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ARMAGEDDON TIME, par Stéphanie Mesnier-Angeli


"Déjà la pierre pense où votre nom s’inscrit

Déjà vous n’êtes plus qu’un mot d’or sur nos places

Déjà le souvenir de vos amours s’efface

Déjà vous n’êtes plus que pour avoir péri..."

ARAGON


"L’Armistice 1918" , André Mare, Carnets de guerre

 

     

 

     Si le 11 novembre a longtemps célébré l'Armistice de 1918, l'hommage a été étendu en 2012 à tous les morts tombés pour la France. Et je me souviens de cette inscription, gravée sur la tombe d'un de ceux de 1914 : « Il a su défendre la terre qui le recouvre »...

 

   En cette journée particulière, écoutons les morts. Les alignements de croix blanches, les listes gravées sur les monuments, nous invitent à méditer sur notre impuissance à éviter les tragédies, notre talent à répéter les mêmes erreurs, sans rien apprendre des leçons de l'Histoire. Même cruauté des dictateurs, même dangerosité de certaines idéologies, même versatilité des peuples. Mais toujours, une poignée qui résiste et garde espoir dans le renouveau.

Et devant les stèles étoilées, rendons hommage au patriotisme des Français juifs qui, en 1917, conduisit Maurice Barrès à répudier définitivement son antisémitisme. Bien sûr, cela n'empêcha pas la flambée d'antisémitisme des années 30 ni la persécution des Juifs sous l'Occupation.

 

   C'est à une nouvelle flambée d'antisémitisme que nous assistons en Europe. « J'ai vu un piéton qui venait vers moi. Il m'a crié "Putain de Juif" et il m'a craché dessus », témoigne, dans Libération, un rescapé de ce qu'il faut bien appeler le « pogrom » d'Amsterdam. Durant cette « nuit noire », des violences en marge du match entre l’Ajax locale et le Maccabi Tel-Aviv ont fait 30 blessés. Le Premier ministre néerlandais a condamné des « actes antisémites totalement inacceptables ». Et « seule la mobilisation de 800 policiers a évité un bilan plus lourd » (Le Monde).

Le lendemain, à la Une de plusieurs journaux européens : « Une nouvelle nuit de cristal » (Il Foglio), «Un pogrom en Europe » (l'Opinione), « La nuit d'Amsterdam comme au temps de la Shoah » (La Repubblica), «Attaques antisémites à Amsterdam » (WSJ), «Répugnant ! » (De Telegraaf), etc.

Selon The Telegraph, le pogrom a été minutieusement préparé, 24 heures avant l'arrivée des supporters israéliens. Sur des boucles WhatsApp et Telegram, on pouvait lire, par exemple : «Demain, après le match, 2e partie de la chasse aux Juifs »« Qui s'occupe des explosifs ? »

En France, seule la gauche LFI a justifié ces violences. Alors que le communiste Fabien Roussel les condamnait sur X, la réponse de la députée insoumise Marie Mesmeur (par ailleurs compagne de Louis Boyard) a «provoqué un tollé » (Huff Post) : « Ces gens-là n'ont pas été lynchés parce qu'ils étaient juifs, mais parce qu'ils étaient racistes et soutenaient un génocide », a déclaré Mesmeur.

Le ministre de l'Intérieur, qui s'est engagé à ne « rien laisser passer », a saisi la justice (Le Parisien). Un autre député insoumis, Hadrien Clouet, a qualifié le ministre de « petite frappe fasciste ».

Qui aurait dit un jour que l'antisémitisme le plus vif viendrait des rangs de la gauche française ? Pas seulement celle qui siège dans l'hémicycle, mais aussi d'une partie de la gauche associative et culturelle, pour laquelle les juifs, assimilés à la politique de Netanyahou, constituent un punching-ball. Qu'est-ce qui a basculé pour que des étudiants pro-Gaza souillent la fac de Lyon III de tags antisémites, et y empêchent la venue de la présidente de l'Assemblée nationale, parce que juive ? « La situation est hors de contrôle » s'alarme Lyon Mag : actes de vandalisme, eau et électricité coupés, tags, menaces...

 

   S'il y a des soldats, aujourd'hui, qui savent ce que veut dire « mourir pour défendre sa patrie », ce sont bien les Ukrainiens dont le pays a été envahi, en février 2022, par la Russie. Ils ont tenu tête au tsar Poutine, incapable de « prendre Kiev en 3 ou 4 jours » comme il l'avait prévu, qui a dû appeler en renfort des soldats nord-coréens, et qui compte sur Trump et Musk pour « geler la guerre" et reprendre des forces. D'après le Washington Post, lors d'un entretien téléphonique avec Poutine, Trump s'est engagé à ce que la Russie conserve une partie des territoires conquis (environ 20% de l'Ukraine). Sur Instagram, Trump Junior a posté une vidéo pro-russe affirmant que Zelinsky « perdra son allocation » lorsque papa Trump prendra ses fonctions. Le chancelier allemand Scholz, lui, s'est dit « prêt à aider Trump pour le retour de la paix en Europe »(BFM).

(Au passage, quelqu'un pour se souvenir qu'en 2019, Trump, le faiseur de paix, a entériné le désengagement des Américains d'Afghanistan et donné les clés au talibans ?)

L'argent pour aider l'Ukraine est pourtant là, en Europe : 300Mds$ d'actifs russes dorment, gelés dans nos banques. Soit plus de 2 ans d'aide (FT). « L'Occident joue son avenir » (Courrier international). Le Kremlin mène une « guerre hybride contre l'Europe (...) multiplie les actions de sabotage, les tentatives d'assassinat et accentue la désinformation" (Le Monde).

 

   En Bref : Au lycée Condorcet de Limay (Yvelines), une prof a été menacée après un cours sur « l'Enfer dans la poésie », accusée de blasphème et menacée par des élèves (Marianne) - Selon une étude de l'association britannique St John Ambulance, 30% des hommes britanniques sont réticents à l'idée de pratiquer un massage cardiaque sur une femme par crainte d'être perçus comme « inappropriés » en touchant leur poitrine - En Allemagne, des supporters du Werder Brême ont déployé des banderoles : « Solidarité avec les victimes de la violence antisémite ! Levons-nous contre les pogroms. Plus jamais, c'est pour toujours ! » (20 Minutes). Et contrairement au PSG, le Werder Brême, lui, a gagné son match - Le Parquet de Paris a augmenté ses effectifs de +40% pour lutter contre le narcotrafic. Les sanctions contre les consommateurs vont être renforcées - Les émissions de jets privés ont explosé de 50% en 4 ans - L'Iran veut exclure Israël de l'ONU – Le Souvenir français est une association qui traque les voleurs qui font le trafic des plaques funéraires d'anciens combattants. Bravo.

Les ombres se mêlaient et battaient la semelle...

 


 

Stéphanie Mesnier-Angeli est journaliste, écrivain et romancière.

Auteur entre autres de Barnabé - Le Roman d'un chat  (Librinova, 2021), Tueuses mais pas trop (Fayard, 2015), Les Micros du Canard - avec Claude Angeli - (Editions Les Arènes, 2014).

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