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LUTTE ANTI-RACIALE OU L’ART DE COMBATTRE SA SILHOUETTE ! par Augustin Codja, enseignant

Augustin Codja : " Je n’ai pas été artisan de ma naissance et c’est ce que j’en fais qui m’importera quand j’en aurais fait le bilan "


 

 

Il n’y a personne ! C’est le complexe d’Adler.

 

 

 

Les générations vont pâtir de ces luttes. Ne refaisons pas l’histoire mais utilisons là pour bâtir un avenir digne pour nos enfants. Je refuse de participer à cette nouvelle forme de ségrégation qui ruinera à coup sûr l’avenir des enfants métis et ceux nés dans la diaspora. 

 

Quand je fais cette évocation, on dit de moi que je suis « traite », que je ne suis « pas assez Noir », que je ne suis « pas fier de ma couleur de peau » ou encore ailleurs que je ne suis qu’un « sombre idiot ! »

 

Oui ! J’accepte d’être pris en étau entre le marteau et l’enclume. Je ne sais pas comment on peut être fier d’une situation qui nous a été imposée d’office dès notre naissance. La couleur ne va quand même pas déterminer nos actions et nos pensées. Je suis né avec une couleur et je la porte, c’est tout ! Les chiens naissent chien et les loups, loup et les Hommes humains !

 

Je voudrais le dire vertement, non ! Je ne suis pas fier d’être Noir et je n’aurais été fier d’aucune autre couleur d’ailleurs. Je suis né et c’est tout !

 

Je n’ai pas été artisan de ma naissance et c’est ce que j’en fais qui m’importera quand j’en aurais fait le bilan. 

 

Grand bien vous fasse donc, vous éclairés et intelligents qui pensez pouvoir révolutionner le monde dans une vengeance chromatique qui n’a en réalité de sens que pour vous seuls. Pour vous qui soignez des failles existentielles qui minent l’égo. Pour vous qui n’arrivez à trouver l’essence de votre vie que dans la couleur de votre peau ! Chapeau ! Moi, je n’en suis pas capable.

 

Néanmoins, je prends pour un compliment vos injures parce qu’elles ont le mérite de me placer loin de ceux qui recherchent la haine et veulent mettre le feu à ce pays la France. Je prends également pour un compliment, la reconnaissance de ma perception du monde. Merci donc de considérer que j’ai toujours porté en moi la perspective d’un monde apaisé qui se départira un jour de toutes ces guerres picrocholines. Nous ne savons même plus contre qui ou contre quoi nous nous battons. C’est pourquoi nous allons chercher dans les poubelles de l’histoire la justification de vos luttes. Pendant ce temps, la génération montante fait des bêtises ; elle attend que nous lui tracions le chemin de sa destinée. Elle a été biberonnée à un combat qui n’est pas le sien.

 

En classe avec mes élèves, il nous arrive de disséquer la situation. Ce qui se passe est grave. Certains jeunes sont déjà endoctrinés dans les élans vengeurs qui nuisent à leur propre stabilité. Leurs difficultés personnelles, ils les inscrivent dans la souffrance de leurs ancêtres dont les couleurs et les gênes sont pourtant bien lointaines. Nous les avons piégé, comment les en sortir ?

 

Votre rage détruira nos enfants et in fine ne vous rapportera rien. Ceux que nous armons, les générations montantes, finiront avec les mêmes complexes et vont se battre comme nous contre le vent. Ceci n’est pas un vœu, c’est une conviction !

 

De toute façon, le monde s’est déjà trop profondément engagé dans une dynamique interculturelle qu’il sera difficile de renverser. Aucun coin du monde, aucun pays ne s’est établi sans les apports les autres. Nos destins sont déjà trop mêlés pour que nous cherchions aujourd’hui à les défaire. Nous sommes si attachés par les liens de la mondialisation que nous faisons actuellement partie du même fagot.

 

Dans nos histoires, fussent-elles douloureuses, il y a du sang et de la sueur des gens venus d’ailleurs. Les Noirs ont apporté aux Blancs et les Blancs aussi. Rares sont les pays qui n’ont jamais été occupés et pourtant il faut bien sortir de cette situation.

