Diner-débat avec Thierry Libaert, universitaire, conseiller scientifique de l'Université catholique de Louvain, membre du Comité de Veille Écologique de la Fondation Nicolas Hulot et du conseil scientifique du PRé,
le 10 novembre 2015
SUR LES DERNIERES CONCLUSIONS DU GIEC ET SES ENJEUX POUR LA COP21
& Les nouvelles luttes sociales et environnementales
Les luttes sociales et environnementales se sont profondément modifiées ces dernières années et une forte professionnalisation des modes d’opposition s’est mise en place. Les réseaux sociaux notamment ont fortement impacté les types de lutte ; ils ont permis à des associations traditionnelles comme Greenpeace d’amplifier leurs actions à l’exemple des combats en 2010 contre Nestlé ou plus récemment contre le partenariat Lego/Shell qui engendra 6 millions de « vu » de la vidéo dénonciatrice de Greenpeace. Cela permet aussi à des associations moins connues de mieux faire connaître leurs combats comme l’illustre la réussite de l’association L214 qui a su sensibiliser l’opinion publique à la cruauté dans les abattoirs en diffusant des vidéos sur la réalité de la condition animale dans ces lieux.
Le digital a fortement modifié les modes de combat et cela s’observe à plusieurs niveaux.
• Celui des outils, en élargissant les moyens traditionnels, à l’exemple des pétitions en ligne,
• Celui de la tonalité, par le recours à l’humour à la parodie, la dérision,
• Celui de la durée, car les actions sont plus courtes et visent l’aspect visuel,
• Celui de l’organisation, puisque cela permet à des structures très légères de lancer et de réussir leurs oppositions,
• Celui des modes d’action, où sont recherchées les actions spectaculaires, à l’exemple de l’action des Femen.
L’impact du digital sur les conflits sociaux et environnementaux ne peut se réduire à la vision instrumentale d’un outil supplémentaire qui apparaîtrait d’autant plus attrayant qu’il serait moderne. Les termes du débat sont légèrement plus complexes puisque le digital questionne la nature même du collectif à l’œuvre dans la majorité des luttes.
Le digital produit un engagement militant plus faible tant sur la durée de l’action que sur son intensité même. Par le simple fait de « liker », il atomise la contestation et en modifie les fondements par l’usage de leviers d’action où l’émotion se place en paramètre dominant. Ce militantisme paresseux (slacktivisme) n’est pas à condamner, car il peut sensibiliser des publics modérés et les conduire à un engagement plus important par la suite. Il reste que cette segmentation extrême des luttes challenge la notion de collectif que portaient les associations traditionnelles, celles-ci se trouvant de plus écartées entre une contestation digitale et atomisée d’un côté, et de l’autre une montée des radicalités illustrée par les modalités d’actions des zadistes. C’est donc un profond renouvellement des modes d’action et au-delà du secteur militant traditionnel qui est à l’œuvre et dont les conséquences risquent d’être majeures sur notre vision du « collectif ».
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