtues, n’est pas une entité sui generis, étrangère au monde intellectuel européen, mais s’inscrit très précisément dans l’histoire des idées politiques occidentales, et plus précisément dans un double rapport de filiation et de critique du libéralisme politique » (20).

Cependant, les procès conservateurs contemporains contre les droits de l’homme ont tendu à brouiller l’héritage, comme l’ont montré les philosophes politiques Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère(21). Une des critiques conservatrices du libéralisme politique qui a eu le plus d’écho dans la dernière période, à gauche, à droite et à l’extrême droite, vient de la gauche : elle a été portée par le philosophe Jean-Claude Michéa, passé du Parti communiste au post-situationnisme, dans son livre L’empire du moindre mal de 2007(22). L’ouvrage de Michéa pose dès le départ la thèse de « L’unité du libéralisme » (titre du premier chapitre), en tendant à amalgamer le libéralisme économique et le libéralisme politique, celui du Marché et celui du Droit. Il a ouvert ainsi la voie aux critiques ultraconservatrices de la reconnaissance des droits individuels et collectifs au nom de la lutte contre la domination du marché. C’est dans cette perspective que le journaliste du Figaro Alexandre Devecchio a pu donner, dans un livre de 2016, le nom de génération Michéa (23) aux plus jeunes mobilisés lors "La Manif pour tous" opposée au mariage homosexuel (2012-2013).

Contre les critiques confusionnistes et ultraconservatrices actuelles du « libéralisme » confondant libéralisme politique et libéralisme économique, les gauches ont à retrouver, dans le sillage de Proudhon, de Marx, de Bakounine, de Jaurès ou de Rosa Luxemburg, la part libérale, au sens politique, de leur héritage. Rappelons toutefois que l’appropriation de cet héritage est critique, et cela sur au moins deux plans :

1) le libéralisme politique classique, comme le rappelle Catherine Audard, a « une conception de la nature humaine qui est individuée avant d’être sociale »(24), alors que la conception des gauches socialistes est relationnaliste, l’individu étant dès le départ inséré dans des relations socio-historiques ;

et 2) les droits individuels et collectifs ne sont qu’une composante de l’émancipation sociale.

Au sein du libéralisme, un « libéralisme social » va émerger au XXe siècle, incarné notamment par le philosophe pragmatiste américain John Dewey (1859-1952), en se rapprochant des conceptions socialistes de l’individu : « Sous l’influence de Hegel et de la sociologie naissante, donc, la reconnaissance de la nature sociale de l’individu est placée au cœur du "nouveau" libéralisme », note Catherine Audard(25). Les écrits politiques de Dewey confirment l’analyse d’Audard. Par exemple, dans un texte du 19 janvier 1935,  il avance que « L’individu du premier libéralisme est un atome newtonien dont les relations spatiotemporelles avec les autres individus sont toutes extérieures, tandis que chaque atome social est doté d’une liberté naturelle »(26). Ce à quoi il oppose justement « un libéralisme social »(27). Ce qui ne le conduit pas à abandonner pour autant la liberté, mais ce qui le pousse à la redéfinir, comme en écho à l’émancipation sociale des socialistes, via « l’idée d’une reconstruction continuelle des idées d’individualité et de liberté, ainsi que de leurs intimes connexions avec les changements des relations sociales »(28).

Relancer une gauche d’émancipation, comme alternative à moyen terme à l’extrême droitisation de la politique et à rebours de complaisances actuelles vis-à-vis de l’illibéralisme, supposerait donc de se réapproprier de manière critique l’héritage du libéralisme politique, dans le sillage de ses usages socialistes comme du libéralisme social de John Dewey. Si les gauches sont historiquement hybrides et en mouvement dans leurs composantes idéologiques, elles ne sont pas nécessairement confusionnistes, au sens d’interférences légitimant de manière soft des thèmes d’extrême droite. Les hybridations les plus stimulantes doivent demeurer encadrées par la boussole de l’émancipation sociale (29).

 

Notes

(1) Theodor Adorno, Dialectique négative [1e éd. : 1966], Paris, Payot, 1992, p. 286.

(2) Maurice Merleau-Ponty, Humanisme et terreur. Essai sur le problème communiste [1e éd. : 1947], Paris, Gallimard, collection « Idées », 1980, p. 68.

