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POUR UNE ECONOMIE DE LA RECONCILIATION, de Jérôme Saddier, président du Crédit coopératif

 

   La critique (nécessaire) du néolibéralisme économique se présente trop souvent comme un rétrécissement de la pensée critique dans de larges secteurs de la gauche dite « radicale » ou même, pour une certaine part, au sein de la gauche plus traditionnelle. Comme le remarque le sociologue politiste et philosophe Philippe Corcuff dans son livre « La Grande Confusion », une quasi-théologie politique d’un Mal principal et unificateur nommé « néolibéralisme » a fini par affecter des secteurs importants de la gauche radicale ou autrement adjectivée, intellectuelle, associative, syndicale et politique, n’aidant guère à appréhender une pluralité de maux n’ayant au plus que des intersections et des interactions entre eux.

 

Le livre de Jérôme SADDIER vient à point nommé pour proposer aux Français, ainsi qu'à celles et ceux en charge de les représenter, une voie pour opposer à la privatisation du monde, à la marchandisation du vivant une politique de solidarité sociale, de droits pour tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, leur couleur de peau et leurs identités, une politique de démarchandisation, mais aussi de décarbonisation de notre société, de respect de la « biodiversité » (autrement mieux dit, de la diversité de la vie), une politique de la cura, du soin de l’autre, du don et des biens communs essentiels.

 

Le livre de Jérôme SADDIER, s'il nous fait mesurer en creux la longue marche, souvent laborieuse, souvent mal-comprise et souvent semée d'embûches de l'Economie sociale en France depuis l'ère quasi héroïque inaugurée en 1982 par Pierre ROUSSEL premier Délégué à l'Économie sociale (Ministère du Plan et de l'aménagement du territoire), a de quoi regonfler les ambitions et accélérer les réalisations. Il a de surcroît une haute portée pédagogique, non négligeable : il est susceptible de contribuer à mettre fin à l’extrême droitisation des débats publics en donnant à penser et à voir du positif.

 

S'il donne à voir une ambition, y compris par rapport à des défis très actuels comme la part que peut prendre l'ESS dans les enjeux de "la transformation écologique", jérôme Saddier qui brosse le portrait d'une  ESS "Fille des territoires" et "mère de bien des innovation présentes ou à venir", ne fait pas l'impasse pour autant sur les questionnements et difficultés de ce que l'on appelait dans les années 80 le "Tiers secteur". Ainsi la question de "changer d'échelle à tout prix ?" est abordée, comme celle de son financement et la nécessité de renforcer ses capacités financières en  la conjuguant avec son ADN qu'est "la gestion désintéressée". Jérôme Saddier ne cache pas davantage les débats internes à l'ESS "entre non-lucrativité et lucrativité limitée"  qui engagent d'autres explications de textes, cette fois avec les pouvoirs publics sur les incidences en termes de fiscalisation. Cette gestion désintéressée ne peut évidemment souffrir de son point de vue aucune appropriation privée, personnelle, de la valeur crée par les structures (entreprises et organismes) de l'ESS et impose notamment que "les fonds propres sont impartageables". Au fond, pour Jérôme Saddier , «  l'important et le constant sont là: l'ESS n'est pas compatible avec la spéculation, que ce soit sur les marchés ou dans les comportements.» Autre question évoquée et non des moindres : celle d'une meilleure reconnaissance par les pouvoirs publics, en France, comme en Europe, de l'ESS.

 

   « Pour une économie de la réconciliation » ouvre ni plus ni moins qu'une possibilité de réinvention sinon d’une gauche, qui

a oublié que le socialisme de Jaurès reposait sur trois piliers, parlementaire, syndical et coopératif, du moins d’un mouvement de progrès et d’émancipation, d'inspiration proudhonienne, notamment dans son idée "d'équilibration des contraires", mais terriblement actuelle dans son urgence et sa nécessité...

Dans les annexes de son livre, Jérôme Saddier qui croit plus que jamais que « l'ESS est politique, et que ce qui est politique appelle à l'action », en appelle à « l'élaboration et au partage de ce projet politique »( in Appel à tous ceux qui font l'économie sociale et solidaire "Pour que les jours d'après soient les jours heureux !", mai 2020).

 

DL


 

Jérôme SADDIER est un « réformiste radical » en ce sens qu’il est absolument convaincu qu'il y beaucoup de choses à changer dans notre société, « mais toujours par la voie de la réforme ».

Passé par des postes de direction dans le secteur mutualiste ces dernières années (MFP, LMDE, MNT, groupe VYV), il est aujourd’hui Président du Crédit coopératif. Il préside également la Chambre syndicale de l’Economie sociale et solidaire, dite ESS France, où il a succédé au Niortais Roger BELOT.  Il connait par ailleurs très bien le monde politique et les territoires pour s’y être engagé et pour avoir servi comme collaborateur parlementaire, puis ministériel ou encore comme directeur dans la communauté d’agglomération de Cergy Pontoise.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Dominique Lévèque (vendredi, 13 mai 2022 12:22)

    Notons qu'un débat est organisé autour du livre de notre ami Jerome Saddier le 24 mai de 18h à 19h30 au Musée social - CEDIAS (5, rue Las Cases, 75007 Paris). Il débattra notamment avec Olivia Grégoire, députée de Paris, ex-secrétaire d'Etat chargée de l'Economie Sociale, Solidaire et Responsable, Anne Mollet , DG de la communauté des entreprises à mission, Benoît Hamon, DG de SINGA Global, ex-ministre délégué chargé de l'Economie Sociale et Solidaire et de la Consommation et Fabien Bazin, Pt du Conseil départemental de la Nièvre.