· 

GUERRE ET ENVIRONNEMENT, LE CAS SYRIEN, Note présentée par Mathilde Jové

Résumé

 

Les conflits internationaux qui éclatent dans certaines zones du globe depuis plusieurs décennies présentent des caractéristiques hélas bien connues : ils causent d’évidentes souffrances humaines, abîment durablement, quand ils ne les détruisent pas complètement, les économies et les infrastructures et posent des problèmes politiques et diplomatiques, ainsi qu’une multitude de questions éthiques. A cela s’ajoutent des conséquences tout aussi destructrices au plan social et environnemental.

 

Si aucun conflit ne fait exception depuis l’histoire de la guerre, il est indéniable que les avancées technologiques et les nouvelles armes utilisées lors des affrontements les plus récents ayant éclaté au cours des deux derniers siècles sont d’autant plus destructrices qu’elles engagent des moyens extrêmement nocifs pour l’environnement. Armes chimiques, bombardements intempestifs, destruction d’infrastructures médicales… tous les moyens semblent désormais permis pour détruire l’adversaire.

 

La Syrie, depuis le début des affrontements en 2011, n’est pas épargnée.

 

Plus de 350 000 morts et un chaos indicible qui se prolonge depuis lors, avec un impact sur l’ensemble de la région MENA (Moyen-Orient et en Afrique du Nord).

Le paysage est dévasté, les ruines s’accumulent et les terres sont laissées à l’abandon. A la tragédie et aux dégâts humains causés par la guerre, aux conséquences sociales qui touchent au logement, à la santé, à la scolarité, au travail, à la nourriture, à l’alimentation en eau s’ajoutent l’aridité et la sècheresse qui ont commencé à frapper la région au début du XXIe siècle, et qui rendaient déjà difficiles les conditions de vie pour les populations locales. La zone en général, autrefois connue pour son activité agricole relativement productive, ne peut plus être travaillée. De nombreuses études scientifiques s’interrogent notamment sur l’impact des conflits Afghans et Irakiens sur les perturbations écosystémiques de la région Moyen-Orient ces dernières années. Des répercussions liées au conflit syrien sont également à prévoir à l’échelle régionale, voire continentale.

 

                 Les conditions climatiques et environnementales du paysage syrien avant le conflit constituent déjà à elles-seules, un marqueur inquiétant quant à l’avenir écologique, et donc humain, du pays. Les villes sont extrêmement polluées, notamment à cause des milliers de moteurs diesels qui arpentent les rues des grandes villes chaque jour. La qualité de l’air est extrêmement mauvaise, principalement dans les zones industrielles de la zone côtière (Tartous, Banyas, Lattaquié), et dans les Midlands (Hama, Homs). A ce problème de pollution, s’ajoute la question de l’eau. Le pays, et la région en général, font face à une grave pénurie d’eau depuis bientôt deux décennies qui handicape tant les récoltes agricoles que la consommation des particuliers. Les eaux de surface et souterraines sont souillées, et contaminées par des agents pathogènes, suite à l’absence de réglementation concernant les produits chimiques utilisés dans le secteur agricole. Il n’existe aucun contrôle de qualité, et la plupart des réseaux hydrauliques sont détournés ou mal exploités. Les moyens sont inappropriés et ne permettent pas aux ressources naturelles de se régénérer. L’état des lieux du territoire syrien avant le conflit est donc déjà relativement alarmant et nécessite une mise à niveau des réglementations nationales et des contrôles plus fréquents de l’utilisation des outils agricoles de gestion des eaux. Il en est de même avec les problèmes de pollution, qui doivent nécessairement être encadrés par une action plus affirmée de la part des pouvoirs publics et politiques. Le conflit qui sévit en ce moment-même ne va faire qu’aggraver tous ces facteurs défavorables à l’environnement syrien.

 

Les prévisions scientifiques de la situation post-conflit sont d’ailleurs particulièrement préoccupantes. Outre les problèmes qui toucheront bientôt les différents écosystèmes des terres syriennes, les conséquences sociales et sur la santé publique s’annoncent relativement lourdes. Les populations locales sont de plus en plus touchées par les maladies chroniques, et notamment pulmonaires. En parallèle, d’anciens maux d’un autre temps refont surface, tels que la poliomyélite, qui se propage chez les populations les plus vulnérables.

 

Si les problèmes de pollution sont un facteur important de cette crise sanitaire, les conséquences de la guerre ne sont pas étrangères à cette situation pour autant. L’utilisation d’armes chimiques est un vecteur indéniable de la croissance des maladies pulmonaires dans la région. Plus généralement, le conflit provoque des états généralisés de malnutrition, de conditions de vie insalubres, et surtout, ne permettent pas aux personnes malades de recevoir leurs soins.