(3) Voir Philippe Corcuff, La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées, Paris, éditions Textuel, collection « Petite Encyclopédie Critique », 2021, et sur mon blog : « La grande confusion (1): meurs pas…la gauche », 15 mars 2021, et avec Philippe Marlière, « Dérives confusionnistes des gauches françaises », 17 septembre 2021.

(4) Voir Roman Krakovsky, « Les démocraties illibérales en Europe centrale », revue Etudes, n° 4259, avril 2019, pp. 9-22.

(5) Voir François Sureau, « L’Etat cherche toujours à réduire la liberté », entretien vidéo avec Fabien Escalona et Ellen Salvi, Mediapart, 10 octobre 2019, et « Discours de réception de M. François Sureau », site de l’Académie Française, 3 mars 2022.

(6) Voir Victoria Koussa, « Port de l’abaya : divisée sur son interdiction à l’école, la gauche a du mal à trouver le point d’équilibre », site de France Info, 29 août 2023.

(7) Voir le politiste Haoues Seniguer, « Il faut distinguer rigoureusement celles qui portent l’abaya de l’islam en tant que tel », site de La Croix, 12 septembre 2023.

(8) Voir la tribune collective intitulée initialement « Lettre ouverte aux organisations qui convergent au sein d’Urgence Palestine », retitrée « Dégageons l’antisémitisme du soutien au peuple palestinien », site de l’INRER, 18 juin 2024.

(9) Sur les apports et les limites de la pensée décoloniale d’origine latino-américaine et sur ses usages manichéens dans le cadre français, voir la vidéo du débat public organisé à Paris le 14 mars 2025 entre le sociologue Pierre Gaussens (coauteur du livre collectif Critique de la raison décoloniale. Sur une contre-révolution intellectuelle, Éditions l’échappée, 2024) et l’anthropologue Capucine Boidin-Caravias (une des premières introductrices en France des travaux décoloniaux latino-américains) sur le site de réflexions libertaires Grand Angle : https://www.grand-angle-libertaire.net/la-pensee-decoloniale-en-questions/.

(10) Voir Sarah Diffalah et Elisabeth Philippe, « Qui est Boualem Sansal, l’écrivain franco-algérien placé sous mandat de dépôt à Alger ? », site du Nouvel Obs, 26 novembre 2024.

(11) Rosa Luxemburg, La Révolution russe [manuscrit de 1918], repris dans Réforme sociale ou Révolution ? et autres textes politiques, Paris, Spartacus, 1997, p. 177.

(12) Manuel Cervera-Marzal, Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise, Paris, La Découverte, 2021.

(13) Manuel Cervera-Marzal, « La Meute, un livre qui nous apprend autant sur le journalisme que sur LFI », site AOC, 3 juin 2025 [sur abonnement, mais trois articles gratuits par mois si l'on donne son mail].

(14) Samuel Hayat, « Ce que les succès (et les critiques) de la France Insoumise révèlent de la situation », blog Mediapart, 7 mai 2025.

(15) Philippe Marlière, « La sociologie politique a-t-elle minoré la violence au sein de La France insoumise ? », site du Nouvel Obs, 11 juin 2025.

(16) Voir Philippe Corcuff, « Antinomies et analogies comme outils transversaux en sociologie : en partant de Proudhon et de Passeron », revue en ligne SociologieS, 2 novembre 2015.

(17) Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme ? Éthique, politique, société, Paris, Gallimard, collection « Folio essais », 2009, p. 29.

(18) Montesquieu, De l’esprit des lois [1e éd. : 1748], Paris, GF-Flammarion, 1979, livre XI, chapitre IV, p. 293.

(19) Karl Marx, Œuvres III. Philosophie, édition établie par Maximilien Rubel, Paris, Gallimard, collection « Bibliothèque de la Pléiade », 1982, pp. 138-198 pour le premier texte et 111-137 pour le second.

(20) Jean-Christophe Angaut, « Anarchisme et libéralisme : une démarcation », dans Jean-Pierre Pottier, Jean-Louis Fournel et Jacques Guilhaumou (éds.), Libertés et libéralismes. Formation et circulation des concepts, Lyon, ENS Éditions, 2012.

(21) Justine Lacroix et Jean-Yves Pranchère, Les droits de l’homme rendent-ils idiots ?, Paris, Seuil, collection « La République des idées », 2019.

