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L'OBSCENE, par Elisabeth Antébi, écrivain


Elisabeth ANTEBI., écrivain, artiste de théâtre, historienne, qui fut journaliste magazines & télévision et enseignante, pétrie d'humanité qui regrette que l'on en fasse plus guère (d'humanités) s'intéresse depuis longtemps à la lexicologie et nous propose cet été un florilège de mots extraits de sa chronique "Génie de la Langue" écrits voilà une dizaine d'année. "L'obscène" inaugure la série.


Photo AP

   L'obscène est en vogue : scandale au Vatican - étalage des alcôves derrière un Conclave qui se voudrait plus secret comme le nom l'indique, cum clave, "sous clé". Une de magazine "d'opinion" sur une juriste hyper-féministe qui livre ses ébats avec un ex-futur-président immergé dans les marécages du sexe. Femmes à poil seins au vent pour protester contre Berlusconi. Hommes montrant leurs fesses dans une exposition de nus masculins, à Vienne. Hommes nus trainés par des femmes dans une Walkyrie jouée à la Bastille, à Paris ? Pourquoi cette déferlante ?

 

Et si tout cela n'était qu'un écran de fumée pour une civilisation que d'aucuns voudraient voir régresser au stade anal ?

Ce serait selon Freud, la période de fascination des matières fécales mais aussi de l'opposition à toute injonction, période liée au sadisme et à la névrose obsessionnelle selon d'autres analystes. En est-on si loin ?

Les obscena, c'est pour Suétone les parties viriles qui ont toujours paru moins gracieuses, dans leur étalage, que les féminines, plus cryptées. C'est aussi, pour Sénèque, tout simplement les excréments ? on n'y coupe pas. C'est vous dire que nous nageons un peu dans le cloaque, c'est-à-dire dans l'égout.

 

De l'égout au dégoût

 

L'obscène, pour Virgile et quelques autres, est avant tout de mauvais augure, il est sinistre. Il obscurcit un ciel vers lequel de toute éternité montent les âmes ou se tournent les regards pour rêver d'immensité.

Cela commence par l'appauvrissement du langage. Ainsi, un éditorialiste plutôt cultivé, produisant ce qu'on appelle à la télé un dossier de presse et parlant de la ruée sur la corne de rhinocéros qui aboutit à la disparition du pachyderme, a hésité sur un mot :

il a choisi de parler, à propos de cette corne, de ses vertus - quel mot ! ? non pas aphrodisiaques, mais « sexuelles » : il avait ouvert la bouche sur le « a » et s'était rendu compte que le mot n'était plus compris sans doute par son audience.

C'est tout dire ! Aphrodisiaque, manière feutrée de dire les choses, comme "péripatéticiennes" ou "dames de petite vertu" plutôt que ce "pute" unidimensionnel qui nous est aujourd'hui familier et que les enfants se jettent à la tête avec délectation dans les cours d'école.

 

Un zoo trop humain

 

Comble du genre : une dame jusqu'alors célébrée dans la presse intello comme chantre de la rébellion féministe et qui a toujours chanté la prostitution comme horizon de la femme [sic] publie dans le Nouvel Observateur des extraits d'un livre où elle nous balance les facéties sexuelles d'un ex-dirigeant politique. Elle lui donne le coup de pied de l'âne et célèbre le cochon décérébré en l'homme. Vacherie un peu « caca boudin », comme disent gracieusement les enfants, qui a soulevé les cris d'orfraie des bien pensants, dépassés par leur créature.

L'interjection "con" insultait déjà les femmes. On en est à "enc..." dont on ne voit pas, évolution des mœurs aidant, pourquoi diable ce serait une injure.

 

N.B : cet article a été initialement publié par Elisabeth Antébi dans "Le Petit Journal" (www.lepetitjournal.com/cologne) le 19-03-2013  dans le cadre de sa chronique "Génie de la Langue".


Spécialiste de l'image et de l'écrit, passionnée par la culture et les valeurs de notre héritage européen, par l'histoire qui permet de mieux envisager l'avenir, par la découverte de gens exceptionnels et humanistes, Elisabeth Antébi est historienne, docteur en histoire des religions, journaliste, écrivain, vulgarisatrice sciences et techniques et rédactrice-interprète de sketchs. Elisabetth Antébi s'intéresse à l'écologie depuis les années 70 et a même été amenée à beaucoup s'y investir. Elle a collaboré notamment avec la revue Sauvage.

Elle a mené entre autres un entretien marquant avec Philip K. Dick, ce géant des livres de science fiction, hors norme de par les sujets abordés dans ses livres (auteur de plus d'une soixantaine de nouvelles et de nombreux romans dont certains ont été portés à l'écran comme "Blade Runner" ou "Total Recall"). A Dusseldorf, elle ouvre le Salon de Madame Verdurin/Vert du Rhin. Elisabeth Antébi n’aime rien tant que de donner des conférences, écrire des livres, des articles, tourner des vidéos, participer à des DVD interactifs, créer, monter, regrouper, écrire, écrire, écrire. Elle est sur tous les fronts. En 2005, elle crée et lance le premier Festival Européen de Latin et de Grec avec Jacques Lacarrière et l'aide de Jacqueline de Romilly. Elisabeth Antébi retourne depuis quelques années au théâtre, une passion de jeunesse, et a donné en 2020 un "Seule en Scène" brillant et très humoristique consacré à l'impact des nouvelles technologies sur notre vie - amour, famille...

Elisabeth Antébi est membre du conseil scientifique du PRé.

 

Dernier livre paru :

- La Chatte à Puces au Village des Livres (éd. Maia, 2020)

 

Dernière contribution d'Elisabeth Antébi :

https://www.pourunerepubliqueecologique.org/2022/06/14/j-ai-vu-naitre-l-art-du-fake-par-elisabeth-antébi/

https://antebiel.com/

 

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