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RADICALEMENT SOCIAL-ECOLOGISTE, par Dominique Lévèque

Ce matin, aucune amertume, une certaine satisfaction (notamment en termes de renouvellement, de rajeunissement, d'avancée vers la parité avec 245 femmes en tête dans leur circonscription à l’issue du 1er tour des élections législatives, en termes également de rupture avec la professionnalisation de la politique), même si j’ai le socialisme mélancolique, suis triste pour nombre de mes amis et camarades de jeunesse, quelques-uns de mes aînés, et inquiet par le manque de participation de nos concitoyens qu’il s'agit maintenant de corriger lors du 2° tour en appelant à la mobilisation .
Mais radicalement optimiste pour la social-écologie.
Le marxisme hétérodoxe et plus récemment le messianisme laïcisé de Walter Benjamin m’ont servi, à maintes occasions, de matériaux mélancoliques de réflexion, en association avec les trois autres figures historiques qui ont jalonné mon parcours politique et intellectuel depuis mes années lycée : celles d’Auguste Blanqui, de Joseph Proudhon, de Karl Marx. Avec quelques-autres de mes amis qui cultivent une certaine fidélité d'échanges politiques, je me suis efforcé cependant de distinguer la nostalgie passéiste de « la mélancolie romantique » aux ouvertures sur l’avenir de « la mélancolie classique », « révolutionnaire ». J’ai souvent pensé que les voix et les voies recouvertes, oubliées, des vaincus d’hier pouvaient resurgir au cœur du présent afin de nous aider à débloquer un avenir que les conservateurs (Et de droite Et de gauche !) croient fermé à jamais (« la fin de l’Histoire », « le capitalisme, horizon indépassable de notre temps », le « oui à l’économie de marché, non à la société de marché », etc.).
Mon pari mélancolique date de 1999, s’est affirmé depuis 2002 et s’est consolidé à partir de 2010. Une sorte de « pari raisonné » face à l’incertitude historique, qui a trouvé quelques résonances avec la philosophie politique de Maurice Merleau-Ponty, vers lequel mon ami Philippe Corcuff m’a aiguillé à partir du milieu des années 90. C’est ainsi que j’ai été amené à faire le choix de l’« inéluctabilité du pari », d’un pari obligé, bien qu’incertain, sur le possible. Chemin faisant, sous les coups des interrogations du même Merleau-Ponty, d’un Bourdieu et de quelques autres, je me suis éloigné de la seule référence marxiste. Je tentais de prospecter des contrées plus adjacentes. Avec la volonté de me forger une philosophie pratique, une praxis concrète, vivante, attentif à ce en quoi ces explorations pouvaient enrichir mon approche initiale et augmenter la gauche.
C’est ainsi que je me suis mis entre parenthèses du PS depuis la fin des années 90, pour finalement m’en éloigner doucement, me suis retrouvé en jachère de la politique active jusqu’en 2010, et me suis surpris à rejoindre EELV (à l’issue du congrès d’unification d’Europe écologie de Dany Cohn Bendit et du parti des Verts), sous l’amicale pression de quelques camarades de jeunesse étudiante qui se sont crus autorisés à me prescrire une potion thérapeutique (sic !) J’ai cofondé ensuite le parti écologiste (LPE) avec François de Rugy, mes amis Guillaume Vuilletet et Gilles Sohm, et plusieurs autres, après avoir claqué la porte de ce qui était devenue la « Firme » de Cécile Duflot et de ses affidés.
Les enjeux et le défi de la transition écologique m’ont fourni l’occasion et le carburant du pari mélancolique, mais raisonné que j’ai choisi alors de prendre. Tout en essayant de rester vigilant contre les risques réels de ma propre démarche, des brouillages de ma boussole, les écueils croisés de la fermeture dogmatique et de l’éclectisme confus. Cela n’a pas été facile, ce fut même la plupart du temps difficile et ça le reste (sic !) Mais j’ai résolument choisi la confrontation inévitable avec l’incertitude, acceptant de ne pas pouvoir toujours trancher avec mes amis dans nos dialogues, entre leurs sentiers balisés et mes pérégrinations tâtonnantes. Au point qu’après avoir voulu croire en l’aventure de la Belle Alliance populaire, j’ai été amené à faire le pari là-aussi raisonné de la candidature Macron lors de la présidentielle. Soutenant au 1er tour des législatives une amie écolo candidate dans mon 20° arrt à Paris et me résignant à voter pour la candidate PS de ma circonscription de toujours à Niort (malgré son entêtement à poursuivre dans le sillage d’un Benoit Hamon impuissant et, de mon point de vue, trop peu collectif, et malgré son erreur à persister à se poser comme l'héritière de l’ancienne titulaire du poste, ex-maire PS de Niort, celle-là même qui a précipité ma ville natale dans les bras de la droite à la grande surprise de cette dernière).
Je souhaite maintenant que les fragilités collectives et individuelles nous apprennent à toutes et à tous l’humilité, loin de l’arrogance des gardiens des temples, des rénovateurs trop pressés, des pseudo-radicaux seulement confusionnistes, des conformistes de l’anticonformisme ou des marionnettes des modes successives.
Je peux me tromper bien sûr, mais personnellement j’ai choisi de rompre avec l’idée d’un projet à venir, j'ai choisi d’opposer un présent revalorisé à un futur dévalué. Car je considère qu’il peut y avoir de l’existence, au présent, du sens maintenant, pas demain.

Dominique Lévèque est secrétaire général du PRé.

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