(22) Jean-Claude Michéa, L’empire du moindre mal. Essai sur la civilisation libérale, Paris, Climats/Flammarion, 2007. Pour une critique, voir Philippe Corcuff, « Michéa et le libéralisme : un hommage critique »Revue du MAUSS Permanente, 22 avril 2009 ; à l’époque la discussion critique, argumentée et amicale, avec Jean-Claude Michéa étant encore possible ; le texte, bien qu’invalidant sa thèse centrale de « l’unité du libéralisme », pouvait alors se présenter comme un « hommage critique ».

(23) Alexandre Devecchio, Les nouveaux enfants du siècle. Djihadistes, identitaires, réacs : enquête sur une génération fracturée, Paris, Cerf, 2016, chapitre 3 « Génération Michéa », pp. 213-271.

(24) Catherine Audard, Qu’est-ce que le libéralisme ?op. cit., p. 29.

(25) Ibid., p. 294.

(26) John Dewey, « L’avenir du libéralisme » [1e éd. : 19 janvier 1935], dans Écrits politiques, traduits et présentés par Jean-Pierre Cometti et Joëlle Zask, Paris, Gallimard, 2018, p. 395.

(27) Ibid., p. 398.

(28) Ibid., p. 397.

(29) Sur des hybridations utiles à gauche avec des questionnements conservateurs afin d’intégrer des préoccupations écologistes actuelles, mais en demeurant dans un horizon émancipateur, voir Philippe Corcuff, « Le progressisme au défi du conservatisme », revue Pouvoirs. Revue française d’études constitutionnelles et politiques, n° 179, novembre 2021, pp. 81-89.

 

Quelques lectures complémentaires (textes de Philippe Corcuff) :

« Les traditions libérales et les gauches : pistes critiques en philosophie politique », blog Mediapart, 28 mai 2008

« De ʺBarbieʺ à l’abaya : résister à l’hanounisation et à la praudisation », site du Nouvel Obs, 19 septembre 2023

« Philippe Chanial : une lumière s’éteint dans notre brouillard », blog Mediapart, 20 décembre 2024

« Les manichéismes, la catégorie et l’individu : de "l’affaire de Bruay-en-Artois" à "l’affaire Julien Bayou-Sandrine Rousseauʺ », site du Nouvel Obs, 24 mars 2025

« Jean-Louis Moynot (1937-2025) : l’individualité émancipée comme avenir politique à gauche », blog Mediapart, 7 avril 2025

« Se désintoxiquer du ressentiment… Leçons pour la gauche, de Rosa Luxemburg à Zaz », site du Nouvel Obs, 14 avril 2025

. Avec Haoues Seniguer, « Crimes racistes et islamophobes, lutte contre "le frérisme" et culture du soupçon anti-musulmans », The Conversation, 3 juin 2025

« ʺDying for Sexʺ : le plan cul comme plan care », site du Nouvel Obs, 6 juin 2025 / https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2025/06/21/le-care-dans-tous-ses-etats-par-philippe-corcuff-sociologue-et-politiste/


Philippe Corcuff, sociologue, politiste, enseignant-chercheur, est professeur de science politique à l'Institut d'études politiques de Lyon, en Sciences Sociales à l’Université Paris Descartes et membre du laboratoire CERLIS (Centre de Recherche sur les Liens Sociaux, UMR 8070 du CNRS, Université Paris Descartes et Université Sorbonne Nouvelle).

Co-fondateur, directeur de la collection « Grands débats : Mode d’emploi » des Presses Universitaires de Lyon, après avoir co-dirigé la collection « Petite Encyclopédie Critique » des éditions Textuel (Paris). Il est également membre du Comité Scientifique International de la revue Sciences du Design, éditée par les Presses Universitaires de France.

Cet ancien chroniqueur de Charlie Hebdo (avril 2001-décembre 2004), co-animateur des universités populaires de Lyon et de Nîmes, engagé dans l'émergence d’une politique d’émancipation, a commencé son parcours entre la sociologie critique de Bourdieu et la sociologie pragmatique de Boltanski et Thévenot, avec un « background » marxiste, en explorant les terrains du syndicalisme et de l’action publique. Puis , il s’est orienté vers le domaine des sociologies de l’individu et de l’individualisme en explorant une théorie générale sur la place des individualités dans les sociétés individualistes et capitalistes contemporaines, associant sociologie empirique, relationnalisme méthodologique (en termes de relations sociales), théories sociologiques de l’individualisation moderne et contemporaine dans l’aire occidentale, anthropologies philosophiques (en amont) et philosophie politique (en aval).