 

A cet égard, je suis donc fier de conduire avec certains, sans contrat de couleur, des projets interculturels pour sans cesse, rechercher la façon de réduire les inégalités entre les hommes, de briser les murs pour bâtir des ponts afin de favoriser l’épanouissement et les libertés, faire en sorte que les humains se tiennent par la mains. 

 

Si votre but n’est pas celle-là, j’accepte alors d’être affublé de tous ces noms que vous me donnez. Dans ce cas, ne commencez non plus vos messages par «mon frère», j’en ai d’autres et eux ils le sont vraiment !

 

L’Afrique va encore avoir besoin du reste du monde et vice-versa. La période du COVID-19 nous a démontré que seule, personne n’est à l’abri. Nos destins sont tellement imbriqués qu’une maladie qui se transmet par le contact s’est diffusée dans le monde entier. Notre monde a été pétri, je le disais, par le sang et la sueur de tous les peuples. Il y en a déjà eu assez de coulé !

 

Aujourd’hui, les seules guerres qui vaillent encore la peine d'être menées sont celles déterminées mais apaisées contre les inégalités, celles qui apportent la liberté. C’est aussi celle qui détonne dans le présent pour éclabousser les générations futures de suaves couleurs qui feraient pâlir l’arc-en-ciel.

 

Donc aux Noir rageurs, rangez vos dents ; elles ne mordront que vos enfants. En plus il n’y a pas de combat universellement mélanocentré. Les Américains ne se battent pas pour les Noirs, ils se battent pour les « Afro-américains ». Ils se battent pour être reconnus chez eux dans leur pays. Les Noirs d’Asie connaissent à peine les Africains. La diaspora ne se bat pas pour l’Afrique, elle se bat pour des raisons économiques et sociales dans ses pays d’accueil. Les Africains ne se battent pas pour les Noirs, ils se battent pour le développement de leur continent. D’où alors sa source cette rivière belliqueuse ? Je ne vois pas de Noir unis pour un même combat. Je ne vois pas non plus la persistance  de dispositions étatiques raciales, au pas dans la constitution française. Peut-être des déviances individuelles et des déséquilibres intrinsèques. Alors, au lieu de déverser des arguments ancestraux pour justifier des situations actuelles, revenons au présent pour faire en sorte qu’il n’y ait plus ce type d’exploitation.

 

Aux Noirs qui cherchent à refaire l’histoire, je dis donc que c’est trop tard ! Reculer vos montres si vous le souhaitez mais le temps ne va pas pour autant faire un retour. Cherchez à construire, à éduquer vos enfants dans l’acceptation de l’autre. Montrez-leur comment transformer un mur en pont.

 

Aux Blancs en panique, à ceux qui refusent de porter le poids des actions ancestrales, n’ayez pas peur ! Agissez pour le bien commun. Oui ! Il est tentant de reculer vers notre instinct bestial quand nous nous sentons agressés ou oppressés dans notre propre pays. On sait, vous n’avez personnellement pas eu d’esclaves, vous n’avez fouetté personne, nous n’avez colonisé personne et vous aspirez à vivre paisiblement chez vous, dans « votre pays ». Rassurez-vous, la vague va passer. Il n’est nullement nécessaire de contre-attaquer. La pluie qui tombe mouille certes mais elle porte la promesse d’une belle récolte. La barque tangue mais elle ne coulera pas.

 

J’accepte de paraître mièvre, être taxé de vendu mais au moins on ne m’achètera qu’en monnaie de paix.

L’humanité a besoin d’une nouvelle résonance.

 

VIVONS ENSEMBLE !


 

Augustin Codja est enseignant en Économie, Droit et Sciences de Gestion.

C'est un spécialiste par ailleurs des politiques et du management du développement africain, également journaliste pigiste en presse écrite et TV. 

Ancien juge assesseur auprès du Tribunal des Affaires de la Sécurité Sociale.

Il préside l'association La Fraternité centrafricaine.

Augustin Codja est un contributeur du PRé.

Dernier article publié  : "En Afrique, la laïcité à la croisée  des chemins ? " le 15 juin 2018

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