 

La plupart des hôpitaux et maisons de santé ont été détruits durant les affrontements. Loin d’être des dommages collatéraux, ils sont généralement volontairement pris pour cibles par les troupes de Bachar Al Assad et les « rebelles ». Ce sont des endroits clés qui, une fois détruits, assurent la vulnérabilité des adversaires. Cette instabilité dans le domaine de la santé fait fuir les médecins internationaux et ne permet pas aux volontaires de prodiguer les soins nécessaires aux patients. De la même façon, beaucoup d’enfants ne peuvent être vaccinés comme ils devraient l’être en temps normal, d’où la propagation de virus mortels que l’on croyait vaincus.

 

                Des crises agricoles et sanitaires de grande envergure sont donc à prévoir. Si les prévisions scientifiques ne peuvent être à ce jour que spéculatives, les cas de l’Afghanistan et de l’Irak permettent toutefois d’anticiper un peu les dégâts. Les deux pays doivent aujourd’hui essuyer les conséquences directes de l’insécurité alimentaire induite par ces crises agricoles, et qui sont entre autres, des crises migratoires non-négligeables. Le risque en Syrie est le même : voir les populations évacuer les lieux et recommencer ailleurs, à défaut de pouvoir compter sur un soutien important de la part des pouvoirs publics quant à leur réinsertion professionnelle, notamment en ce qui concerne les populations liées au domaine de l’agriculture.

 

Une fois le conflit terminé, l’environnement et la santé publique doivent nécessairement s’ériger comme priorité absolue des dirigeants locaux et internationaux. La communauté internationale semble déjà s’alarmer quelque peu de la situation et tente d’anticiper la reconstruction du paysage syrien. Mais là encore, les relations politiques et diplomatiques vont devenir le facteur déterminant de ce processus. Les pays autorisés à intervenir et à financer la reconstruction du pays seront probablement sélectionnés en fonction des relations entretenues avec le prochain dirigeant en place, et non sur des critères de bonne gouvernance, comme on pourrait l’attendre de la part d’un gouvernement qui doit faire face à une situation aussi délicate. Et qui composera ce gouvernement ? Bachar Al Assad sera-t-il, à la fin du conflit, toujours le Président Syrien ? On ne peut qu’espérer que la personne qui prendra la tête du pays aura à cœur de prendre les meilleures décisions possibles concernant la préservation de l’environnement syrien et la reconstruction du paysage. En Irak par exemple, on observe que les mesures prises pour l’environnement ne sont généralement que le fruit de rares initiatives individuelles et citoyennes et ne s’intègrent pas du tout dans la politique générale du gouvernement en place. Il en faudra probablement bien plus pour que la Syrie puisse un jour espérer renaître de ses cendres. La communauté internationale est assez divisée en ce qui concerne l’avenir politique du pays. Si les Etats-Unis envisagent une continuité du pouvoir actuel, l’Union Européenne, quant à elle, est catégorique : le gouvernement doit être remplacé impérativement. Les acteurs responsables de la future reconstruction vont donc devoir travailler dans un contexte particulièrement difficile et instable.

 

Ces actions de politique publique vont notamment passer par la mise en place de directives adaptées aux différents secteurs : urbains et ruraux. Le ramassage des déchets, par exemple, fait partie intégrante de la gestion de l’environnement et doit être mis en place en zone urbaine en priorité. Les déchets s’accumulent, et s’ils ne sont pas tout simplement abandonnés dans les villes, certains Syriens décident de s’en débarrasser eux-mêmes en les brûlant. Cette pratique dégage alors des fumées particulièrement dangereuses et polluantes. La gestion des ordures est d’ailleurs un problème qui a tendance à s’exporter avec les pollutions migrantes. Au Liban, par exemple, les camps de réfugiés syriens sont devenus des décharges publiques. Des initiatives citoyennes de la part de la population libanaise sont mises en place pour contrer ce phénomène et permettre aux locaux de vivre en harmonie avec les réfugiés. Le mouvement en question communique notamment sur les réseaux sociaux grâce au hashtag « #YouStink ».

 

La gestion des déchets en Syrie n’est pas un problème isolé et doit être envisagé au sein d’une préoccupation plus large qui est celle de l’organisation environnementale et sociale des villes et des zones habitées par les populations. Cette action, pour être efficace, doit être menée par les pouvoirs publics et ne peut en aucun cas être déléguée à de simples actions individuelles qui mettent en péril la qualité de l’air, à travers les feux d’ordures par exemple, mais aussi les rapports entre citoyens.

 

             En définitive, l’impact environnemental du conflit syrien représente une menace extrêmement préoccupante. Les conséquences en sont parfois déjà visibles pour ce qui concerne la santé publique des populations locales, l’urgence de la gestion des décombres, ainsi que l’insécurité alimentaire. Malheureusement, les mesures les plus efficaces ne pourront être prises qu’à l’échelle gouvernementale et à condition que les acteurs politiques en charge acceptent d’injecter les fonds nécessaires à la reconstruction, de mettre en place les politiques publiques indispensables, et d’autoriser l’intervention d’une aide humanitaire pour les zones les plus précaires.

Télécharger
Guerre et environnement, le cas syrien.p
Document Adobe Acrobat 1.2 MB

Écrire commentaire

Commentaires: 1
  • #1

    mehdi (mardi, 14 janvier 2020 18:59)

    merci,un tres bon article