Il est attaché au perfectionnisme démocratique, à l’expérimentation et à une démarche pragmatiste permettant de sortir des certitudes idéologiques et des schémas politiques traditionnels.

Philippe Corcuff est un contributeur du PRé.

 

Derniers livres parus :

Les Tontons flingueurs de la gauche. Lettres ouvertes à Hollande, Macron, Mélenchon, Roussel, Ruffin, Onfrayavec Philippe Marlière (éditions Textuel, 4 avril 2024)

- Les mots qui fâchent : contre le maccarthysme intellectuel, Philippe Corcuff, Alain Policar et Nonna Mayer (dir.) (Éditions de l'Aube, avril 2022, coll. "Monde en cours" - Essais)

La Grande Confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées (éd. Textuel, collection "Petite Encyclopédie Critique", mars 2021)

- Individualidades, común y utopía. Crítica libertaria del populismo de izquierda, préface de José Luis Moreno Pestaña, traduction et révision en langue espagnole de David J. Domínguez et Mario Domínguez (Madrid, Dado Ediciones, colección "Disonancias", 2020)

 

Derniers articles :  D’Annie Ernaux à The Batman : vengeance, ressentiment et émancipation au cœur de la gauche, site culturel AOC (Analyse Opinion Critique), 2023; Marx/Bourdieu : convergences et tensions entre sociologie critique et philosophie politique de l’émancipation, Afak For Sciences Journal (Université Ziane Achour à Djelfa, Algérie), 2023; Hay un futuro político para el "postfascismo"? Presentación de Corcuff, P. (2021). La grande confusion. Comment l’extrême droite gagne la bataille des idées, Revista Stultifera de Humanidades y Ciencias Sociales, 2022, 5 (2); L’intersectionnalité : entre cadre méthodologique, usages émancipateurs et usages identitaristes, Les Possibles, 2022, 32; Gauche : Lost in Conspiracy. De dévoiements «républicains» en dérives Insoumises, Lignes, 2022; Liberté/égalité avec Bakounine et Tocqueville, entre socialisme libertaire et libéralisme politique, Revue Politique et Parlementaire, 2022, 1104; Repenser l’universel face aux identitarismes concurrents. Le cas de la compétition entre combats contre l’antisémitisme et contre l’islamophobie dans la France d’aujourd’hui, Confluences Méditerranée, 2022, 121; Neocapitalismo, frustraciones e imaginarios. De una sociología crítica a una filosofía política altermundialista, Psicología, Educación & Sociedad (Universidad Autónoma de Querétaro, México), vol. 1, número 2, 2022; Des enfermements identitaristes à une politique de l’ouverture identitaire en contexte ultraconservateur et confusionniste, Revue du M.A.U.S.S., n° 59, 2022; Le progressisme au défi du conservatisme, revue Pouvoirs. Revue française d’études constitutionnelles et politiques, n° 179 : "Les clivages politiques", 2021.

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Commentaires: 1
  • #1

    Dominique LEVEQUE (mercredi, 25 juin 2025 14:08)

    Je crois malheureusement que les "impensés confusionnistes" n'épargnent en effet pas grand monde chez les dirigeants politiques actuels. Aucun signe faible ou fort en ce sens du côté du PS qui a tenu son congrès à la mi-mai, en mode "on ne refait surtout pas le même congrès" et qui se retrouve au final à jouer comme UN JOUR SANS FIN, prisonnier de la boucle temporelle qu'il a lui-même créée. Pas davantage du côté LR qui l'a tenu quelques jours après. Rien vu, non plus du coté de "la France humaniste" que De Villepin a lancé hier. Encore moins chez les chefs de LFI qui se la jouent au plus facile, au plus rapide - électoralement parlant - sur la ligne de "l'Oummanisme" pour reprendre un mot d'esprit de notre amie écrivain Elizabeth Antébi emprunté à je ne sais plus qui. Rien non plus côté congrès constitutif de l'"Après" qui s'est tenu la semaine dernière à l'initiative des Insoumis exclus de LFI. Je ne ferai pas davantage de commentaires côté EELV réunis en avril où les fracture idéologiques le disputent aux fractures stratégiques, les confinant à l'impuissance et à l'effacement au plan national. Navrant. Et que dire coté RN qui ont déjà tenu leur congrès en sept 2024 ?!