Léo Cohen a été conseiller au cabinet de Barbara Pompili et de François de Rugy. Il connaît donc bien le sujet de l’écologie à l’épreuve du pouvoir (le sous-titre du livre) et livre quelques réflexions sur les blocages et la manière de les surmonter.
Un des constats initiaux repose sur le sentiment qu’ont eu la plupart des anciens ministres de l’environnement d’avoir été entravés dans leur fonction. Cela peut tenir à l’action de lobby, de ministères concurrents mais aussi à la personnalité du titulaire de la fonction. Léo Cohen étrille ainsi Nicolas Hulot qui n’a pas su comprendre les principes de solidarité, d’arbitrages et les jeux d’influence dans un gouvernement.
Pour l’auteur, ce travail sur les blocages est essentiel et selon son expression, les limites du pilote ne peuvent expliquer les défaillances du vaisseau. Tant que l’on n’aura pas engagé ce travail, les avancées ne pourront être que dérisoires sur le champ environnemental.
Le premier obstacle est celui du temps car les bénéfices de l’action excèdent largement le temps d’un mandat. Il pointe également la culture de la haute administration qui, avec une moyenne d’âge de près de 50 ans, n’a jamais reçu de formation à la question climatique. A l’inverse, les moins de 30 ans ne représentent que 2 % des emplois publics d’encadrement. Léo Cohen reprend ainsi la proposition de Thierry Pech et Pascal Canfin d’imposer une formation continue en matière écologique pour tous les dirigeants exerçant des responsabilités à fort impact environnemental. Dans l’idée de réduire l’influence des lobbys, il propose également de les obliger à publier sur une plate-forme en accès libre tout amendement qu’ils transmettraient au gouvernement ou au parlement.
Le livre contient des appréciations peu flatteuses envers les ONG environnementales. L’auteur cite l’exemple de la taxe carbone, soutenue par l’ensemble des ONG et qui demeurèrent totalement silencieuses sur le sujet dès le démarrage de la contestation des gilets jaunes. Selon lui, les ONG ont délaissé le champ de l’expertise et du dialogue pour se recentrer sur celui de l’interpellation et du combat. Le recours contre l’Etat pour inaction climatique est un révélateur du mouvement des ONG, il ne s’agit plus de collaborer mais de condamner : « Il y a eu un avant et un après l’Affaire du Siècle » (p. 115).
Le livre se termine par le témoignage de l’accompagnement de la Convention citoyenne qui fut selon l’auteur une occasion manquée. Le simple fait que les participants avaient attribué la note de 3,3/10 à leur perception de la reprise en compte de leurs propositions par le gouvernement, témoigne de ce qui restera pour l’auteur comme sa plus profonde désillusion. Sans doute faudrait-il fixer des objectifs moins ambitieux mais qui puissent être « plus rigoureusement tenus » (p.123).
Au final, un livre intéressant, sans grande révélation ni solution miracle, mais qui amène une réflexion sur l’écologie de gouvernement que l’auteur appelle d’ailleurs à dépasser pour ouvrir les perspectives d’un gouvernement de l’écologie.
800 JOURS AU MINISTERE DE L'IMPOSSIBLE - L'écologie à l'épreuve du pouvoir, de Léo Cohen, 144 p ( Ed Les Petits matins, collection Essais,
03-03-2022)
Thierry Libaert, spcécialiste en sciences de l'information et de la communication, collaborateur scientifique au Earth & Life Institute (UCLouvain Belgique) fait partie du conseil des membres du PRé et préside son conseil scientifique.
Conseiller au Comité Economique et Social Européen (CESE) dont il est le point de contact de la délégation française, il co-préside la Catégorie "Consommateurs et Environnement", est membre des sections « Environnement » et « Marché Intérieur » et est l’auteur du premier texte européen sur la lutte contre l’obsolescence programmée. Il est particulièrement investi sur les nouvelles modalités économiques de la transition écologique. Egalement démocratique en tant que membre du Conseil d’Orientation des Consultations Citoyennes sur l’Europe. il est aussi Pt de l’Académie des Controverses et de la Communication Sensible (ACCS) et administrateur de l’Institut des futurs souhaitables.
Thierry Libaert est l'auteur de plusieurs ouvrages de référence et et de plusieurs rapports.
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