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SONNET POUR SINOPE, par Pierre de Ronsard / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES


 

   Pierre de RONSARD (1524-1585) naquit et habita au Château de la Poissonnière dans le Vendômois.

 

Au 40e anniversaire de nos noces, avec Dawn, j’ai récité pour Madame (avec mes paroles en anglais) ce charmant sonnet de 1571 du « Prince des poètes ». Or nous voici au 55e ! et j’apprends que Ronsard, plus jeune, s’y était exprimé, au moins deux fois, d’un tout autre ton…

 

Dès 1555-1556, ce n’est plus à Cassandre, c’est à Marie qu’il dédie sa Nouvelle Continuation des Amours. Selon BELLEAU, appartenant lui aussi à La Pléiade, Marie serait bien ‘Sinope’, sobriquet qui indiquerait un mal à l’œil.

 

Pierre de RONSARD, Rémy Belleau, Jean-André De Baïf vantaient les poètes grecs et romains, contre Clément Marot et Mellin de Saint-Gelais.

 

 

 

 

 

Portrait de Ronsard, gravure au burin, Les Amours (éd. Septembre 1552)

On lit : ΩΣ ΙΔΟΝ ΩΣ ΕΜΑΝΗΝ, c’est Théocrite : ‘Comme je vis, comme je délirai’ : c’est une désespérée qui essaie des charmes sinistres pour regagner son amant.

Le grec en bas : (titre) ‘À l’image de Ronsard couronné de laure : (vers) Lui qui chante les œuvres de Vénus, l’arbre de Vénus le couronne ; au chansonnier de Vénus est apte de Vénus la guirlande – Baïf.’

 

 

Amours 2.42 Sonnet pour Sinope 1571

 

Si j’étais Jupiter, maîtresse, vous serìez

Mon épouse Junon; si j’étais roi des ondes,

Vous seriez ma Téthys, reine des eaux profondes,

Et pour votre palais le monde vous auriez :

 

Si le monde était mien, avec moi vous tiendriez

L’empire de la terre aux mamelles fécondes,

Et dessus un beau coche, en longues tresses blondes,

Par le peuple en honneur déesse vous iriez.

 

Mais je ne suis pas dieu, et si ne le puis être;

Le ciel pour vous servir seulement m’a fait naître.

De vous seule je prends mon sort aventureux.

 

Vous êtes tout mon bien, mon mal, et ma fortune;

S’il vous plaît de m’aimer, je deviendrai Neptune,

Tout Jupiter, tout roi, tout riche et tout heureux.

 

Sonnet pour Sinope par Ronsard jeune 1560

 

Si j’estois Jupiter, Sinope, vous seriez

Mon espouse Junon : si j’estois roy des ondes,

Vous seriez ma Tethys, royne des eaux profondes,

Et pour vostre maison l’Océan vous auriez.

 

Si la terre estoit mienne, avec moy vous tiendriez

L’empire de la terre aux mammelles fecondes,

Et, dessus une coche en belles tresses blondes,

Par le peuple en honneur deesse vous iriez.

 

Mais je ne suis pas Dieu, et si ne le puis estre :

Pour telles dignités le ciel ne m’a fait naistre ;

Mais je voudrois avoir changé mon bonnet rond,

 

Et vous avoir chez moi pour ma chère espousée ;

Tout ainsi que la neige au doux soleil se fond,

Je me fondrois en vous d’une douce rousée.

 

…en 1559…

 

Mais je ne le suis pas, et puis vous ennuyez

D’aymer les bonnets rons, gras troupeau de l’Eglise.

Ah ! vous ne sçavez pas l’honneur que vous fuiez,

 

Ny les biens qui cachez dedans ce bonnet sont.

Si l’amour dans le monde a sa demeure prise,

Il ne la prit jamais que dans un bonnet rond.

 

 

 

 

 

Sonnet for Sinope

 

Lady, if I were Jupiter, you’d be

Juno my spouse; or if I ruled the main,

You would be Tethys, Ocean’s mighty queen,

And all the world your royal court would be.

 

Were the world mine, as lords of ev’ry land

The milk-fed, teeming empire we would share;

You’d go in splendid coach and tresses fair,

Honoured by all, a goddess in command.

 

 But I’m no god, and god I cannot be,

Solely to serve you, heaven nurtured me;

On you depends my lucky venturing.

 

You are my good, my ill, and my fortune:

If you will love me, I’ll become Neptune,

And Jupiter, rich, happy and a king.

 

Sonnet for Sinope by young Ronsard 1560

 

Lady, if I were Jupiter, you’d be

Juno my spouse; or if I ruled the main,

You would be Tethys, Ocean’s mighty queen,

And all my flood your royal court would be.

 

Were the world mine, as lords of ev’ry land

The milk-fed, teeming empire we would share;

You’d go in splendid coach and tresses fair,

Honoured by all, a goddess in command.

 

But I’m no god, and god I cannot be,

For no such glory heaven nurtured me;

I’d gladly change my round black hat divine,

 

And take you for my wife, and live with you;

And like the snow that melts in sweet sunshine,

Into yourself I’d melt, a soft sweet dew.

 

…in 1559…

 

But I’m not that: and you don’t think it’s fun

To love round hats, and churchmen all well-rounded.

Ah! if you knew the honour that you shun,

 

And all the good things hidden in this bonnet!

If ever in this world Love’s home was founded,

It was in such a hat. Depend upon it !

 

 Translation: Copyright © Timothy Adès



Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian.

Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les "Chantefables" de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Adès est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : " Alfonso Reyes, Miracle of Mexico " (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant " (Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, les poèmes de Desnos avec les versions de Timothy Adès.

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