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LE RECIF DE CORAIL par José-Maria de Hérédia / Timothy Adès


LE POST POETIQUE DOMINICAL DE TIMOTHY ADES

Timothy Adès nous offre deux très beaux poèmes du grand José Maria de Hérédia. Administrateur de la Bibliothèque de l'Arsenal (1901). - membre de l'Académie française (élu en 1894), José Maria de Hérédia est connu pour être un des maîtres du mouvement parnassien; il fondera la Société des Poètes Français. Son poème fameux Les Conquérants sonne encore aux oreilles des petits et des grands : " Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal / Fatigués de porter leurs misères hautaines / De Palos de Moguer, routiers et capitaines / Partaient, ivres d’un rêve héroïque et brutal..."


 

 

 

   Ce n'est pas seulement pour leur beauté que l'on essaie de sauver les coraux.

Environ le quart des poissons du monde y trouvent leur abri et leur nourriture : c'est donc notre récolte marine qui est menacée. D'ailleurs ils protègent les côtes, ils servent aux pêcheries locales...

 

Voici Le Récif de corail, ce beau poème de José-Maria de Hérédia (1842-1905), poète français né à Santiago de Cuba, grand maître surtout du sonnet.

 

Son œuvre poétique est constituée d’un unique recueil publié, « Les Trophées » comprenant 118 sonnets qui ambitionnent de retracer l’histoire du monde.

 

Le récif de corail

 

 

Le soleil sous la mer, mystérieuse aurore,

Éclaire la forêt des coraux abyssins

Qui mêle, aux profondeurs de ses tièdes bassins,

La bête épanouie et la vivante flore.

 

Et tout ce que le sel ou l’iode colore,

Mousse, algue chevelue, anémones, oursins,

Couvre de pourpre sombre, en somptueux dessins,

Le fond vermiculé du pâle madrépore.

 

De sa splendide écaille éteignant les émaux,

Un grand poisson navigue à travers les rameaux ;

Dans l’ombre transparente indolemment il rôde ;

 

Et, brusquement, d’un coup de sa nageoire en feu

Il fait, par le cristal morne, immobile et bleu,

Courir un frisson d’or, de nacre et d’émeraude.

 

 

 

The Coral Reef  

 

Sun under sea, the mysterious aurora,

lights up abysses and forests of corals

mingling in depths of their warm-water basins

creatures resplendent, ebullient flora.

 

All that the salt or the iodine colours,

moss, hairy seaweed, anemones, urchins,

covers, in sumptuous designs of deep purple,

beds of the madrepore’s worm-patterned pallor.

 

Quenching his scales that are fiery enamels

comes a big fish moving clean through the branches,

lazily browses in shady transparence:

 

suddenly whisking his fin pyrotechnic,

makes the blue motionless lack-lustre crystal

thrill to the pearl-gleam, the gold, the smaragdine.

 

 

        Translation: Copyright © Timothy Adès


 

Vidéos :

 

Hérédia, Le récif de corail : voix excellente de Jean Marchat :

https://www.youtube.com/watch?v=GyK3kDp__VI

 

Deux vidéos au sujet du sauvetage des coraux :

https://www.youtube.com/watch?v=Q3d9LpiXuIw

https://www.youtube.com/watch?v=jKyXIEp2uwU

 

Un hommage à Jacques-Yves Cousteau :

https://uk.video.search.yahoo.com/yhs/search?fr=yhs-Lkry-SF3&hsimp=yhs-SF3&hspart=Lkry&p=jacques+cousteau+recifs+de+corail#id=0&vid=c4a591e04d2af44e97e37ae634d9e9e1&action=click

 

Une oeuvre d’humour de son fils Jean-Michel Cousteau :

https://www.youtube.com/watch?v=nEvwsrHZNZE

 


Et voici un autre poème très touchant de Hérédia : ‘Le lit’. Par hasard ma traduction anglaise suit exactement la formule des rimes, abba abba : ce qui se trouve très rarement dans les deux cent cinquante sonnets que j’ai traduits. Dans la langue anglaise, les voyelles se combinent dans une trop grande gamme de sons, donc les rimes sont difficiles : mais en éliminant la lettre E comme chez l’Oulipo, et comme je l’ai fait pour les 154 sonnets de Shakespeare, ça devient plus simple !

 

LE LIT

 

Qu’il soit encourtiné de brocart ou de serge,
Triste comme une tombe ou joyeux comme un nid,
C’est là que l’homme naît, se repose et s’unit,
Enfant, époux, vieillard, aïeule, femme ou vierge.

Funèbre ou nuptial, que l’eau sainte l’asperge
Sous le noir crucifix ou le rameau bénit,
C’est là que tout commence et là que tout finit,
De la première aurore au feu du dernier cierge.

Humble, rustique et clos, ou fier du pavillon
Triomphalement peint d’or et de vermillon,
Qu’il soit de chêne brut, de cyprès ou d’érable ;

Heureux qui peut dormir sans peur et sans remords
Dans le lit paternel, massif et vénérable,
Où tous les siens sont nés aussi bien qu’ils sont morts.

 

 

 

 

THE BED

 

 Whether ’tis hung with serge or with brocade,

 Sad as a tomb or happy as a nest:

 Here we are born, unite, and take our rest,

 Child, husband, greybeard, crone, young wife, or maid.

 

 Marriage or death, by holy water sprayed

 Under the dark cross, or by branches blessed,

 Bed is our last lair and our earliest,

 From dawn till final candle-light must fade.

 

 Snug, plain and rustic, of rough oak-beams made;

 Cypress, or maple, gallantly arrayed,

 A proud pavilion, painted gold and red;

 

 Happy who, casting fear and care aside,

 Sleeps in his father’s massive, good old bed,

 Where all his own were born, and all have died.

 

         Translation: Copyright © Timothy Adès



3° vignette : portrait de Louise Despaigne, épouse de José Maria de Hérédia (1885), conservé au Musée d'Orsay.


Timothy Adès est un poète traducteur-britannique, spécialiste de la versification, des rimes et des mètres, en français, espagnol, allemand et grec. Fin connaisseur, entre autres, de Victor Hugo, Louise Labé, Robert Desnos, Jean Cassou, Georges Pérec, Alberto Arvelo Torrealba, du poète vénézuélien des Plaines, du mexicain Alfonso Reyes, de Bertold Brecht et de Sikelian. Il a aussi réécrit les Sonnets de Shakespeare en évitant la lettre e et a écrit une longue poésie n’utilisant aucune voyelle, sauf le e.

"Ambassadeur" de la culture et de la littérature française, il est le premier à avoir traduit les Chantefables de Robert Desnos en anglais. Lauréat des Prix John Dryden et TLS Premio Valle-Inclán.

Timothy Ades est membre du conseil scientifique du PRé, co-animateur de la rubrique Tutti Frutti.

 

Derniers ouvrages parus : "Alfonso Reyes, Miracle of Mexico" (Shearsman Books, 2019). Bilingual Spanish/English, "Robert Desnos, Surrealist, Lover, Resistant "(Arc Publications, 2017) : 527 pages, bilingual text, his poems with my versions.

Timothy Adès | rhyming translator-poet

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